02/04/2011
Chronique de week-end : l'énigme de l'extase
Pour cette chronique de week-end, retour sur une exposition tenue en début d'année dans la chapelle du Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Denis. Ernest Pignon-Ernest y présentait "Extases" ou le mystère des mystiques. Elles se nomment Hildegarde de Bingen, Marie-Madeleine, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Marie de l'Incarnation, Thérèse d'Avila et Mme Guyon. Elles meurent de ne pas mourir.
On les dit mystiques et tentant par l'extase d'échapper à leur corps, qui du coup peut s'exposer sans choquer en la Chapelle, puisqu'il s'agit de sortir de ce corps, de se désincarner pour s'incarner en Dieu. C'est du moins ce qu'on leur fait dire. Il vaudrait mieux les écouter. Hildegarde par exemple, qui dit exactement l'inverse : "O homme, tu as en toi le Ciel et la Terre, fais de ce monde un Ciel sur la Terre".
Mais alors les corps ne seraient pas l'idée, ils seraient bien là, présents, et la chair extatique incarnerait la jouissance du corps en ces instants d'abandon où le plaisir et la douleur peuvent s'assembler pour porter le corps non pas hors de lui-même mais au plus profond de lui-même. Ne vous y trompez pas, toutes ces femmes regardent vers l'intérieur et ne deviennent universelles qu'en allant au bout de leur passionnelle singularité.
Parole de Thérèse : "Ce qui importe avant tout, c'est d'entrer en nous même pour y rester seul avec Dieu". Dieu est un ami, et même plus. Marie de l'incarnation, dans ses prières, appelle Jésus "mon bien aimé".
Peut-on faire plus incarné que Catherine de Sienne qui affirme : "Tu es ce qui n'est pas. Je suis ce que je suis". Ces femmes là n'ont pas le mysticisme étéré que l'on voudrait leur prêter. Elles sont charnellement et spirituellement présentes à la sensation que leur corps ne fait pas qu'exprimer mais vit pleinement. Ces femmes ont toute connaissance et le revendiquent. Angèle de Foligno : "le premier pas est la connaissance du péché ; par elle, l'âme craint fort d'être damnée en enfer. En ce pas, l'âme pleure amèrement". Corps et âmes donc, bien sur, mais en pleine conscience de l'abandon et du plaisir de la sensation physique de l'amour comme forme ultime de la connaissance.
22:29 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : extases, ernest pignon-ernest, peinture, dessin, saint-denis, exposition, énigme, mystique, sainte-thérèse
27/11/2008
Corps et âme
La santé physique et mentale du salarié a fait son entrée dans le Code du travail en 2002. Par cette formule duale, le législateur entérine la division dont l’occident ne peut se départir entre corps et esprit ou matériel et spirituel. Les médecins du corps, en France, ne sont pas les médecins de l’âme. Cette dichotomie binaire nous vient de Platon et a ensuite été généralisée par la doctrine chrétienne. Elle imprègne durablement nos modes de pensées et représentations.
Pourtant les médecins savent aujourd’hui que la remise en état du corps après un accident ou une maladie ne met pas fin aux séquelles et qu’un état dépressif a des répercussions physiques majeures. La distinction entre santé physique et santé mentale au mieux a peu de sens et au pire nous conduit sur des fausses voies en matière d’appréhension des risques professionnels.
Lorsque le Bernin représente le visage transfigurée de Sainte-Thérèse, soumis à la fois à la douleur lorsque l’angelot lui arrache du cœur la flèche et à l’extase mystique générée par l’amour de Dieu, il nous offre l’image d’une fusion totale des sens, du corps et de l’esprit. On pourra disserter entre ceux qui voient la douleur ou le plaisir sur le visage de Thérèse, mais nous pourrons nous accorder sur le fait que l’émotion ressentie ne différencie guère le corps et l’esprit. Catholique Le Bernin ? oui, bien sur…et plus moderne au XVIIème siècle que le législateur du XXIème.
03:39 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : santé mentale, risques psychosociaux, bernin, sainte-thérèse, santé physique, risques professionnels