31/07/2012
Faire abstraction
C'est en Angleterre, lors d'une visite à la National Gallery, qu'est véritablement né mon goût pour la peinture abstraite. Pourquoi ? parce qu'à côté d'une toile, il y avait un petit panneau qui expliquait que la peinture abstraite se regardait comme de la musique s'écoute. Grâce à cette clé, j'ai pu entrer dans quelques toiles et puis beaucoup d'autres. Du coup, lorsque j'ai découvert que les musiciens parlaient de la "couleur" d'un orchestre pour traduire sa manière de jouer, cela ne m'a qu'a moitié surpris. La musique est par nature une abstraction et il n'est guère surprenant que la vibration des couleurs lui soit familière. Et cette vibration est, au moins pour les oeuvres majeures, un chemin qui mène vers la lumière. Illustration avec quelques unes des oeuvres de la magnifique collection de l'Institute of Art de Chicago.
Dans cette peinture de la Vallée d'Aoste par Turner, le panthéisme doit sa puissance à la fusion lumineuse des trois éléments : l'air, la terre et l'eau. Sous le paysage toujours présent, l'abstraction lyrique pointe les poils de sa brosse.
Dans le chef d'oeuvre de Seurat, Un dimanche à la Grande Jatte, le pointillisme est, avant l'heure, une pixelisation de l'image ramenée à des points de lumière qui composent la scène. Si l'on s'éloigne, zoom arrière, l'image gagne en netteté et les petits points disparaissent. Si l'on se rapproche, zoom avant, la toile n'est qu'une infinité de touches, comme le corps humain se réduit à des atomes selon la distance à laquelle on l'observe.
Cette décomposition de la lumière, Cézanne, ici avec Les baigneuses, et Matisse, avec son Géranium, y travaillèrent toute leur vie. Avec joie souvent, obstination toujours, acharnement fréquemment.
Puis vint le temps de la radicalité. Celui où le mouvement devait l'emporter définitivement sur le motif et la couleur se tenir toute entière devant vous. Non pas comme une décomposition progressive mais au contraire comme un ensemble cohérent. Comment en peignant avec cette vitesse et cette énergie De Kooning parvient-il à une composition totalement cohérente, équilibrée et fascinante ? ici ce n'est plus la musique de chambre de Matisse, mais une symphonie proche de Turner. Vous avez devant vous, en musique, l'histoire du XXème siècle qui vous est présentée.
Difficile de faire mieux en matière de déconstruction/reconstruction. Ce n'est pas un hasard si c'est un hollandais passé par Paris qui y parvint à New-York, à l'image de la French Théory qui traversa l'Atlantique et marqua profondément la recherche et la pensée américaine en sciences humaines. Dès lors, il fallait repasser par la technique pour essayer d'aller au-delà. Ce que fit Gerard Richter (dont on peut apprécier le travail à Beaubourg cet été) en retravaillant la matière et la lumière, toujours.
Mais celui qui parvient sans doute à aller le plus loin, jusqu'à y laisser sa vie même, ce fût Rothko dont les oeuvres sont des sirènes : le sourd ne risque rien, mais gare à celui qui entend la musique qui l'absorbera dans la toile. Car il n'aura ensuite de cesse de retrouver cette extase et fera projet de s'installer un jour au centre de la Chapelle Rothko, à Houston, pour écouter encore et toujours les sirènes. De tout le reste, il aura fait abstraction.
06:17 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, musique, abstraction, chicago, institute of art, turner, matisse, de kooning, cezanne, richter, beaubourg, rothko
18/05/2011
Et soudain, l'avalanche
Le délégué syndical a manifestement bien fait son travail. Les courriers sont tous arrivés le même jour. Une soixantaine. Adressés à la direction de l'entreprise qui compte quelques centaines de salariés. Une belle proportion. La rédaction des lettres est appliquée, le style est formel mais correct, il est dupliqué à l'identique dans les soixante missives. Seule change la formation demandée. Les soixante salariés qui demandent en même temps à bénéficier du DIF ont fait l'effort de choisir chacun une formation différente. Stupeur du DRH qui n'avait rien vu venir. Que faire face à une telle avalanche ?
Turner - Avalanche dans les Grisons
Pas de panique. Rien ne presse. Tout d'abord convoquer un comité d'entreprise ou inscrire la question à son ordre du jour. Indiquer que l'entreprise avait jusqu'à présent comme politique de gérer les demandes au fil de l'eau, n'ayant quasiment pas de demandes. Devant l'afflux massif, et pour endiguer l'avalanche, l'entreprise ne peut plus apporter uniquement des réponses individuelles au cas par cas mais doit élaborer une politique. D'où la réunion du comité d'entreprise auquel cette politique est présentée. Ce qui permettra ensuite de répondre aux salariés, selon les choix de formation qu'ils ont proposé, qu'ils entrent ou non dans la politique de l'entreprise. Rien de bien méchant donc. Mais cela le serait encore moins si au lieu d'attendre que la pression ne vienne d'en bas, les entreprises se posaient la question de savoir à quoi peut servir la formation dans l'entreprise et pourquoi il faudrait privilégier le DIF comme modalité de formation. Pour ceux qui souhaitent avoir quelques idées, au cas où, vous pouvez consulter le document joint. Car plutôt que d'attendre l'ensevelissement on peut prendre l'initiative de choisir le bon chemin, celui qui met à l'abri des avalanches.
Pourquoi développer le DIF dans les politiques de formation.pdf
01:09 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : dif, formation, ressources humaines, turner, avalanche, comité d'entreprise, droit, droit du travail