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30/07/2010

Lettres portugaises

Beja est une ville de province qui ferme l'Alentejo et ouvre la route de l'Algarve. Les zones frontières se prêtent admirablement à l'apparition de phénomènes rares, mystérieux, peu crédibles et au final discrédités. C'est ici qu'entre 1667 et 1668, Mariana Alcoforado, religieuse portugaise vivant au couvent de Beja, écrit cinq lettres au Marquis de Chamilly venu guerroyer sur les terres lusitaniennes. L'histoire attribuera ensuite ces lettres à Guilleragues qui, paraît-il, avait de l'esprit et des lettres. Il aurait fallu plus pour écrire ces chefs d'oeuvre dans lesquels on lit notamment : "Je regrette pour l’amour de vous seulement les plaisirs infinis, que vous avez perdus : faut-il que vous n’ayez pas voulu en jouir ? Ah ! si vous les connaissiez, vous trouveriez sans doute qu’ils sont plus sensibles que celui de m’avoir abusée, et vous auriez éprouvé qu’on est beaucoup plus heureux, et qu’on sent quelque chose de bien plus touchant, quand on aime violemment, que lorsqu’on est aimé."

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Qui trouverait ces lettres trop romantiques, pourrait s'attarder sur cette phrase : "Je me flatte de vous avoir mis en état de n'avoir sans moi que des plaisirs imparfaits". Et si le ton vous paraît trop plaignant, il vous reste cet aveu direct dont bien peu sont capables : "Il est vrai que j'ai eu des plaisirs bien surprenant en vous aimant". Bonne lecture.

29/07/2010

Leçon de choses

La gambade ne se conçoit sans les visites aux cavernes d'Ali Baba que sont les bouquinistes. Fureter dans les rayonnages qui sentent le vieux papier à la recherche de l'ouvrage qui fera le miel de la journée est un plaisir total : corporel (les odeurs, la vue, le toucher...), esthétique (le goût), intellectuel (les mondes contenus dans les livres qui vous engloutissent lorsque vous les ouvrez). Ce jour-là, un de ces livres que l'on peut trouver assez facilement, car il s'en est imprimé beaucoup et qu'il ne s'en est pas jeté trop. On comprend pourquoi en les feuilletant.

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Le livre s'ouvre sur une préface qui nous donne la méthode "fondée sur l'observation et l'expérience". Pour cela, l'emploi de méthodes actives : "Agir, réfléchir, conclure, retenir". Agir parce que tout commence par l'expérience directe. Le livre préconise que le plus souvent ce soit l'élève qui expérimente et non le maître.
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Réfléchir ensuite parce que la réflexion s'appuie sur l'expérimentation, l'observation des faits et se conduit à l'aide d'un questionnement. Pas de logique hypothético-déductive mais un questionnement basé sur des faits choisis car "Quelques observations bien conduites valent mieux que l'examen superficiel de nombreux faits".

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Des représentations graphiques systématiques pour initer à la représentation schématique des faits et éveiller la curiosité de l'élève. Mais ne concluons pas que le poulet est réduit à sa fonction digestive, la poésie n'est pas absente de la leçon de choses, pour preuve ce bouquet final. L'ouvrage date de 1954, la pédagogie ne date pas.
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28/07/2010

Invensonge (2)

La fée électricité symbolise l'invention : Fiat Lux ! Celle-ci, dans le musée d'art contemporain d'Elvaz, variait au rythme du jazz.

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La lumière de l'invensonge ou la Luz del sueno. La lanterne magique fait surgir des ombres improbables, réalité du rêve, abolition des irritantes et limitantes frontières.
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La perception, comme la conscience, se trouve modifiée et le pêcheur de lune surgissant de la maison au ciel étoilé est moins une surprise qu'une confirmation.
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Et l'on réalise soudainement que si la planète est ronde, ce dont nul ne doute plus, alors le plan horizontal n'existe pas.
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A ce stade, l'invensonge a fait son office et sur le mur de Léonard de Vinci, surgit un éléphant. A vos murs !
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27/07/2010

Invensonge (1)

Léonard De Vinci conseillait à qui voulait devenir peintre de fixer un mur et de ne commencer à peindre que lorsqu'il voyait quelque chose. Ce quelque chose, surgit du mur, pourrait s'appeler l'invensonge.

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L'invensonge ce pourrait être un clien d'oeil du mur qui rappelle que si la terre était transparente on verrait l'Australie.
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On peut aussi s'attendre à voir surgir des êtres saugrenus et irrévenrencieux, ce qui nous fait un peu de bien en cette période de respect du drapeau et d'obligation de chanter la Marseillaise.
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L'invensonge est un embarcadère sans destination connue, une envie  de terrae incognitae.
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Car en chacun de nous sommeille un Cyrano qui rêve de conquérir la Lune.
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Mais plus que la Lune, il est sur terre des merveilles qui éclairent le mur de Léonard  (à suivre)...
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26/07/2010

Du temps réel

Au bord du Tage, l'ancienne usine ne produit plus d'électricité. Elle abrite un lieu d'expositions, celle consacrée à la fée électricité étant permanente. Elle s'accompagnait cet été d'une exposition consacrée au peuple (Povo, Povo) sur laquelle nous reviendrons très prochainement.

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Musée de l'électricité - Lisbonne
A l'intérieur, les machines sont huilées, graissées, patinées, prêtes à lancer leur grand cri d'acier, de feu, de vapeur, d'huile et de chair également car ces machines là  consomment aussi de la matière humaine. Elles viennent de Londres et témoignent de la révolution industrielle issue des machines à vapeur. Pour la première fois, la machine n'était pas un outil travaillant au rythme de l'homme et augmentant sa puissance mais au contraire une impératrice dictant son rythme à l'homme. De ce temps, le temps du travail n'a jamais plus été le même.
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Machine à vapeur Londonienne
Avant la Grande roue de la révolution russe, selon la formule de Cendrars, il y aura la grande roue des machines à vapeur. Toutes deux broieront le temps et les hommes en imposant des rythmes qui leurs sont propres et dans lesquels l'homme n'a plus tout à fait sa place. La science fiction défend l'idée que la vitesse finit par abolir le temps, les machines l'ont au contraire rendu plus présent à l'homme, l'y assujetissant comme le joug maintient la tête de l'animal inclinée vers le sol.
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Turbine - Musée de l'électricité - Lisbonne
Et la machine fit que le temps devint une abstraction. L'industrie se mit à raisonner en millièmes d'heures et des ingénieurs passent des heures devant leur écran, nouvelle version de la planche à dessin, pour gagner quelques un de ces millièmes. Que cela se traduise par la suppression au final de postes de travail est également devenu une abstraction. Et comme toujours lorsqu'une chose disparaît, on fait surgir le mot censé la remplacer. Est ainsi apparu, avec la folle vitesse de circulation de l'information, le concept de "temps réel". Il s'agit bien évidemment d'immédiateté et non de réalité, mais la notion de temps est devenu si abstraite, et si insupportablement abstraite, qu'il fallait la faire ressurgir. Allons y donc pour le temps réel. Mais si l'on veut redonner du sens à ce terme, que serait donc un temps réel ?
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Place du commerce - Lisbonne
Peut être celui où l'on prend le temps, sur une place, de guetter l'improbable qui ne manque pas de survenir sous la forme d'une jeune inconnue qui éprouve le temps en figeant quelques instants de grâce.
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Belle démonstration que le temps horizontal et le temps vertical n'ont ni la même épaisseur ni la même intensité. Mais qu'il est bon de goûter aux deux. Comme il est bon de se souvenir que l'information peut aussi circuler par le papier, que la lecture du journal le matin devrait être la prière quotidienne selon Hegel et que le poisson peut toujours attendre. Et tout à coup, le temps devient vraiment réel.
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23/07/2010

Deuxième surprise

En haut de l'escalier on dit bonjour au policeman. Il ne répond guère mais ses yeux ne vous quittent pas. Dans la grande salle une femme nue allongée sur un divan est très loin de vous. Ses pensées l'ont emportée. Dans l'autre salle, deux hommes eux vous regardent, vous fixent, vous traversent et vous devenez translucide. Pour cela, ils vous dérangent un peu. Déjà, au rez-de-chaussée, des chinois pétris dans la glaise grise, saisis dans une attitude de stupéfaction comme abasourdis par leur vie vous avait remué les tripes.

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Sculpture réaliste - Exposition "A love story" - Evora 2010
Il est troublant de constater que les sculptures réalistes touchent souvent plus que les corps de chair. Leur présence est plus intense, elle vous parle plus directement. C'est que les sculptures ne sont là que pour vous, pas pour leur existence propre. Et elles vous questionnent. D'où cette absence de distance que l'on peut avoir avec un individu qui a son univers personnel. Ici, l'absence d'histoire de vie créé un contact d'une nature nouvelle qui renvoie chacun à sa propre humanité.
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Jamie Salmon - The Director
Feriez-vous confiance à cet homme ?  réponse selon ce que vous projetez sur lui. Elle vous apprend davantage sur vous que sur la figure de cire. L'art moderne pose plus de questions qu'il ne propose de réponses. C'est pour cela qu'il déroute souvent, c'est pour cela également qu'il peut largement accueillir superficialité ou supercherie (toute question n'est pas pertinente et l'argument selon lequel la question importe moins que la réponse n'est pas recevable pour se défausser du jugement sur l'oeuvre). L'exposition d'Evora n'est pas exempte de productions sans intérêt. Mais peu importe dès lors que par quelques oeuvres sont ouvertes des voies nouvelles. Pour qui souhaite tenter l'expérience et passe par Paris cet été, les sculptures de Duane Hanson vous attendent jusqu'au 15 août au Parc de la Villette.
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22/07/2010

Première surprise

La chaleur est douce. Le vent marin rafraichit les 28 degrés qui aplatissent les jardins de la Fondation Gulbenkian. Dormir dans un jardin est un plaisir sans partage. A Paris le parc Monceau s'y prête volontiers ou encore le parc qui annonce le Musée Marmottan. Les jardins Gulbenkian fourmillent de pelouses discrètes qui invitent à s'allonger. Peu y résistent. Mais avant de partir, il faut bien visiter ce musée de collectionneur. Allons-y ! Belles découvertes : Girlandhaio, Bouts, Gainsborough, Guardi, Boucher, ...La belle Europe rassemblée ici. Et puis, au détour d'une salle, exposée sur un pan de mur étroit, l'incroyable suprise : La fête à Rambouillet ou l'Ile d'amour de Fragonard.

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Jean-Honoré Fragonard - La Fête à Rambouillet
L'oeuvre est plus mystérieuse encore que L'embarquement pour Cythère de Watteau (voir chronique du 29 décembre 2009). Que font ces inconscients sur ces eaux agitées (mais quelles eaux agitées à Rambouillet ?) au milieu de cette végétation menaçante dans lesquelles apparaissent de multiples ombres. Il règne une atmosphère comparable à La Tempête de Giorgione. La lumière est improbable et ajoute à l'inconnu. L'équipée est pourtant joyeuse dans cette nature luxuriante mais pleine d'attirants dangers. Peut être la réponse est-elle fournie par Fragonard lui-même qui écrit à un ami : "Tire toi d'affaire comme tu pourras m'a dit la nature en me poussant à la vie". La vie est menaçante ? elle est tragique ? elle terrifie et telle un ogre peut vous ingérer ? est-ce suffisant, une fois que l'on sait cela, pour ne pas s'embarquer, et avec le sourire en plus. La menace n'en est pas plus grande, et la joie n'est pas feinte. Comme Frick à New-York (voir chronique du 13 novembre 2009), Gulbenkian perçoit qu'un Français du 18ème n'est pas le plus mal placé pour éclairer quelques questions essentielles, et Fragonard tout particulièrement. Autres surprises à suivre.

19/07/2010

Dans la ville blanche

Voici venu le temps des chroniques d'été au gré des pérégrinations et découvertes. Partout il y a de la place pour les surprises, les hasards malicieux et l'étonnement. La langueur du rythme d'été n'a pas pour effet de plonger dans la torpeur les sens. Bien au contraire. Et Dieu sait que dans la ville blanche les sens sont sollicités. Il ne faut jamais manquer l'occasion de revoir le merveilleux film d'Alain Tanner. Ici, rien n'a vraiment changé.

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16/07/2010

La DRH et Olympe, suite

Etre fidèle à soi-même ce n'est pas répéter ad nauseam les mêmes ritournelles. C'est être capable de faire vivre des principes fondateurs en déclinant leur traduction opérationnelle en fonction des évolutions de l'environnement. Comme l'a bien  compris la chenille, demeurer c'est évoluer. La Cour de cassation avait, il y quelques mois (Cass. soc., 26 juin 2008), dénié à une DRH membre d'un comité de direction d'accéder aux mêmes avantages que ses collègues masculins du comité de direction au motif que les fonctions exercées n'étaient pas les mêmes. Cette décision, commentée le 4 juillet 2008 sous le titre "La DRH et l'Olympe" (http://willemsconsultants.hautetfort.com/archive/2008/07/03/la-drh-et-l-olympe.html) se trouve désormais dépassée, la Cour de cassation ayant adopté le 6 juillet 2010 une décision exactement inverse. Olympe de Gouges s'en trouve modernisée.

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Nam Jun Paik - Olympe de Gouges - 1989
En l'occurence, une DRH membre du comité de direction était rémunérée 47 000 euros alors que la rémunération de ses collègues masculins oscillait entre 76 000 et 97 000 euros. Elle demande un réajustement de son salaire. L'entreprise utilise les mêmes arguments que dans l'affaire de 2008 : le travail n 'est pas comparable et les responsabilités non plus. La Cour de cassation estime au contraire que les niveaux de responsabilité sont comparables et que l'égalité doit prévaloir. A cette occasion elle nous fournit la méthode de comparaison : "sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse". Terminée l'impossibilité de comparer un DAF, un DIRCOM et un DRH au motif que les fonctions sont différentes. La salarié a donc obtenu gain de cause et un rappel de salaires (Cass. soc., 6 juillet 2010, n° 09-40.021). Olympe aurait été satisfaite de voir que l'entreprise déboutée a vainement invoqué la déclaration des droits de l'homme : elle eut mieux fait de consulter la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Quant à la fonction RH, elle s'en trouve un peu mieux établie et son importance reconnue, par le juge au moins.

15/07/2010

Le progrès n'est pas une obligation

Le contentieux peut paraître classique : une déléguée syndicale souhaite faire condamner son entreprise pour discrimination en établissant qu'elle a évolué moins vite que certains de ses collègues. Elle utilise les moyens de preuve habituels : comparaison entre sa situation et celles des personnes entrées dans l'entreprise à la même période avec les mêmes qualifications. Ce diagnostic révèle un moindre classement de la part de la salarié. Est-ce à dire que la discrimination est constituée ? non nous dit la Cour de cassation dans un arrêt du 6 juillet 2010 (Cass. Soc., 6 juillet 2010, n° 09-41.534). Reprenant une formulation qui date de 1978, la Cour de cassation pose en principe qu'une entreprise ne saurait avoir l'obligation de promouvoir tout salarié. Cette formulation éclaire d'un nouveau jour la décision du 2 mars 2010 inhérente à deux salariés qui n'ont pas été formés.

Selon la Cour de cassation, l'absence d'évolution ne saurait être imputée à l'employeur dès lors que le salarié a bénéficié des mêmes possibilités de formation que les autres et qu'il n'a pas fait état de ses souhaits dans le cadre du Plan de Formation. Le progrès automatique n'est donc une obligation ni pour le salarié ni pour l'employeur.

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Mark Kostabi - Progress of beauty
Cette décision nous livre en fait deux enseignements. Le premier est que même en l'absence de demande du salarié ou de nécessité pour l'entreprise, celle-ci doit tout de même proposer des formations à tous ses salariés. Elle doit offrir à tout le monde les mêmes possibilités d'évolution et ne pas considérer qu'il y a des salariés dont il faut gérer l'évolution et d'autres qui sont assignés à leur emploi initial exclusivement. Le second porte sur l'entretien professionnel. En l'occurence dans ce cas d'espèce, l'entreprise a pu démontrer que le salarié souhaitait continuer à occuper son emploi, sans désir particulier d'évolution. Elle a pu rapporter cette preuve par la production des conclusions de l'entretien annuel d'appréciation. D'où l'intérêt d'avoir une traçabilité totale de ces entretiens qui constituent aujourd'hui, à tort ou à raison, le pilier de la gestion des ressources humaines. Si le progrès n'est pas une obligation, la proposition d'un progrès possible est en train de le devenir et les entreprises doivent être en mesure d'établir leur action dans ce domaine. C'est donc un droit à l'évolution professionnelle non imposée, plus qu'un droit à la carrière, que la Cour de cassation dessine lentement mais surement.

14/07/2010

Parcours sécurisés

Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, FPSPP pour les initiés, a été créé par les partenaires sociaux pour orienter vers les salariés, ou futurs salariés, qui en ont le plus besoin une partie des financements destinés à la formation professionnelle. C'est peu dire que sa mise en place se fait dans la douleur : bagarre permanente avec l'Etat sur la création, le fonctionnement, les priorités, la propriété des fonds...L'énergie des promoteurs du FPSPP ne va pas principalement à l'action comme dit l'autre. Ce combat permanent n'empêche pas le FPSPP de tenter d'endiguer la pression des OPCA qui souhaitent récupérer au plus vite les plus de 800 millions d'euros versés en juin voire celle des entreprises qui ont versé un impôt nouveau de 13 % de leur obligation légale et se demandent où est passé l'argent. Cela fait beaucoup pour un seul organisme. Pour autant, et cela devrait nous rassurer, l'humour n'est pas absent de son action. Sur son nouveau site, provisoire certes, que l'on peut consulter à l'adresse suivante http://www.fpspp.org, on a la surprise de découvrir une carté météo et un calculateur d'itinéraires routiers. Message subliminal pour indiquer aux salariés que le temps des vacances est venu ? abnégation dans la sécurisation au point de sécuriser les itinéraires routiers des vacanciers ? code mystérieux ou simple blanc à remplir ? faisons crédit au FPSPP de son Umour et de n'être pas qu'une pompe à phynances.

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Max Ernst - Ubu - 1923

13/07/2010

Du virtuel

La notion de virtuel est parfois opposée à celle de réel, notamment quand elle vise à stigmatiser des  jeunes (mais ne nous étonnons pas qu'une société vieillissante et vivant mal son vieillissement exprime diverses rancoeurs envers la jeunesse) qui seraient coupés du réel pour ne vivre qu'une no life sur second life. Ce qui renverrait la réalité virtuelle ou les mondes virtuels à des espaces n'ayant aucune espèce de réalité. Or, ni au plan sémantique, ni au plan philosophique ni dans l'informatique le terme de virtuel n'est défini comme le contraire de réel. Virtuel est davantage opposé à actuel. Selon Maurice Benayoun, le virtuel est le réel avant qu'il ne passe à l'acte. Antonin Artaud illustrait cela par la réalité virtuelle du théâtre. Le virtuel n'est donc qu'une extension de la réalité, dont il n'est pas déconnecté par les émotions qu'il procure, lesquelles peuvent également avoir une dimension corporelle. Opposer le virtuel au réel reviendrait donc à dénier que le rêve et l'imaginaire soit partie intégrante de la vie.

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Stefano di Stasio - A Sud del Tempo - 1999
En pédagogie, la création d'univers virtuels permet, à l'aide  de serious game ou de simulations, de développer des capacités cognitives. Il fut un temps où l'on tentait d'apprendre les langues étrangères en écoutant des cassettes la nuit. Voici venu le temps de la plongée dans des espaces oniriques dont on redoutera moins qu'ils nous éloignent de la réalité que de nos rêves.

12/07/2010

Soleil à Paris

L'été s'est installé. La chaleur modifie les perceptions, les comportements et l'environnement dans lequel nous évoluons. Tout paraît à la fois moins réel et plus présent. Plus intense et plus fragile. Ainsi, un léger mouvement de la féé électricité provoque l'arrêt de la Gare Saint-Lazare.

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Par jour de grand départ, le monde semble ne plus évoluer tout à fait selon les règles habituelles. Pourquoi ces femmes vendent-elles leurs lunettes  ?
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Pour que l'on découvre leur regard de renard argenté ?

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D'étranges affaires semblent se tramer sous le regard de tous...
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...et pourtant la foule passe son chemin...

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...la mélodie de "Poulailler's song" émerge du refoulé pour rejouer sa petite rengaine légère...

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...croyez-vous que les gens ont peur ? cela marche donc toujours ? ...sans aucun doute...
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...certains jours, les héros sont fatigués, même Don Quichotte que la furia espagnole n'atteint guère, à moins que cette nuit...
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...une jeune femme au regard du Sud ne vienne lui réciter quelque formule magique qui fera tomber la chaleur et le sortira de sa torpeur. Espana siempre !
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09/07/2010

Quarante ans, toujours pas adulte

Le 9 juillet 1970 était signé l'accord national interprofessionnel qui créait le système français de formation professionnelle continue. Il sera suivi par la loi du 16 juillet 1971. Quarante ans après, où en sommes nous ? Le système a grandi, s'est développé, a même pris une taille spectaculaire, même si certains lui reprochent son obésité. Mais la taille et le poids ne font pas la maturité. 40 ans après la signature d'un accord historique, l'actualité de la formation est marquée par l'annonce d'une ponction en 2011 par l'Etat des fonds du tout nouveau FPSPP et par l'indignation corrélative des partenaires sociaux. Signe que l'on peut avoir 40 ans et demeurer toujours sous la tutelle de l'Etat. Il est de plus beaux anniversaires : celui de Chagall par exemple.

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Chagall - L'anniversaire
Dans une chronique réalisée pour l'AEF et écrite avec Jean-Marie Luttringer est évoquée l'autonomisation manquée lors de la négociation de l'ANI du 7 janvier 2009. La réforme des OPCA offre une seconde chance : à cette occasion les partenaires sociaux ont l'occasion d'affirmer l'existence d'obligations conventionnelles, distinctes du fiscal et que les OPCA et FAF ont vocation à gérer librement dans le cadre tracé par la négociation collective. A 40 ans, il est peut être temps de passer à l'acte dans ce domaine et de s'affranchir d'une sclérosante tutelle. Mesdames et messieurs, à vous de jouer. Et bon anniversaire !

08/07/2010

Manager

Qu'est-ce que manager, qu'est-ce qu'un manager ? les définitions ne manquent sans doute pas plus que les avis sur la question. Mais puisque la question m'était posée, il fallait répondre : "Celui qui créé les conditions les plus favorables pour que ses objectifs puissent être atteints, en tenant compte des personnes qui vont agir mais sans en faire le point de départ". Soit le modèle du manager jardinier. Celui qui a la préoccupation écologique de l'action. En d'autres termes, celui qui pense que l'action humaine, comme celle de tout organisme vivant, est probabiliste et non mécanique. A lui donc de créer les meilleures probabilités pour que les fleurs puissent éclore et le jardin s'épanouir en forme de jardin des délices.

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Jérome Bosch - Le jardin des délices (détail)
Et puis je me suis demandé si cette définition du manager n'était pas un peu trop "pédagogique". Si ce manager ne ressemblait pas au formateur qui créé les conditions pour que l'apprentissage se réalise en tenant compte des personnes mais sans en faire le point de départ. En fait non. La définition peut être la même, ce sont les moyens qui diffèrent. Là où le formateur mobilisera des méthodes pédagogiques diversifiées, le manager utilisera des moyens de nature différente : prise de décision, reconnaissance, soutien, recadrage, accompagnement, etc. Toutes ses interventions auront pour objectif de créer les conditions pour que l'action opère dans le sens souhaité. Et bien évidemment, pour rester dans le domaine du management et ne pas basculer dans la manipulation, les objectifs seront au mieux partagés et au moins identifiés. A défaut, point de délices.

07/07/2010

Manger

Il est souvent question d'appétence pour la formation ou d'appétit de formation. Autrement dit de désir dont le rapport à la nourriture est souvent une traduction manifeste. Mais la formation elle-même est-elle susceptible de susciter le désir ? de donner de l'appétit ? sur ce champ nourricier, osons une analogie. Il est des formations qui livrent des recettes et d'autres qui apprennent à cuisiner. Les premières sont souvent très appréciées et ont des résultats immédiats mais une péremption rapide. Les secondes sont plus frustrantes sur l'instant mais à effets durables. Détails.

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Nicolas Poussin - La nourriture de Bacchus
La formation recette est celle qui apprend à sélectionner les ingrédients, livre les secrets de la préparation, fournit les temps de cuisson, donne les variantes possibles et enseigne la reproduction. Elle séduit par l'immédiateté de son résultat. Elle est montrable et valorise celui qui apprend. Toutefois, à la troisième invitation, le convive peut se lasser et le cuisinier aussi. Il faut d'autres recettes. La formation, à terme, créé donc la dépendance et non l'autonomie. Vite, que le cuisinier me montre autre chose.
La formation qui apprend la cuisine prend son temps. Elle parle des mets : légumes, condiments, viandes, poissons, coquillages, agrumes, arômes, piments, épices, herbes...Elle parle des méthodes : cuissons, macérations, émulsions, saisies, marinades...Elle parle de mélanges : assortiments, goûts, saveurs, correspondances, oppositions, mariages. Elle vous livre les conditions de la production, vous ouvre les voies et chemins, vous outille pour l'aventure mais ne vous tient pas la main et refuse de vous inviter à reproduire. Elle a, comme le cuisinier, l'exigence de la création. Le goût de l'autonomie et de la liberté. Elle ne garantit pas la satisfaction immédiate de l'invité mais créé les conditions de la surprise.
Mais foin d'oppositions : pour libérer tous les désirs, la formation prendra soin d'apprendre la cuisine tout en suggérant quelques recettes. Bon appétit !

06/07/2010

Jeu de mains...

La main de Thierry Henry qui avait qualifié abusivement la France pour la Coupe du monde a été qualifiée de tricherie et de scandale. La main de Luis Suarez, qui à la dernière seconde du match Ghana-Uruguay sauve son équipe d'un but tout fait a également suscité la polémique. Une différence de taille existe pourtant entre les deux. La première est illégale et n'a pas été sanctionnée et la seconde est légale puisqu'elle a été sanctionnée selon les règles : expulsion du fautif et penalty. Sauf que le penalty fut raté et que l'Uruguay se qualifia sur une faute d'antijeu qui n'a rien à envier à celle de Thierry Henry. Une illustration supplémentaire que légal et moral ne font pas toujours bon ménage.

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Israel Galvan dansant avec les mains
Que faire alors ?  on pourrait se référer au rugby : lorsqu'une faute volontaire empêche un essai tout fait, un essai de pénalité est accordé. Faut-il alors créer le but de pénalité ? le plus simple serait que les footballeurs se mettent au rugby, dans lequel on le sait le jeu de mains est un jeu...de toulousains. La qualité de toulousain sera volontiers conférée à Israel Galvan, et le fait qu'il soit né à Séville importe peu : on peut être à la fois sévillan et toulousain, et des tas d'autres choses encore, lorsque l'on sait ainsi jouer avec ses mains.
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Comme nombre de sportifs, Galvan sait que l'esthétique va de pair avec l'efficacité. Le geste le plus beau est souvent le plus efficace. Oublions donc les mains des footballeurs au profit de la beauté du geste.

05/07/2010

De l'art de la démission

Le communiqué est sobre, lapidaire : "Les secrétaires d'Etat Alain Joyandet et Christian Blanc ont présenté leur démission du Gouvernement. Le Président de la République et le Premier Ministre ont accepté ces démissions." Il suscite toutefois une double surprise. Non pas celle du départ des secrétaires d'Etat qui, comme d'autres, ont cédé aux facilités du pouvoir. La surprise tient dans les termes du communiqué. Pour tout juriste, ou tout simplement pour qui est soucieux du sens des mots, une démission est un acte unilatéral. Elle ne se présente pas, elle se donne. Et par conséquent, elle n'a pas plus à être accepté que refusée. On en prend acte. Nul ne peut empêcher celui qui veut véritablement démissionner de le faire. Comme le disait Jacques Rigaut, poète dadaiste suicidé en 1929 : "Essayez, si vous le pouvez, d'arrêter un homme qui voyage avec son suicide à la boutonnière". Ainsi, la liberté de démissionner n'est et ne peut être limitée par l'acceptation de l'autre partie car elle deviendrait contractuelle et ne serait plus une démission.

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Mathilde Tixier - Jacques Rigaut
En tant qu'acte unilatéral, la démission est valide dès lors qu'elle a été signifiée et ne peut être reprise. On ne revient pas sur une démission, sauf à conclure un nouvel accord. Ainsi, l'employeur ne peut refuser une démission ni le salarié se rétracter. Et l'on conseille à l'entreprise qui reçoit une démission de ne pas se précipiter pour en accuser réception. Outre que cet accusé n'ajoute rien à l'acte, une réponse hâtive pourrait laisser suggérer que la démission ne résulte pas d'une volonté unilatérale mais a été suscitée par l'employeur. De ce point de vue, le communiqué de l'Elysée a le mérite d'être explicite. Jacques Rigaut aussi aimait bien jouer avec des petits personnages.
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Jacques Rigaut - Photo Man Ray

03/07/2010

Terzieff

Les textes étaient magnifiques : Hoelderlin, Cendrars, Adamov, Rilke...Toutefois, leur densité et leur enchaînement ne permettait pas de les habiter totalement. L'émotion n'avait pas toute la place pour se répandre. Le spectacle était prenant, mais une légère insatisfaction subsistait. Et puis le dernier mot du dernier texte fut dit. Et Laurent Terzieff, qui était seul en scène et récitait des textes choisis par lui pour la représentation intitulée "Florilège" et présentée au Lucernaire, se tut. Il s'avança sur scène et se figea. La tête haute. Le regard très loin au devant de tout. Avec nous pourtant. Et cela dura. Cela dura un temps long, infini qui dure encore. La présence de Laurent Terzieff à  cet instant illumina la salle obscure comme jamais lumière n'avait défié le temps, l'espace, la vie. S'il est dans la vie des instants de grâce, il en est de plus rares où l'indicible plénitude de l'instant s'accomplit dans un silence sacré. Ainsi paraissait Laurent Terzieff qui ne paraîtra plus.

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Laurent Terzieff était le tragique de la vie incarnée avec la légèreté de l'enfant. Voici ce qu'il déclarait pour présenter Florilège :
La poésie fait parole de ce qui, avant elle, ne l'était pas, et qui par elle le devient. Parole de ce qui avant elle et sans elle, ne saurait être dit. Elle constitue une ouverture vers cette face invisible du monde qui existe en dehors de nos représentations, et qui nous relie à tout et à tous, qui réconcilie toute chose, même les contraires, jusqu'à nous faire entendre le silence des mots, jusqu'à réconcilier nos rêves de la nuit et le rêve éveillé de nos journées. En visitant le monde à l'intérieur de chacun de nous, elle abolit la coupure originelle entre l'objet perçu et la conscience qui perçoit. Dans mon travail, en grande partie solitaire, il m'est souvent venu à l'esprit cette exhortation de Saint Benoît : "Soyons présents à la psalmodie, de telle façon que notre homme intérieur s'accorde avec notre voix." Laurent Terzieff.

 

02/07/2010

ZUT !

On connaît les TAZ (Temporary Autonomy Zone : zones temporaires autonomes) popularisées à la fin des années 90 par Hakim Bey. Les TAZ sont des espaces de liberté qui apparaissent et disparaissent, selon la formule de leur inventeur, dès qu'elles sont répertoriées par les Arpenteurs de l'Etat. Les TAZ peuvent exister sur un territoire, dans l'espace, dans le temps ou dans l'imaginaire. Il ne peut s'agir des apéros géants, les participants étant trop consommateurs et trop peu acteurs, et autres formules de rassemblements provisoires festifs mais paradoxalement passifs. Il s'agit  plutôt d'espaces de résistance à tout ce qui est normé, encadré, labellisé, répertorié, géré, identifié, intégré ou digéré. Les TAZ ont inspiré les ZUT : zones d'utopie temporaire.

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ZigZag - Utopie
Les ZUT ont été créés par des artistes qui refusent les espaces publics concédés, subventionnés et balisés. Ils revendiquent la liberté de création en des lieux improbables, fugaces, temporaires. Loin de la muséification permanente. La vie, ce n'est pas le Panthéon. En ces temps de normalisation des activités professionnelles, de centralisation galopante, de small is not beautiful, de contraintes de tous ordres, il est peut être temps de s'approprier les ZUT dans son cadre quotidien et de pratiquer la tactique de Lawrence d'Arabie pour vaincre un ennemi plus nombreux et mieux armé : l'action soudaine, imprévue, innatendue, disparue aussitôt qu'apparue, ressurgissant où on ne l'attend pas sous des formes inconnues. La ZUT individuelle est finalement un outil de résistance, donc un outil de combat, lorsqu'elle est collective elle devient subversive. Mais dieu que c'est bon ! que cent mille ZUT fleurissent !