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24/09/2012

Promeneur d'exception

On le regarde passer avec retenue. On irait volontiers lui serrer la main, et le remercier. Mais la discrétion de l'homme impose la réciproque sans que cela ne fasse vraiment débat. Alors on le regarde passer. La silhouette est voutée, le pas un peu traînant. Une poche bleue ballote dans le dos. En haut des marches, l'homme redresse sa stature. En face de lui le Panthéon, il était en première ligne en 1981, à sa gauche le Sénat qui fût son dernier mandat d'élu, devant lui les fleurs de l'été qui rechignent à s'effacer et profitent des dernières douceurs. On a connu des passages à l'automne moins verdoyants aux frondaisons. Le crépuscule attendra, pour l'heure on peut s'abandonner aux charmes de l'instant. Très court instant car sans que la vivacité du regard n'en soit entamée, dans les yeux du passant le passé est très présent.

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Il y a de l'émotion à voir Robert Badinter traverser lentement le jardin du Luxembourg. Sourire aux enfants, rester anonyme aux adultes. Qui aime le droit aime, en principe, les principes. Et plus que d'autres, que beaucoup d'autres, Robert Badinter connait la valeur des principes et d'un particulièrement. Celui que la communauté a besoin de droit commun. Et pas de droits d'exception. Que le droit est fait pour rassembler et qu'il faut toujours privilégier la volonté de conserver à la règle son caractère général et ne pas cèder à la tentation du particulier, de la règle d'opportunité, de circonstance ou de reconnaissance des particularismes. La dignité de chacun est d'être traité comme les autres. Ce promeneur du soir là le sait bien qui n'a eu de cesse lorsqu'il était au pouvoir de faire abolir les lois spéciales et supprimer les tribunaux d'exception. On aurait bien besoin, encore, de Robert Badinter. Car un homme attaché à ce point aux principes, de nos jours, c'est vraiment une exception.

Commentaires

N'y a-t-il pas paradoxe entre le "caractère général de la loi" cher à Badinter, et auquel vous semblez également tenir, et la décision quant à "l'exception culturelle de la corrida", sorte de reconnaissance d'un certain "particularisme" ?

Écrit par : Yannick | 25/09/2012

Un paradoxe vu du Nord, car au Sud ce n'est pas une exception culturelle, mais le Sud même. La culture du taureau vient de Crète et irrigue tout le bassin méditerranéen et notamment les pays de langue d'oc. Il ne s'agit en aucun cas d'un particularisme local, qui relèverait du folklorique, de l'anecdotique ou de la survivance, mais d'un référent profond. Je vous rappelle que c'est le taureau qui enlève Europe. Difficile de faire plus général et plus actuel.

Mais c'était bien essayé.

Bien cordialement

jpw

Écrit par : jpw | 25/09/2012

Ca se discute (c'est le but même du débat) ; toute activité, aussi ancestrale et solidement ancrée soit-elle dans un territoire aussi large soit-il, peut être amenée, par l'évolution des mentalités, à ne plus être admise par la force des lois...

Écrit par : Yannick | 27/09/2012

Cher Yannick,

Bien évidemment la loi peut interdire demain ce qu'elle autorisait hier. Et s'il y avait une loi d'interdiction de la corrida, le Conseil constitutionnel jugerait certainement qu'elle ne contrevient à aucun principe et ne limite aucune liberté fondamentale.

Mais il s'agissait surtout d'expliquer le fondement de la décision : non pas simplement une pratique ininterrompue car ce serait justifier le présent par le passé ce qui n'a guère de sens, mais l'inscription dans un ensemble plus vaste qui forme une culture. Et le souci de préservation de cette culture taurine justifie que l'on en accepte l'une des composantes. Car si l'on supprimait la corrida, on supprimerait bien plus que cela. C'est pourquoi les arguments qui ne portent que sur la corrida ne sont pas entendus par le juge.

Mais comme vous le savez, souvent juge varie.

Cordialement

jpw

Écrit par : jpw | 27/09/2012

Merci pour ce joli texte.
Juste une petite correction : silouhette -> silhouette

Écrit par : Thibaut | 05/10/2012

Merci à vous cher Thibaut pour votre commentaire et pour la correction : je pensai avoir fait la modification, mais apparemment elle n'a pas été enregistrée. J'y retourne...

Écrit par : jpw | 05/10/2012

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