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30/07/2008

Chronique d'une réforme annoncée (IX)

Quand Heidegger travaillait-t-il ? Une des plus importantes oeuvre philosophique a été conçue en marchant dans les montagnes, en regardant "le moment où naissent les nuages". Nietzsche et Rousseau connaissaient aussi les vertus de la marche en montagne pour le travail. Plus près de nous, on peut se souvenir que Jean-Claude Quentin, Secrétaire Confédéral FO, préparait les négociations en allant à la pêche au coup.

 

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Le temps, c'est de l'art, Jean - Jean-Louis Bouzou - Collage 

Si l’on transfère la question vers la formation, elle ne se simplifie pas pour autant : quand nous formons nous ? en travaillant, c’est ce que nous dit la VAE, en formation, pour le temps observable de face-à-face pédagogique ou de mise en situation d’apprentissage, mais au-delà ? toute formation ne suppose-t-elle pas un temps de réappropriation, d’assimilation, de réflexion qui constitue la condition de l’apprentissage effectif ? comment tracer les limites du temps de formation et définir le régime applicable à ce temps ? la neuvième chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle,  fait l’hypothèse que la définition d’un régime propre du temps de formation peut résulter des dispositions actuelles relatives à la formation en dehors du temps de travail et que ce temps peut préfigurer une nouvelle approche du temps de formation, envisagé comme un temps personnel à finalité professionnelle. La négociation sur la formation devra, aussi, aborder cette question du temps.

chronique_temps_de_formation.pdf

11/07/2008

Stress

La CFTC et la CFDT ont annoncé leur intention de signer l'ANI du 2 juillet 2008 relatif au stress au travail. Les autres organisations syndicales donneront leur réponse dans le courant de l'été. Cet accord, qui pourrait paraître très général à première lecture, comporte en fait quatre innovations : 

- tout d'abord il constitue la transposition d'un accord-cadre européen conclu le 8 octobre 2004. Les partenaires sociaux démontrent ainsi qu'ils ont la capacité à construire cette introuvable Europe sociale (voir chronique du 9 juillet) ;

- ensuite l'accord adopte la définition de l'Agence Européenne de la sécurité et de la santé au travail qui définit le stress comme : "un déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui imposent son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face" ;

-  l'accord ne s'en tient pas à une approche strictement individuelle (le stress est une perception) mais inclut expressément la question de l'organisation du travail, de la charge de travail, de la durée du travail, de la communication et du management comme des facteurs possibles de stress ;

- l'accord  réaffirme à plusieurs reprises la responsabilité première de l'entreprise dans la prévention et le traitement du stress, mais il indique également que les représentants du personnel collaborent à l'établissement de mesures préventives qui constituent des obligations pour les salariés. Si les responsabilités ne sont pas identiques, l'implication de tous est requise.

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Courbet - Le désespéré (autoportrait) - 1843-1845
 

 Cet accord aura, dès son extension, plusieurs effets pratiques  :

- il inclut l'obligation d'informer et de consulter les représentants du personnel sur le stress ;

- il fait de la formation, de l'ensemble des acteurs mais notamment de la direction et de l'encadrement, un moyen clé de prévention ;

- il renforce les capacités, déja larges (voir chronique du 11 juin 2008), d'intervention du CHSCT sur le champ de l'organisation du travail, du management, de la gestion de la performance, de la gestion prévisionnelle, de la communication interne, de l'équilibre en vie professionnelle et vie personnelle, etc.

Au final, le potentiel de ce texte pour constituer un point d'appui quant aux manières de poser la question du stress dans l'entreprise et de la traiter, voire de fournir un support juridique efficace pour des actions concrètes en entreprises paraît tout à fait important. Peut être plus que certains négociateurs ne le souhaitaient. L'Usine nouvelle ne s'y est d'ailleurs pas trompé qui présente cet accord comme une victoire pour les syndicats.

ANI2juillet2008surlestressautravail.pdf

01/07/2008

Quand travaillons-nous ?

En ce premier juillet, sous les premières chaleurs d'été, la question s'impose : quand travaillons-nous, où passe la frontière entre le travail et....et quoi au juste ? le temps libre ? le loisir ? l'activité personnelle ? le temps amical ? le temps amoureux ? décidément, la question des frontières n'est jamais aisée.

Bien sur la question pourrait paraître provocante, tel n'est pas son objet, pour qui s'échine pendant plusieurs heures devant un laminoir, un écran, un volant, une machine-outil, une caisse, des clients qui ne voient qu'eux-mêmes ou encore des tapis roulants chargés d'ordures ménagères. Et pourtant ! qui peut dire qu'il ne s'évade pas de la contrainte physique par la divagation de l'esprit et qui peut dire que le bruit, les odeurs, la tension physique et mentale cessent dès la sortie de l'atelier ou du bureau. Si l'on approche le regard, la frontière entre le travail et l'autre chose nous fuit comme la ligne d'horizon. Quand Heidegger travaillait-t-il ?

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Une des plus importantes oeuvre philosophique a été conçue en marchant dans les montagnes, en regardant "le moment où naissent les nuages". Nietzsche et Rousseau connaissaient aussi les vertus de la marche en montagne pour le travail. Je me souviens de Jean-Claude Quentin, Secrétaire Confédéral FO, qui préparait ses négociations en allant à la pêche au coup.  
 
A l'heure où le Gouvernement a fait le choix de remettre sur le tapis parlementaire les textes relatifs au temps de travail, et notamment aux forfaits en heures et en jours, peut être pourrait-on tenir compte du fait que le temps n'est pas toujours l'unité la plus pertinente pour mesurer le travail et qu'il serait peut être temps, en ce domaine comme en d'autres, de faire preuve d'un peu de créativité. Les députés, une ballade en montagne, ça vous dirait ? 

20/06/2008

Heures de délégation : le temps libre

La Cour de cassation, présidée pour l'occasion par une Toulousaine, vient de réaffirmer un principe absolu : il appartient aux représentants du personnel de déterminer librement le moment où ils bénéficient de leur crédit d'heures. L'employeur n'a pas à s'immiscer dans le choix du représentant du personnel qui est libre d'utiliser son temps comme bon lui semble. En fait, ce sont deux principes qui ont été rappelés :

- le représentant du personnel peut librement déterminer le moment auquel il prend ses heures de délégation, indépendamment des plages de temps que lui octroit l'enreprise ;

- lorsque des heures liées au mandat sont effectuées en dehors du temps de travail à l'initiative de l'employeur, elles donnent lieu à paiement majoré comme des heures supplémentaires (Cass. Soc. 11 juin 2008, T 07-40.823/1134, Sté DPSA Ile de France c/ M. Mathieu K., F-P+B)  

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Chirico - L'énigme de l'heure 
 
En l'espèce, il s'agissait d'un représentant du personnel travaillant la nuit et prenant fréquemment ses heures de délégation de jour. L'employeur, soucieux de sa masse salariale, établissait des plannings d'activité incluant des absences dans les horaires de nuit pour tenir compte des heures de délégation. Impossible nous dit la Cour suprême : l'employeur ne peut se substituer au représentant du personnel pour fixer la prise des heures de délégations et doit prendre acte du moment où il décide d'utiliser son crédit d'heures. Si le représentant du personnel ne peut prendre ses heures en dehors du temps de travail que dans l'intérêt du mandat, celui-ci est largement entendu et recouvre la possibilité pour un travailleur de nuit de prendre des heures en dehors de ses heures de travail. D'une manière plus générale, les tribunaux sont très réticents à fixer des limites à la liberté d'utilisation des heures de délégation. On a ainsi vu des refus de considérer qu'est une pratique abusive le fait de prendre les heures de délégation tous les vendredi après-midi ou lundi matin, ou encore de prendre 1 heure de délégation systématiquement tous les matins à l'heure où se fait la répartition du travail. Le principe de liberté dans l'utilisation du temps de délégation est donc très largement affirmé, et confirmé une nouvelle fois par la décision du 11 juin.
 
Sur la seconde partie de la décision,  la Cour de cassation rappelle que lorsque le représentant du personnel doit prendre ses heures en dehors du temps de travail du fait de l'employeur, les heures doivent lui être payées en heures supplémentaires. Il en est ainsi lorsque l'employeur fixe les réunions du CHSCT en dehors des plages d'activité des membres désignés de cette instance.
 
En pièce jointe, l'intégralité de la décision de la Cour de cassation. 
 

 
 

 

20/05/2008

Toyotisme à la française

Dans un réflexe quasi-pavlovien nos dirigeants politiques, soudain épris d'internationalisme et quelle que soit leur étiquette, regardent par dessus les frontières en expliquant : "il suffit de regarder ailleurs ce qui marche, et de ne prendre que le meilleur". L'argument est également invoqué a contrario ces jours-ci : "nous sommes les seuls à pratiquer les 35 heures, donc c'est forcément mauvais".

Cette méthode comparative trouve rapidement sa limite en ce qu'elle nie le caractère systémique de nos systèmes sociaux : ce n'est pas en mettant une boîte de vitesse de formule 1 sur une voiture de série qu'on la fait rouler plus vite, au contraire son équilibre risque de s'en trouver perturbé.

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Stephane Couturier - Série Melting Point. Usine Toyota n° 5 - 2005
 
  C'est ce que nous explique Sébastien Lechevalier, dans un article paru le 22 avril dernier dans Le Monde à propos du lien entre Toyotisme et suicide au travail. Selon lui, ce n'est pas le toyotisme et l'implication plus forte dans le travail qu'elle génère qui serait la cause de la dégradation de conditions de travail, mais plutôt une transposition imparfaite parceque parcellaire. Il est bon de se rappeler que les organisations du travail s'insèrent dans des cultures et rapport au travail qui, si elles peuvent bien évidemment évoluer, n'en sont pas moins profondément ancrées dans nos comportements.
 
 
 

 

17/04/2008

Forfait jours, toujours

Le forfait en jours n'en finit plus de mobiliser les juges : deux décisions rendues le 26 mars 2008 viennent encore le rappeler.

 Dans la première affaire, l'entreprise a directement appliqué un accord collectif à des salariés pour les placer d'office en régime de forfait en jours, sans leur faire conclure un avenant au contrat de travail. Le forfait dans ces conditions n'est pas valide et le salarié peut demander des heures supplémentaires ( Cass, soc., 26 mars 2008, n° 06-45.999 FS-PBR).

Dans la seconde affaire, l'entreprise a conclu une convention de forfait en jours avec un cadre technique, alors que l'accord n'incluait pas cette catégorie dans les salariés pouvant signer des conventions de forfait en jours : impossible donc d'appliquer ce régime au salarié malgré son accord Cass, soc., 26 mars 2008, n° 06-45.999 FS-PBR).

Les enjeux financiers étant très  important, on rappelle une nouvelle fois les conditions du forfait en jour :

- qu'un accord collectif ait défini les catégories de salarié concernées ;

- que l'accord collectif ait prévu les modalités de suivi de la charge de travail des salariés (et que ces modalités soient appliquées) ;

- qu'une convention individuelle soit conclue avec le salarié ;

- que l'autonomie du salarié dans l'organisation de son temps de travail soit effective.

 

Si l'une de ces conditions vient à manquer, la remise en cause du forfait sera obtenue sans aucun problème par le salarié qui, se retrouvant en régime horaire sur la base de 35 heures semaines, peut commencer à faire le compte des heures supplémentaires qui devront lui être payées par l'entreprise.

 Si le forfait en jours simplifie la gestion du temps de travail, c'est à condition qu'il soit régulièrement conclu.

 

 

 

03/04/2008

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