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11/12/2011

Projet ? disponibilité !

La crise est venue rappeler aux entreprises qui avaient mis en place des plans de gestion prévisionnelle des compétences, que la prévision est décidément ardue et la planification une chimère. Plutôt que de disperser son énergie à prévoir puis à réviser, il paraît aujourd'hui plus pertinent de réfléchir à se mettre en  situation de réactivité. Travailler sur les conditions qui permettront de s'adapter à toute situation, même les plus imprévisibles, prépare mieux l'avenir que la focalisation sur un projet qui demain, peut être, ne sera plus d'actualité. Mais ce raisonnement qui vaut pour les entreprises ne semble guère être envisageable pour les individus qui sont assignés à un projet.

Votre manager vous reçoit ? il vous demande quels sont vos projets. Vous souhaitez faire une formation ? on vous demande pour quel projet. Vous rechercher un financement ? Le projet, le projet, le projet. Et si possible bouclé, validé, ficelé, empaqueté. Et vous êtes prié d'y mettre de la conviction.

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Il n'est donc pas entendable d'avoir comme projet celui de se mettre en situation de saisir les opportunités que l'on se crééra ou qui se présenteront et d'expliquer que le chemin envisagé n'a d'autre objet que de favoriser cet état de disponibilité sans lequel les opportunités ne se présentent jamais, tout simplement parce que nous ne sommes pas en situation de les saisir.

On sait que l'avenir de l'enfant ne passe pas par le projet mais par le regard porté sur le monde. Par l'attention à l'environnement, la capacité à le saisir et l'envie de faire son miel de tout. Il ne s'agit évidemment pas d'opposer la disponibilité au projet, il est parfois nécessaire et structurant, mais simplement de constater que la manière dont on appréhende l'avenir et les moyens que l'on se donne pour le construire contribuent à le faire advenir. Bonne semaine.

07/12/2011

Pas d'accord, pas de DIF

La solution n'est pas nouvelle, elle a déjà été jugée. Mais elle est réaffirmée dans des termes qui se veulent pédagogiques. De quoi s'agit-il ? de la mise en oeuvre du Compte Epargne Formation, ancêtre du DIF, chez Renault. Ce DIF conventionnel, jugé plus favorable que le légal, a été mis en oeuvre par la direction de Renault par prélèvement d'heures sur les compteurs pour certaines formations. La CGT fait un recours contre ces pratiques sur deux motifs : le DIF doit être réalisé exclusivement à l'initiative du salarié et il ne peut être utilisé pour des formations d'adaptation ou de maintien dans l'emploi. Le juge sanctionne l'entreprise mais sans donner tout à fait raison au syndicat puisqu'il ne reprend pas les arguments de la CGT, selon laquelle le DIF serait défini comme un droit individuel relevant de la seule initiative du salarié, mais préfère privilégier l'accord des parties, caractéristique première du DIF.

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Watteau - L'accord parfait - 1719

Le motif principal de la décision porte sur la nécessité d'un accord. Selon le juge, le DIF n'est pas caractérisé par l'initiative du salarié, ce qui n'enlève rien à son droit d'initiative, mais par la nécessité d'un accord. Peu importe dès lors que le salarié soit à l'origine de la demande ou que l'entreprise lui ait fait des propositions : ce qui permet de valider le DIF c'est l'accord entre les parties.

Le juge écarte également le second argument de la CGT en précisant que la nature des formations n'est pas un critère d'imputation au DIF et qu'il appartient au salarié de décider si la formation doit être en rapport ou non avec ses fonctions. Les actions d'adaptation ne sont donc pas exclues du DIF par principe. Par contre, la décision précise qu'elles sont exclues du Compte Epargne Formation tel que mis en place chez Renault. Mais pour le DIF légal, cette réserve n'existe pas.

On appréciera tout particulièrement que le juge indique que ces arguments se déduisent de la lecture des textes "avec l'évidence requise en matière de référé".

C'est ce que l'on essaie d'expliquer depuis plusieurs années. Merci au juge d'apporter l'eau de l'accord parfait au moulin de la réflexion de ceux qui n'étaient pas convaincus.

TGI Nanterre 24 Novembre CEF Renault.pdf

05/12/2011

Le temps de la décision

Le temps est une notion relative, vous venez d'en faire l'expérience avec le week-end passé et la semaine à venir. Si l'on peut toujours conférer une réalité objective à l'alternance des jours et des nuits, le rapport de chacun au temps demeure singulier. Le droit du travail n'ignore pas cette singularité et à ce titre il distingue le temps de l'employeur et celui du salarié. A l'employeur, investi du pouvoir de direction, il n'est guère consenti de temps de réflexion. Toute décision l'engage et comme il est dans sa nature de décider, il fallait réfléchir avant. Quasiment pas de possibilité de rétractation donc : inutile si vous avez expédié une lettre de licenciement le matin d'en expédier une seconde le soir pour annuler la précédente. Votre second courrier serait dépourvu d'effet. Tel n'est pas le cas du salarié pour lequel le temps de décision inclut celui de l'indécision.

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Jean Chanoir - Indécision - 2005

Après une discussion un peu vive avec son employeur, une salariée démissionne et quitte l'entreprise. Avant de se raviser et d'envoyer dans l'après-midi un courrier qui informe tout à la fois son employeur qu'elle est enceinte et qu'elle ne démissionne plus. L'employeur ne veut rien entendre et s'en tient au premier courrier rédigé sur le lieu de travail avant de partir. A tort : la démission sera requalifiée par les juges de licenciement nul du fait de l'état de grossesse.

La rétractation est un droit reconnu au salarié lorsque des circonstances particulières entourent sa première décision. Si l'entreprise refuse cette rétraction donnée très rapidement après la démission, elle sera considérée comme ayant elle la volonté de rompre le contrat. Rien ne sert donc, en cas de démission d'un salarié, de s'empresser d'en  prendre acte  pour éviter toute rétractation. Au contraire, l'empressement de l'entreprise pourrait paraître suspect. Il n'y a, de plus, aucune urgence à accuser réception d'une démission et l'on peut bien prendre une semaine avant de préciser au salarié la date de fin de son préavis, sauf à l'en dispenser. Qui veut sécuriser ses pratiques prendra donc soin de prendre son temps. Conseil de lundi matin.

Cass. soc. 26 Octobre 2011 - Démission rétractée.pdf

02/12/2011

Surprises dans le jardin

Les jardins à la française ne sont pas faits pour surprendre. Tout au contraire, le plan leur tient lieu d'essence et la prévisibilité de bréviaire. L'ennui est leur seconde nature, qui s'accorde bien à la rassurante rationnalité qui a présidé à leur création, dont la motivation ultime est sans doute de guérir le paysagiste et le jardinier de leurs obsessions.

Mais tout jardin vaut un détour pour qui est persuadé que la disponibilité à la surprise est la condition de sa survenance. Ce qui se vérifie assez facilement et permet, par exemple, de voir surgir une forme hélicoïdale qui enrichit le jardin de ses formes.

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Il peut toujours y avoir des surprises dans les jardins. Y compris dans les jardins d'agréments, et même lorsque ces agréments sont distribués aux OPCA par le Ministère du travail. Les surprises résultent, pour l'essentiel, de l'irruption du droit du travail, et plus précisément du droit de la négociation collective, dans la mise en oeuvre des accords créant ou désignant les OPCA. La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF fait la liste des surprises auxquelles pourraient être confrontés les OPCA mais aussi les entreprises.

La Fabrique des OPCA - Jardin d'agréments (2).pdf

30/11/2011

Le salarié que l'on ne peut licencier

Mais si ce salarié existe. Il ne s'agit pas des représentants du personnel, qui peuvent être licenciés avec l'autorisation de l'inspecteur du travail, ni des salariés en accident du travail ou en maternité, dont le licenciement n'est impossible que momentanément. Il s'agit vraiment de salariés dont le licenciement est impossible car il n'est pas prévu par le Code du travail. Ces salariés sont environ 400 000. Diable ! mais qui sont ces 400 000 salariés pour lesquels le licenciement n'existe pas ? Pour répondre à la question, un peu d'histoire.

En 1974 Giscard est élu président de la République. Une de ses premières mesures est d'abaisser l'âge de la majorité de 21 à 18 ans. Comme le titre Charlie Hebdo à l'époque "Giscard joue les jeunes : perdu !".

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Quelques temps auparavant, en 1971, l'apprentissage avait été profondément réformé. Il était à l'époque ouvert aux jeunes de 16 à 20 ans. Ce qui signifiait que tous les apprentis étaient mineurs. Pour assurer leur protection, le législateur avait donc prévu dans la loi du 16 juillet 1971 qu'en cas de manquement du jeune, la rupture du contrat serait soumise au juge chargé de vérifier la réalité du motif reproché à l'apprenti et de tenir compte de sa situation de jeune en apprentissage. 15 ans plus tard, en 1986, le contrat d'apprentissage est ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans. La plupart des apprentis sont majeurs. Mais rien n'y fait, personne ne proposera de modifier les dispositions relatives à l'impossibilité de licencier un apprenti. L'accord mutuel ou le recours au juge demeurent donc les seuls modes de rupture possibles après la fin de la période d'essai. Le fait que la règle ait perdu en route sa justification et son sens ne semble émouvoir personne.

Quand à Giscard, longtemps après son licenciement de l'Elysée, il écrit des romans d'apprentissage. Sans doute une manière de tenter de rester jeune : perdu !

28/11/2011

Comme un lundi

Une légère impression de déjà vu, comme si la panne d'idées s'était répandue avec la grisaille de novembre et les premiers froids. Comme si les cerveaux engourdis n'étaient plus capable que de se répéter sans cesse dans un mouvement hypnothique et lénifiant. Comme si l'imagination avait définitivement renoncé à avoir quelque rapport que ce soit avec le pouvoir.

Pour s'en tenir aux registres de l'éducation, de la formation, de l'emploi et du travail, la campagne électorale qui s'annonce n'aura qu'une vertu : nous rajeunir de quelques années puisqu'il n'y a aucune des thématiques abordées qui n'ait déjà été usée jusqu'à la corde. D'un côté les sempiternelles 35 heures, l'assistanat, la TVA sociale, la rémunération au mérite exonérée de charges ou plus moderne encore la blouse à l'école et le redéguisement de l'enseignant en père fouettard. De l'autre, les emplois jeunes, les préretraites contre embauche, les nouveaux emplois qui finiront bien par arriver et l'interdiction des licenciements boursiers que la Cour de cassation censure déjà. 

Bref, un profond ennui devant l'inanité de tout ceci.

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De Chirico - Mélancolie

On peut toujours, dans un élan de fol optimisme, se dire qu'il ne s'agit là que de tours de chauffe et que dans les 5 mois à venir, une fois l'hiver passé et dans l'euphorie de l'accueil du printemps, fleuriront mille propositions qui n'auront ni la prétention de faire le bonheur des individus malgré eux, ni celle de penser que l'élection garantit que l'élu a toujours raison.

Mais dans l'attente, que faire ? aller chercher la créativité ailleurs. Par exemple Salle Pleyel ce soir où l'on pourra voir et écouter Hélène Grimaud. Contre les légers découragements du lundi matin, mieux qu'un remède.


17/11/2011

Une main protectrice

Avant que ne soit ouverte la compétition pour savoir quel Président a le profil le plus protecteur, force est de constater que la main protectrice est plutôt celle du juge. Après la Cour d'appel de Paris le 12 mai dernier, (voir ici), c'est  le TGI de Nanterre, dans une décision du 21 octobre 2011, qui affirme la nullité d'une procédure de licenciement dès lors que le motif économique permettant la mise en oeuvre du licenciement est nul. Pour étendre cette main protectrice sur les salariés, le juge force un peu les textes qui ne prévoient de nullité qu'en cas de Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) nul et non de motif économique nul. Le juge écarte l'argument d'un revers de manche : en l'absence de motif économique, le PSE ne peut être régulier et la nullité entache donc l'ensemble de la procédure ce qui revient à interdire à l'entreprise de procéder à tout licenciement.

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Comme la Cour d'Appel de Paris, le Tribunal de Nanterre est sans doute un peu excédé par un Code du travail qui frappe de nullité un licenciement économique si le PSE est nul mais pas si le motif économique est nul. Ce qui conduit au paradoxe qu'un salarié licencié sans motif ne pourra demander sa réintégration, alors qu'un salarié licencié avec un motif peut  imposer son retour dans l'entreprise si le PSE s'est avéré insuffisant. Reste aux salariés qui contestent le motif du licenciement à tenter leur chance devant les tribunaux, si d'ici là le législateur n'est pas intervenu pour faire échec à une jurisprudence que certains pourraient trouver trop novatrice voire trop protectrice des salariés. Mais ce ne sera pas, bien évidemment, l'argument invoqué par les thuriféraires de la liberté de gestion, trop souvent confondue avec la capacité de prendre des décisions arbitraires ou discrétionnaires : il faudra dorénavant, et tant que la Cour de cassation n'a pas dit la messe, prendre le réflexe de solliciter la main du juge lorsque manifestement le licenciement n'est fondé sur aucun des motifs que la loi énonce en matière de licenciement pour motif économique. Et souhaiter que le juge ait la main protectrice.

15/11/2011

Malades

Le Gouvernement préfère l'optimisation fiscale à l'optimisation sociale. Voici donc ressorti à l'approche des élections présidentielles, le slogan de la lutte contre la fraude aux allocations, systématiquement présentées comme ce qu'elles ne sont pas, une assistance sur le mode de l'aumône, et jamais comme ce qu'elles sont, un droit dont on ne bénéficie qu'à certaines conditions dont souvent celle d'avoir contribué à financer le régime. Tel est le cas notamment des indemnités journalières d'assurance maladie mises sur la sellette à travers deux annonces retentissantes : les salariés bénéficiant de faux arrêts maladies seraient mis à l'amende et un quatrième jour de carence serait rajouté aux trois jours légaux existants. Juridiquement, dans les deux cas, le coup est à côté de la cible.

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Edward Munch - L'enfant Malade - 1896

Si le "responsable mais pas coupable" a un sens juridique, la responsabilité civile n'étant pas la culpabilité pénale, le "pas responsable mais coupable" n'en a aucun. On ne peut être coupable, de fraude en l'occurence, que si l'on est responsable, c'est à dire si l'on dispose du pouvoir de décision. Les salariés ne pouvant se prescrire de faux arrêts maladie, il faudra si l'on veut véritablement un coupable se tourner du côté des médecins. Quant à la seconde mesure, elle ne fera qu'accroître le fossé entre les catégories de salariés sans règler le problème. Qui subit aujourd'hui la carence de trois jours ? les salariés des PME, ceux qui sont couverts par une convention collective peu protectrice et ceux qui ont une prévoyance minimale. Qui ne la subit pas et ne la subira pas plus sur 4 jours que sur 3 ? les autres, c'est à dire les salariés ayant une convention protectrice, une bonne mutuelle ou travaillant dans une grande entreprise qui prend à sa charge la carence. Les salariés les moins protégés le seront donc encore un peu moins sans que rien ne change pour les autres. Quant aux médecins, ils peuvent dormir tranquille, en période préélectorale ils ne sont carrément pas dans la cible.

10/11/2011

Rangez les laisses !

Votre portable, votre carte bleue, votre pass navigo, les caméras dans la rue, les cookies sur internet...la technologie permet de suivre à la trace vos déambulations physiques et électroniques. A croire qu'il ne reste que la rêverie qui échappe à la traçabilité, mais il paraîtrait que des neurobiologistes ne désespèrent pas de voir vos rêves livrés par l'imagerie magnétique. La technologie ? plutôt l'usage que l'on en fait car si la technique peut beaucoup, elle ne fait jamais que ce qu'on lui demande. Et on lui demande parfois de géolocaliser de manière permanente les salariés en incrustant un de ces mouchards qui contribuent à la relation de confiance entre l'entreprise et ses collaborateurs. La CNIL a posé les premiers garde-fous en 2006 avec quelques règles de principe : pas de géolocalisation permanente, obligation d'information des salariés, usage réservé aux cas qui le nécessitent absolument, etc. La Cour de cassation, dont on apprécie toujours la concision et la précision des décisions, fait plus qu'ajouter sa pierre dans une décision du 3 novembre 2011 : la géolocalisation ne permet de contrôler la durée du travail que lorsque tout autre moyen est impossible, voici pour la pierre, et surtout elle ne peut être mise en oeuvre pour un salarié qui dispose de la liberté d'organisation de son travail, voilà pour le mur que le juge dresse entre l'autonomie et la géolocalisation. Un sacré coup de ciseau dans la laisse électronique que les entreprises tentent de passer au cou des salariés.

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Félicien Rops - Le Pornocrates

Dans l'affaire jugée le 3 novembre, il s'agissait d'un vendeur salarié dont le véhicule était équipé d'un système de géolocalisation pour analyser et optimiser son activité. Le salarié en était informé ainsi que la CNIL. Constatant que la durée du travail n'étais pas respectée, l'employeur a réduit la rémunération du salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat et a saisi les prud'hommes. Les juges donnent raison au salarié, la Cour de cassation confirme. Le salarié étant libre d'organiser son travail, il ne pouvait faire l'objet d'un contrôle des temps par géolocalisation. Ce principe très clairement affirmé pour un salarié dont la durée du travail était fixée en heures, a pour conséquence de rendre impossible toute géolocalisation pour les salariés en forfait en jours. En effet, l'autonomie et la liberté d'organisation du travail étant une condition de validité du forfait en jours, elle rend impossible un contrôle de la durée du travail par géolocalisation. Cette impossibilité est une question de cohérence : on ne peut affirmer à la fois qu'un salarié est autonome pour gérer son temps de travail et mettre en place un système permanent de contrôle de ce temps. Et plus largement, dès lors que le salarié fixe librement les frontières entre vie personnelle et professionnelle, un système de contrôle permanent conduirait l'employeur à contrôler des temps de vie personnelle.

Par cet important arrêt qui sera publié au bulletin, la Cour de cassation limite donc la possibiltié de géolocalisation aux salariés dont la durée du travail est fixé en heures et dont les horaires sont prescrits, la géolocalisation ne pouvant s'exercer que pendant ces horaires.

Voilà une belle leçon donnée par le juge, et dont pourrait s'inspirer le législateur :  comment en peu de lignes et peu de mots, on peut préserver des libertés fondamentales.

Geolocalisation - Cassation 3 novembre 2011.pdf

08/11/2011

Du temps au travail (3)

Nous sommes l'instant d'après. Ce qu'il vient de se passer, la nature réelle de l'évènement, importe peu. Ce que Jonathan Wateridge saisit dans ses toiles qui paraissent peintes à même la pellicule d'un film hollywoodien, c'est l'instant entre ce qui est advenu et cet ensuite qui ne sera plus jamais comme avant. Il peint une faille du temps, un basculement incrédule, ces quelques secondes qui arrivent rarement mais que l'on reconnaît immédiatement : celles où la vie se joue, celles de l'intrusion soudaine de l'irrémédiable, un éclair dans un ciel d'azur. Le temps devient vertical : le vide étend son vertige sous nos pieds figés tandis que l'ivresse de l'inattendu euphorise le froid manteau de l'angoisse qui s'est enroulé sur nos corps pétrifiés. Le temps suspendu marque le mouvement définitif de la vie.

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Jonathan Wateridge - Pool Party

Il y a quelques années, dans une de ces réunions de discours lénifiants auxquelles chacun ne va que pour croiser ceux qui y sont, et pouvoir dire à ce qui n'y sont pas qu'ils y étaient, un directeur de FONGECIF me glissa à l'oreille tandis que l'ennui glissait sur nos fauteuils : "Ce serait intéressant si peu à peu la lumière changeait, les perspectives se modifiaient, une musique un peu lancinante se faisait entendre faiblement puis de plus en plus fort et que l'ambiance basculait dans l'inconnu. On pourrait apprécier les réactions et s'amuser de voir les masques tomber". Chez Wateridge, les masques sont en train de tomber. Parfois il suffit d'écouter, là il s'agit juste de regarder le décorum voler en éclat et de se réjouir du détail qui nous confirme que c'est la liberté qui vient de s'inviter à grand fracas dans les conventions sociales. Et c'est ainsi que le pied de la jeune fille commença à s'évader de la ballerine.

07/11/2011

Du temps au travail (2)

La vidéo est installée dans une petite pièce du  Palazzo Grassi. Si vous prenez le film en route, vous voyez des mouettes, des jeunes gens, des maisons blanches, le ciel gris très lumineux, le soleil blanc, du grillage, des sourires, des mouettes encore, une cour dans laquelle des jeunes hommes jouent au ballon, et puis des mouettes. La vidéo présente des images successives du lieu, de la scène. Passé le temps de la découverte des images,  on s'aperçoit que toutes les photos assemblées dans la vidéo ont été prises à la même seconde. Plusieurs milliers d'images d'une même scène, une partie de football interrompue par un des joueurs qui donne à manger à une mouette, vue sous des angles différents composent la vidéo de 37 minutes.

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On ne peut qu'être fasciné par ces vues qui adoptent le point de vue des enfants, des adultes, des mouettes, du ciel, du terrain, des maisons ou même des murs, chacun ayant à cette seconde une existence totalement réelle, incarnée, éclatante, qui démontre l'intensité de ce qui peut advenir en une seconde. Là est le vertige de l'oeuvre : s'il y a tant de choses à voir, à découvrir, à apprécier dans une seconde, comment vivre sans être en permanence aux aguets, tels des chercheurs d'or du temps en ayant pleine conscience qu'il faudrait photographier des milliers de fois chaque seconde pour en avoir la quintessence.

Et il nous faut plus de trente minutes pour découvrir la beauté de cette scène capturée en un instant.

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La vidéo de David Claerbout nous emporte au coeur du temps qu'il étire à l'infini en le disséquant. Si nous prenions le temps, peut être pourrions nous identifier dans tout situation, à chaque moment, des moments qui ne passent pas et qui nous marquent profondément.

Est-il possible de vivre en permanence avec autant d'intensité ? à vous de voir, ou plutôt de faire, faute de passer  à côté des belles secondes, comme celles que l'on peut partager avec Rimbaud :

Elle est retrouvée ! - Quoi ? - L'Eternité. C'est la mer Allée avec le soleil

Ou encore

Des humains suffrages, des communs élans, là tu te dégages et voles selon.

06/11/2011

Du temps au travail (1)

En cette période où les jours fériés viennent briser le rythme du temps reproductible que le passage à l’heure d’hiver avait déjà malmené, les repères temporels s’estompent dans les brumes d’un automne attentif à demeurer une saison de transition. Les chroniques de la semaine seront donc consacrées au temps, qui est tellement lové au cœur du travail que toute réponse sur votre rapport au temps vous apprendra autant sur votre rapport au travail.

 Prenons comme point de départ le Lion d’Or de la biennale de Venise attribué à Christian Marclay pour son film « The Clock ». Composé de plus de 3000 extraits de films, The Clock dure 24 heures égrénées minute par minute. Vous pouvez régler votre montre sur toutes celles qui défilent dans le film ainsi que les horloges, réveils, minuteurs, pendules qui tous marquent une minute différente…d’un jour fait de 1440 minutes.


Ce film ne raconte pas d’histoire, il enchaîne des séquences où les regards se portent sur l’heure, dans l’attente le plus souvent d’un évènement qui serait sur le point d’advenir et dont le surgissement a été programmé par le calcul, le hasard, la manipulation ou le destin. Le spectateur est tenu dans la main du réalisateur et ne peut s’arracher à cette fuite en avant dans laquelle chaque minute est une histoire à l’intérieur de l’histoire faite de toutes les minutes de la journée.

Qui s’installe devant le film devient la victime volontaire du piège de l’attente de la minute d’après. Savoir qu’elle aboutira à  la minute suivante avant que son énigme ne soit résolue ne décourage personne. Nul ne veut descendre de la grande roue du temps qui jamais n’aura tourné de manière aussi visible.

Il n’est pas exclu que le temps restitué par Marclay soit celui de l’enfance, celui où chaque seconde est vécue comme un temps autonome et long. Ceux qui ont su préserver ce temps, même sous couvert de sérieux comme Joyce dans Ulysse par exemple, auront un rapport au temps mêlant le jeu, l’exigence, la curiosité, le désir et l’envie. On leur souhaite d'avoir le même rapport au travail.

NB : Il est conseillé de visionner la vidéo à 12h04

23/10/2011

Coup de chaud sur les forfaits jours

Difficile parfois de résister à la tentation, n'est pas Saint-Antoine qui veut. Icare lui, ne résista pas et partit défier le soleil avec ses ailes aux jointures de cire. Le soleil fut au rendez-vous, la cire fondit et Icare chuta. Quelques uns en conclure que les hommes ne devaient pas défier les lois naturelles et que la science devait apprendre l'humilité. Ce n'est ni une loi naturelle ni l'humilité que le Conseil des Prud'hommes de Limoges a voulu rappeler aux dirigeants d'un hypermarché qui avaient cru pouvoir conclure des forfaits en jour avec leurs responsables de rayon. Mais plus simplement que l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2011 (voir ici) avait validé les forfaits en jours sous réserve d'un strict respect des conditions légales et conventionnelles, et que lorsque tel n'est pas le cas, le forfait doit être annulé et les heures supplémentaires effectuées par le salarié indemnisées. Dans l'affaire jugé le 6 septembre dernier, les juges ont estimé qu'en l'absence de preuve précise par le salarié du volume de ces heures supplémentaires, une indemnité de 30 000 euros devait lui être allouée, soit l'équivalent en l'espèce de plus d'une année de salaire brut.

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Herbert James Draper - Le chagrin d'Icare

On relèvera que les juges ont systématiquement passé en revue les conditions de validité du forfait en jours. La première est légale, il s'agit de l'autonomie du salarié. Difficile de considérer qu'un responsable de rayon qui doit faire valider ses départs de l'entreprise par le cadre de permanence est autonome. La seconde est également légale, il s'agit de l'entretien annuel obligatoire pour les salariés en forfait en jours, qui doit aborder la charge de travail, l'organisation du travail, l'impact de la vie professionnelle sur la vie personnelle et la rémunération. En l'espèce l'entreprise faisait bien un entretien annuel mais il ne portait que sur la performance et les compétences. Insuffisant pour les salariés en forfait jours. Enfin troisième condition le respect des obligations conventionnelles de suivi de la charge du travail des salariés en forfait jours. Pas plus de suivi collectif que de suivi individuel. Si toutes ces conditions ne sont pas réunies cumulativement, le forfait en jours doit donc être annulé et des heures supplémentaires payées. Les entreprises qui risquent de se brûler les ailes se reconnaîtront.

Nullité du forfait jour - CPH Limoges Septembre 2011.pdf

13/10/2011

Trinité

Les professionnels du droit doivent se former. Tant mieux pour eux, et pour leurs clients. Un décret daté du 5 octobre 2011 vient rappeler cette obligation. Avocats, notaires, huissiers, greffiers, commissaires priseurs : le petit monde des professions règlementées doit veiller à l'actualisation de ses compétences. Certaines dispositions du décret fleurent bon l'ancien temps : ainsi, seule l'Université est considérée comme capable de délivrer une formation juridique aux professionnels. On peut se demander ce qui justifie encore pareil monopole. Mais l'essentiel est ailleurs. Le décret détaille les modalités possibles de cette formation obligatoire. Et il en retient trois, considérées comme équivalentes : suivre une formation, enseigner, réaliser une production. Trois visages pour une même face.

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Trinité - Peinture allemande - XVIIIème siècle

La formation formelle, la confrontation aux autres, l'activité de production. Les trois modalités de formation retenues par le décret renvoient aux trois modes d'apprentissage: travail, coopération, formation.

Voici donc une nouvelle incitation, pour les entreprises qui s'en tiendraient à l'étroite équation développement des compétences  = formation, d'aller voir un peu au-delà et de faire évoluer les plans de formation vers des plans de professionnalisation incluant des activités professionnelles, des actions collectives et de la formation formelle. L'ingénierie de formation devenant une ingenierie de l'articulation de ces différents moyens entre eux.

Merci aux rédacteurs du décret de nous mettre sur le chemin de la Trinité.

DECRET 5 OCTOBRE 2011.pdf

05/10/2011

Et le loup mangea le petit chaperon rouge...

Il y a deux ans, le législateur confiait au PRISME, syndicat des entreprises d'intérim, le soin de négocier les conditions et modalités de mise en oeuvre du portage salarial. A l'époque, je considérais que cela revenait à confier au loup la garde du petit chaperon rouge : c'est ici. C'est en d'autres termes ce que vient de considérer également l'IGAS qui se prononce contre l'extension de l'accord péniblement conclu après 20 mois de négociation.

Parmi les motifs retenus par l'IGAS, figure en premier lieu que l'accord réserve le portage salarial, cette formule qui permet d'exercer une activité indépendante avec un statut de salarié par le biais d'une société de portage, aux cadres. Pourquoi cette restriction ? par cet aveuglement statutaire très français  qui assimile l'expertise technique au statut, oubliant que l'histoire du travail indépendant a été plus façonnée par l'artisan que par le médecin ? ou bien parce que c'était une manière de croquer le petit chaperon rouge en faisant durer une négociation mal conclue ce qui au final empêche le portage de se développer dans un cadre stabilisé, seul objectif inavouable mais bien réel du PRISME ?

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Francis Moreeuw - La véritable histoire du petit chaperon rouge - 2000

Reste donc à remettre l'ouvrage sur le métier, en oubliant cette fois-ci le loup. Le dossier doit revenir devant le législateur après consultation, comme le prévoit l'article 1er du Code du travail, des partenaires sociaux au niveau interprofessionnel. Non qu'ils soient des agneaux, mais au moins peut-on supposer qu'ils n'auront pas comme seul objectif d'entraver une voie de développement de l'activité indépendante dont l'intérim considérait qu'il pourrait lui faire de l'ombre. Mais après tout, la faute tient peut être moins au comportement du loup, prévisible, qu'à celui qui a décidé de lui confier la garde du petit chaperon rouge.

12/09/2011

N'évacuez pas, travaillez !

Dans le flot d'images et de commentaires consacrés au 11 septembre, deux témoignages. Le premier, d'un salarié d'une société financière qui travaillait dans la Tour Sud. Le premier avion d'American Airlines vient de s'écraser sur la Tour Nord. Les personnels commencent à évacuer la Tour Sud effrayés par le choc et l'incendie. Mais rapidement la consigne arrive : restez à vos postes de travail, nous ne sommes pas concernés, le problème concerne la Tour Nord. Hésitation et puis l'ouverture des bourses dans cinq minutes, on s'installe et on travaille. Des centaines de personnes seront victimes de cette consigne.

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Site du World Trade Center - Juillet 2011

L'emprisonnement dans le routinier, l'incapacité à penser l'évènement qui survient sans avoir été imaginé, la paupérisation de l'imagination même par l'enfermement dans les codes du  quotidien. Une vision unilatérale et simpliste du monde qui participe à la destruction et dont on peut se demander si elle n'en est pas une des causes. A cet effet, la thèse des bons et des méchants, du diable et des héros permettra d'éluder tout questionnement. Et l'on redonnera la parole aux architectes qui construiront plus haut, plus fort, comme avant, en mieux.

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Le second témoignage est celui de William Langewiesche, journaliste à Vanity Fair. Un des rares journalistes a avoir eu accès au site de Ground Zero. Il était interrogé par Faustine Vincent :

Vous écrivez que la catastrophe a fait voler en éclat les hiérarchies sociales. En quoi?
C’était un chaos à la fois physique, politique, technique et social. Face à l’urgence, les hiérarchies sociales n’importaient plus, tout le monde se foutait de qui était le patron. Les gens avaient pris le pouvoir par la pratique: les petits ingénieurs, les ouvriers, les pompiers, les policiers... Pour eux c’était une vaste libération personnelle. Comme en temps de guerre, parce qu’il n’y avait plus les mêmes règles.

Vous avez dit avoir découvert la «quintessence américaine» à travers vos reportages à Ground Zero. Quelle est-elle?
Le manque de hiérarchie et la liberté de laisser les gens avoir de la puissance selon leurs capacités et non leurs diplômes. C’est l’ancien idéal des Etats-Unis. Le «self made man», en quelque sorte. Je crois que si le World Trade Center était en France, on n’aurait pas vu ça. Parce que la France étouffe sous la hiérarchie des diplômes.

Pourquoi «l’ancien idéal» des Etats-Unis? Ce n’est plus le cas?
Ça existe toujours un peu dans les affaires, dans la Silicon Valley, mais sinon, de moins en moins. Le pays et la société vieillissent, et quand les structures sont en place, elles deviennent dominantes.

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Les avions continuent à passer au-dessus de Manhattan. Est-ce le signe que l'Amérique est plus forte parce qu'elle sait ce qu'est la peur et que l'on est plus fort lorsque l'on en a fait l'expérience ? ou bien est-ce que la routine, et ses réflexes mortifères, ont repris le dessus et que le 11 septembre est devenu un fantasme, un acte d'emblée déréalisé ?

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Ciel bleu sur Wall Street, immeubles noirs et puissants, drapeau haut en couleur, nul ne sait ce jour si l'Amérique est vieillissante ou si elle sera capable demain, s'il le faut, d'évacuer et donc d'agir, plutôt que de continuer à travailler, en spectateur de la mort qui vient.

08/09/2011

Oublier le temps

Invariablement, tous les matins, tous les soirs, ils somnolent sous les arbres, assis devant les tables de béton. Si vous passez le matin, vous les trouverez déjà installés quelle que soit l'heure de votre passage. Ont-ils dormi là ? tombent-ils des arbres ? poussent-ils sur les bancs de pierre ? les joueurs d'échecs du Washington Square ne peuvent  être vus autrement qu'assis, comme s'ils n'arrivaient et ne partaient jamais. Leur immuabilité s'associe à la tranquillité du parc que le bruit de la ville ne pénètre guère.

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Mais à New-York, le rythme n'est jamais absent. Si vous prenez place, la torpeur du regard s'efface, les corps se tendent, l'air en un instant est saturé de concentration intense et jouissive. C'est alors que sortent les pendules. Trente minutes la partie, quinze minutes par joueur pour une cinquantaine de coups en moyenne. Le petit gros apathique et mal fagoté ? il vient de jouer 40 coups en 4 minutes, soit un toute les six secondes. Après ce victorieux effort, il s'abandonne à la léthargie. Sa rêverie ne va pas jusqu'à lui laisser imaginer qu'il est des endroits de la planète où la performance se mesure à la durée de temps passée.

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Aussi stupide que si l'on saluait la performance d'être resté dix heures sur le banc. Aussi stupide que si l'on imaginait que la partie en quatre minutes peut être répétée 15 fois par heure, sept heures par jour. Le temps est une obsession qui gagnerait à perdre de son omniprésence au profit d'une véritable gestion du travail, c'est à dire du résultat et des conditions de sa production. Mais pour penser à cela, il faudrait avoir le temps, comme celui que prenne les joueurs d'échec du Washington Square entre deux parties.

29/08/2011

Une tête de rentrée

Atmosphère de rentrée en ce lundi matin. C'est à dire une période de transition, car même si vous êtes plongé dans une ambiance nouvelle, vous restez sous l'influence de la période d'été et des vacuités qui l'accompagnent. Vous flottez dans un entredeux favorable à la dissociation : une légère schizophrénie sans gravité vous ouvre des horizons qui ne vous ont pas totalement quittés. Le regard porte loin, bien au-delà de vos collègues qui vous parlent, de quoi au fait ? vous êtes un peu ailleurs. Vous ressemblez un peu à ceci :

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Combien de temps durera cet intervalle ? pendant combien de jours préserverez-vous ce regard lointain et un peu rêveur, le vert et le bleu comme couleurs dominantes, la sensation d'harmonie entre un corps détendu, souple, vif et un esprit qui ne l'est pas moins ?

Combien de temps avant de ressembler à ceci :

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Photo : Pedro Meyer

Le corps qui perd de son maintien, la tête qui s'incline et le regard qui se ferme et réduit dangereusement son champ de vision. La machine qui vous happe. Qui commande à l'autre ?

Mais rassurez-vous, vous n'êtes pas les seuls à replonger, cela arrive aux meilleurs. Bonne rentrée à tous (et aux autres aussi).

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30/07/2011

Conclusion : Sortir le droit de la compétence des oubliettes

Retracer l’histoire de la compétence dans le droit du travail, c’est identifier 4 oublis :

- l’oubli que le droit du travail sait précisément définir et reconnaître la compétence ;

- l’oubli que c’est avant tout de compétence collective que l’entreprise a besoin alors qu’elle gère essentiellement des compétences individuelles ;

- l’oubli que l’approche par les compétences peut être un levier pertinent pour la négociation collective et l’action syndicale ;

- l’oubli que le droit règle précisément les responsabilités de chacun en matière d’employabilité et que le débat sur « Qui est responsable de l’employabilité des salariés ? » est déjà tranché.

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Marcel Marien - L'oubli d'être en vie - 1967

Ces 4 oublis ne pourront faire oublier que la compétence n’a de sens qu’en rapport avec l’exercice d’une activité et que le travail est donc premier, que le problème est moins d’opposer travail et formation que de les articuler pour construire des parcours de professionnalisation, que la formation n’est pas l’avenir des services formation mais plutôt les moyens diversifiés du développement professionnel et que la notion de compétence posera demain des problèmes juridiques nouveaux qui ne pourront être saisis avec les outils anciens lorsqu’elle aura fait voler en éclat les frontières entre qualification contractuelle et qualification personnelle, entre temps de travail et temps personnel et entre compétences personnelles et compétences professionnelles. Mais cette histoire là reste à écrire. C’est celle d’un droit de la formation qui aura muté en un droit de la compétence et dans lequel l’accès à la formation sera un moyen, parmi beaucoup d’autres, de développer ses compétences, c'est-à-dire de gagner en autonomie sur le plan professionnel et partant sur le plan personnel.

29/07/2011

Chapitre 7 Qui voit la médaille du travail devenir parchemin

Les médailles du travail récompensent l’ancienneté. Dans un modèle de la compétence, elles ne produisent que peu de sens, hormis la fidélité à l’entreprise. En effet, autant l’expérience peut professionnaliser, autant elle peut être source de déqualification. De ce point de vue, voir en chaque senior un tuteur potentiel est une absurdité : toute expérience ne fait ni ne vaut compétence.

Depuis 2002, la Validation des Acquis de l’Expérience a mis l’activité au même niveau que la formation pour l’accès à la certification. Dorénavant, c’est moins l’ancienneté que l’on trace que les compétences développées dans l’activité.

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Botticelli - Portrait d'un jeune homme tenant une médaille

Reste à mettre en place les moyens pour que l’expérience se traduise en compétence, ce qui n’a rien d’automatique. Pourtant, selon l’Université de Princeton, sur l’ensemble de sa carrière professionnelle on acquiert 70 % de ses compétences par son travail, 20 % par ses collaborations avec autrui et 10 % par la formation formelle. Reste aux services formation à se préoccuper des 90 % et ne pas considérer qu’ils ne  sont  responsables que des 10 %.