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12/10/2014

Juste une histoire : les miroirs

La pièce est aveugle et octogonale. Un lit a été placé face à la porte, un fauteuil à son pied. Une cheminée habille l’une des parois. L’âtre est foyer de lumière et de chaleur. Quelques chandeliers, posés à même le sol, maintiennent à distance l’obscurité. Il n’y a rien d’autre. Du moins, si l’on s’en tient à l’espace entre les murs, celui que l’on habite. Car sur les murs, ils sont disposés par dizaines. Le plus petit est semblable à un médaillon. Le plus imposant occupe la partie  haute d’une des huit surfaces murales.  Toutes les formes sont présentes, sphère, carré, rectangle, losange, hexagone et autres figures géométriques encadrant les surfaces le plus souvent planes, quelque fois convexes et exceptionnellement concaves des miroirs qui  recouvrent les murs du lieu. En de rares interstices, apparaît la tenture rouge sur laquelle ont été posées les froides surfaces polies. Les cadres sont en bois de toutes sortes et toutes couleurs, des plus ornementés aux plus sobres. Leurs courbes, droites et arabesques parcourent les miroirs dans un infini jeu de renvoi, donnant à la pièce l’allure d’un kaléidoscope qui, tel une plante carnivore de taille monstrueuse, avale sans cesse et sans répit ce qui s’offre à lui.

 Le feu de la cheminée par exemple, qui danse en mille éclats dans le reflet des verres et embrase le lieu sombre et clos. Ou le sol de tomettes bordeaux, semblable à celui de la Tour de Montaigne, qui s’incline puis se redresse selon l’endroit où le regard se porte.  Car  chaque mouvement, du corps ou des yeux, transfigure la pièce dans son ensemble, chaque image se dissolvant en d’innombrables facettes qui se répercutent en tous points de la pièce et font retour vers d’autres images qui elles mêmes en génèrent de nouvelles.

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Sommes nous ici au cœur de l’espace et du temps, au point d’abolition de la matérialité au profit d’une projection infinie, symbole de l’éternel retour ? ou alors en un lieu de torture, toute personne prenant place dans le fauteuil au centre de la pièce voyant son image se fragmenter jusqu’à lui faire perdre tout contact avec elle-même au point de douter de la réalité de son existence ?  ou dans une nouvelle caverne platonicienne pour ceux qui penseraient que les images d’eux-mêmes, complaisamment renvoyées par les miroirs, constituent bien la réalité ? ou dans un éternel jeu de dupe entre la perception, les apparences et l’existence matérielle de toute chose ? à moins qu’il ne s’agisse d’une illustration du poème de François Villon : « Je reconnais tout sauf moi-même » ?

 Le plus souvent, la pièce est vide. Une ombre, régulièrement, se glisse vers la cheminée et ravive les flammes qui dansent dans la profondeur des miroirs. Puis elle s’éclipse. La chambre aux mille et trois miroirs se referme alors sur elle-même et ses images. Jusqu’à ce que soudain, après un lent cheminement à travers couloirs, passages, portes dérobées et diverses antichambres, un homme aux gestes lents et précis ne surgisse. Son regard n’embrasse jamais la pièce dans son ensemble. Il est fixé sur quelque point particulier : l’arête du bois de lit, le manteau de la cheminée, un pied du fauteuil, une tommette disjointe. L’homme se dirige invariablement vers le fauteuil et s’y assied. Alors il relève la tête et projette son regard au plus lointain écho des miroirs. Cet après-midi encore, Léonard de Vinci est au travail.

 Juste une histoire.

11/04/2011

L'oeuvre ou l'auteur ?

Faut-il absolument faire dépendre de la qualité de l'auteur, la qualité de l'oeuvre ? n'existe-t-elle pas par elle-même ? ne peut-on l'apprécier pour ce qu'elle offre sans poser la question du qui ? que nous apporte de savoir qui est la Joconde, la Dame à l'hermine ou le Belle ferronière, le somptueux trio dont nous gratifie Léonard.

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Et nous pourrions faire un détour par l'atelier. Quelle est la part du maître et celle de ses élèves, qui a préparé le fonds, qui a écrasé les pigments, qui a défloré la toile avant que les brosses de Léonard ne viennent s'associer à ce travail péparatoire ? Le travail en atelier est une des figures de la peinture précédant la période moderne et son individualisme que l'art contemporain ne fera qu'aggraver.

L'oeuvre existe, elle est là, devant nous elle nous parle. Regardez-vous ces femmes parce que Léonard les a peintes ou parce qu'elles vous troublent et mettent à rude épreuve votre sensibilité, vos sentiments, votre manière de corporer, d'aimer et d'être au monde.

Reprocherait-on à Ingres, David, Michel-Ange et bien d'autres d'avoir sous-traité leurs chefs d'oeuvre en laissant la main des assistants s'associer au travail ?

Si non, alors pourquoi voir dans la délégation, la sous-traitance, la commande passée des modalités d'action non légitimes. N'importe-t-il pas, en ce domaine comme dans d'autres, de juger davantage le résultat que la modalité ?

A vous d'en juger en ce qui concerne les OPCA, avec la septième chronique de la Fabrique des OPCA, écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF.

LA FABRIQUE DES OPCA 7 - OPCA et délégation.pdf

08/10/2010

Du temps où le Roi avait des lettres

Imagine-t-on geste plus doux d'un amoureux envers l'aimée ? la personnification de la puissance, de l'histoire qui se fait et de l'autorité  peut-elle avoir attitude plus délicate, bienveillante, attentionnée, en un mot amoureuse ? d'ailleurs la barbe du vieil homme n'est-elle pas soyeuse chevelure de femme ? Comme les indiens le faisaient avec les biches qu'ils tuaient, François 1er se penche sur Léonard pour aspirer son dernier souffle afin que vive l'esprit en lui. Et ce faisant, le regard du souverain exprime l'obligeance du pouvoir à la connaissance, l'humilité de l'épée devant la plume, le respect que le corps triomphant doit au cerveau qui le guide. Le tableau d'Ingres est un chef d'oeuvre que l'on peut admirer depuis le 6 octobre au Grand Palais à l'occasion de l'exposition "France 1500". Et au-delà du thème, vous pouvez simplement faire abstraction de tout et ne regarder que les mains présentes dans le tableau : elles vous content l'histoire.

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Ingres - François 1er reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci - 1818

L'admiration dans laquelle François 1er tenait les artistes, il l'exprimait ainsi  : "Je peux faire un noble, je ne peux faire un grand artiste". Qui a un tel culte de la création doit nécessairement s'affranchir des entraves formelles. François 1er n'était pas très respectueux du protocole et, à l'annonce du partage des nouveaux mondes entre Espagnols et Portugais, il eut cette phrase qui pourrait nourrir toute les révoltes, qui comme chacun sait ne peuvent véritablement être qu'individuelles: "Je voudrais bien voir la clause du testament d'Adam qui m'exclut du partage du monde". N'y a-t-il pas dans cette déclaration royale la plus belle affirmation démocratique qui soit si toute femme ou tout homme se l'appropriait ? Certes si François 1er fut le promoteur des bibliothèques, il n'en fut pas moins censeur. Mais il faudrait perdre l'habitude de vouloir tout blanc les individus à qui l'on trouve quelques vertus. Constatons qu'il y a 500 ans, un Roi était l'ami des lettres et que l'on retrouve son cousin, Jacques de Savoie-Nemours, dans la Princesse de Clèves. Tout était-il donc différent d'aujourd'hui ? et oui, sauf peut être sur un point : François 1er aussi creusa les déficits.

NDLA : petit rectificatif, le tableau n'est pas présenté au Grand-Palais, il faut traverser l'avenue et se rendre au Petit-Palais pour pouvoir l'admirer.

28/07/2010

Invensonge (2)

La fée électricité symbolise l'invention : Fiat Lux ! Celle-ci, dans le musée d'art contemporain d'Elvaz, variait au rythme du jazz.

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La lumière de l'invensonge ou la Luz del sueno. La lanterne magique fait surgir des ombres improbables, réalité du rêve, abolition des irritantes et limitantes frontières.
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La perception, comme la conscience, se trouve modifiée et le pêcheur de lune surgissant de la maison au ciel étoilé est moins une surprise qu'une confirmation.
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Et l'on réalise soudainement que si la planète est ronde, ce dont nul ne doute plus, alors le plan horizontal n'existe pas.
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A ce stade, l'invensonge a fait son office et sur le mur de Léonard de Vinci, surgit un éléphant. A vos murs !
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27/07/2010

Invensonge (1)

Léonard De Vinci conseillait à qui voulait devenir peintre de fixer un mur et de ne commencer à peindre que lorsqu'il voyait quelque chose. Ce quelque chose, surgit du mur, pourrait s'appeler l'invensonge.

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L'invensonge ce pourrait être un clien d'oeil du mur qui rappelle que si la terre était transparente on verrait l'Australie.
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On peut aussi s'attendre à voir surgir des êtres saugrenus et irrévenrencieux, ce qui nous fait un peu de bien en cette période de respect du drapeau et d'obligation de chanter la Marseillaise.
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L'invensonge est un embarcadère sans destination connue, une envie  de terrae incognitae.
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Car en chacun de nous sommeille un Cyrano qui rêve de conquérir la Lune.
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Mais plus que la Lune, il est sur terre des merveilles qui éclairent le mur de Léonard  (à suivre)...
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25/12/2008

Cadeau

En ce jour de Noël, en guise de cadeau un tableau de Rothko pour rappeler qu'il vous reste jusqu'au 1er février 2009 pour vous rendre à la Tate Gallery de Londres et entrer dans les superbes compositions chromatiques de Rothko.

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Rothko - Sans Titre - 1969

Elles pourront vous rappeler qu'il est possible de s'immerger dans la peinture comme dans la musique. Elles pourraient également rappeler le mur de Léonard de Vinci : Leonardo de Vinci conseille au peintre d’observer les nuages, la boue, les cendres dans un foyer, les taches sur des murs, car ce sont ces choses là qui  "poussent l’esprit vers de nouvelles découvertes". En ce jour de Noël, mais les autres aussi, les toiles de Rothko nous invitent à de nouvelles découvertes.