28/08/2012
Et la liberté devra être homologuée...
La loi du 25 juin 2008 a créé la rupture conventionnelle homologuée. Ce dispositif, qui concernera plus de 250 000 salariés en 2012, n'était pas une innovation dans son principe : ce qu'une volonté a faite, une même volonté peut le défaire. La rupture conventionnelle existait déjà, elle n'est pas remise en cause par la rupture conventionnelle homologuée. Simplement la première produit les effets sociaux et fiscaux d'une démission (rupture volontaire du contrat), alors que le passage par une rupture conventionnelle homologuée permet de bénéficier d'un régime favorable pour les indemnités versées dans le cadre de la rupture et pour l'accès au régime d'assurance-chômage. Comme Jean-Emmanuel Ray le fait, on peut donc distinguer la RC1 (mode général de rupture d'un contrat) et la RC2 (rupture homologuée) qui ouvre des droits particuliers. Tel n'est pas l'avis des juges de la Cour d'appel de Riom qui considèrent que seule une rupture homologuée peut permettre à un employeur et un salarié de défaire le contrat qu'ils ont signé. Et voilà comment la liberté contractuelle se trouve assujettie à l'imprimatur de l'administration.
Philippe Hortala - Les jours heureux, liberté chérie - 1986
Dans une décision du 12 juin 2012, la Cour d'appel de Riom pose en effet en principe que toute rupture amiable du contrat de travail doit obéir aux règles de la rupture homologuée. Le dispositif particulier de la rupture homologuée vient donc supplanter le droit commun de la rupture des contrats et le principe général de la possibilité de résiliation amiable. Adopter une telle position liberticide n'a pas semblé une préoccupation majeure pour les magistrats sans que l'on sache très bien si cela résulte d'une mauvaise humeur passagère, d'un assoupissement regrettable ou des effets indésirables d'une cure thermale draconienne dans les villes d'eau des jolis monts d'Auvergne. Vite une cassation et un renvoi vers la Cour d'appel de Bordeaux afin que l'esprit de Montaigne, de Montesquieu et du Médoc fasse souffler de nouveau la liberté.
00:15 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : rupture conventionnelle, jurisprudence, droit, droit du travail, liberté, contrat, juges, vin, cure thermale, médoc
27/09/2011
Détour direct
Vous goûtez un Sauternes : l'été indien fait de tournesols fanés, de vignes empourprées, de douces lumières et de platanes ambrés vous enveloppe. Vous souhaitez décrire le nectar, les mots qui vous viennent sont le miel, l'abricot, l'ananas, le citron pour quelques crus jeunes, mirabelles, mangue pour les plus mûrs, fruits de la passion ou poire pourront également se présenter. Des fruits jaunes, qui ont capturé le Dieu soleil pour vous en livrer les sucs.
Vous goûtez un Médoc : les sous bois vous accueillent et livrent leurs framboises, fraises des bois, myrtilles, cassis et vous mènent par les vergers à la cerise, la griotte ou au pruneau qui se marient à l'envi. Le feu du soleil a marqué au rouge le tanin qui s'épanouit en votre palais. L'or noir n'est pas cette eau de roche grasse et pollueuse, c'est le grain du raisin qui offre sa chair tendue dans sa jeunesse avant de s'abandonner à la moisissure pour sublimer les vins sapriens.
Comme il existe plus de cents mots pour décrire la robe du taureau, les fruits s'offrent par dizaine pour dire l'ineffable goût du vin. Le détour par le fruit vous livre l'âme du nectar, comme le détour par la moisissure permet d'exhausser les sucs de la boisson des Dieux.
Vous cherchez la nature des choses, vous souhaitez atteindre l'essence de ce qui vous préoccupe ? oubliez cette leçon de fausse évidence selon laquelle la ligne droite est le plus court chemin pour aller d'un point à l'autre. Pensez au lapsus : au détour d'une phrase, un mot détourné vient vous livrer le fond de votre pensée que vous ignoriez vous-même. Le détour n'est ni perte de temps ni égarement dans l'espace. Il est ce chemin qui vous mène au coeur du problème. Et si vous étiez un vin, lequel aimeriez-vous être ? et un fruit ? et une saison ? vous en apprendrez plus sur vous même en répondant à ces questions qu'en vous lamentant sur le stérile Qui suis-je ? si d'ailleurs il venait à vous assaillir, un détour par la vigne s'impose.
00:05 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : détour, vigne, vin, philosophie, médoc, sauterne, goût, lapsus, vérité
06/05/2011
La Carpe et le Lapin
La Cour des comptes en avait déjà fait la proposition et le Rapport Cherpion sur la mise en oeuvre de la loi du 24 novembre 2009 également. L'UMP reprend l'idée dans ses 80 propositions pour l'emploi : il faut articuler le DIF au CIF. Si d'aussi brillants cerveaux se rejoignent sur la nécessité d'opérer un rapprochement entre DIF et CIF, il est nécessaire de s'incliner. Mais ce faisant, on se rapproche du terrain et dès lors la réalité apparaît un tout petit peu plus nette sous forme de trois ordres de grandeur. Le DIF bénéficie à 17 millions de salariés (potentiellement). Le plan de formation concerne quasiment 6 millions de salariés tous les ans. Et le CIF arrive à financer 45 000 demandes de formation en moyenne. Proposer une articulation entre un dispositif qui concerne 17 millions de salariés et un autre qui en touche 45 000, c'est comme militer pour le mariage de la carpe et du lapin.
Paul Rebeyrolle - La carpe et le lapin
Les assemblages dispararent peuvent ne manquer ni de charme ni de poésie. Ce n'est toutefois pas ce qui les rend opérationnels. L'évidence semble plaider pour une articulation entre le DIF et le Plan. Peut être est-ce trop évident, puisque nul ne semble le voir. Et pourtant, tout plaide en ce sens : le DIF et le Plan sont financés intégralement par l'employeur, ils font tous deux partie de la politique de formation, ils associent formations imposées et formations négociées, ils pourraient permettre de viser l'objectif d'un salarié sur deux en formation chaque année. Mais non, on préfère se poser la question de savoir comment dix hectolitres de Médoc et une bouteille de Margaux vont pouvoir s'assembler pour donner un vin de qualité. Il y a rarement de bonnes réponses à de mauvaises questions.
00:55 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ump, emploi, dif, formation, cif, carpe, lapin, rebeyrolle, margaux, médoc