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10/12/2013

Face au miroir

Au point où se trouve la négociation interprofessionnelle sur la formation, qu'il y ait au final un accord ou pas n'a plus guère d'importance. Car il ne pourrait s'agir que d'un accord a minima, de bric et de broc, sans véritable dynamique. Alors après tout, mieux vaudrait qu'il n'y en ait pas. A ceux d'ailleurs qui craignent cette issue et se rassurent en disant que jamais une négociation sur la formation n'a échoué, commençons par raconter ceci : la veille de la faillite de Lehman Brothers, discussion téléphonique entre des banquiers américains et français. Les américains expriment leur crainte de la banqueroute qui leur paraît inévitable. Réponse d'un français : "Mais c'est impossible, la banque existe depuis un siècle et demi !". Il n'avait certainement pas du jouer, petit, avec des dinosaures ni des indiens. Et continuons en rappelant que ce n'est pas la signature d'un accord qui fait le succès d'une négociation, mais son contenu. Et quel que soit le contenu de l'accord s'il y en avait un, il est douteux qu'il soit satisfaisant.

FOUJITA FEMME AU MIROIR 1922.jpg

Foujita - Femme au miroir - 1922

C'est donc vers un échec que l'on se dirige, avec ou sans accord. Et comme toujours, les commentaires hâtifs vont fuser : incapacité du système à se réformer, corporatismes et conservatismes bloquant une nécessaire refonte, système incompréhensible et incapable d'évoluer, etc. Et comme toujours, ce seront ceux qui commenceront par nous expliquer qu'ils ne comprennent rien au système qui seront les plus virulents. Alors faisons simple : tout consultant sait que lorsqu'il se plante sur le diagnostic, la probabilité de construire une réponse efficiente est la même que celle de regarder jusqu'au bout un film de Lelouch : pas impossible, mais très difficile quand même. Lorsque la formation a fait l'objet de la réforme de 2003-2004, elle s'inscrivait, 2 ans après la mise en place de la VAE, dans une logique  d'accompagnement du développement des compétences. Résultat : un bon accord et une bonne loi. En 2009, les partenaires sociaux ont négocié sous pression et à partir d'un diagnostic exclusivement négatif : résultat un accord de faible portée et une mauvaise loi. Et on est reparti en 2012 sur les mêmes bases : rapports, articles, reportages en tous genres pour expliquer combien le système fonctionne mal. Personne pour pointer ce qui fonctionne bien et mérité d'être conforté et pourrait constituer le fondement d'une dynamique nouvelle. Et le pire, c'est que les contempteurs du système verront dans le résultat de la négociation la confirmation de leurs critiques. Alors que le seul reproche véritable que l'on peut faire aux partenaires sociaux, c'est  de n'avoir su ou pu produire eux-même un véritable diagnostic sur le système qu'ils gèrent, se contraignant ainsi à travailler à partir des piètres diagnostics qui sont venus occuper un espace qui n'aurait pas du leur être concédé. A ne pas savoir affronter son image dans le miroir, on se trouve toujours dépendant du regard d'autrui. Souhaitons que le prix à payer ne s'avère pas trop lourd.

Commentaires

Nous avons la même analyse. Il n'y aura aucune réforme de la formation, que les partenaires sociaux parviennent à un accord ou pas, c'est plié. De toute façon et comme l'a écrit le sociologue Michel Crozier dans un livre paru en 1979, on ne change pas une société par décret.
L'ANI de 2003 et la Loi de 2004 suffisent en formation. La loi avait simplement besoin d'être améliorée avec par exemple un DIF obligatoirement financé par l'employeur (comme les congés payés) et opposable à l'employeur (comme le CIF). La Loi de 2009 fut un échec car elle fut écrite en pensant à ne froisser personne en prévision des négociations sur les retraites de 2010.
de toute façon il est stupide de prétendre changer les Lois en matière de formation tous les 3 ans. C'est la meilleure façon de ne jamais réussir à changer.
De plus la formation ne pourra fonctionner correctement tant que l'Etat ne se sera pas réformé lui même et en premier lieu cet ingouvernable mammouth qu'on appelle Education nationale et qui plante désormais le pays.
Il faut enfin que chaque français balaie devant sa porte : a-t-il envie de se former, de changer ? Pas sûr quand on apprend que plus de 70 % des français estiment qu'ils n'ont en pas besoin (la formation c'est bon pour le voisin ou le collègue)

Quant aux menaces de l'Etat de légiférer sans les partenaires sociaux, c'est du bluff. L'Etat n'a plus d'expertise dans ce domaine. Quand on voit l'indigence des pré-rapports réalisés en 6 mois par l'IGAS sur le CPF et le Conseil en évolution professionnelle, quand on rencontre des conseillers du ministère du travail, on se rend compte que l'expertise n'est plus dans le public. C'est le privé qui peut encore sauver le pays mais encore faudrait-il ne pas l'étouffer.

Écrit par : cozin | 11/12/2013

J'ai quand même l'impression que l'on négocie constamment sous la pression...Et c'est assez désagréable.

C'est vrai aussi du Parlement d'ailleurs. C 'est comme cela que l'on fait des réformes désastreuses avec des textes de plus en plus nombreux, de plus en plus inutiles et de plus en plus en plus dangereux.

Pauvre France...

Écrit par : bcallens | 13/12/2013

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