30/03/2011
Un léger doute
Au plan des principes, les solutions sont imparables. Logiques en droit, cohérentes dans le raisonnement, juridiquement argumentées, les décisions adoptées par la Cour de cassation dans une série d'arrêts en date du 2 février 2011 s'inscrivent de surcroît dans le droit fil de décisions antérieures. Rigueur et constance sont au rendez-vous. De quoi s'agit-il ? du licenciement d'un salarié d'un casino sur la base d'enregistrements vidéos de ses agissements par les caméras fonctionnant en permanence dans l'établissement ou encore du licenciement pour faute grave d'un salarié qui tient des propos injurieux à l'encontre de son employeur dans le cadre d'un échange par mail avec un collègue ou encore d'un mail envoyé par un salarié à son épouse avec quelques remarques peu amènes pour l'employeur, auquel le mail est transféré par erreur.
Dans tous les cas, les principes sont respectés : le salarié était informé de la présence des caméras, les mails ont été écrit sur le lieu de travail, pendant le travail avec un matériel professionnel et ils n'étaient pas identifiés comme personnel. Rien à redire donc. Et pourtant, un léger doute. Le sentiment diffus, mais tenace, que tout ceci n'est pas satisfaisant et que le droit est un pudique paravent masquant une société de la surveillance, de la traçabilité, du contrôle permanent, du mythe de la transparence où chacun pourrait avoir accès à tout ce qui s'échange, se dit, s'écrit, se fait. Un monde sans répit et sans repos. Un monde inhumain donc.
Filmé en permanence, lu dans tous ses échanges, tracé dans ses circulations sur le net, géolocalisé dans son véhicule, écouté dans ses conversations téléphoniques, le salarié est dans la position du prisonnier dont on éteint jamais la lumière dans sa cellule. Observable à tout moment, il perd sa vie privée et ne peut que déchoir de sa condition. Comparaison trop sévère, excessive, caricaturale ? peut être. Mais il fut un temps où le débat, y compris juridique, portait sur le salarié citoyen dans l'entreprise et où la liberté était conçue comme une autonomisation de chacun au profit de tous. Que le débat s'exerce aujourd'hui sur le terrain du contrôle permanent des salariés sans que le juge ne se prononce en référence à ces principes de citoyenneté dans l'entreprise, de vie personnelle qui peut être présente au travail et de la folie qui consiste à exiger une transparence totale des individus n'est pas bon signe. En être réduit à conseiller aux salariés de gratifier leurs mails d'un énorme MESSAGE PERSONNEL est une défaite de l'éthique et des relations entre les individus. Car elle consacre la bascule irréversible dans un monde de défiance, ou chacun est suspect par principe et doit se méfier de tous. Une société policière donc. On souhaiterait, pour qu'il n'en soit pas ainsi, que le juge se souvienne qu'il est le garant des libertés et que les entreprises prennent quelques engagements dans le domaine sans que le droit n'ait besoin de les y contraindre. Et sur la possibilité que les choses évoluent en ce sens, on aimerait ne pas avoir un léger doute.
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29/03/2011
Calendrier toulousain
Vite et bien = deux fois bien. Mais dans le Sud, on aime souvent prendre son temps et tous les arguments sont bons pour avoir des calendriers longs. La décision aurait-elle été la même au nord de la Loire ? la Cour de cassation nous le dira peut être si les recours nous mènent jusque-là. Mais nul doute que les représentants des employeurs n'encourageront pas Carrefour à faire appel, de crainte qu'une jurisprudence ne s'établisse en ce domaine. Mais de quoi s'agit-il donc ? d'une décision du TGI de Toulouse qui estime que lorsqu'un licenciement collectif est de nature à impacter la santé des salariés, il doit être soumis au CHSCT avant toute consultation du comité d'entreprise. Sacrés juges toulousains.
Raymond Moretti - Toulousains
A vrai dire, cela devait finir par arriver. Depuis quelques années, la jurisprudence ne cesse, en s'appuyant sur une définition extensive de la santé au travail, d'étendre le champ d'intervention du CHSCT. Entretiens annuels, systèmes de rémunération, programmes de gestion de la performance...la liste est longue des sujets qui doivent être soumis au CHSCT préalablement au CE. En jugeant pour la première fois que le CHSCT devait être consulté en amont du CE s'il est établi qu'un plan de cessation d'activité a un impact sur la santé des salariés, difficile d'ailleurs qu'il n'y en ait pas, le juge fournit en tous cas aux représentants du personnel une magnifique perche pour rallonger les calendriers. Car voici l'employeur tenu de rajouter à la double consultation du CE sur le projet et sur ses conséquences sociales, une troisième consultation, préalable d'ailleurs aux deux premières, sur l'impact que le projet peut avoir sur la santé des salariés, ainsi que sur les mesures que l'entreprise compte prendre pour minorer cet effet. Pour les salariés toujours quelques semaines ou mois de gagnés. Pour l'entreprise, du temps perdu. A chacun son calendrier, et pour tous celui du juge.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : licenciement, chsct, comité d'entreprise, procédure de licenciement, santé au travail, travail, santé, carrefour, toulouse, toulousains, moretti, droit du travail
28/03/2011
Yes Week-end !
Le garçon de café travaillait en semaine. Et cela lui convenait fort bien. Cela durait depuis dix ans. Et cela lui convenait fort bien. Son nouvel employeur lui demanda de venir travailler le dimanche. Cela ne lui convenait plus du tout. Et il ne vint pas. S'arrachant à sa condition de garçon de café tel que le décrit Sartre, il décide d'éprouver sa liberté et continue à travailler en semaine. Le licenciement pour faute grave ne tarde pas, ni le contentieux. La Cour d'appel donne raison à l'employeur : les horaires relèvent de l'autorité de l'employeur et un café est autorisé à ouvrir le dimanche, promu au rang de jour ordinaire. Ce raisonnement ne satisfait pas la Cour de cassation qui censure la décision : le garçon de café avait bien droit à son week-end.
Qu'invoque la Cour pour se prononcer ? le fait que le salarié qui en a régulièrement bénéficié ne peut être privé du repos le dimanche. En d'autres termes, la Cour de cassation a considéré que la pratique ininterrompue du travail en semaine, bien que ne figurant pas dans le contrat, n'en était pas moins contractuelle. Et oui, le droit est ainsi fait : on trouve dans le contrat des informations non contractuelles (la mutuelle ou la convention collective par exemple) et en dehors du contrat des clauses contractuelles non écrites. Voilà qui ne facilite guère la lecture des contrats, mais permet de préserver ses week-ends. Yes !
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dimanche, travail, droit du travail, droit, jurisprudence, garçon de café, contrat de travail, modification du contrat
26/03/2011
Chronique de week-end : l'énigme du hasard
Les surréalistes définissaient le hasard comme la manifestation extérieure d'une nécessité intérieure. Autant dire qu'il ne nous arrive que ce que nous sommes prêt à accueillir. L'état de disponibilité, ou non, dans lequel on se place, est la source naturelle du hasard.
En ce premier week-end de printemps, soleil en bandoulière, la rue nous invite et nous attend. Vous pourrez y croiser Miss Tic.
Il n'est pas nécessaire de suivre le conseil et de s'assurer contre le hasard, par contre vous pouvez vous demander si ce regard si vite arrivé est le votre ou celui qui se porte sur vous. Belle gambade à tous.
10:36 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : miss tic, rue, hasard, surréalisme, printemps, énigme
25/03/2011
PUB !
Myriam promettait d'enlever le haut le 2 septembre, et le bas le 4 septembre. Ce qui fut fait. Elle n'a rien promis pour le 8 septembre, aussi je me permets de lui faire une suggestion. Le 8 septembre 2011 s'ouvrira la 2ème promotion du Master 2 Responsable Formation, organisée en partenariat entre l'Université d'Evry et DEMOS.
Le Master est organisé en alternance pour permettre d'articuler l'exercice d'activités et le suivi d'enseignements. Il se déroule de septembre 2011 à décembre 2012.
Pourquoi un Master 2 de Responsable Formation ? parce que l'activité de Responsable Formation est un vrai métier, qui fait appel à des compétences diversifiées et des exigences d'un niveau toujours plus élevé (voir présentation jointe).
Pourquoi celui-ci ? parce que l'on peut se former de manière très professionnelle tout en prenant du plaisir et en réalisant des travaux, dont le mémoire, valorisables dans le cadre de ses activités professionnelles.
Le maillot de bain est-il indispensable ? ce n'est pas une condition d'accès, comme vous pourrez le vérifier dans la plaquette jointe.
Et pour tout renseignement complémentaire : willems.consultant@orange.fr
Bon week-end ensoleillé à tous.
10:12 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : master, responsable formation, formation, ressources humaines, demos, université, evry
24/03/2011
Tartuffes
Si le ridicule tuait, on se demande qui nous gouvernerait. L'Assemblée nationale vient d'adopter une résolution officielle, datée du 22 mars et publiée au journal officiel, pleine de martialité, de bonnes intentions et de rappel de tous à nos devoirs. Le thème ? l'égalité entre les femmes et les hommes. Nos députés font oeuvre utile : ils commencent par rappeler que la loi doit être respectée. Saine injonction. Ils continuent en se félicitant des lois qu'ils ont votées : nous n'oublierons pas de les en remercier. Et ils terminent en rappelant qu'une volonté politique sans faille doit accompagner la lutte contre les inégalités. Sont visés par leur rappel à l'ordre : les entreprises, les hommes, les familles et.....et c'est tout. Du politique nulle trace.
Molière - Tartuffe
Que les partis politiques préfèrent payer des amendes plutôt que respecter la loi sur la parité ne semble guère avoir d'importance, que la sociologie de l'Assemblée nationale, et plus encore du Sénat, laisse penser que notre pays est constitué aux trois quarts de seniors males blancs ayant fait des études supérieures, aucune trace, et que rien ne soit fait pour qu'une telle situation évolue, comme le démontrent encore les élections cantonales, ne bouscule en rien la bonne conscience de nos élus.
Certes on pourrait se dire que le texte vise l''égalité professionnelle et non l'égalité en général. Il serait bon alors de ne pas parler de "job" pour un mandat d'élu, de rendre impossible les carrières politiques, de ne pas associer un régime de retraite à un mandat public, etc. Il serait bon en fait de cesser les Tartufferies.
L'exemple n'est pas, loin s'en faut, la seule ni nécessairement la meilleure pédagogie. Mais lorsqu'un tel décalage est constaté entre le discours et les actes, il ne faut pas s'étonner de perdre en crédibilité et au final, ce qui est le plus grave, en légitimité.
09:43 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, assemblée nationale, sénat, cantonales, égalité, égalité professionnelle, molière, tartuffe
23/03/2011
Beauté du travail-travail
Le conseil venait d'Ingres, il fut entendu par Degas : "Il faut produire des lignes, et encore des lignes, si vous voulez devenir un bon artiste". Degas produisit des lignes, dont celles-ci. La cuisse puissante, la hanche creusée, le ventre plat, le bras juvénile, la pudeur et l'abandon de l'attitude, le mouvement d'ensemble du dessin, comme une ligne de fuite bien présente. Pas de doute, Degas a du en tracer des lignes pour parvenir à celles-ci.
Degas - Femme nue étendue
Joan Miro, dont on peut actuellement admirer les sculptures au Musée Maillol, déclarait que dans son travail il y avait le travail-travail, avec sa dimension artisanale, et puis la dimension fantasmatique qui lui donnait tout son sens. Le rêve habitant le travail.
Voilà un chemin possible pour la compétence et pour l'innovation. Du travail-travail, de la répétition, du rythme maintenu, du geste renouvelé, surgiront des lignes nouvelles, et ce d'autant plus que le rêve et le fantasme viendront, à leur heure, sans qu'ils ne soient forcés, dans la fluidité de l'acte répété, nourrir le travail. Beauté du quotidien répété, plaisir de la découverte des éclosions de la banalité. Ce qu'exprimait à sa manière Degas déclarant : "Je voudrai être illustre et inconnu".
Ce n'est pas un conseil, juste un message personnel, un soir de déplacement.
00:32 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : degas, ingres, travail, miro, maillol, dessin, peinture
22/03/2011
Comme il n'est plus compétent, mon banquier c'est moi
L'alternative entre l'investissement dans les machines et l'investissement dans les personnes ne s'est pas arrêtée avec la bascule dans la société de l'information. Certaines organisations font toujours le choix de salariés moins compétents (traduisez : moins chers, moins difficiles à trouver, dont on est moins dépendant), au profit d'un système mécanique qui présente, en outre, l'avantage d'une plus grande stabilité émotionnelle que cet humain que l'on se tue à gérer.
Compte tenu de la place occupée par les mathématiques dans la sélection des élites et de la culture de l'ingénieur dans la culture manageriale française, il n'est pas étonnant que chaque fois que la rationnalité mécanique peut être substitué à l'irrationnalité humaine, le choix soit assez rapidement fait. Dernier exemple, la banque.
Marinus Van Remeyrsmaele - XVIème siècle
Cela a commencé par l'arrêt du recrutement de personnels qualifiés dans les métiers bancaires pour revenir à des profils commerciaux. C'est qu'il ne s'agissait plus de conseiller les clients mais de vendre des produits. Pour la gestion financière et le reste, l'outil informatique s'en charge très bien. Et puis est venu la dernière étape. L'outil est autonome, le besoin de compétence disparaît et l'on peut passer à la dernière étape : confier les clés du camion à un incompétent, c'est à dire vous, ou moi. Et l'affubler du titre de banquier (j'attends ma carte de visite, mais cela ne saurait tarder : jpw, banquier de lui-même, toujours près du client, toujours disponible). Lorsque les véhicules feront eux-mêmes leur diagnostic nous pourront devenir les mécaniciens de nos véhicules, lorsque les cafétérias seront d'immenses percolateurs nous seront les serveurs de nous même. Quant à devenir pompiste de nous même et caissier de nous même, c'est déjà fait. Et n'oublions pas que l'industrie pharmaceutique nous a transformé en médecins de nous même, la France ayant le pompon de l'auto-precription médicinale. La formation c'est conduire à l'autonomie ? ringard. Grace à la machine, nous courons vers l'autonomie, sans formation, sans compétence...et sans salaire. Fort non ?
00:11 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : banquier, peinture, organisation du travail, compétence, recrutement, métiers, france
21/03/2011
Que cent fleurs fleurissent !
En ce jour de printemps, retour sur les 5ème Trophées du DIF, organisés par DEMOS le jeudi 17 mars 2011. Depuis cinq ans, les Trophées récompensent des entreprises qui ont conduit des politiques volontaristes en matière de DIF. Cette année, les lauréats ont été distingués notamment pour les efforts conduits pour rendre la formation accessible à ceux de leurs salariés qui se forment le moins et surtout pour avoir mis en place dans le cadre du DIF des formation sur les savoirs de base ou savoirs fondamentaux. C'était d'ailleurs une des caractéristiques du cru 2011 : la proportion importante d'entreprises ayant réalisé dans le cadre du DIF des actions d'alphabétisation, de lutte contre l'illettrisme, de maîtrise des connaissances de base. L'accès à la lecture et à l'écriture est un jaillissement printanier que l'on peut saluer par les Cattleya chères à Proust.
Après sept ans d'existence, le DIF continue à se développer lentement. Mais surtout, à se développer en prenant des formes extrêmement différentes selon les entreprises : ici le DIF sert aux savoirs de bases, là il s'est substitué au plan de formation, ailleurs il est géré sous forme d'offre individualisée, dans une autre entreprise il est décidé collectivement par les salariés, dans une autre encore il conduit à négocier une partie de la formation avec les organisations syndicales, etc. Bref, la beauté du DIF, comme celle des orchidées, réside dans l'extraordinaire variété et diversité des modalités de mise en oeuvre. Certes, il est des entreprises sans projet dans ce domaine, certes il est aussi des entreprises qui s'opposent farouchement à toute possibilité pour le salarié de prendre des initiatives, en formation comme dans d'autres domaines. Après tout peu importe. Ce qui compte, c'est que les expériences se créent, se multiplient, se diffusent, soient connues, et qu'au final la pollenisation produise ses effets. Que cent fleurs fleurissent !
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dif, trophées du dif, demos, printemps, orchidées, cattleya, proust, formation, savoirs de base, illettrisme, alphabétisation
19/03/2011
Chronique de week-end : l'énigme de la tempête
Peu d'oeuvres ont suscité autant d'interrogations, de recherches, de commentaires, d'hyphothèses, d'approximation. Et peu d'oeuvres ont montré une telle résistance aux assauts de l'interprétation. La tempête de Giorgione n'est pas prête de livrer ses secrets, ni même de nous annoncer qu'elle n'en recèle guère.
Quel sens donner à cette peinture : Tableau alchimique présentant l'eau, l'air, la terre et le feu ? allégorie de la condition humaine après l'expulsion du paradis d'Adam et Eve ? représentation archétypique de l'homme et de la femme, du guerrier et de la mère, de la puissance et de la charité ? panthéisme forcené dans lesquels les sujets ne sont que l'expression de forces qui les dépassent ? scène de genre à laquelle on prête trop et qui ne fait que rendre l'atmosphère sereine et le potentiel orageux de la passion amoureuse ? accumulation de symboles phalliques (la lance, les colonnes, le caleçon bombé, le jaillissement de l'éclair...) mis en regard d'éléments plus féminins (la source d'eau, la maternité, le sein,...) dans une de ces oppositions duales dont l'Occident a le goût ? simple exercice de style ? amusement du peintre qui se réjouit déjà des siècles d'interrogation qu'il va susciter ? synthèse absolue de l'histoire de la peinture jusque là ?
Giorgione - La Tempête - 1507
Le propre du tableau énigmatique et que plus vous le cotoyez, plus il vous est familier, plus la compréhension que vous en avez agit sur vous, et plus il apparaît évident que la seule résolution qui soit est de nature poétique. Ce qui signifie que le sens du tableau est autant dans le bleu des tempêtueux nuages que dans la pose nonchalante du jeune homme ou le regard inquiet et serein de la jeune femme. Ce regard paradoxal tourné vers celui qui regarde le tableau en est sans doute la clé. Le tableau est un collage, divinement assemblé. Toutes les contradictions de la vie y sont présentes et cessent de s'opposer. Elles composent une unité dont l'harmonie nous charme sans relâche. De la poésie pure, c'est-à-dire de la vérité : "La poésie est le réel absolu, plus il y a de poésie, plus il y a de vérité" (Novalis). Giorgione a donc peint en 1507 ce que Novalis écrira près de trois siècles plus tard. Rien d'étonnant donc à ce que la Tempête appartienne au genre des "poesie", genre créé par Giorgione lui-même. Il n'y a donc qu'un moyen de percer l'énigme : placez la Tempête en face de votre lit et laissez vous porter par le rêve en souriant.
14:53 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, tempête, giorgione, novalis, poésie, littérature, énigme
18/03/2011
Utopie désirable
Frédéric Charles est un journaliste Suisse qui vit depuis trente ans au Japon. Correspondant de Radio France et divers autres medias, il est très connu en Suisse, sous son véritable nom qui est Georges Baumgartner, et depuis peu un peu partout ailleurs, sous son pseudo de journaliste qui est donc Frédéric Charles. Il se préparait à intervenir au Grand Journal de Canal plus. Et puis la question de Denisot : "Mais Frédéric, pourquoi restez-vous au Japon ?". La réponse fuse: "parce que pour moi c'est le pays de l'utopie du désirable".
Les utopistes a en croire leurs comptenteurs, ont la tête dans les étoiles, des théories pour compagnes et le rêve comme horizon. Bien sur. Et il y aurait de l’autre côté les réalistes, qui connaissent la mesure des choses, à qui on ne la fait pas, qui ont les deux pieds sur terre (pratique non ?) et qui professent sentencieusement, avec la conviction de celui qui est du bon côté du manche. Ils ne remarquent pas, les réalistes, qu’ils sont souvent un peu grincheux et aigris, que leur manière de rappeler régulièrement qu’il ne faut pas demander l’impossible sent l’impuissance et la capitulation, que la réalité est un mur auquel se cognent surtout ceux qui y croient. La défiance leur tient lieu de conviction et l’humanisme est un luxe de riche au ventre plein. Pas une utopie à la mode de ce tableau de Tarbell dans lequel le jeu des regards trace un espace de connivence utopique entre les personnages et entre eux et nous.
Emdund Charles Tarbelle - Au verger - 1891
Les réalistes ont quitté le Japon. Ils savent que catastrophe il y aura. Partout et toujours. Repli. Sur soi évidemment. leur dernier mot ?
Frédéric Charles n’a pas quitté le Japon. Il n’est pas réaliste. Pourtant il décrit ce que vivent les Japonais. Il décrypte leur silence, leur calme, leur peur qu’ils tiennent en lisière. Lorsqu’il ne s’agit plus de gestes sans importance, lorsqu’il s’agit de prendre véritablement position, lorsqu’il s’agit de s’engager, pas de surprise les utopistes sont toujours là, les réalistes ont déserté. Au nom du principe de réalité. On sait avec qui on souhaiterait être ami. Et on comprend au passage que le vrai professionnel vit personnellement un peu au-delà de sa compétence. Merci monsieur Frédéric Charles.
00:44 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : japon, de chalvron, utopie, compétence, formation, management, ressources humaines
17/03/2011
Lâchez nous les émotions !
Louise Bourgeois psychologisait à outrance ses œuvres, alourdissant son travail mais rendant bien compte de la psychologisation permanente et totale de tout évènement qui nous guette. Si vous en doutez, penchons nous sur la redoutable trilogie qui apparaît dès que notre système émotif se trouve bousculé, je veux parler de l’émotion légitime, de la cellule psychologique et du travail de deuil.
En premier lieu « la cellule psychologique », la trop bien nommée. La cellule peut être une unité de base, elle peut également être un lieu d’enfermement. Si tel est le cas, on peut toujours supposer qu’il s’agit de livrer à cette cellule le traumatisme pour qu’il y soit enfermé et laisse les traumatisés vivre tranquillement. Mais si tel n’est pas le cas, on craindra que ce ne soit le traumatisé lui-même qui soit enfermé dans la cellule où il sera psychologiquement maintenu, pris dans la toile.
Louise Bourgeois - Araignée à la Tate Modern
En second lieu « l’émotion légitime ». Lorsque l’évènement suscite une émotion légitime, il est donc acquis que l’émotion est la bonne réaction, qu’elle est autorisée voire encouragée. Et que l’illégitime, c’est celui qui ne ressent rien et dans la foulée celui qui voudrait que l’on puisse aussi faire jouer la raison. Petite musique entendue récemment, où il faudrait surtout ne pas réfléchir au nucléaire à s'adonner sans retenue à la compassion.
En troisième lieu « Faire le deuil ». Signe d’une société mortifère (dans laquelle selon Michel Serres, le mot le plus régulièrement prononcé dans les journaux télévisés est « cadavre »), le deuil envahit l’espace et le droit lui-même n’y échappe pas. Ainsi, le procès n’est plus un moment d’expression de l’Etat de droit, et donc de confrontation des comportements à la règle, mais une catharsis, indispensable condition pour « faire le deuil », auxquelles les victimes ont droit. Et pendant l’instance, on guettera davantage si le coupable fait amende honorable et, summum de la tragédie judiciaire, s’il est capable de compassion, plutôt que de vérifier si les faits sont rigoureusement établis.
Commentant l’Etranger, Camus disait : «Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.». Nous y sommes.
Et puis franchement, la symbolique de l'araignée, c'est lourd non ?
00:09 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louise bourgeois, araignée, émotion, camus, littérature, procès, droit, michel serres, nucléaire, compassion
16/03/2011
La science de l'art
Le droit est-il une science ou un art ? la même question pourrait être posée au chirurgien ou au médecin et la réponse serait sans doute un peu des deux dans une proportion qui reste à établir et qui varie peut être suivant les jours.
Lorsque Buffon écrit, au 18ème siècle, l'histoire naturelle de l'homme, il fait à la fois oeuvre scientifique et artistique avec de sublimes illustrations. Art et science non seulement ne sont pas incompatibles mais se marient agréablement.
Buffon - Histoire naturelle de l'homme
Lorsque l'administration délivrera, avant la fin de l'année, les agréments aux nouveaux OPCA et procèdera à l'extension des accords qui les ont créés, elle fera sans doute oeuvre scientifique en vérifiant la conformité des accords aux dispositions légales et règlementaires. Mais toute appréciation comporte sa part de création et le travail d'analyse ne pourra prétendre à la stricte scientificité. Il révèlera également la manière dont l'administration conçoit les OPCA et plus largement le rôle de la gestion paritaire dans la gouvernance de la formation. Si ce travail n'est pas totalement scientifique, sera-t-il donc en partie artistique ? on le souhaite vivement, même si les premiers indices mis en évidence dans la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, ne vont pas totalement en ce sens. Peut être après avoir approché l'homme avec Buffon, l'administration pourrait-elle s'inspirer de Tocqueville avant de rendre ses décisions. Si vous voulez savoir pourquoi, la réponse est dans la cinquième chronique du cycle "La Fabrique des OPCA".
12:34 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opca, buffon, tocqueville, agrément, extension, droit, droit du travail, droit de la formation
15/03/2011
Le podium du développement des compétences
Selon l'Université de Princeton, il n'y a pas photo. Après enquête, étude, théorisation, formalisation et validation, le couperet est tombé : le développement des compétences s'effectue à 70 % par l'activité et l'expérience, à 20 % par de l'accompagnement ou de la mise à disposition de ressources et à 10 % seulement par la formation "formelle". Sur le podium du développement des compétences, l'activité l'emporte donc haut la main.
L'entreprise qui travaille sur ses besoins de formation concentre son énergie et ses efforts sur 10 % des moyens qui permettent les acquisitions des compétences. Ce modèle du 70-20-10 a plusieurs mérites. Dans un pays comme la France qui sacralise la formation, ramener les processus formels à un peu d'humilité est plutôt une bonne chose, tout comme rappeler qu'il n'y a pas d'un côté le vil travail qui déclasse et de l'autre la noble formation qui éduque. C'est également un modèle qui invite les services formation à se préoccuper des apprentissages informels et surtout à s'intéresser au travail réel et à sa dimension qualifiante ou non. Car en effet, tous les postes de travail ne permettent pas cette formation "on the job" et ne laissent guère de place aux 70 %. Enfin, ce modèle permet aux individus de gérer eux-mêmes une partie de leur professionnalisation, à hauteur de l'engagement mis dans chacune des activités. Car le carburant du 70-20-10 demeure l'engagement personnel.
Un podium engagé
Mais il serait dommage d'envisager ces trois formes de professionnalisation comme des modalités distinctes les unes des autres, voire qui se concurrencent. Tout l'intérêt réside dans leur articulation. Et plus particulièrement, dans le rôle que peut jouer la formation pour favoriser les apprentissages informels. Une formation qui serait moins recette et un peu plus méthode. De la méthode, de l'activité, du coaching, il en a fallu a Tommie Smith pour mener à bien son projet de devenir champion olympique du 200 m à Mexico. Et de l'engagement, celui de toute une vie qui bascula à cet instant en un geste qui fait un homme.
00:46 Publié dans PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tommie smith, 70-20-10, université de princeton, podium, ressources humaines, formation, éducation, pédagogie
14/03/2011
Le juge sinusoïdal
Edgar Faure, en bon centriste, a établi de manière définitive que ce n'est pas la girouette qui tourne mais le vent. Un vent d'Autan puissant a du souffler sur la Cour de cassation qui vient de modifier de manière spectaculaire sa position en matière de modification du contrat de travail. Jusqu'alors, le juge considérait que toute décision de l'employeur ayant un impact sur la rémunération (montant ou mode de calcul) supposait l'accord du salarié. Et notamment, le juge imposait que les objectifs, lorsqu'ils déterminaient une part de rémunération variable, soient fixés par accord entre l'employeur et le salarié, ce qui n'était pas nécessairement le cas lorsque les objectifs n'étaient utilisés que pour manager la performance, sans entrer dans la base de calcul de la rémunération.
Saisie par un salarié dont l'entreprise a révisé unilatéralement les objectifs qui servent à calculer sa rémunération, la Cour d'appel de Grenoble applique la jurisprudence de la Cour de cassation. A tort lui dit celle-ci qui établit une nouvelle règle : les objectifs relevant par principe du pouvoir de direction, ils sont fixés unilatéralement même lorsqu'ils impactent la rémunération. Les seules conditions sont d'informer le salarié en début de période de réalisation des objectifs et de fixer des objectifs réalistes. Tant pis pour la COur d'appel qui a raisonné de manière linéaire, alors que, branchée sur courant alternatif, la Cour de cassation produit des raisonnements en forme de sinusoïde.
On ne peut trouver meilleur exemple pour illustrer que le juge décide absolument ce qu'il veut, et qu'ensuite il construit le raisonnement qui lui permet de justifier sa décision. En l'espèce, la décision aurait pu être exactement inverse avec la même rigueur juridique. Rappel que le droit n'est pas une science exacte mais de la littérature, qu'aucun contentieux n'est jamais gagné, et donc perdu, d'avance et qu'il faut parfois un certain flegme pour accueillir certaines décisions, lequel flegme est plus facile à pratiquer pour le commentateur que pour les parties concernées. Bonne semaine à tous.
09:09 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rémunération variable, objectifs, contrat de travail, droit, droit du travail, ressources humaines, jurisprudence, cour de cassation
12/03/2011
Chronique de week-end : l'énigme, ou le rêve, de Vénus
Chronique du week-end consacré à un tableau audacieux du XVIème siècle dans lequel explicite et inconscient, onirisme et réalisme, explicite et suggestif se mêlent en géniaux entrelacs.
L'oeuvre a donné lieu à de nombreux commentaires, trop souvent très classiques, comme celui de Panofski qui voit dans la Vénus du Titien l'image de la tendresse et de la douceur matrimoniale. Allant un peu plus loin, Daniel Arasse voit que le tableau n'est pas une scène se déroulant dans un palais vénitien mais une présentation sur fond noir, pour la mise en valeur de la nudité, d'une fière Vénus se manuélisant, selon le terme charmant de l'époque, tandis que les servantes s'affairent, comme il convient. Plus érotique que Panofski, Arasse souligne bien la hardiesse de la représentation mais surtout la force du tableau et de Vénus, qui s'expose et regarde à la fois. L'interprétation d'Arasse ne satisfait toutefois pas totalement (voir extrait et résumé de deux analyses du tableau ci-dessous). Que peut-on voir dans la Vénus d'Urbino ?
Titien - La Vénus d'Urbino - 1538
Une jeune femme qui se clitorise comme l'on dit alors (lorsque Titien peint le tableau Montaigne a cinq ans et n'a pas encore introduit dans la langue française le vocable "masturbation"), est-ce véritablement un scandale au XVIème siècle ? Oui pour l'Eglise même si elle n'est pas le pêché majeur. Selon Arasse, elle est même recommandée pour avoir des enfants ce qui renforcerait l'hypothèse d'une scène située dans un contexte de mariage. Toutefois, l'interdit religieux n'est pas douteux. Dès lors, le tableau peut prendre une autre signification. La scène du second plan n'est pas du même ordre que la présence de la Vénus à l'avant du tableau, l'improbable "rideau" noir en atteste comme Arasse l'explique. Mais il ne s'agit pas que d'un effet pictural et l'explication d'Arasse à ce sujet paraît faible. Il semble plus évident que le noir du rideau renvoie à la plongée nocturne dans le sommeil et que la scène au second plan est le rêve de Vénus. Le rêve qu'en mettant les mains en des lieux interdits elle transgresse avec plaisir et volupté les règles sociales. Et ce ne sont pas deux servantes qui s'affairent mais une petite fille qui plonge ses mains avec l'avide curiosité de l'enfance dans le coffre des merveilles. La servante debout, dont la jupe rouge figure l'ordre et la loi, remonte sa manche pour administrer la correction méritée au regard de la morale. Vénus a été surprise en son enfance et punie pour sa curiosité. Quelle revanche de s'offrir librement au plaisir en notre présence et pour le notre.
09:14 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vénus, titien, peinture, énigme, week-end, arasse, montaigne
11/03/2011
Confidentialomanie
La confidentialomanie est une pathologie dont on peut constater les progrès permanents, ne serait-ce qu’en comptant les confidentialopathes. Comment les repérer ? vous avez les kleptomanes de la confidence qui débutent leurs phrases par : « Je vais te dire quelques chose, mais c’est confidentiel… » et leurs cousins qui ponctuent leur révélation d’un : « ce que je t’ai dis est confidentiel ». Ceux-là sont inoffensifs. Il y a ceux qui ont leur petit tampon rouge « CONFIDENTIEL » qu’ils utilisent jusqu’à risquer la tendinite. Pas un courrier, pas un mail, pas un document, qui ne soit estampillé. Ceux-là ont le regard suspicieux, mais moins que ceux qui ne disent rien, ne tamponnent rien mais trouvent suspecte toute personne qui approche la photocopieuse, laisse trainer des clés USB sur son bureau ou s’exprime volontiers au téléphone. Leur mutisme s’accompagne d’une angoisse diffuse qui les précède.
Et puis, et ce sont les plus dangereux, il y a ceux qui prennent la confidentialité véritablement au sérieux et deviennent des professionnels du secret. Lorsqu’ils travaillent aux ressources humaines, ils commencent par inclure des clauses de confidentialité dans tous les contrats de travail, ils se transforment en douanier américain pour enquêter sur les stagiaires qui pourraient être des espions voire pire, ils interdisent toute diffusion de documents dès lors qu’un logo de l’entreprise y figure, serait-ce par inadvertance et ils sculptent ensuite une gigantesque langue de bois dont ils usent avec tout le monde, par principe, mais plus encore avec les représentants du personnel. Toute phrase prononcée doit être COM-MU-NI-CANTE, c'est-à-dire n’avoir qu’un lointain rapport avec la réalité réelle et tout à voir avec la réalité fantasmée dans laquelle ils vivent. Déroger à ces règles d’or, c’est déjà être déloyal. Ils connaissent les règles sur le bout de leur code, savent lire vos mails en toute légalité (on ne parle pas ici de déontologie, ni de morale, ni d’éthique), vérifient les listings téléphoniques, et multiplient les moyens de contrôle. La circulation électronique de l’information est à la fois leur univers et leur cauchemar, les réseaux sociaux sont sataniques et les blogs syndicaux traqués sans répit. Bref, ils sont submergés de travail à proportion de leur paranoïa. Mais pendant ce temps, personne n’a répondu à la question de départ : qu’est-ce qui est véritablement confidentiel dans une entreprise ?
12:52 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : confidentialité, entreprise, management, ressources humaines, protection, communication, information
10/03/2011
Si proche étranger
L'histoire se passe dans un village d'une vallée ariègeoise. Un habitant du cru me parle d'un de ses concitoyens qui a mal tourné en se mariant avec une étrangère. Diable ! et de quel continent ? du village voisin qui est à cinq kilomètres. Il est vrai que quelques années plus tard, dans un autre village au coeur d'une plaine ouverte, il fut débattu en Conseil municipal de l'accueil d'enfants étrangers à la cantine de l'école. D'où venaient donc ces enfants sans cantine ? du village d'à côté. L'avocat des salariés licenciés dans l'affaire jugée le 2 mars dernier par la Cour de cassation venait peut être d'un des villages, car il contesta le licenciement de ses clients au motif que la lettre de licenciement avait été signée par un intérimaire recruté pour assister le DRH. Pour l'avocat, cet assistant était un étranger à l'entreprise et ne pouvait décider des licenciements. L'étranger a beau être proche, il n'en reste pas moins étranger.
La Cour de cassation balaie l'argument et l'affirme clairement : un intérimaire n'est pas étranger à l'entreprise dans laquelle il effectue sa mission. On peut donc être différent sans être étranger, merci au Tribunal de cette précision. Et la Cour écarte avec la même autorité le second argument de l'avocat : l'intérimaire n'avait pas de délégation de pouvoir écrite. Elle rappelle que son contrat de mission portant sur l'assistance du DRH, sa qualification incluait le pouvoir de licencier. Voilà qui invite les entreprises à se souvenir que la qualification contractuelle est la première manière de définir le périmètre de la mission d'un salarié, ou d'un intérimaire donc, et son champ de responsabilité. Et pour ces deux rappels, on félicitera le Juge de n'être pas étranger à ce qui se passe dans un monde qui n'est pas le sien.
10:17 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jurisprudence, étranger, intérim, travail temporaire, licenciement, droit du travail, droit, drh, ressources humaines
09/03/2011
La transmission, c'est bon pour les voitures
Débat sur l'éducation comme on peut en trouver sur les radios et TV assez régulièrement. Affrontement classique entre "républicains et pédagogistes" selon la dénomination valorisante pour eux et péjorative pour les autres de ceux qui prétendent que c'est en restant ce qu'elle était il y a cent ans que l'école progressera. Intervention d'une enseignante. Pas en lettres, on l'espère, car elle répète à plusieurs reprises le même mot pour parler de son métier : "la transmission". Transmettre son savoir, telle est sa définition de l'enseignant. Celui qui sait et qui a la grandeur de transférer son savoir à ceux qui ont l'immense bonheur de l'écouter (et qui l'admirent secrètement, c'est en tout cas ce qu'on peut lire dans le regard d'envie de l'enseignante). Pour ma part, j'y verrai une motivation négative basée exclusivement sur l'ego et très peu sur le service rendu. En d'autres termes, la transmission c'est bon pour les voitures ou l'industrie, pas pour l'enseignement.
On connait la phrase d'Aristophane que certains, oubliant qu'il aimait les citations clandestines, attribuent à Montaigne : "Eduquer ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer un feu".
L'opération, vous en conviendrez, est plus délicate. Pour le vase, il suffit qu'il ne déborde pas, pour le feu, il faut à la fois le faire vivre, l'organiser, le contenir et lui permettre de s'exprimer tout en le contemplant et en s'y réchauffant. Pas gagné l'affaire. Mais si la transmission a sa beauté, son esthétique demeure calibrée, prévue et donc prévisible, ordonnée, mécanique. La créativité n'habite plus la machine une fois passée sa création. Le feu au contraire ne se déploie jamais à l'identique, n'a jamais la même force ni la même chaleur, et il vous réserve quasiment toujours des surprises.
Finalement, en vantant l'autorité, l'enseignante qui pensait s'opposer aux tenants de l'école traditionnelle, nourrissait leur moulin. La transmission maintient l'enseignant au centre et fait dépendre de lui l'accès au savoir. Allumer un feu, c'est mettre les étudiants en situation d'apprentissage, les accompagner, les autonomiser et au final leur apprendre à se passer de vous en vous retirant progressivement du centre. Soit à peu près l'inverse de la transmission. Allumez le feu !
00:05 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT, PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : enseignement, éducation, pédagogie, formation, montaigne, aristophane, transmission, photo
08/03/2011
La base est d'accord !
Laurence Parisot déclare dans le magazine ELLE qu'elle est favorable à un congé paternité obligatoire pour lutter contre les discriminations et donner une dimension plus égalitaire à l'accueil d'un enfant. Ce congé serait, dans un premier temps, plus court que celui des femmes, puis de même durée. Xavier Bertrand, opposé à la création d'un Ministère des droits de femmes qui est une autre proposition de la Présidente du MEDEF, a exprimé une position de principe favorable sur ce congé paternité obligatoire.
Réflexe de consultant, lorsqu'une question est posée par les dirigeants, il faut aller voir ce qu'en pense la base. Après consultation, il en ressort que la base est d'accord !
Au-delà de l'intérêt de la mesure, saluons la méthode. Plutôt que de créer des sanctions, des contraintes ou des obligations, il est proposé de modifier les comportements et les mentalités en créant un nouveau droit, à l'absence qui plus est. Pour celle qui a si régulièrement et violemment vilipendé les 35 heures, voilà qui est singulier et méritait d'être salué comme il se doit. Pour la peine, l'interview intégrale de Laurence Parisot à qui l'on souhaitera de n'être pas novatrice que dans ses propositions mais également dans ses actes. Ce sur quoi la base est également d'accord !
00:39 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : laurence parisot, xavier bertrand, elle, congé paternité, medef, égalité professionnelle, discrimination