21/09/2011
Dix ans
Il y a dix ans, mon bureau était installé à la campagne, à 35 kilomètres de Toulouse dans la vallée de la Garonne. J'y travaillais ce matin là avant de me rendre à un rendez-vous à la SOCAMIL, plateforme logistique de l'enseigne LECLERC. Il faisait beau. Soleil de fin d'été annonciateur de la douceur de l'arrière saison dans le Sud-Ouest. Soudain, on donna un grand coup de pied dans la porte d'entrée, située au premier étage, et les vitres tremblèrent. Un bruit violent et sourd retentit. Derrière la porte, il n'y avait personne. Le coup de pied n'était que le souffle de l'explosion d'AZF qui avait suivi le lit de la Garonne pour s'engouffrer dans le village puis dans la cage d'escalier.
Dix jours après le 11 septembre, l'idée d'un attentat vint à l'esprit. Le bruit provenait de l'axe de l'aéroport. Avant de partir en rendez-vous, la radio : rien, pas d'annonce. Je partis donc. En approchant de la SOCAMIL, à Tournefeuille, des embouteillages inhabituels. Dans les voitures, je m'aperçus que les conducteurs avaient remontés leur T-Shirt, leur veste, leur polo sur leur bouche. Comme une dérisoire cagoule. A la barrière de l'entreprise, la sécurité m'annonce qu'il y a eu des attentats dans Toulouse. Mon rendez-vous n'a plus le temps de me recevoir : les salariés demandent à rentrer chez eux, le bâtiment a connu des dégâts. Je repars : l'agent de sécurité me dit "l'ONIA a pété". Rien dans ces mots pour surprendre un toulousain. AZF n'existe qu'à partir de ce 21 septembre 2001, jusque-là l'ONIA s'imposait comme Airbus restera toujours l'aérospatiale pour beaucoup de toulousains. Quant à ce que l'ONIA pète, on l'envisageait sans y croire vraiment depuis plusieurs dizaines d'années. Mais aussitôt inquiétude : un de mes étudiants est en stage aux ressources humaines chez AZF. Injoignable sur son portable, 1 heure plus tard sa mère me rassurera : blessé pas trop gravement. Mais l'expérience indélébile de la mort, de la peur et du chaos. Le DRH d'AZF, lui, ne s'en remettra jamais. Il n'est pas le seul dans ce cas, tant le traumatisme reste vif. Lorsque le souffle vint battre la porte de mon bureau, je ne savais pas encore que l'explosion avait fait 30 morts et 2500 blessés.
01:29 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : azf, toulouse, anniversaire, ressources humaines, 11 septembre
12/09/2011
N'évacuez pas, travaillez !
Dans le flot d'images et de commentaires consacrés au 11 septembre, deux témoignages. Le premier, d'un salarié d'une société financière qui travaillait dans la Tour Sud. Le premier avion d'American Airlines vient de s'écraser sur la Tour Nord. Les personnels commencent à évacuer la Tour Sud effrayés par le choc et l'incendie. Mais rapidement la consigne arrive : restez à vos postes de travail, nous ne sommes pas concernés, le problème concerne la Tour Nord. Hésitation et puis l'ouverture des bourses dans cinq minutes, on s'installe et on travaille. Des centaines de personnes seront victimes de cette consigne.
Site du World Trade Center - Juillet 2011
L'emprisonnement dans le routinier, l'incapacité à penser l'évènement qui survient sans avoir été imaginé, la paupérisation de l'imagination même par l'enfermement dans les codes du quotidien. Une vision unilatérale et simpliste du monde qui participe à la destruction et dont on peut se demander si elle n'en est pas une des causes. A cet effet, la thèse des bons et des méchants, du diable et des héros permettra d'éluder tout questionnement. Et l'on redonnera la parole aux architectes qui construiront plus haut, plus fort, comme avant, en mieux.
Le second témoignage est celui de William Langewiesche, journaliste à Vanity Fair. Un des rares journalistes a avoir eu accès au site de Ground Zero. Il était interrogé par Faustine Vincent :
Vous écrivez que la catastrophe a fait voler en éclat les hiérarchies sociales. En quoi?
C’était un chaos à la fois physique, politique, technique et social. Face à l’urgence, les hiérarchies sociales n’importaient plus, tout le monde se foutait de qui était le patron. Les gens avaient pris le pouvoir par la pratique: les petits ingénieurs, les ouvriers, les pompiers, les policiers... Pour eux c’était une vaste libération personnelle. Comme en temps de guerre, parce qu’il n’y avait plus les mêmes règles.
Vous avez dit avoir découvert la «quintessence américaine» à travers vos reportages à Ground Zero. Quelle est-elle?
Le manque de hiérarchie et la liberté de laisser les gens avoir de la puissance selon leurs capacités et non leurs diplômes. C’est l’ancien idéal des Etats-Unis. Le «self made man», en quelque sorte. Je crois que si le World Trade Center était en France, on n’aurait pas vu ça. Parce que la France étouffe sous la hiérarchie des diplômes.
Pourquoi «l’ancien idéal» des Etats-Unis? Ce n’est plus le cas?
Ça existe toujours un peu dans les affaires, dans la Silicon Valley, mais sinon, de moins en moins. Le pays et la société vieillissent, et quand les structures sont en place, elles deviennent dominantes.
Les avions continuent à passer au-dessus de Manhattan. Est-ce le signe que l'Amérique est plus forte parce qu'elle sait ce qu'est la peur et que l'on est plus fort lorsque l'on en a fait l'expérience ? ou bien est-ce que la routine, et ses réflexes mortifères, ont repris le dessus et que le 11 septembre est devenu un fantasme, un acte d'emblée déréalisé ?
Ciel bleu sur Wall Street, immeubles noirs et puissants, drapeau haut en couleur, nul ne sait ce jour si l'Amérique est vieillissante ou si elle sera capable demain, s'il le faut, d'évacuer et donc d'agir, plutôt que de continuer à travailler, en spectateur de la mort qui vient.
01:35 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 11 septembre, world trade center, new-york, ground zero, amerique, hiérarchie, diplôme, travail, management, ressources humaines, politique, actualité, société
16/11/2009
New York Dolls
Retour à Paris et dernière chronique New Yorkaise, pour le plaisir de partager quelques rencontres de hasard, dont on sait qu'il n'est jamais que la manifestation extérieure d'une nécessité intérieure selon la belle définition surréaliste.
Au début des années 1970, le groupe New York Dolls défie la chronique et annonce la vague punk qui se développera à Londres et ailleurs. Aujourd'hui, l'appellation s'est embourgeoisée, comme la ville.
01:46 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : obama, 11 septembre, new york dolls, proust, bellmer, droit, surréalisme