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08/06/2011

Le DIF ? une Chance !

Dans une décision du 18 mai dernier, la Cour de cassation juge que "le salarié, dont la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et qui n'est pas tenu d’exécuter un préavis, a droit à être indemnisé de la perte de chance d'utiliser les droits qu'il a acquis au titre du droit individuel à la formation".

Pour ceux qui défendent l'idée que le DIF est un droit dont le salarié aurait seul l'usage, un capital individuel en quelque sorte, voici un sujet de préoccupation : le DIF est une chance ! autrement dit, une possibilité. La Cour de cassation ne sanctionne pas l'impossibilité d'utiliser un droit, du fait de la rupture, mais la perte de la possibilité, donc de l'éventualité, de son utilisation. Résumons : le DIF c'est 4 droits. Le droit à un crédit, le droit à l'information, le droit à la négociation de l'utilisation du crédit (droit d'initiative et droit d'avoir une réponse) et le droit à portabilité. Ce n'est ni un droit de consommation, ni un droit de créance.

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Giovanni de Lutero - La Fortune : La Chance

Chacun des droits est sanctionnable  : le défaut de gestion du crédit, le défaut d'information, le défaut de réponse ou le défaut de mise en oeuvre de la portabilité. Sans doute l'employeur pourrait-il également être condamné pour ne pas avoir conduit une négociation loyale sur le DIF ou pour avoir opposé des refus illicites (budget insuffisant, non prise en charge par l'OPCA, etc.). Mais il est peu probable que l'impossibilité de se mettre d'accord après une négociation loyale trouve un jour une sanction juridique.

En réalité, qui veut favoriser le développement du DIF doit porter son regard non sur le moyen (le DIF lui même) mais sur la finalité. Lorsque le DIF est demandé par le salarié pour renforcer sa compétence, pour travailler dans un meilleur confort et une meilleur sécurité ou pour anticiper sur des évolutions d'emploi connues, voire sur une situation personnelle (inaptitude par exemple) : son refus par l'entreprise constitue un manquement à ses obligations de gestion des compétences dans le domaine de la performance du salarié, de sa santé ou de ses obligations de veille à l'évolution de l'emploi. Et c'est à ce titre que le refus de DIF sera sanctionnable. Par contre, si le salarié s'obstine à passer par la voie du DIF pour des projets personnels, peu de chance, donc de possibilité, qu'il reçoive l'aide du juge. Comme disent les Québécois, si tel était le cas, le salarié serait bien chanceux !

Commentaires

Bonjour,

J'ai déjà eu l'occasion de commenter cet arrêt notamment sur le site www.intelligence-rh.com.

Mon attention a été attirée sur le même point que vous mais j'en ai tiré des conclusions différentes ce qui est logique dans la mesure où nous n'avons pas du tout la même approche quant à la nature juridique du dispositif.

Comme je suis un peu fainéant, je vais donc me plagier moi-même :

"Je pense que l'attention doit être tout particulièrement attirée sur la nature du préjudice retenu : la « perte de chance » d'utiliser ses droits à la formation.

Car la « perte de chance » permet de mettre en évidence ce qui constitue une des caractéristiques du DIF : Il s'agit d'un droit dont le salarié a la libre disposition non pas, bien évidemment parce qu'il pourrait y renoncer par avance, mais parce qu'il lui est loisible de l'utiliser ou non. Et s'il a l'intention de l'utiliser, il dispose du choix du moment.

Dans cette espèce, le salarié s'était trouvé en face d'un comportement de l'employeur qui l'a amené à prendre acte de la rupture. Ce comportement présentait en ce qui le concernait toutes les caractéristiques d'un événement incertain et imprévisible.

La Cour d'appel de Toulouse avait considéré que « le salarié ne pouvait prétendre à l'indemnisation des heures acquises au titre du DIF depuis 2005 » dès lors que celui-ci n'avait « jamais formulé de demande à ce titre comme le suppose l'article L6323-10 du code du travail, ni à l'occasion de la prise d'acte de la rupture, pour une éventuelle demande durant le préavis. »

S'agissant de la période antérieure au fait de l'employeur ayant été à l'origine de l'initiative du salarié de prendre acte de la rupture, il était difficile d'y voir une quelconque faute ou négligence du salarié de nature à lui faire perdre tout droit à la formation. Le salarié utilise son DIF comme il l'entend et il peut très bien attendre un certain délai afin d'accumuler un nombre d'heures suffisant pour pouvoir suivre la formation qu'il a en vue et qu'il souhaiterait proposer à son employeur.

Par contre, pour la période postérieure, le doute pouvait à la limite être permis.

La prise d'acte de rupture produit, on le sait, à la suite de ce que j'appelle la « période d'incertitude » les effets soit d'un licenciement soit d'une démission.

Or, selon l'article L6323-17, dans les deux cas de figure, la fin du délai de préavis est constitutive d'une forclusion (la prise d'acte de la rupture était en l'espèce antérieure à la loi de novembre 2009 instituant la « portabilité »).

On pouvait donc à la rigueur estimer qu'en cas de prise d'acte de la rupture, le salarié devait, dans la foulée, introduire une demande avant la fin théorique du préavis (le salarié n'ayant pas l'obligation, comme le rappelle l'arrêt de l'exécuter).

Telle n'est pas l'option prise par la Cour de Cassation qui déconnecte la prise d'acte de la rupture du champ d'application de l'article L6323-17, ce qui est heureux, les procédures mises en place par ce texte n'étant pas du tout adaptées à la situation générée par une prise d'acte de rupture."

Cordialement

Bruno Callens

Écrit par : bcallens | 08/06/2011

Encore un point...

Vous dites (et je vous cite) :

"Le DIF c'est 4 droits. Le droit à un crédit, le droit à l'information, le droit à la négociation de l'utilisation du crédit (droit d'initiative et droit d'avoir une réponse) et le droit à portabilité."

Le droit à un crédit. D'accord

Le droit à l'information. Toujours d'accord mais il est limité quand même.

Le droit à la portabilité. D'accord, mais lui il est encore plus limité dans la mesure où il sera difficile au salarié de bénéficier d'une formation à hauteur de son crédit d'heures acquis.

Par contre, lorsque vous dites " droit à la négociation de l'utilisation du crédit (droit d'initiative et droit d'avoir une réponse)", je suis plus réservé car vous semblez oublier ou plus exactement vous mettez dans l'ombre le droit de proposition de l'action de formation qui lui, me semble essentiel.D'ailleurs, je définis souvent le DIF comme un droit portant sur un volume d'heures assorti d'un droit de proposition.

Cela me semble d'autant plus essentiel que le droit de proposition "gêne" et tout est fait pour le neutraliser (Ah ! les catalogues riquiqui !)

Preuve s'il en est que l'enjeu, au-delà de l'aspect financier, c'est surtout le contrôle du dispositif...

Écrit par : bcallens | 08/06/2011

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