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02/10/2012

Accumulation fautive

Au début il y a peut être une intention. Un vague : "On ne sait jamais". Et puis si on ne s'en sert pas, ce n'est pas perdu. Au début. Et puis cela devient une habitude, un réflexe, un acte automatique. On cesse d'y réfléchir, c'est machinal. Et cela finit par devenir une nécessité. On ne sait plus ni quoi ni qu'est-ce, mais on sait qu'il faut continuer, comme ça, à accumuler. Pour le salarié, l'intention n'a pas été vraiment établie. Pourquoi a-t-il méthodiquement transféré ses mails, ses documents, des informations de l'entreprise sur son mail personnel ? pourquoi des dossiers techniques se sont-ils retrouvés sur la boîte de ce salarié ? l'avocat a tenté la seule parade possible : pour un éventuel Prud'hommes a-t-il plaidé. Les juges n'ont pas suivi. Que ferait un Prud'hommes d'informations techniques et confidentielles. La faute grave est constituée par cette accumulation compulsive.

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Nous n'en sommes plus à l'ancêtre d'Internet comme diraient les Guignols. Un minimum de maturité numérique est requis et nul ne doit oublier que la technique est un outil dont l'usage relève de la responsabilité individuelle. Comme il est stupéfiant que certains salariés remplissent des cartons avant de quitter leur entreprise, il est tout aussi étonnant, ou naïf, de constater que des salariés considèrent que ce à quoi ils ont accès dans le cadre de leur activité leur appartient. Encore que, qui a vu Frédéric Mitterrand s'écrier, lorsqu'on lui reprochât de conserver des cadeaux qui lui ont été remis en qualité de Ministre de la République : "Mais c'est à moi que l'on a fait des cadeaux, ce sont des souvenirs", ne pourra décemment reprocher à un salarié de confondre le professionnel et le personnel.

Ardents gardiens de l'humanisme des trois M (Montaigne, Montesquieu, Mauriac), les juges Bordelais ont conclu aux torts du salarié qui avait confondu la fonction et l'homme, le professionnel et le personnel (CA Bordeaux, 27 mars 2012). Si les juges admettent qu'un salarié, souvent placé dans une position plus difficile que l'employeur dans la charge de la preuve, puisse s'approprier des documents confidentiels aux fins contentieuses, cela ne saurait l'autoriser à s'approprier toutes les informations qui entrent en sa possession dans le cadre de ses fonctions. Paradoxalement, il est au final heureux pour les salariés que le juge tente de préserver, parfois à leur détriment, la frontière entre le professionnel et le personnel.

01/10/2012

Bisounours dans la vraie vie

La période estivale, et les vacances qui vont avec, sont propices à changer non seulement d'horizon mais également de milieu, de féquentations et d'habitudes. Autres lieux, autres temps, autres repères. Le retour dans l'environnement professionnel après une telle césure rend plus visible les petits travers du quotidien auxquels on finit par ne plus prêter attention lorsqu'on les côtoie trop fréquemment. Ainsi des tics de langage. J'ai donc réentendu depuis le début du mois des expressions que j'avais déjà oubliées : "T'en as dans le pipe (prononcez païpe) en ce moment ?", élégante manière de demander si en cette rentrée morose l'activité est régulièrement alimentée, ou encore "Je lui ai fait comprendre qu'on était pas chez les bisounours", censé rappeler que l'entreprise est invariablement une jungle dans laquelle tout bon sentiment constitue une tare irrémédiable. Et puis il y a l'inévitable : "Dans la vraie vie". Ah, la vraie vie brandie comme un argument ultime qui vous dénie le droit de vous inscrire en faux. D'abord parce que vous seriez inévitablement dans la "fausse vie" ou, plaisir de l'allitération, dans la "vie virtuelle",  et ensuite parce que l'expression "dans la vraie vie" est toujours suivie de l'exposition d'un exemple, d'une pratique ou d'une anecdote censé vous démontrer que "c'est comme cela que ça se passe et puis c'est tout". Dans ce cas, plutôt que de penser que le premier bisounours s'appellait droguer (avant de devenir Grognours) et qu'il portait une feuille de cannabis sur son petit ventre replet, je me souviens de la phrase de Picasso : "Tout ce que nous pouvons imaginer est réel".

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Picasso - Le rêve - 1932

Pour qui est un adepte de l'expression "Dans la vraie vie", la phrase de Picasso est sans doute incompréhensible ou fausse, ce qui revient au même. Pour qui ne l'utilise jamais, ne voyant pas très bien quelle vie ou partie de vie est plus "vraie" que d'autres, elle paraîtra plus évidente. D'autant plus évidente que, comme à son habitude, Picasso va directement à l'essentiel : à trop se placer "dans la vraie vie" on ne fait jamais que révéler son manque d'imagination.

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