La loi sur la formation professionnelle est définitivement votée. Plusieurs chroniques lui seront consacrées. La première concerne la portabilité du DIF. Tranchons le débat sémantique : la transférabilité garantie au salarié la reprise de ses droits par un nouvel employeur. Elle n'existe pas dans la loi mais dans certains accords de branche. Ce que la loi créé est la portabilité : la possibilité pour le salarié de bénéficier d'un financement à hauteur de 9,15 € x le crédit DIF après son départ de l'entreprise. Ce droit n'est ouvert que si le salarié reste salarié ou demandeur d'emploi. S'il exerce une activité non salariée, le droit est perdu. Le Sénateur Carle a annoncé que le DIF était dorénavant attaché à la personne, il n'en est rien, l'approche statutaire prédomine. Ce droit n'est qu'éventuel : il reviendra aux OPCA de dire s'ils financent ou non cette portabilité. Or, le prélèvement d'1 milliard d'euros du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels va réduire les fonds des OPCA. Et la loi étend leurs missions et possibilités de financement. La portabilité risque donc de se trouver fortement limitée par les disponibilités financières. Faute d'argent, cette portabilité sera très virtuelle et le portage du DIF pourrait n'être qu'un portage en bateau du salarié.
Nicolas de Stael - Bateaux
Le Parlement a, de plus, adopté un mécanisme complexe : la portabilité s'effectue en accord avec Pole emploi ou avec le nouvel employeur. A défaut d'accord du nouvel employeur, le salarié peut solliciter l'OPCA pour le financement d'une formation suivie hors-temps de travail sans allocation formation. La nature du DIF, formation codécidée pour un projet commun, s'en trouve modifiée. Et notons que l'articulation entre le DIF transférable prévu par les accords (j'ai 100 heures dans mon compteur, mon nouvel employeur reprend ces 100 heures) et le DIF portable (j'ai 100 heures, l'OPCA peut me financer 100 heures x 9,15 €) n'est envisagée nulle part. Juridiquement, le cumul semble s'imposer ce qui conduira à gérer deux compteurs DIF. Bref, un dispositif nouveau qui s'empile sur une transférabilité partielle et dont rien ne garantit le financement. Manifestement de la belle ouvrage. En ressources humaines, l'efficacité est souvent conditionnée par la simplicité des solutions mises à disposition. Les députés ne sont à l'évidence pas informés de cette règle de base. Il aurait été tellement plus simple de dire que tout crédit acquis était transféré chez un nouvel employeur. Le DIF n'étant mis en oeuvre que par accord, ce n'était pas placer celui-ci dans une contrainte excessive, pas plus grande en tous les cas que pour ses anciens salariés. Au lieu de ce mécanisme à la fois simple, non contraignant et garantissant le crédit, on empile deux dispositifs qu'il faudra vraisemblablement retoucher sous peu. Messieurs les députés, et mesdames pour les quelques unes que l'on voulut bien élire à la male Assemblée, encore un petit tour de bateau avant d'arriver au port.