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24/08/2013

Le temps d'un regard

Ils rythment la rue et murmurent à l'oreille des passants. Les adultes s'arrêtent au premier qui leur fait signe, sous l'effet de surprise. Au second on accorde déjà moins de temps et au troisième on est retourné à ses préoccupations d'adultes. On ne verra donc pas les autres. 

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Les enfants les regardent tous. Un par un. Reviennent en arrière parfois, pour vérifier le nombre de doigts, la forme de la bouche, la texture de la robe légère. Ils savent que ce sont des fantômes avant qu'on le leur ait expliqué.

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A l'adulte qui les tire par le bras en disant : "Allez viens, dépêche toi !", les petits  répondent qu'ils veulent aller voir encore, suivre les fantômes, tourner le coin de rue dans le sens des flèches rouges, parce qu'il y a sans doute encore à découvrir et que de toute façon les fantômes ils disent que c'est par là qu'il faut aller.

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C'est assez simple finalement de savoir ce que l'on a fait de l'enfant qui est en nous. Il suffit juste de se demander si on a le temps. Parce que l'enfant il a toujours le temps et l'adulte jamais.

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Suivre les fantômes, c'est accepter d'être conduit n'importe où sans poser de question. Juste en regardant ce qu'il se passe, comme par exemple quand le regard d'une petite fille de l'autre bout du monde croise celui de la plus énigmatique jeune femme de l'art occidental. Pour connaître la suite, prière de s'adresser aux fantômes.

08/01/2011

Chronique de week-end : l'énigme de la jeune fille

Le week-end est temps de mise en disponibilité, de ballades, de visites, de découvertes, de rencontres. En 2011, je vous propose une rencontre chaque week-end sous forme d'énigme. La peinture, l'art d'une manière générale, a souvent proposé des oeuvres qui sont des réponses : une histoire est racontée, une fable ou une morale illustrée, une scène historique représentée. Certes l'art contemporain a fait basculer cette logique en proposant des oeuvres qui questionnent l'individu et ne lui proposent pas de réponse. D'où parfois les violentes réactions de rejet dont il est l'objet. Mais entre ces deux pôles, il est des oeuvres qui ne sont ni des réponses ni des questions mais des énigmes. Enigme pour celui qui regarde, mais peut être pour l'auteur lui même, pour qui sa propre oeuvre peut être un mystère. Chaque week-end donc au cours de cette année, un tableau en forme d'énigme avec, comme pour toute énigme, une hypothèse à la clé. N'hésitez pas à livrer les votres. Pour ouvrir l'année, l'énigme de la jeune fille.

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Petrus Christus - Portrait d'une jeune fille - 1470

La jeune fille est une énigme dont Proust proposa une éphémère résolution. La jeune fille fait peur, sa liberté est son pouvoir devant lequel tout adulte empêtré dans ses inhibitions ou au contraire déterminé par ses obsessions, cède. Jalousée des femmes, désirée et donc haïe des hommes, porteuse d'une vérité que jamais le jeune homme n'approchera, la jeune fille est un mythe que les jeunes filles habitent un instant, ou quelques uns, et puis dont elles se déprennent pour ne jamais plus le retrouver. Pour l'homme, le mythe est un mystère, l'énigme insurmontable. Certains, toutefois, l'approchent et trouvent grâce à ses yeux. Proust donc qui alla directement au coeur de l'énigme, Nabokov qui en raconta l'histoire, Lewis Caroll qui joua avec lui, Patrick Grainville qui le vénéra dans son très beau "Paradis des orages", et quelques autres dont Petrus Christus.

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La toile est de petite taille. Elle est visible  dans une vitrine de la Gemaldegalerie à Berlin. Elle a fait l'objet d'analyses, d'exégèses, d'expertises scientifiques, mais n'a rien livré. Ni sur les questions de surface, qui était le modèle, quand fut peinte la toile..., ni sur les questions plus profondes, pourquoi ces yeux asiatiques, pourquoi ce teint de porcelaine, à quelle fin ce regard détourné mais qui ne manque ni de détermination, ni d'audace, et encore moins sur la question essentielle de savoir ce que la jeune femme du peintre de Bruges nous dit d'elle-même et de ses semblables. Mona Lisa est une pâle représentation féminine comparée à cette beauté surnaturelle qui pourtant fût. Mais la peinture ne se compare pas. Tant mieux si Mona Lisa concentre l'attention et les flux touristiques. Les affinités électives vont mieux au teint des jeunes filles que les processions religieuses. Et la jeune femme de Bruges a toujours le teint d'une jeune fille en fleur.