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06/11/2009

Le Gossplan réinventé

Lorsqu'il y a vingt ans le mur de Berlin est tombé, l'herbe et les fleurs se sont mises à pousser dans les Trabants. Pour certains, la fin de la guerre froide était quasiment la fin de l'histoire, ce qui n'avait guère de sens. De l'Ouest triomphant le mur était la victime, et bien avant que l'on ne parle d'ostalgie, il s'agissait d'exporter au plus vite les méthodes qui avaient fait leur preuve. On pouvait moquer à loisir le Gossplan et la bureaucratisation de la gestion des activités économiques.

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Trabant à Berlin en 1991 - Photo : jp willems

La manière dont le marché occidental absorba l'économie planifiée n'est pas sans rappeler la manière dont les méthodes de gestion du privé s'imposent aux administrations publiques. On en veut pour preuve la substitution depuis 2007 d'un entretien professionnel à la traditionnelle notation des fonctionnaires mise en place en 1946 à l'initiative d'Ambroise Croizat, ministre communiste du Gouvernement de la Libération et créateur de la Sécurité sociale. La notation avait pour objectif de faire échapper le fonctionnaire au régime des "petits chefs" en objectivant sa situation. La pratique ne fut pas à la hauteur des attentes. On remplaça donc la notation par l'évaluation. Les charmes de l'Ouest sont irrésistibles.
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Staline-Monroe - L. Stokov - 1991

Mais voici qu'insidieusement, réapparaît le Gossplan : sous couvert de management par objectifs dans le privé et de culture du résultat dans le public, on voit ressurgir des indicateurs chiffrés qui tiennent lieu de Graal à atteindre. Non pas de sens à donner à l'action mais de quantité à obtenir coûte que coûte. Et l'on retrouve toutes les dérives du Gossplan : travailler pour l'indicateur et non pour la finalité de l'action, se fixer sur  le chiffre et non sur le sens. Et vingt ans après la chute du mur l'on se dit que plus les choses changent...et plus c'est la même chose.

04/11/2009

Invariant dynamique

Le correcteur d’orthographe refuse avec obstination le terme d’adéquationisme. Il accepte pourtant l’aquabonisme de Gainsbourg et Birkin, preuve qu’il a du goût. Persévérons tout de même. Qu’est-ce que l’adéquationisme : la résolution d’un problème, ou sa mesure, sous forme d’instantané et sans dimension temporelle.

En matière de recrutement, il s’agira par exemple de rechercher le meilleur candidat par rapport à un profil de poste préétabli. En matière de formation il s’agira de rechercher l’écart entre les compétences requises pour un emploi et les compétences du titulaire de la fonction. En matière de GPEC il s’agira de rechercher un scénario pour l’avenir et d’organiser ses actions pour anticiper sur cette prévision. Dans tous les cas, on fige ou tente de figer le point à atteindre pour tracer un chemin ou stabiliser un objectif. C’est oublier un peu vite que la vie est mouvement et que tout ce que nous figeons devient donc immédiatement une abstraction. Et en matière d'abstraction, seule la peinture est dynamique.

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Willem De Kooning - Untitled V - 1977

Introduire du dynamisme dans le diagnostic n'est sans doute pas aisé, mais pourtant essentiel : le scénario dessiné est plus certainement improbable que probable, les compétences requises demain seront autres, cet emploi à pouvoir ne restera pas dans sa configuration initiale, la personne recrutée aura envie de nouveaux horizons,... L’horizon justement n’est pas une frontière établie mais une limite qui n’a de cesse de reculer lorsque l’on avance. Un invariant dynamique en somme. N’oublions pas que tels sont les emplois et les organisations….et les femmes et les hommes. Cher invariant dynamique, bonne journée.

03/11/2009

Révolutions manquées pour le DIF

Pour faire apparaître tous les personnages qui partagent une histoire avec le lieu, il fallait n'en faire apparaître aucun. C'est ce qu'à compris Roberto Polidori. Ses photos nous présentent l'esprit des lieux, c'est à dire tout à la fois l'esthétique d'un lieu, son histoire, sa vie passée, présente et à venir. Le regard porté sur les places choisies par le photographe nous présente les évènements dans leur plus radicale vérité. Les photos d'intérieurs de maisons de La Havane nous plongent à la fois dans la vie des anciens occupants, des actuels et de l'histoire de la Révolution et du régime cubain.

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Roberto Polidori - La Havane - 1997

Tout juriste sait que la nature  des choses précède leur régime. En d'autres termes, qu'il faut avoir déterminé les caractéristiques essentielles, et donc précisément défini, une notion avant de pouvoir fixer les modalités techniques de son opérationnalisation. Ce principe aurait du guider le législateur dans son travail de définition d'un régime de la portabilité du DIF. Il n'a pas été conduit. De ce fait, une seconde Révolution sur le DIF a été manquée. Pour savoir quelle était la première, il vous faudra lire la chronique réalisée pour l'AEF avec Jean-Marie LUTTRINGER qui porte sur les deux Révolutions manquées du DIF et les assignats. Bonne lecture.

02/11/2009

Compétence contre centralisation

D'anciens responsables du MEDEF à qui nous devons le travail sur la démarche compétence au cours des années 90, ont repris le flambeau au sein de la Fondation Condorcet qui tenait une de ses premières réunions mercredi 28 octobre. L'objectif de la Fondation est, notamment, de diffuser la démarche de gestion par les compétences auprès des entreprises. Tous les intervenants se sont entendus sur au moins un point : une gestion par les compétences suppose une décentralisation des décisions, de l'autonomie donnée à chacun et la possibilité pour tous de participer au processus de création de valeur en y intégrant, par son professionnalisme reconnu (penser à ne pas oublier cette exigence) de l'innovation, de l'amélioration, de la qualité en un mot du travail de professionnel. Comme tout principe d'organisation, il est possible d'identifier les limites d'un tel modèle lorsqu'il cesse de mettre les individus en situation d'agir de manière autonome et responsable et qu'il renvoie sur les épaules de chaque personne tous les problèmes que l'organisation n'a pas su ou voulu régler. La gestion par les compétences est une confiance faite aux hommes et aux femmes qui ne doit pas être dévoyée en une mise sous tension sans mesure ni limite.

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Le Maréchal - Le monstre d'Etat - 1958-1960

On ne pouvait s'empêcher de penser, en écoutant ces discours, que tout le mouvement de centralisation que l'Etat organise consciencieusement et méthodiquement, dans une espèce d'ordre pyramidal impérial à fonctionnement exclusivement descendant, était la négation même d'un modèle fonctionnant sur la confiance et la compétence. La loi sur l'orientation et la formation nous en fournit plusieurs exemples (contrôle par l'Etat du Fonds paritaire, contrôle des organismes de formation, contrôle des OPCA,...) alors que la formation est le domaine par excellence dans lequel il s'agit surtout d'encourager et de favoriser les initiatives. Il ne s'agit pas de contrôler ni de considérer que l'Etat est le seul garant possible de toute action efficace mais au contraire de déterminer les conditions à réunir pour que chacun puisse être pleinement acteur et responsable.  Le Maréchal, superbe peintre et graveur, pourrait toujours tenir ces propos inscrits sur l'oeuvre présentée ci-dessus : "Le Monstre d'Etat, roi du tout pareil, tient le fantôme public sous le glaive de sa propre loi".

30/10/2009

Arbitraire contre sectaire

Nos députés ont peur des sectes. Pas tous bien sur, si l'on en juge par des amendements qui interviennent opportunément pour éviter des poursuites contre la scientologie, mais la réprobation demeure largement prédominante. Couplée à une suspicion bien moins légitime à l'encontre des organismes de formation, elle conduit parfois à des amalgames peu heureux. Dans la loi qui vient d'être votée relative à l'orientation et la formation professionnelle, on trouve ainsi des dispositions qui confèrent à l'administration un pouvoir que l'on se permettra de juger exorbitant, en ce qu'il confère un pouvoir arbitraire dans l'autorisation d'exercice de l'activité de formation. En effet, l'administration peut désormais se prononcer lors de la déclaration d'activité d'un organisme mais également à tout moment sur la nature des prestations rendues et prendre une décision administrative de retrait du numéro d'enregistrement en tant qu'organisme de formation qui devient une véritable interdiction d'exercer. Cette sanction, que le juge lui même se hésite à prononcer tant il l'estime radicale dans ses effets, peut aujourd'hui être prise par l'administration sans aucune des garanties qu'offre la procédure judiciaire. Belle leçon de droit : pour lutter contre le risque sectaire on étend le pouvoir arbitraire.

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Cynthia Girard - La secte des souris volantes - 2006

Pourquoi ce risque d'arbitraire ? parce que l'administration a toujours eu une interprétation restrictive de la notion d'action de formation et n'a eu de cesse que d'ajouter des critères supplémentaires et illégitimes aux critères légaux (voir le document joint pour les critères légaux et les questions à se poser pour savoir si une formation est bien une formation professionnelle). Et surtout parce que nombreux sont les contentieux dans lesquels le juge, tribunal administratif ou Conseil d'Etat, a donné tort à l'administration sur sa manière d'apprécier si une formation est, ou non, une formation. Le problème est que ces contentieux interviendront bien tard, lorsque le mal sera fait c'est à dire qu'une décision d'interdiction aura produit ses effets.
Dans le contexte de procès de la scientologie, les dispositions relatives aux organismes de formation dans la loi, qui n'est pas encore publiée, sont passées inaperçues. Elles remettent pourtant en cause le libre exercice de l'activité de formation. Que l'activité soit soumise au contrôle du juge c'est évident et souhaitable. Qu'elle soit livrée à l'arbitraire de la conception que se fait un fonctionnaire de la formation est autrement dangereux et regrettable. Dans un état de droit, il ne revient pas à l'administration, mais au juge, de dire le droit.

29/10/2009

S'accrocher aux branches

Ce blog invite souvent à porter un regard un peu neuf, distancié, amusé, enjoué, sur ce qui nous entoure. On peut ainsi découvrir ce que le regard d'habitude ne nous permet plus de déceler. Ainsi, à regarder un arbre qui s'est entêté à pousser au milieu des pierres on peut découvrir qu'il hurle sa fureur au visiteur qui ne sait pas très bien si c'est lui qui est à l'origine de cette colère ou bien la situation improbable du végétal. Il est vrai que cet arbre est corse.

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Arbre Hurleur - Photo jp willems

Nul ne s'amuserait ici à s'accrocher aux branches du grand hurleur, qui se déploient comme des tentacules sévères et menaçantes. Il est pourtant parfois dans la logique des choses, et tel est le cas pour la formation, de chercher à s'accrocher aux branches. La réciproque n'est toutefois pas vraie : les branches ne doivent pas s'accrocher à la formation. Si vous souhaitez des explications à tout ceci, lisez la chronique publiée par l'AEF et réalisée avec Jean-Marie LUTTRINGER. Vous y découvrirez également une histoire de jumeaux bagarreurs plus riants que l'arbre furieux. Bonne lecture.

28/10/2009

Une étrange sensation

Le tableau se trouve dans un coin d'une salle du Musée international d'art naïf de Nice. Au milieu de peintures naïves représentant des scènes du quotidien il attire pourtant l'attention. Tout paraît en ordre, mais une sensation étrange nous indique qu'il n'en est rien. Que regardent le boucher et ses clients ? quel est ce mystérieux personnage qui rentre, sac à dos, dans une maison occupée au premier étage par un personnage en feu et au second par le soleil et les étoiles ? que guette l'enfant au coins de la rue ? son cerceau improbablement arrêté de l'autre côté du mur ? quel signe nous adresse le tournesol à la lucarne de la maison du boucher et pourquoi un visage immobile à la fenêtre du premier étage ? la clé en forme d'enseigne ne nous dit guère quelle est la clé de tout ceci.

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René Imbert - Allégorique allusion à la diversité des demeures - 1945

Le titre ajoute à l'étrangeté mais ne la créé pas. Tout au plus peut-il orienter notre rêverie poétique devant la toile. Combien de fois avez-vous ressenti ce sentiment d'étrangeté ? cette impression que dans une situation apparemment banale "quelque chose ne colle pas". Ce sentiment non raisonné "qu'il se passe quelque chose", comme dans cette nouvelle de Buzzatti, figurant dans le "K" où une femme ne peut dormir, angoissée et scrute la forêt dans laquelle il ne se passe rien...hormis les mille et uns drames de la vie animale nocturne.
Pour agir il faut comprendre, pas d'action sans diagnostic. Pour comprendre il faut observer, évidemment, analyser également, mais il faut aussi ressentir et s'abandonner à ce sentiment d'étrangeté qui nous submerge parfois. Le quotidien comme une énigme fantastique qui s'offre à nous, pour notre plus grand plaisir.

26/10/2009

Jeunesse triomphante

Ce blog n'y échappera donc pas et s'astreindra également à livrer son commentaire sur la vraie-fausse élection de Jean Sarkozy à la tête de l'EPAD. Pourquoi ? parce qu'il est question de compétence et que si le scandale de la situation ne fait pas de doute, quelques raisons avancées sont, elles, plus que douteuses. Deux arguments notamment sonnent faux. Le premier est lié à l'âge. Rappelons que l'âge est considéré par le code du travail comme une discrimination et que trop vieux ou trop jeune ne sont juridiquement pas acceptables. Dans le meilleur des cas, entendons par trop jeune : "Pas assez d'expérience". Et avec cet argument justifions la gérontocratie qui veut que jamais les dirigeants ne passent la main, tant au niveau électoral que chez les dirigeants. Le pouvoir doit avoir quelques agréments pour justifier cette peur chronique de la mort sociale de celui qui l'abandonne. Trop jeune, voilà qui aurait fait rire Picasso peignant les Demoiselles d'Avignon, chef d'oeuvre du siècle à 26 ans. La jeunesse triomphante faite peur, l'archétype en étant la lolita qu'il n'est même plus possible aujourd'hui de montrer sans risquer un mauvais procès. Optons donc pour la version masculine.

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Takashi Murakami - My lonesome cowboy
Fondation Pinault - Venise

Le deuxième mauvais argument est celui du diplôme : notre société croule sous les statuts et situations établies, sous les recrutements endogamiques de diplômés se cooptant et les hiérarchies formelles et figées. En les regroupant, ces deux arguments nous proposent la vieille société de l'ancienneté (âge) et du statut (diplôme). Bref, rien sur la compétence.

Le problème dans cette affaire, n'est pas qu'un jeune non diplômé de 23 ans puisse prétendre à de hautes fonctions, c'est uniquement que le seul jeune à pouvoir postuler de la sorte soit le fils du Président de la République. On aimerait qu'une telle situation ne fit pas scandale et qu'elle soit d'une grande banalité. Ce qui signifierait que les modèles anciens ont vécu. Il est désolant de voir comment les diplômés hurlent leur colère en disant : "et moi, et moi...". Signe que l'on est prêt à accepter l'inaceptable, dès lors qu'il nous est favorable. Paradoxalement, leur comportement justifie celui de Monsieur Fils. Non décidément, le scandale n'est ni dans l'âge ni dans l'absence de diplômes, il est dans le fait du Prince, bien évidemment, mais également dans l'anormalité de la situation. Refuser le népotisme et le clanisme ne nous oblige pas à justifier l'ordre ancien au sein duquel ils font leur lit.

23/10/2009

Sérendipité

La trouvaille heureuse ou le hasard innovant, telle pourrait être la définition de la sérendipité. Même si le terme peut prendre des acceptions différentes selon les domaines, il traduit l'idée que l'on peut trouver ce que l'on ne cherche pas et que le hasard place parfois sur notre route des découvertes qu'il nous appartient de ne pas négliger. Il peut s'agir, par exemple, de diapositives qui ont supporté pluie, chaleur et froid dans un grenier et en ont profité pour offrir un festival de couleurs grace à une sarabande improbable de la gélatine.

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La loire à loisir - Photo jp willems

Ou encore d'une photographie errative de reflets dans un canal vénitien, par jeu dans un instant de disponibilité au temps, qui se transforme en tableau de Miro ouvrant des espaces poétiques inattendus.
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Les belles passantes - photo jp willems

Mais comment favoriser la sérendipité ? tout d'abord par l'action. Il n'y a de hasard que dans l'action. Ensuite par la disponibilité, encore faut-il voir et être prêt à voir ce que l'on n'attend pas. Enfin par la généralisation du singulier. Confronté à un évènement unique, il s'agit d'entrevoir la possibilité qu'il ait une portée autre qu'éphémère et de ne pas le réduire à l'instant de sa première production. Une action disponible et singulière, voilà qui est peut être l'explication de la phrase apparemment provocatrice de Picasso : "Je ne cherche pas, je trouve". A vous de jouer en profitant d'un week-end un peu plus long qu'habituellement. Une heure à perdre ? essayez la sérendipité.

22/10/2009

Point du jour

La Xème Biennale d'art contemporain de Lyon s'intitule "Le spectacle du quotidien". Porter un regard neuf sur le quotidien est  souvent une ambition de l'art. C'est aussi celle de l'innovation.  On peut rechercher l'innovation au quotidien. C'est le toyotisme et la méthode japonaise de l'amélioration continue. Que  surgissent les mille fleurs de l'innovation conjuguée par tous. Mais l'art contemporain emprunte aussi souvent à l'innovation à la française, c'est-à-dire au concept mis en oeuvre, à la recherche confiée au chercheur et expliquée aux autres. Qu'elle s'effectue par le haut ou par le bas, dans les deux cas on traque l'innovation.

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Days of ours lives - Hoy Cheong WONG - 2009

La recherche qui se perd dans les concepts n'a pas plus d'utilité que la stratégie des petits pas qui devient du piétinement. Le propre de l'homme étant d'opérer des mises en relation qui ne s'imposent pas a priori, il importe avant tout de concilier et d'articuler l'humilité du quotidien et l'ambition de la transcendance. Si rien n'est acquis, et qu'un échec efface mille succès, si la parole seule n'est que rarement le début de l'action, vivre la parole qui se déploie quotidiennement en acte est un bonheur et un accomplissement. Ne nous contentons pas d'être spectateurs du quotidien, soyons des acteurs pleinement investis d'un quotidien que nous n'aspirons qu'à dépasser.

20/10/2009

L'eau tarie

La mise en place du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels va se traduire par le prélèvement d'une somme variant entre 5 et 13 % de l'obligation légale de financement de la formation professionnelle. Le Gouvernement a annoncé qu'il souhaitait faire du FPSPP, dont on rappellera que s'il est paritaire et non tripartite, l'utilisation de ses fonds relève à titre principal d'une convention conclue avec l'Etat, un des outils principaux de la politique de l'emploi. Il est donc plus probable que le premier prélèvement soit proche de 13 % et non de 5. Au total, ce sont environ 900 millions d'euros qui seront soustraits aux OPCA au titre du Plan, du DIF, de la Professionnalisation et du CIF. Les responsables des FONGECIF ont d'ores et déjà annoncé qu'il y aurait en 2010 environ 5 000 CIF de moins (sur 30 000). La même diminution des ressources est très probable pour le DIF, les entreprises ne pouvant donc baser leur politique de développement du DIF sur le financement par leur OPCA. En ce domaine, la période faste est derrière nous (il paraît que ce n'est pas qu'en ce domaine, mais rien n'oblige à le croire) : la source du financement externe de la formation va être moins abondante, sinon tarie.

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Yamasuma Morimura - Portrait
(La source I, II, III d'après Ingres - 1989)

Mais que va donc faire le FPSPP de tout cet argent : financer la politique de l'emploi et la formation des demandeurs d'emploi et concentrer les fonds sur les salariés prioritaires (salariés des TPE et PME, salariés les moins qualifiés, salariés dont l'emploi évolue fortement et/ou disparaît, etc.). Il y aura donc des bénéficiaires (ouf !) du prélèvement opéré par les OPCA. Mais, et là comme dans bien d'autres domaines, il va d'abord falloir payer pour voir.

19/10/2009

L'air du temps

La biennale de Venise offre un panorama international de l'art contemporain. Le lieu est splendide : les pavillons des jardins de Venise ou les ateliers de l'Arsenal constituent un cadre unique. Tous les continents sont représentés parmi les artistes. Hélas pourrait-on dire car les productions se ressemblent (trop) souvent. La sempiternelle dénonciation de tous les méfaits de notre société (consommation, violence, sexualité ramenée à la pornographie, inquisition, massification,....) conduit à un grand système dépressif dont toute joie est absente. Le pavillon français, représenté par Claude Levêque (sic) est emblématique : un univers caréral composé de cages qui enferment le visiteur et ouvrent sur des espaces sombres dans lesquels un drapeau noir isolé claque au vent. Le titre "Le grand soir" laisse à penser que ce dernier ne viendra guère où qu'il y a beaucoup de chaînes à briser pour que sa simple possibilité puisse s'établir.

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Claude Levêque - Le grand soir (partie) - Photo jp willems

L'atmosphère n'est pas différente, et l'on pourrait porter crédit de ce témoignage aux artistes si l'on ne jugeait un peu court ce seul apport, de celle que l'on peut trouver dans le monde de l'entreprise : licenciements, chômage, restructurations, suicides, souffrance au travail, stress, individualisme, cynisme, etc. Dans cet univers noir pourtant, des couleurs apparaissent. Si l'on veut bien porter son regard sur la foule des visiteurs, et non sur les oeuvres, on s'aperçoit qu'elle est plutôt joyeuse, qu'elle joue avec les oeuvres, qu'elle les réinvente en les photographiant, en posant autour, en s'amusant avec lorsqu'il est possible de toucher. Là où les artistes n'ont guère mis de sourire et de jeu, les visiteurs en apportent. Dès lors, Venise peut prendre d'autres couleurs.
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Nikola Uzunovski - My sunshine - photo jp willems

L'invitation étant faite de porter son regard au-delà, il est possible de découvrir, après être sorti de la biennale, que la ville dispose de couleurs mystérieuses et volatiles qui jouent au creux de l'eau.
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Instants colorés vénitiens - Photo jp willems

Au début du siècle, après avoir connu la première guerre mondiale, les artistes recherchaient des modes d'expression nouveaux ouvrant sur le rêve, la poésie, l'onirisme, les capacités inconnues, les correspondances magnétiques, le hasard objectif. Manifestement, empêtrés dans leur nombril et la dénonciation grave et parfois lourdement pédagogique, les artistes de ce début de siècle manquent à la fois de légèreté, d'Umour à la Jarry et de vision à partager. Croire que seul le grave est sérieux est non seulement mortifère mais une erreur. Comme le dit Pierre Peuchmaurd  à propos de Cioran : "Il ne suffit pas d'être un ronchon insomniaque pour avoir raison. Celui qui s'endort dans les fleurs n'a pas tort non plus".  Aucun rapport avec les ressources humaines ? cherchez bien, nous ne sommes que lundi.

15/10/2009

Le DIF en bateau

La loi sur la formation professionnelle est définitivement votée. Plusieurs chroniques lui seront consacrées. La première concerne la portabilité du DIF. Tranchons le débat sémantique : la transférabilité garantie au salarié la reprise de ses droits par un nouvel employeur. Elle n'existe pas dans la loi mais dans certains accords de branche. Ce que la loi créé est la portabilité : la possibilité pour le salarié de bénéficier d'un financement à hauteur de 9,15 € x le crédit DIF après son départ de l'entreprise. Ce droit n'est ouvert que si le salarié reste salarié ou demandeur d'emploi. S'il exerce une activité non salariée, le droit est perdu. Le Sénateur Carle a annoncé que le DIF était dorénavant attaché à la personne, il n'en est rien, l'approche statutaire prédomine. Ce droit n'est qu'éventuel : il reviendra aux OPCA de dire s'ils financent ou non cette portabilité. Or, le prélèvement d'1 milliard d'euros du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels va réduire les fonds des OPCA. Et la loi étend leurs missions et possibilités de financement. La portabilité risque donc de se trouver fortement limitée par les disponibilités financières. Faute d'argent, cette portabilité sera très virtuelle et le portage du DIF pourrait n'être qu'un portage en bateau du salarié.

 

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Nicolas de Stael - Bateaux

Le Parlement a, de plus, adopté un mécanisme complexe : la portabilité s'effectue en accord avec Pole emploi ou avec le nouvel employeur. A défaut d'accord du nouvel employeur, le salarié peut solliciter l'OPCA pour le financement d'une formation suivie hors-temps de travail sans allocation formation. La nature du DIF, formation codécidée pour un projet commun, s'en trouve modifiée. Et notons que l'articulation entre le DIF transférable prévu par les accords (j'ai 100 heures dans mon compteur, mon nouvel employeur reprend ces 100 heures) et le DIF portable (j'ai 100 heures, l'OPCA peut me financer 100 heures x 9,15 €) n'est envisagée nulle part. Juridiquement, le cumul semble s'imposer ce qui conduira à gérer deux compteurs DIF. Bref, un dispositif nouveau qui s'empile sur une transférabilité partielle et dont rien ne garantit le financement. Manifestement de la belle ouvrage. En ressources humaines, l'efficacité est souvent conditionnée par la simplicité des solutions mises à disposition. Les députés ne sont  à l'évidence pas informés de cette règle de base. Il aurait été tellement plus simple de dire que tout crédit acquis était transféré chez un nouvel employeur. Le DIF n'étant mis en oeuvre que par accord, ce n'était pas placer celui-ci dans une contrainte excessive, pas plus grande en tous les cas que pour ses anciens salariés. Au lieu de ce mécanisme à la fois simple, non contraignant et garantissant le crédit, on empile deux dispositifs qu'il faudra vraisemblablement retoucher sous peu. Messieurs les députés, et mesdames pour les quelques unes que l'on voulut bien élire à la male Assemblée, encore un petit tour de bateau avant d'arriver au port.

14/10/2009

Le cadre : notion artistique

Paul Duchein est Montalbanais, accessoirement pharmacien et à titre principal peintre et auteur de somptueuses boîtes qui démontrent, s'il en était  besoin, que l'encadrement n'est pas un enfermement mais une ouverture vers le rêve et l'infini. La délimitation de l'espace clos n'est qu'une  manière d'ouvrir les portes de l'imaginaire dans un de ces apparents paradoxes qui charment les surréalistes dont Duchein a toujours été proche. L'art de l'encadrement ou comment l'onirisme peut se déployer sans fin dans un espace contraint.

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Paul Duchein - La chambre d'André Breton - 1991

Les juges sont sans doute admiratifs de l'oeuvre de Paul Duchein et soucieux de réserver à l'artiste la notion de cadre. La Cour de cassation vient en effet, par plusieurs décisions datant de l'été dernier, de poser en principe que des avantages salariaux (jours de RTT, tickets-restaurants, primes...) ne sauraient être réservés aux cadres dès lors que d'autres salariés sont placés dans la même situation au regard de l'avantage en question. En d'autres termes, une différenciation basée seulement sur le statut de cadre est illicite en tant que contraire au principe d'égalité de traitement. Pour justifier la différence, des raisons objectives, basées donc sur la réalité du travail ou des conditions de travail, doivent être identifiées. Par cette jurisprudence, la Cour de cassation met à mal nombre d'accords et de conventions collectives qui réservent certains avantages spécifiquement aux cadres. Pour les juges, l'affaire est claire : laissez les cadres aux artistes, et à Paul Duchein, et basez les différences de rémunération et/ou de statut sur de réelles différences dans le travail. Que salubre est parfois le vent de l'égalité !

12/10/2009

Petits malins

En application de l'accord sur le dialogue social conclu par l'UPA et les organisations syndicales de salariés en 2001, mais étendu seulement en 2008 notamment du fait de l'opposition de la CGPME et du MEDEF, une commission paritaire régionale interprofessionnelle de l'artisanat (ouf ! en fait la CPRI, prononcer évidement cépri...) a été créée en Rhônes-Alpes. D'autres devraient suivre dans des départements ou régions. Certains se souviendront que le département du Tarn, en Midi-Pyrénées, avait été pionnier en ce domaine avec la création par l'USAT (union des syndicats artisanaux du Tarn) d'une instance de dialogue social départementale. Objectif de ces instances ? négocier des accords collectifs de travail applicables aux entreprises artisanales et à leurs salariés, dans lesquelles n'existe pas de négociation collective du fait de leur taille. Et mettre à leur disposition des outils conventionnels qui leurs sont inaccessibles individuellement (prévoyance, activités culturelles et sociales, instances d'arbitrage des conflits, etc.). Dans un pays toujours jacobin, où la branche et le national structurent la négociation, voici une approche locale et interprofessionnelle susceptible d'explorer de nouvelles solidarités et de développer de nouvelles problématiques d'emploi. L'innovation sociale n'est donc pas l'apanage des grandes entreprises (quelles innovations ?) mais peut prendre appui sur un réseau de dirigeants de TPE (l'artisanat en Rhônes-Alpes : 100 000 dirigeants, 260 000 salariés). Souvenons nous du Petit Poucet.

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Viviane Riberaigua - Le petit poucet - Installation 2008

Le Petit Poucet n'a rien d'un conte mièvre. Au contraire : le Petit Poucet ne fait pas confiance à ses parents, il ne compte que sur lui-même, il embobine la femme de l'ogre, conduit celui-ci à tuer ses sept filles, lui vole ses bottes de sept lieues (de là à penser que le Petit Poucet commet les sept pêchés capitaux...il n'y a qu'une lieue), obtient par chantage et mensonge le trésor de l'ogre, et se trouve remplit de fortune après tout ceci. Menteur, voleur et assassin, voici le Petit Poucet récompensé par la gloire et l'admiration de toutes et tous. L'imagination et le rêve auront donc toujours raison de la force et de la vie purement matérielle (le seul souci des parents et de l'ogre : manger !). Pour cette raison,  on suivra avec intérêt le déploiement de l'accord UPA sur le dialogue social en se disant que s'il n'est pas écrit que tous les petits soient malins, on se plait à constater que c'est à ce niveau que surgissent prise de risques, créativité et défrichage de nouveaux chemins.

NB : pour ceux qui se demanderaient où se trouve le trésor de l'ogre, il sera rappelé que l'accord de 2001 instaure une cotisation spécifique de 0,15 % de la masse salariale payée par les entreprises artisanales pour financer les commissions locales de dialogue social. C'est contre cette cotisation nouvelle que se sont battus en vain le MEDEF et la CGPME. Comme les actes délictueux du Petit Poucet, le prix de la liberté.

Changement pour tous

L'ouvrage d'Eric Maurin cité dans la chronique de vendredi fait décidément recette. Il est vrai qu'il dénonce la France des statuts et de la réforme rendue impossible par ceux qui cherchent à défendre ce qu'ils ont. Et que son propos vise principalement les classes moyennes, et parmi elles principalement celles du secteur public. Certes Eric Maurin échappe aux démagogies de type De Closet et son "Toujours plus" et livre un propos plus mesuré et surtout plus scientifiquement argumenté. Mais il conclut : "Je n'ai pas de solution miracle. Mais il me semble qu'une société où ce qui s'acquiert et ce qui se perd seraient moins irréversibles, moins définitifs, pourrait constituer un progrès.". La petite musique des sempiternels acquis qu'il faudrait cesser de défendre est en marche.

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Dominique Liccia - Vive la crise - 2009

Cette musique a été entendu suite au référendum sur La Poste : bien gentil mais il faut s'adapter, la mondialisation est là qui n'attend pas. Suggérons donc, et sans démagogie cela va de soi, quelques remises en cause des acquis : le non cumul des mandats pour la classe politique, la fin des parachutes dorés ou des transactions à sept chiffres et plus pour les dirigeants, la fin des niches fiscales et des exonérations de charges et d'impôts pour tout type de motif, bref une égalité réelle et non formelle. L'exemple doit paraît-il venir d'en haut. A défaut, ne nous étonnons pas que chacun à son niveau tienne à ce qu'il tient plutôt que de croire à ce qu'on ne lui promet guère.

09/10/2009

Aux frontières du diplôme

Il y a quelques années, Alain Lebaube, journaliste au Monde, écrivait un livre intitulé "Social, par ici la sortie" dans lequel il démontrait que l'Education nationale et l'entreprise entretenaient soigneusement une ignorance réciproque permettant à chacun de rester sur son quant à soi et de ne jamais évoluer. D'un côté le reproche récurrent de ne préparer les étudiants à rien et de n'apporter aucune compétence, de l'autre celui de confiner dans des emplois sans intérêt des étudiants ayant un bagage supérieur. En caricaturant : "Vous formez des incapables" contre "Vous gachez notre enseignement" (et non vous gachez nos génies, étant entendu que les génies sont les enseignants).

Dans "La peur du déclassement", Eric Maurin montre pourtant que le taux de chômage est directement corrélé au niveau de diplôme et que ce phénomène ne fait que s'accroître avec les années. En clair, jamais le diplôme n'a eu autant de valeur (ceux qui crient à la dévalorisation du diplôme par la démocratisation de l'enseignement supérieur sont donc soit mal informés, soit pétris de mauvaises intentions) et jamais l'échec scolaire n'a été autant sanctionné.

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Source : Les Echos/Enquête emploi de l'INSEE 1975-2008

Paradoxe du recrutement massif de diplômés assorti d'une critique assidue du diplôme. Politique du moins pire ? (à tout prendre, mieux vaut un diplômé), syndrome d'identification du recruteur ? (je recrute qui me ressemble, et je suis diplômé), reconnaissance de la valeur des formations suivies que l'on décrie par ailleurs ? (tout n'est pas à jeter dans l'EN)....lecteur ajoute ton hypothèse, mixe les précédentes ou choisis ton camp !

Osons une dernière explication : après la certification des organisations, nous en sommes aujourd'hui à la certification des personnes, le tout formant un vaste système d'assurance censé garantir la qualité. Si cette hypothèse est la bonne, nous n'en avons pas fini avec les diplômes, certifications, habilitations, permis, agréments et autres passeports indispensables pour l'emploi. Avec le risque, déjà bien réel apparemment, que le diplôme devienne un passeport : à la fois outil de liberté pour passer les frontières et instrument d'exclusion pour ceux qui n'en ont guère.

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08/10/2009

Le mors et la bride

La Commission mixte paritaire s'est prononcée, mardi 6 octobre, sur le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. Le résultat de ses travaux est, comme il se doit, un mélange entre le texte voté à l'Assemblée et celui issu du Sénat. Pas certain que la cohérence y retrouve ses petits. Au regard de l'ANI du 7 janvier 2009, les partenaires sociaux peuvent s'estimer floués : le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ne pourra engager ses financements sans avoir conclu une convention avec l'Etat et les OPCA devront conclure des conventions triennales avec l'Etat pour garantir le financement de leurs frais de fonctionnement. A la demande d'autonomie représentée par l'ANI du 7 janvier 2009, la réponse est donc claire : c'est non. Difficile de montrer plus brutalement que dans les relations cavalières entre les partenaires sociaux et l'Etat c'est ce dernier qui tient la bride et les premiers qui ont le mors. Qu'au gré des années la main qui tient la bride soit souple ou ferme ne change rien à ce constat. Actuellement, la main est plutôt ferme au risque de blesser.

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Picasso - Cheval de cirque - 1956

Qu'y peuvent les partenaires sociaux ? prendre le mors aux dents. Selon l'Académie, l'expression vise un Cheval qui, serrant le mors entre ses mâchoires, le rend immobile et s'emporte, sans que le cavalier ou le cocher puisse le retenir. Comment s'y prendre ? une seule solution : accéder à l'autonomie en créant une cotisation sociale pour financer la formation professionnelle. Tant que la ressource principale sera de nature fiscale, l'Etat tiendra la bride. Se libérer de ce joug pesant n'est possible qu'en modifiant la nature des contributions versées par les entreprises. Tel est le prix non seulement de la liberté pour les partenaires sociaux, mais plus largement de la préservation et sauvegarde du paritarisme qui, après l'OPA étatique sur la sécurité sociale et l'assurance chômage et aujourd'hui sur la formation professionnelle n'a guère d'avenir s'il ne subsiste dans son pré que l'herbe des retraites complémentaires, certes bien verte mais insuffisante à nourrir la bête. Les partenaires sociaux auront-ils la volonté d'éviter la mort du petit cheval sans se contenter de simplement demander sa grâce à l'Etat mais en lui fournissant l'alimentation suffisante ? réponse aux prochaines négociations.

07/10/2009

Ticket toc

La réponse du Ministère du Travail à la question d'un Parlementaire sur les Tickets Psy a été publiée au journal officiel le 25 août dernier. Pour ceux qui auraient zappé cette innovation du management, les Tickets Psy sont payés par l'entreprise et remis au salarié sous forme de bons pour des consultations chez un psy : la sécurité sociale individuelle en quelque sorte. Selon le Ministère, les Tickets Psy ne sauraient constituer une réponse de l'entreprise à son obligation de sécurité de résultat, au motif notamment que l'action de l'entreprise, comme celle du médecin du travail, doit être préventive et non curative ce qui exclut le soin. De manière complémentaire, le Ministère indique que l'employeur ne peut renvoyer les problèmes de santé à des questions personnelles voire intimes et qu'il doit se questionner sur l'organisation du travail. Soit exactement ce qu'avaient dit les partenaires sociaux dans l'ANI sur le stress du 8 juillet 2008. Il est confondant que certaines entreprises aient pensé à utiliser les tickets psy, voire l'aient effectivement fait. Votre travail vous déprime ? un petit tour chez le psy et l'affaire est réglée. A quand le management des salariés par leurs rêves, signifiants, forcément signifiants.

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Henri Rousseau - Le rêve

Un tel manque de repères dans les frontières de ce qui relève de l'entreprise et de ce qui n'en relève pas  traduit la confusion dans laquelle se trouvent certains en matière manageriale. Quel meilleur exemple trouver du traitement d'un symptome individuel plutôt que des causes collectives ? il est vrai que le collectif fait peur et qu'isoler le salarié permet de mieux le gérer : objectifs individuels, entretien individuel, rémunération individualisée...la progression de l'individualisation n'est pas sans rapport avec la progression des difficultés exprimées par rapport au travail. Dans une organisation, un salarié ne travaille jamais seul. Pourquoi dès lors ne pas rééquilibrer la place des objectifs collectifs, des entretiens collectifs, des rémunérations variables collectives, etc. Parce que c'est plus difficile pour le manager ? parce que l'on craint les mécanismes de foule ? tout entraîneur d'équipe sportive sait pourtant que ce n'est pas avec des entretiens individuels, des objectifs individuels et des primes individuelles que l'on obtient une équipe performante. Parce qu'en plus l'entreprise serait une équipe ? vous rêvez. Vite un Ticket Psy pour le chroniqueur.

06/10/2009

Contradictions

Le magnifique musée des lettres et des manuscrits présente jusqu'au 28 octobre l'exposition : "André Breton, d'un manifeste à l'autre". On peut y consulter les manuscrits des deux manifestes du surréalisme et autres documents. Si dans le premier manifeste Breton définit le surréalisme par rapport aux mécanismes de l'inconscient et à l'expression libre de la pensée, dans le second il  propose au surréalisme de  : "faire reconnaître le caractère factice des vieilles antinomies. [ car] Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas, cessent d'être perçus contradictoirement. Or c'est en vain qu'on chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermination de ce point.". Lorsque Picabia présente deux écoles, point de hiérarchie ni d'opposition, la même réalité à travers deux prismes qui nous invitent à créer une troisième image.

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Franis Picabia  - Deux écoles
La sainte Vierge d'Ingres - La sainte Vierge de Picabia - 1920

Ce n'est pas être excessivement hégélien, et le serait-on que l'on ne s'en excuserait pas, d'estimer que la contradiction est le seul moyen de parvenir à un niveau supérieur de conscience, chaque marche vers la connaissance étant le fruit d'oppositions systématiques. "Penser contre soi-même" disait Sartre. Seul véritable moyen d'avancer. Combien de dirigeants ont perdu le sens de leur action pour n'avoir plus entendu ni toléré les contradictions, étouffés par les courtisans et leur propre suffisance ? Pourquoi dès lors l'opposition et la contradiction sont-elles vécues le plus souvent comme des aggressions renvoyées en effet boomerang ? avoir un contradicteur est une chance, dès lors que cette contradiction relève de l'esprit critique et de la volonté de savoir et non uniquement de l'esprit de contradiction qui est la moindre des intelligences. Relevons qu'en ce domaine comme bien d'autres, les manifestes de 1924 et 1930 demeurent non pas d'actualité mais en avance sur notre temps.