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07/05/2010

Changer d'ère

Les conjonctions et concordances sont rarement des hasards. Faut-il être surpris de voir le même jour, le 5 mai 2010,  la Cour d'Appel de Paris, prenant appui notamment sur une décision de la Halde, reconnaître qu'il existe à la BNP Paribas des inégalités de rémunération structurelles entre les hommes et les femmes et la CGT assigner en justice tous ses partenaires de la négociation collective de la branche Syntec/CICF pour refus d'engager des négociations en vue d'étendre aux ETAM les avantages spécifiques reconnus par la convention collective aux cadres ? la portée de ces contentieux dépasse largement les cas d'espèce, tant il serait possible d'appliquer à nombre d'entreprises les constats fait à propos de la BNP ou de la branche du conseil. Quasiment toutes les grandes organisations et les branches professionnelles à vrai dire. C'est pourquoi la décision de la Cour d'appel ainsi que celle à venir du TGI semblent n'être que les premières : il va falloir s'habituer au changement d'époque en ces domaines.

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Jan Van Eyck - Les époux Arnolfini - 1434

Peut être le mystérieux tableau de Jan Van Eyck peut-il nous y aider ? il semblerait en effet que plutôt que les époux Arnolfini, titre officiel du tableau, le peintre se soit mis en scène lui-même avec son épouse enceinte, tout dans le tableau annonçant l'arrivée de l'enfant, jusqu'à l'inscription qui figure au-dessus du miroir convexe : Johannes de Eyck fuit hic (Jan Van Eyck était là, bien au chaud sous la robe arrondie : le fils de Van Eyck naîtra effectivement en 1434 et sera prénommé Johannes). L'arrivée d'une nouvelle ère dans laquelle la maternité n'aurait plus exactement la même place ni le même impact sur la situation des femmes au travail, ou seul le travail et non le statut déterminerait la situation de chacun ? On perçoit les bouleversements qui s'annoncent et la portée proprement révolutionnaire de la mise en oeuvre véritable du principe d'égalité. A la suite de la Cour de justice des communautés européennes qui impose aux entreprises de neutraliser totalement le congé maternité au regard des droits et de la carrière des salariées, voici donc une décision qui sanctionne une entreprise qui prend en compte dix ans d'interruption d'activité pour cause de mise au monde de 5 enfants (on se reportera ci-dessous à la décision de la HALDE sur cette affaire). Souvenons nous que Laurence Parisot, présidente du MEDEF et seule candidate à sa succession, a écrit un livre intitulé "Besoin d'air". Peut être le prochain pourra-t-il s'appeler "Changer d'ère".


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Miro - Maternité

09/04/2010

Révolution manquée

L'occasion était belle de rompre avec la logique des statuts et le corporatisme du diplôme. Deux affaires étaient proposées à la Cour de cassation en ce mois de mars printanier : dans la première affaire, un salarié revendiquait le même salaire qu'un salarié plus diplômé et de ce fait mieux rémunéré alors qu'ils effectuaient le même travail ; dans la seconde un ingénieur demandait un salaire équivalent à celui d'un autre ingénieur ayant un diplôme de même niveau. Par deux fois, les juges diplômés de la Cour de cassation ont été incapables de sortir de leurs repères et d'offrir une véritable portée au principe "A travail égal, salaire égal". Pour la révolution, on attendra.

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Max Ernst -Pieta ou la Révolution la nuit - 1923

Dans la première décision, datée du 17 mars 2010, la Cour de cassation pose en principe que des diplômes de niveaux différents justifient un écart de salaire lorsqu'ils sont utiles à la fonction même si l'activité des salariés est identique. Au principe "Travail égal, salaire égal", la Cour substitue donc le principe "A diplôme différent, salaire différent". Dans la deuxième décision, du 24 mars 2010, la Cour estime justifiée la différence de traitement entre deux ingénieurs car l'un a un diplôme dont la partie théorique est plus en rapport avec les activités exercées dans l'entreprise. Dans les deux cas, on aurait aimé que la Cour de cassation impose à l'entreprise de montrer en quoi un diplôme différent conduit à un travail différent soit dans la nature des tâches réalisées, soit dans les résultats obtenus ou encore dans les modalités de réalisation des activités. Mais la logique de statut prévaut au mépris de la lettre des textes et me rappelle qu'un étudiant en Master RH avait démontré que dans une grande entreprise technologique, la différence de salaire à l'embauche en fonction de l'école suivie par les ingénieurs mettait sept ans à se combler même si l'ingénieur le moins bien diplômé était le plus performant tous les ans.
Par ces décisions, les juges apportent leur pierre aux situations de rente et par-là même confortent la course aux diplômes et le handicap de ceux qui n'en ont guère, ou moins, sans leur laisser la chance de la preuve par l'action. Evaluer le travail et lui seul est une révolution au dessus des forces d'une magistrature dont le travail s'il est ici commenté n'est ailleurs nullement évalué.

02/12/2009

Le statut déboulonné ?

La peinture est plate, comme à l'ancien temps, le très ancien temps. Elle est colorée, comme elle l'était aussi en ce temps là. Les personnages sont dans une présence/absence qui rend leur familiarité étrange ou leur étrangeté familière. Peinture de contraires qui ne peut qu'attirer l'oeil avide de contradictions dépassées. Aussi faut-il entrer dans cette galerie chic de Greenwich. L'accueil est professionnel et attentionné, chaleureux et bienveillant, attentif et intelligent. Nos tenues ne sont pourtant pas en accord avec le luxe environnant. Peu importe, l'habit manifestement compte moins que l'intérêt manifesté pour la peinture. Plaisir de ne pas se voir catégoriser dans un statut préétabli et de pouvoir admirer les peintures de Xiao Se.

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Xiao Se - Magical Love

Eric Maurin, dans son ouvrage déjà signalé sur ce blog, décrit longuement la peur du déclassement et de la perte du statut qui habite la société française. Sans doute va-t-elle trembler davantage avec l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2009, qui décline celle de la Cour de cassation du 1er juillet également commentée sur ce blog. La Cour affirme qu'une indemnité de licenciement et un préavis ne peuvent être différents pour un cadre et un non-cadre sur la seule base de la différence de catégorie. Les négociateurs doivent exciper d'un élément objectif justifiant de cette différenciation, la charge de la preuve revenant à défaut à l'employeur. En l'espèce, aucune justification satisfaisante n'ayant été donnée, la convention collective a été jugée comme contraire au principe d'égalité de traitement et de rémunération. Si les différences catégorielles ne sont pas illicites en elles-mêmes, elles le deviennent faute de justification.
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Xiao Se - Pray and Wish - 2006

Peut être la petite fille souhaite-t-elle, et prie-t-elle avec la force que traduit son regard, pour un monde sans catégories et sans statut. Dans l'attente, c'est tout l'équilibre conventionnel du droit social qui pourrait être revu. En effet, cet équilibre est largement fondé sur les catégories professionnelles : les périodes d'essai, régimes de retraite, indemnités de licenciement, délais de préavis, etc. sont souvent distincts pour les cadres et pour les autres salariés. Sur la base de la jurisprudence nouvelle, cette différenciation est une discrimination si les négociateurs ne peuvent justifier la différence avec les non-cadres par des faits objectifs. On apprécierait en effet que la négociation collective ne soit pas source de discrimination. Révolution copernicienne ? non, regardez bien la jeune fille sur la peinture : juste l'arrivée d'une nouvelle génération.

14/10/2009

Le cadre : notion artistique

Paul Duchein est Montalbanais, accessoirement pharmacien et à titre principal peintre et auteur de somptueuses boîtes qui démontrent, s'il en était  besoin, que l'encadrement n'est pas un enfermement mais une ouverture vers le rêve et l'infini. La délimitation de l'espace clos n'est qu'une  manière d'ouvrir les portes de l'imaginaire dans un de ces apparents paradoxes qui charment les surréalistes dont Duchein a toujours été proche. L'art de l'encadrement ou comment l'onirisme peut se déployer sans fin dans un espace contraint.

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Paul Duchein - La chambre d'André Breton - 1991

Les juges sont sans doute admiratifs de l'oeuvre de Paul Duchein et soucieux de réserver à l'artiste la notion de cadre. La Cour de cassation vient en effet, par plusieurs décisions datant de l'été dernier, de poser en principe que des avantages salariaux (jours de RTT, tickets-restaurants, primes...) ne sauraient être réservés aux cadres dès lors que d'autres salariés sont placés dans la même situation au regard de l'avantage en question. En d'autres termes, une différenciation basée seulement sur le statut de cadre est illicite en tant que contraire au principe d'égalité de traitement. Pour justifier la différence, des raisons objectives, basées donc sur la réalité du travail ou des conditions de travail, doivent être identifiées. Par cette jurisprudence, la Cour de cassation met à mal nombre d'accords et de conventions collectives qui réservent certains avantages spécifiquement aux cadres. Pour les juges, l'affaire est claire : laissez les cadres aux artistes, et à Paul Duchein, et basez les différences de rémunération et/ou de statut sur de réelles différences dans le travail. Que salubre est parfois le vent de l'égalité !