29/08/2013
La parole est à...
Inaugurons une nouvelle rubrique : La parole est à... qui évite de tenter de répéter ce que d'autres ont déjà beaucoup mieux formulé. Pour la première, ne lésinons pas et voyons avec Tchouang-Tseu, dans une traduction de Jean-François Billeter, pourquoi l'enseignant ne transmet pas mais peut éventuellement faire acquérir.
Le duc Houan lisait dans la salle, le charron Pien taillait une roue en bas des marches. Le charron posa son ciseau et son maillet, monta les marches et demanda au duc :
-Puis-je vous demander ce que vous lisez ?
-Les paroles des grands hommes, répondit le duc.
-Sont-ils encore en vie ?
-Non, ils sont morts.
-Alors ce que vous lisez là, ce sont les déjections des Anciens !
-Comment un charron ose-t-il discuter ce que je lis ? répliqua le duc ; si tu as une explication, je te ferai grâce ; sinon, tu mourras !
- J’en juge d’après mon expérience, répondit le charron. Quand je taille une roue et que j’attaque trop doucement, mon coup ne mord pas. Quand j’attaque trop fort, il s’arrête (dans le bois). Entre force et douceur, la main trouve et l’esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis transmettre par des mots, de sorte que je n’ai pu le transmettre à mes fils, que mes fils n’ont pu le recevoir de moi et que, passé la septantaine, je suis encore là à tailler des roues malgré mon grand âge. Ce qu’ils ne pouvaient transmettre, les Anciens l’ont emporté dans la mort. Ce ne sont que leurs déjections que vous lisez là.
En conséquence de quoi, il est recommandé de se méfier des enseignants de tout poil qui vous disent, les yeux mouillés, que leur mission est de transmettre. Il n'est pas impossible, par contre, d'apporter son utile contribution aux acquisitions.
23:59 Publié dans LA PAROLE EST A..., PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : billeter, tchouang-tseu, pédagogie, apprentissage, éducation
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