18/05/2011
Et soudain, l'avalanche
Le délégué syndical a manifestement bien fait son travail. Les courriers sont tous arrivés le même jour. Une soixantaine. Adressés à la direction de l'entreprise qui compte quelques centaines de salariés. Une belle proportion. La rédaction des lettres est appliquée, le style est formel mais correct, il est dupliqué à l'identique dans les soixante missives. Seule change la formation demandée. Les soixante salariés qui demandent en même temps à bénéficier du DIF ont fait l'effort de choisir chacun une formation différente. Stupeur du DRH qui n'avait rien vu venir. Que faire face à une telle avalanche ?
Turner - Avalanche dans les Grisons
Pas de panique. Rien ne presse. Tout d'abord convoquer un comité d'entreprise ou inscrire la question à son ordre du jour. Indiquer que l'entreprise avait jusqu'à présent comme politique de gérer les demandes au fil de l'eau, n'ayant quasiment pas de demandes. Devant l'afflux massif, et pour endiguer l'avalanche, l'entreprise ne peut plus apporter uniquement des réponses individuelles au cas par cas mais doit élaborer une politique. D'où la réunion du comité d'entreprise auquel cette politique est présentée. Ce qui permettra ensuite de répondre aux salariés, selon les choix de formation qu'ils ont proposé, qu'ils entrent ou non dans la politique de l'entreprise. Rien de bien méchant donc. Mais cela le serait encore moins si au lieu d'attendre que la pression ne vienne d'en bas, les entreprises se posaient la question de savoir à quoi peut servir la formation dans l'entreprise et pourquoi il faudrait privilégier le DIF comme modalité de formation. Pour ceux qui souhaitent avoir quelques idées, au cas où, vous pouvez consulter le document joint. Car plutôt que d'attendre l'ensevelissement on peut prendre l'initiative de choisir le bon chemin, celui qui met à l'abri des avalanches.
Pourquoi développer le DIF dans les politiques de formation.pdf
01:09 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : dif, formation, ressources humaines, turner, avalanche, comité d'entreprise, droit, droit du travail
Commentaires
Bonjour,
Je ne sais pas à partir de quel "modèle" les demandes de DIF ont été rédigées. Qui sait ? Peut-être à partir de celui que je propose sur mon forum : http://bit.ly/cSnq0v
Après tout, je fais quand même plus de 20.000 visites par mois, ce qui est à la foi peu (par rapport au nombre de salariés susceptibles de bénéficier du DIF) et beaucoup (le forum étant mal référencé...).
Alors la "politique DIF"...Qu'en dire ?
Une "politique" DIf peut se concevoir mais dans une certaine mesure...Et avec beaucoup de précautions car il n'est pas possible de faire n'importe quoi.
Pour prendre un exemple, on conseille quelquefois de mettre en place une procédure interne de "demandes groupées".
En d'autres termes, il s'agit de prévoir une période dans l'année où les salariés seraient autorisés de déposer des demandes DIF.
On voit tout de suite le but de la "manoeuvre"...Il s'agit de faire en sorte que le salarié ne puisse déposer qu'un nombre limité de demandes dans l'année. Si on prévoit une période d'un mois par exemple, cela ne permet au salarié que de déposer une seule demande ; dans ces conditions il suffit pour l'employeur de refuser deux fois (sans avoir à donner de raisons !) pour être en mesure la troisième fois de "refiler le bébé" au Fongecif à des conditions financières favorables.
Le problème est que cette pratique est totalement illégale et à plusieurs titres.Il reste que les salariés ne savent pas qu'elle l'est et agiront en pensant qu'elle n'est pas illégale ...
Pour démontrer cette illégalité, il suffit de rappeler que le pouvoir d'organisation et de direction reconnu au chef d'entreprise ne s'exerce que dans les limites et les conditions fixées dans le code du travail.C'est peut-être une banalité d'affirmer cela mais de temps à autre, il est important de "revenir aux fondamentaux", même les plus éculés.
En tout état de cause, ce pouvoir d'organisation ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à l'employeur de modifier unilatéralement les règles légales relatives au droit individuel à la formation, règles dont il convient de rappeler qu'elles sont d'ordre public et auxquelles il n'est possible de déroger que dans la stricte mesure où ces règles sont plus favorables pour le salarié . Ce qui ne serait pas le cas, à l'évidence...
En l'occurrence, il faut bien voir que sous couvert de contraintes d'organisation, de "rationalisation" ou de réduction des coûts, objectifs louables en soi, il s'agit en réalité pour l'employeur de décider de mettre en place des conditions de recevabilité des demandes de DIF, conditions qui n'apparaissent pas dans le code du travail. Un employeur qui agirait de la sorte modifierait bien les règles légales fixant le régime juridique relatif à la mise en oeuvre du droit individuel à la formation.
Bien évidemment et par ailleurs, prévoir une telle règle sous couvert d'un pouvoir d'organisation lui permettrait d'opposer un motif de refus complétement étranger au choix de l'action de formation...
Cette question pourrait être traitée assez rapidement par les tribunaux. Que se passera-t-il le jour où dans une entreprise, un salarié dépose une demande de DIF en dehors des périodes autorisées, demande qui aura fait l'objet d'une acceptation implicite au bout d'un mois ? Il est clair qu'à aucun moment l'employeur pourra arguer de la non-recevabilité de la demande en raison de la circonstance que cette dernière a été introduite en dehors de la période autorisée. Il lui sera répondu tout simplement qu'au regard du code du travail, la demande est réputée acceptée et qu'il appartient à lui employeur d'en tirer toutes les conséquences.
Même un accord d'entreprise ne pourrait pas instituer une même règle pour la raison que un accord collectif ne peut déroger au code du travail que dans la mesure où les normes qu'il édicte sont plus favorables pour le salarié. Et on n'est pas dans le cas des quelques exceptions qui existent où le principe de faveur ne joue pas.
Écrit par : Bruno Callens | 18/05/2011
Bonjour,
Le problème est que dès qu'on sort d'un schéma préétabli ou de gestion strictement individuelle, vous y voyez une "manoeuvre". Les entreprises qui ont une politique DIF ont pour objectif de développer la formation et le DIF. Et lorsqu'il y a des campagnes DIF c'est dans des entreprises où une majorité de salariés a ainsi accès à la formation via le DIF.
Que l'employeur ait une politique DIF est non seulement la moindre des choses mais une obligation (il faut la présenter au CE). C'est la base sur laquelle il sera d'accord ou non sur les demandes des salariés et il est bien obligé d'avoir une politique pour pouvoir répondre oui ou non. Je ne vois pas en quoi c'est problématique. Et en quoi cela porterait atteinte à un quelconque ordre public. Il ne s'agit ni de ne pas répondre aux salariés, ni de contourner je ne sais quelle obligation. Il s'agit de définir un cadre pour la négociation de l'utilisation du DIF et une procédure pour le mettre en oeuvre. Et donner du sens collectif à un droit individuel. Rien de plus, et c'est déjà beaucoup. Vous devriez souhaiter que toutes les entreprises en soient là.
Cordialement
jpw
Écrit par : jpw | 18/05/2011
Bonjour,
Attendez...
vous dites que "l'employeur ait une politique DIF est non seulement la moindre des choses mais une obligation".
Ce n'est pas vrai.
J'imagine que vous faites allusion à l'article L2323-37 du code du travail lequel dispose (c'est important de citer les textes !) :
"Le comité d'entreprise émet un avis sur les conditions de mise en oeuvre des contrats et périodes de professionnalisation ainsi que sur la mise en oeuvre du droit individuel à la formation."
En d'autres termes, l'obligation ne porte pas sur le fait de mettre en place une politique en matière de DIF mais sur le fait de demander un avis au CE , ce qui n'est pas la même chose.
Et "la mise en oeuvre", s'agissant d'un droit "individuel" (au sens de "qui appartient en propre au salarié" n'implique pas nécessairement une "politique" au sens volontariste du terme. Il peut très bien ne s'agir que d'une simple information : quel le niveau des heures acquises et non consommées au niveau de l'entreprise, les formations concernées, , le compteur "moyen", le nombre de salariés partis en formation , les mesures prises pour gérer les absences ..
Du reste, je ne conteste pas la légitimité d'une "politique" DIF : il est normal que par exemple qu'on puisse prévoir les modalités à mettre en place pour gérer les absences...
Par contre, une politique DIF n'autorise pas l'employeur à être "calife à la place du calife" et d'unilatéralement prendre la place du législateur et de concocter son propre code du travail.
Si vous n'acceptez de recevoir les demandes que durant certaines périodes, vous changez les règles du jeu et vous modifiez la procédure relative aux demandes prévue par le code du travail. Car ce que vous décidez , c'est bien de mettre en place des conditions de recevabilité des demandes. On est ici véritablement dans le "normatif".
Quant à l'article L2323-33 qui parle effectivement "d'orientations", il s'agit des orientations de la formation professionnelle dans son ensemble...Mais ici encore, on ne peut pas, sous prétexte de définir des orientations , modifier les procédures prévues par le code du travail. Définir des orientations présuppose que celles-ci demeurent dans les limites de ce que permet le code du travail.
Vous dites au début de votre billet :
"Le délégué syndical a manifestement bien fait son travail"
Je ne vous le fait pas dire...Je ne sais pas de quelle entreprise il s'agit mais j'imagine qu'un certain nombre de salariés ont atteint le maximum légal. Et qu'il s'agit maintenant, pour eux, de préserver leurs droits.
Car s'ils ne consomment pas au minimum 20 heures dès à présent , les compteurs seront désormais gelés pour eux. Ce qui revient à dire qu'ils vont véritablement commencer à "perdre" des heures (mais ce qui est acquis est acquis, bien évidemment).
En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'ils vont commencer à "perdre" des heures par rapport à un salarié qui lui, consomme régulièrement.
Vous n'aimez pas que j'utilise le mot "consommation" mais il s'agit pourtant bien de cela : l'article L6323-1 dispose qu'il s'agit bien pour le salarié de "bénéficier" d'un droit "à" la formation. Les termes "droits acquis" ou "droits ouverts" apparaissent à de nombreuses reprises. Et last but not least, l'article L6323-10 1§ précise qu'il s'agit bien pour le salarié de "faire valoir ses droits à la formation".
Que demandez de plus ?
Cordialement
Bruno Callens
Écrit par : Bruno Callens | 19/05/2011
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