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29/05/2012

Actualité suspendue

Bien sur il y a le premier sommet social à Matignon, les plans sociaux qui sortent des cartons comme les loups du bois, la résistance du TGI de Créteil qui persiste à considérer que faire un plan social alors que l'on a pas de motif économique est une fraude à la loi et interdit à Leader Price de fermer des sites même si la Cour de cassation juge différemment, l'économie espagnole qui implose au point que la fière Catalogne pourrait tendre la sébille à Madrid et toutes les petites histoires du quotidien comme les lapsus que j'aime bien et cette responsable formation qui m'affirme qu'elle va "fermer les commerciaux", pardon elle va les former bien sur. Largement de quoi nourrir la chronique quotidienne. Mais non, sous le soleil revenu et dans les prémisses de l'été retrouvé, ce dont j'ai envie de vous parler c'est d'un peintre-ouvrier et d'un ouvrier-peintre. D'un artisan de l'art et d'un artiste de l'artisanat. J'ai envie de vous parler d'Esteban Martorell.

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Esteban Martorell - La dame des quais

Soyons direct : il y a des rencontres qui vous marquent plus que d'autres. Parmi toutes les personnes avec lesquelles je travaille chaque année (720 personnes formées en 2011 si j'en crois mon bilan pédagogique et financier) il est des visages et des personnes qui ne marquent guère, d'autres qui s'estompent au fil du temps mais certains demeurent très présents. Soyons direct encore : je n'apprécie pas uniformément la peinture d'Esteban Martorell. Certaines oeuvres ne me touchent guère et d'autres le font davantage par ce qu'elles disent de leur auteur que par leur facture. Mais il y a les autres. Cette dame des quais par exemple, toile proustienne qui nous parle avec délicatesse du temps, du silence, de l'émotion, des barrières entre les êtres, de la solitude, du bonheur, du sud, de l'enfance et du passé tout en rendant l'immobilité d'une après-midi en Provence.

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Esteban Martorell - La dame blanche la nuit

Ou cette Dame blanche, la nuit, toute droit venue des peintures naïves surréalistes qui vous revèlent les vrais poètes : ceux qui croient aux improbables survenances et sont capables de les susciter.

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Esteban Martorell - La Canalette

Ou encore ces coquelicots, comme des bouches avides de baisers, dévoreuses de vie dans sa splendide cruauté.

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Esteban Martorell - Souvenir d'enfance

Ou comme ces oranges de l'enfance qui sont celles du paradis. Et comme il n'est pas question de quitter ce paradis, l'actualité ce jour sera suspendue. Et pour prolonger le plaisir, vous pourrez retrouver les toiles d'Esteban Martorell cet été au Château de Marsillargues (Gard) du 12 juin au 13 juillet, puis vous les retrouverez du 9 août au 31 août au Palais des Congrès, aux Saintes-Maries de la Mer. Une bonne raison, s'il en fallait, pour faire un détour par la Camargue. En attendant, vous pouvez aller le saluer ici : Esteban Martorell.

21/02/2012

Salarié toujours qualifié

Il y a eu un jour où j'ai réalisé que j'avais des clients plus jeunes que moi. Et depuis quelques temps, je m'aperçois que mes premiers clients ont pris leur retraite. Mais comme j'aime bien la fidélité, je continue à les inviter à déjeuner. Ce qui m'a valu le plaisir de partager un repas avec un ancien directeur de la formation de la fédération du bâtiment.

"Vous savez que je vous cite souvent ?

- ah bon ! et à quel propos ?

- parce que vous avez toujours refusé que l'on parle de BNQ, les bas niveaux de qualification, ceux qui ont contribué à construire, entre autres, l'Arche de la Défense...

- oui je me suis beaucoup battu contre cela, et je note avec satisfaction que l'expression est moins employée

- vous savez qu'un salarié est toujours qualifié même s'il n'est pas diplômé...

- oui c'est le propre du travail, il qualifie alors que l'éducation, hélas, déqualifie parfois puisqu'elle produit des non diplômés. Je vais vous raconter une anecdote...

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Tarsila do Amaras - Ouvriers - 1933

- Allez-y !

- J'ai été auditionné par le Haut Conseil de l'Education, vous remarquerez l'importance du Haut. Comme ils m'ont fait attendre, j'ai vu des ouvriers qui repeignaient le ministère. Ils étaient tunisiens. J'ai  discuté avec eux. Je leur ai demandé où ils avaient appris à peindre, parce qu'ils faisaient un beau boulot. Ils m'ont répondu : "on a pas été à l''école pour ça"...

- Et vous en avez parlé lors de votre audition...

- c'est par ça que j'ai commencé !

Je crois que c'est que j'ai toujours le plus apprécié dans mon activité, c'est de rencontrer des individus engagés. Qui ne partagent pas toujours mes idées, qui sont parfois agaçants comme je peux les irriter, mais avec lesquels au final il y a quelques valeurs à partager dont la première est de ne jamais faire des individus des abstractions mais de les considérer dans leur singulière réalité. Et l'homme qui me raconta cette anecdote est aussi celui qui milita en 2003 pour passer de la notion de qualification à celle de professionnalisation. Paradoxe ? non, bien au contraire, mais ça je m'en expliquerai demain.