Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/09/2012

Promeneur d'exception

On le regarde passer avec retenue. On irait volontiers lui serrer la main, et le remercier. Mais la discrétion de l'homme impose la réciproque sans que cela ne fasse vraiment débat. Alors on le regarde passer. La silhouette est voutée, le pas un peu traînant. Une poche bleue ballote dans le dos. En haut des marches, l'homme redresse sa stature. En face de lui le Panthéon, il était en première ligne en 1981, à sa gauche le Sénat qui fût son dernier mandat d'élu, devant lui les fleurs de l'été qui rechignent à s'effacer et profitent des dernières douceurs. On a connu des passages à l'automne moins verdoyants aux frondaisons. Le crépuscule attendra, pour l'heure on peut s'abandonner aux charmes de l'instant. Très court instant car sans que la vivacité du regard n'en soit entamée, dans les yeux du passant le passé est très présent.

DSCF1279.JPG

Il y a de l'émotion à voir Robert Badinter traverser lentement le jardin du Luxembourg. Sourire aux enfants, rester anonyme aux adultes. Qui aime le droit aime, en principe, les principes. Et plus que d'autres, que beaucoup d'autres, Robert Badinter connait la valeur des principes et d'un particulièrement. Celui que la communauté a besoin de droit commun. Et pas de droits d'exception. Que le droit est fait pour rassembler et qu'il faut toujours privilégier la volonté de conserver à la règle son caractère général et ne pas cèder à la tentation du particulier, de la règle d'opportunité, de circonstance ou de reconnaissance des particularismes. La dignité de chacun est d'être traité comme les autres. Ce promeneur du soir là le sait bien qui n'a eu de cesse lorsqu'il était au pouvoir de faire abolir les lois spéciales et supprimer les tribunaux d'exception. On aurait bien besoin, encore, de Robert Badinter. Car un homme attaché à ce point aux principes, de nos jours, c'est vraiment une exception.