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09/09/2010

Cycle permanent

Ce n'est pas de l'éternel retour de Nietszche dont il est question, mais du cycle de la performance. J'ai beau feuilleter les bonnes revues de management, et faire l'effort d'y inclure celles de langue anglaise, point de repos dans les cycles de performance. Ah les beaux schémas de consultant qui conduisent inévitablement au succès :

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La performance selon l'Université de Berkeley

Ayant quelques réflexes sportifs, j'ai toujours conçu la performance comme des cycles comportant nécessairement des hauts et des bas, dans lesquels les phases d'entrainement sont valorisées par les phases de repos sans lesquelles ils ne produisent que de l'épuisement et donc amoindrissent la performance. J'ai remarqué que les managers sportifs étaient fort usités dans les conférences pour managers (Constantini, l'inévitable Herrero, Jacquet qui eut son temps, Bernard Laporte passé de mode ou Villepreux indémodable). Et j'ai remarqué également qu'aucune (?) entreprise n'en tire la conséquence qu'il faut prévoir des performances non linéaires et des temps de récupération pour optimiser le résultat. Mais voici que l'on me souffle une possible explication : l'homme est avec le cochon le seul animal à faire l'amour en toute saison. Peut être est-ce pour cela que le cycle de la performance n'intègre pas le repos. Mais chut, on pourrait croire que le rapport au travail a un lien avec la libido. Vite une image pieuse avant de dormir. Raté ! La tentation de Saint-Antoine aussi est permanente.

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Félicien Rops - La tentation de Saint-Antoine

07/09/2010

Force tranquille

Basquiat encore. Dans le cadre de l'exposition à Bale est présenté un film où l'on voit Basquiat peindre. Surprise : les gestes ne sont pas frénétiques, le bras est sûr, la main n'hésite pas, elle prend son temps. Les mouvements les plus rapides sont exécutés lentement, dans une apparente décontraction, avec la facilité de celui qui n'a pas besoin du plan de ville pour trouver son chemin. Comme Picasso, Basquiat ne cherche pas, il trouve, à son rythme. Tout ceci avait lieu au début des années 80 à New-York. On ne peut s'empêcher de penser qu'au même moment la force tranquille en France était incarnée par Mitterrand dans un paysage de terroir, de clocher, de province, de notable et d'enracinement un peu étriqué. Mais cela avait rassuré, c'était fait pour. Près de trente ans plus tard, avec Sarkozy, rien n'a changé : la seule forme de modernité dans la référence est que le paysage ressemble à un  fonds d'écran windows. C'est peu.

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Pourtant, la véritable force tranquille, elle n'est pas dans ces paysages datés et passéistes. Elle s'incarne dans un mouvement multiculturel, polyphonique et polyglotte. Elle s'incarne dans New-York. Comme disait Michel Serres, contrairement à ce qu'ils pensent, nos gouvernants ont toujours un temps de retard sur le peuple.

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20/08/2010

Mafia, Mama, Maradona

L'énigme n'en est pas vraiment une. Quelle ville se cache derrière les trois mots Mafia, Mama, Maradona ? Mafia, nous pouvons être en Italie, aux Usa, en Russie, Mama, nous nous rapprochons de l'Italie, Maradona, nous sommes au Sud, à Naples précisément. On connait la formule d'Edouard Herriot emprunté à un moraliste oriental : "La culture, c'est ce qui reste dans l'esprit quand on a tout oublié". On peut ne pas connaître les mamas italiennes, ni le football, ni le crime organisé (difficile d'échapper à Coppola et au Parrain quand même) et pourtant avoir une représentation de la ville de Naples. C'est que la culture, qui fait l'identité, ce dont ne se sont toujours pas aperçu ceux qui désespèrent de trouver sous un coin de tapis la définition de l'identité nationale, est suffisamment forte pour ne plus dépendre de la connaissance formelle. Même ceux qui ne savent pas, savent.

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Sur un mur de Naples
Plutôt que de créer d'artificielles chartes manageriales ou d'afficher des valeurs publicitaires, les entreprises pourraient se demander, ou mieux encore demander à leurs salariés, quels sont les trois mots qui leur paraissent le mieux caractériser leur identité ou leur culture. Et bien sur ne pas proposer une liste prédéterminée de mots valises. Essayez pour voir ce qui vous vient spontanément à l'esprit s'agissant de votre organisation. Vous pensez que l'on peut communiquer là dessus ? allez il vous reste le week-end pour préparer vos arguments. Vous voulez que j'y joue aussi ? alors allons y, pour le Cabinet Willems Consultant spontanément : artisanal, rapide, toulousain. L'acronyme mégalo donne ART mais l'enthousiasme est refroidi quand on aperçoit le RAT ! (napolitain sans doute).

18/08/2010

Transmission

Antiochus se meurt d'amour pour sa marâtre Stratonice. Le médecin a compris la nature du mal qui l'habite. Stratonice également qu'Ingres présente avec une modernité stupéfiante, dans une pose que Picasso, entre autres, étudiera longuement. Au milieu d'une pièce encombrée d'histoire et d'un lourd passé figuré par les colonnes, les statues ou encore les peintures, elle rayonne telle une apparition qui tranche avec la romantique et un peu mièvre scène de la maladie d'Antochius. Elle sait déjà que son mari, Seleucus, l'offrira à son fils pour qu'il guérisse et que perdure la dynastie. C'est moins l'amour qui triomphe que le poids de l'histoire et du destin. Dans cette pesante et pénible histoire d'hommes, Ingres, par la représentation de Stratonice, nous fait comprendre en un instant pourquoi la compagnie des femmes doit systématiquement être préférée aux communautés masculines.

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Ingres - Antiochus et Stratonice - 1840
L'histoire de Seleucus pourrait être rappelée aux dirigeants qui n'ont de cesse de n'être oublié après leur départ : voici un souverain qui s'efface au profit de son successeur et qui fait prévaloir la dynastie sur son bonheur. Plutôt que de consacrer beaucoup de temps à être un dirigeant inoubliable, quitte d'ailleurs à pratiquer la politique de la terre brûlée pour aviver les regrets, peut être conviendrait-il d'en consacrer un peu à organiser la suite.

06/08/2010

Regarder, voir

L'apologue zen est rapporté par André Breton dans Signe Ascendant (1947) : "Par bonté bouddhique, Bashô modifia un jour, avec ingéniosité, un haïkaï cruel composé par son humoristique disciple Kikakou. Celui-ci ayant dit : "Une libellule rouge - arrachez-lui les ailes - un piment", Bashô y substitua : "Un piment - mettez lui des ailes- une libellule rouge". Il appartient à chacun de nous de se façonner un regard qui voit des piments dans les libellules ou des libellules dans les piments.

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Oder - Rapaz inteligente (Garçon intelligent)
Le monde comme volonté et représentation disait Schopenhauer ou bien préférez vous le monde comme volonté est représentation. Pour rester germanique, ce qui n'exclut pas la poésie, et en cette période de quête du soleil, cette phrase de Goethe sur la force du désir : "Si l'oeil n'était pas soleillant, comment verrions-nous la lumière ?". Dis moi ce que tu vois, je te dirai qui tu es.

04/08/2010

Connaissance plurielle

Dans le palais de Sintra, le premier tableau qui accueille le visiteur est une toile de Joseph Ribera, commencée en 1630 (année de la création de Don Juan par Tirso de Molina) et achevée en 1633 (procès et condamnation de Galilée :"e per, si muove"). Intitulée Le philosophe, elle nous présente un homme plutôt jeune, la sagesse n'est donc pas le produit de l'âge, qui certes maîtrise d'une main le temps qu'il a très certainement dompté en bon philosophe, mais surtout nous présente un document empli de figures géométriques. Que le philosophe s'intéresse à la géométrie et aux mathématiques on le sait depuis l'antiquité mais on a ici la preuve que la pluridisciplinarité pouvait s'afficher. Etre savant  c'est être pluriel : la véritable connaissance n'est ni disciplinaire, ni disciplinée.

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Joseph Ribera - Le philosophe -1630-1633
Les résidents du Palace national de Sintra, en l'occurence les différents rois du Portugal, étaient eux aussi pluriels si l'on s'en tient à la diversité des influences, maures notamment, dans l'architecture et la décoration du palais. Mais ce pluriel s'exprimait également au niveau des plaisirs et notamment ceux de la table puisque le palais était doté d'une luxueuse cuisine dont les deux immenses cheminées surplombent toujours le Palais, telles deux jarres emplies de riches boissons et nourritures.
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Les cheminées des cuisines du Palais
Et pour être bien persuadé que tous les plaisirs étaient à la fête, il suffit de détailler la superbe tapisserie qui orne le bureau du roi. Quelle époque de feu !
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01/08/2010

Politique (1)

Les politiciens ont mauvaise presse, ils y mettent du leur, et la politique également, ce qui est bien regrettable. La politique, c'est la noblesse de l'animal social, la volonté d'assumer une existence qui est aussi collective. En quelques lieux (Fondation Berardo, Forteresse de Péniche, Exposition "Povo, Povo" au Musée de l'électricite de Lisbonne...) s'exprime la nostalgie d'artistes portugais pour la Révolution des oeillets et les quelques mois de liberté, de fraternité et de tous les possibles qui ont suivi. Avant la normalisation et, pléonasme, la consommation, qui conduisit au final le premier ministre du pays à présider la Commission Européenne, bouclant ainsi la boucle puisque l'actuel Traité de l'Union est celui de Lisbonne. Pour autant, le pays et ses artistes semblent chercher leur voie.

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Il est sain que l'artiste s'extraie du fatras psychologique du roman social et familial pour rechercher ce qui fait sens un peu au-delà du théâtre social. Et à travers la question politique pose également celle d'une politique de l'individu, ce qui non seulement ne s'exclut pas mais au contraire se conforte. Si un exemple vous est nécessaire, relisez la Philosophie dans le boudoir aujourd'hui disponible en version imprimée sur papier Bible.
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Jacques Hérold - Sade
Jeu de carte des surréalistes - 1941
Lorsque les organisations abordent leurs problèmes de fonctionnement principalement à travers les vécus individuels et les relations interpersonnelles, c'est qu'elles n'ont plus de politique. Si l'on ne traite cette absence de sens, dont les valeurs ne sont souvent que le médiocre cache-sexe, alors on se condamne à traiter les effets mais non la cause. La politique ou l'actualité de Sade.

28/07/2010

Invensonge (2)

La fée électricité symbolise l'invention : Fiat Lux ! Celle-ci, dans le musée d'art contemporain d'Elvaz, variait au rythme du jazz.

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La lumière de l'invensonge ou la Luz del sueno. La lanterne magique fait surgir des ombres improbables, réalité du rêve, abolition des irritantes et limitantes frontières.
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La perception, comme la conscience, se trouve modifiée et le pêcheur de lune surgissant de la maison au ciel étoilé est moins une surprise qu'une confirmation.
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Et l'on réalise soudainement que si la planète est ronde, ce dont nul ne doute plus, alors le plan horizontal n'existe pas.
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A ce stade, l'invensonge a fait son office et sur le mur de Léonard de Vinci, surgit un éléphant. A vos murs !
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23/07/2010

Deuxième surprise

En haut de l'escalier on dit bonjour au policeman. Il ne répond guère mais ses yeux ne vous quittent pas. Dans la grande salle une femme nue allongée sur un divan est très loin de vous. Ses pensées l'ont emportée. Dans l'autre salle, deux hommes eux vous regardent, vous fixent, vous traversent et vous devenez translucide. Pour cela, ils vous dérangent un peu. Déjà, au rez-de-chaussée, des chinois pétris dans la glaise grise, saisis dans une attitude de stupéfaction comme abasourdis par leur vie vous avait remué les tripes.

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Sculpture réaliste - Exposition "A love story" - Evora 2010
Il est troublant de constater que les sculptures réalistes touchent souvent plus que les corps de chair. Leur présence est plus intense, elle vous parle plus directement. C'est que les sculptures ne sont là que pour vous, pas pour leur existence propre. Et elles vous questionnent. D'où cette absence de distance que l'on peut avoir avec un individu qui a son univers personnel. Ici, l'absence d'histoire de vie créé un contact d'une nature nouvelle qui renvoie chacun à sa propre humanité.
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Jamie Salmon - The Director
Feriez-vous confiance à cet homme ?  réponse selon ce que vous projetez sur lui. Elle vous apprend davantage sur vous que sur la figure de cire. L'art moderne pose plus de questions qu'il ne propose de réponses. C'est pour cela qu'il déroute souvent, c'est pour cela également qu'il peut largement accueillir superficialité ou supercherie (toute question n'est pas pertinente et l'argument selon lequel la question importe moins que la réponse n'est pas recevable pour se défausser du jugement sur l'oeuvre). L'exposition d'Evora n'est pas exempte de productions sans intérêt. Mais peu importe dès lors que par quelques oeuvres sont ouvertes des voies nouvelles. Pour qui souhaite tenter l'expérience et passe par Paris cet été, les sculptures de Duane Hanson vous attendent jusqu'au 15 août au Parc de la Villette.
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07/07/2010

Manger

Il est souvent question d'appétence pour la formation ou d'appétit de formation. Autrement dit de désir dont le rapport à la nourriture est souvent une traduction manifeste. Mais la formation elle-même est-elle susceptible de susciter le désir ? de donner de l'appétit ? sur ce champ nourricier, osons une analogie. Il est des formations qui livrent des recettes et d'autres qui apprennent à cuisiner. Les premières sont souvent très appréciées et ont des résultats immédiats mais une péremption rapide. Les secondes sont plus frustrantes sur l'instant mais à effets durables. Détails.

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Nicolas Poussin - La nourriture de Bacchus
La formation recette est celle qui apprend à sélectionner les ingrédients, livre les secrets de la préparation, fournit les temps de cuisson, donne les variantes possibles et enseigne la reproduction. Elle séduit par l'immédiateté de son résultat. Elle est montrable et valorise celui qui apprend. Toutefois, à la troisième invitation, le convive peut se lasser et le cuisinier aussi. Il faut d'autres recettes. La formation, à terme, créé donc la dépendance et non l'autonomie. Vite, que le cuisinier me montre autre chose.
La formation qui apprend la cuisine prend son temps. Elle parle des mets : légumes, condiments, viandes, poissons, coquillages, agrumes, arômes, piments, épices, herbes...Elle parle des méthodes : cuissons, macérations, émulsions, saisies, marinades...Elle parle de mélanges : assortiments, goûts, saveurs, correspondances, oppositions, mariages. Elle vous livre les conditions de la production, vous ouvre les voies et chemins, vous outille pour l'aventure mais ne vous tient pas la main et refuse de vous inviter à reproduire. Elle a, comme le cuisinier, l'exigence de la création. Le goût de l'autonomie et de la liberté. Elle ne garantit pas la satisfaction immédiate de l'invité mais créé les conditions de la surprise.
Mais foin d'oppositions : pour libérer tous les désirs, la formation prendra soin d'apprendre la cuisine tout en suggérant quelques recettes. Bon appétit !

09/06/2010

Silence et parole verbale

Je me souviens que l'on donnait à l'Université, l'exemple des questions posées au concours d'entrée à l'ENA : "Combien pèse une traverse de chemin de fer ?". Et que l'on attendait du candidat non pas qu'il donne un poids, mais qu'il produise un raisonnement démontrant qu'il était capable de répondre de manière ordonnée, logique, cohérente et avec culture, à n'importe quelle question. Le raisonnement pouvait porter sur la nature de la poutrelle, sur le nombre d'hommes nécessaires pour la porter, sur la longueur raisonnable d'une unité de voie de chemin de fer, tout cela importait peu, l'important était de répondre. S'il est bien une chose que le jury ne supporte pas d'entendre, c'est le silence. Conseillons aux jurys des grandes écoles de contempler les toiles d'Olivier Debré qui, lui, sait peindre le silence.

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Olivier Debré - Sans titre

Si les grandes écoles vivaient dans le mythe de l'encyclopédisme et de l'homme pluridisciplinaire qui associe des connaissances multiples pour produire du nouveau, on applaudirait. Mais il ne s'agit que de la vérification de la capacité à produire un discours sur tout sujet, une réthorique qui diffusel l'illusion qu'il est possible d'avoir un avis sur tout chose, que la nécessité d'avoir réfléchi à une question n'est rien au regard de la capacité à en dire quelque chose. Nos sondeurs reproduisent le paradigme en considérant que tout avis se vaut et s'additionne quel que soit le degré de maturation de la question posée. Remercions ici ceux qui déclinent de répondre à des questions auxquelles ils n'ont pas réfléchi, qui refusent de colporter du prêt à penser (ah cet ouvrage sur l'art contemporain feuilleté récemment qui se propose de vous initier à l'art avec des rubriques du style : ce que l'on peut voir, ce que l'on peut en penser, ce que l'on peut en dire...) et qui osent le "je ne sais pas" sans culpabilité et avec naturel. Comme l'on dit dans le Sud-Ouest, la compétence passe parfois par moins de parole verbale et un peu plus de silence.

31/05/2010

MAXXI !

Pour la 501ème chronique depuis l'ouverture de ce blog en février 2008, un petit détour par Rome où le Musée d'Art du XXIème siècle (MAXXI) ouvrait ses portes dimanche 30 mai après plusieurs années de travaux. Le bâtiment, conçu par Zaha Hadid, est magnifique. On circule à l'intérieur de grandes courbes épurées qui nous convient à la découverte d'oeuvres plus surprenantes les unes que les autres.

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Maxxi - Rome

Mais il n'y a pas que l'architecture qui soit réjouissante. Alors que l'art contemporain est souvent grave, sinistre, lourdement symbolique, dépressif et pompeusement politique, ici les oeuvres font la part à l'humour, à la nature, à l'engagement, au volontarisme et la mise à distance amusée prend souvent la place du trop facile regard cynique sur le monde. Il est particulièrement réjouissant de voir le film "Democrazy" de Vizzoli, dans lequel BHL devient un trop crédible candidat à la présidence des Etats-Unis (cherchez sur Dailymotion ou You tube, Sharon stone est dans le coup aussi pour démontrer, si besoin était, qu'en politique la communication peut tout). L'invité d'honneur pour l'ouverture est Gino De Dominicis dont l'oeuvre protéiforme associe l'humour, le mystère, la dérision et la beauté.

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De Dominicis - Squelette
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Gino De Dominicis - Sans titre ou Avec titre

Rome est une ville extraordinaire où l'on peut entrer dans une église et découvrir une sculpture de Michel-Ange, dans une autre des toiles du Caravage et dans une autre encore l'extraordinaire extase de Sainte-Thérèse du Bernin. Tout cela au milieu des ruines de la Rome antique, de dizaines de statues grecques et dorénavant d'un doux écrin pour l'art contemporain que l'on aimerait plus souvent aussi inventif. Il n'est pas si fréquent de trouver du travail sérieux qui ne se prend pas au sérieux, de la critique qui sait emprunter le chemin du rire sans perdre de sa force, du mélange des genres qui fertilise la création à venir et au final vous donne l'envie. Evitez de faire un stage de management en DIF pour vos managers, envoyez les passer un week-end à Rome (et les autres aussi d'ailleurs).

27/05/2010

Quand le DIF balance

La balance est ambivalente. Etre une balance n'est guère flatteur. Pourtant la balançoire est légère et le mouvement de balancier plutôt doux. La balance opère la pesée, la juste mesure. Mais balancer c'est aussi ne pas savoir choisir, s'arrêter au milieu du gué au risque de n'aller nulle part sinon à sa perte. Si comme Barbara j'me balance on concluera que j'men balance. Que nous dit la femme portant balance de Johannes Vermeer ? son regard est doux et bienveillant. Devant elle des perles et de l'or. Mais dans la balance rien. Derrière elle le jugement dernier. Pesée des âmes ? ou peser de l'âme à venir qui gonfle le ventre de la dame ? comme tous les tableaux de Vermeer, le raffinement le dispute au mystère et l'on balance devant le sens à donner au tableau.

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Johannes Vermeer - Femme portant balance - 1662

Devant le DIF les partenaires sociaux balancent : faut-il en faire un droit de créance, opposable aux OPCA avant de l'être aux entreprises dans le cadre d'un futur compte épargne, ou bien faut-il l'ancrer dans la négociation et en faire un support de la modification des relations individuelles de travail ? le choix à ce jour n'est pas fait. Avant de plus longs développements sur ce sujet qui feront l'objet d'une chronique pour l'AEF, un avant goût avec l'interview réalisée par Valérie Grasset-Morel pour Débat Formation, la revue de l'AFPA.

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11/05/2010

Dématérialiser

La dématérialisation est un objectif pour les organisations, administration comprise. Mais elle se résume, ou se réduit, souvent à un "zéro papier" qui ne fait que modifier les supports sans changer véritablement les processus et surtout le rapport que l'on a avec eux. Si l'on veut faire le test d'une expérience radicale de dématérialisation, il faut se rendre au Musée Guggenheim de New-York.

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Musée Guggenheim - New-York

Toni Seghal présente une exposition dématérialisée : le musée a été vidé de tous ses objets, les murs sont vides. Les visiteurs peuvent habiter l'espace et laisser courir regard et imaginaire. Et pour ceux qui sont disponibles, ils verront un couple à terre qui s'embrasse. Passionnément. Les couples changent toutes les trois heures. C'est la première oeuvre, ici photographiée malgré l'interdiction de l'artiste de reproduire ses oeuvres.
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Tino Seghal - Kiss - Photo Holland Cotter

Mais il est des visiteurs qui ne font pas le lien avec une oeuvre ou ne voient pas. Ils ne voient peut être pas non plus la petite fille qui demande aux plus attentifs de l'accompagner. Qui accepte de se laisser guider s'entend demander : "Et toi, quelle est ta définition du progrès ?". Et la conversation s'engage. La petite fille cède ensuite la place à un adolescent qui poursuit la conversation sur le même sujet, puis un jeune homme, puis un vieux monsieur. Tous échangent avec les visiteurs. Quelle est la part de conversation, la part de script ? impossible de répondre à cette question, mais ceux qui ont vécu l'expérience ont à la fois eu l'impression d'une introspection, d'une conversation philosophique et d'un échange avec des amis très proches. Cette seconde oeuvre s'intitule "Qu'est-ce que le progrès ?". Je n'ai pas vécu l'exposition de Tino Sehgal mais elle m'a rappelé que, dans les jardins de la Fondation Giannada à Martigny, une dame inconnue m'a abordé pour me déclarer : "Monsieur, et Madame, je ne vous connais pas mais le baiser que vous venez d'échanger m'a plus émue que le baiser de Rodin exposé à l'entrée".
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Affiche de l'exposition Rodin Erotique - Fondation Giannada

Dématérialiser, pour Tino Sehgal, c'est redonner la place à la vie et à l'expérience directe qui transforme, plutôt que de prendre le risque d'étouffer un peu plus les individus sous les objets qui nous envahissent. La dénonciation de la société de consommation, depuis les années soixante, n'aura produit que peu d'effet et il n'est pas certain qu'il faille attendre plus de la publicité faite autour du développement durable qui deviendra bientôt, comme le bio, un nouvel label pour de nouveaux objets. Le mérite de Tino Sehgal est le retour au corps, à l'expérience globale et au final à la vie. Ainsi conçue, la dématérialisation intéresse-t-elle toujours les organisations ?

28/04/2010

Vérité du choix

Je n'ai jamais su recruter. Cela ne fait heureusement pas partie de mes activités, sauf pour les candidats à des Masters dans les métiers des ressources humaines. Pour ces derniers, j'oriente l'entretien autour d'un axe essentiel : quels sont les moments où l'individu à eu à faire des choix, comment s'y est-il pris pour décider et comment a-t-il justifié son choix ?  traduction de l'idée qu'une des manières d'approcher la vérité d'une personne n'est ni de la réduire à des schémas psychologiques préétablis (comme le fait l'énéagramme par exemple), ni de traquer ses moindres goûts et comportements pour le définir exhaustivement (questionnaire aux 400 propositions à cocher en moins d'une heure pour que le candidat n'ait pas le loisir de réfléchir), ni de procéder à une psychanalyse plus ou moins masquée (test de Rorschach) et encore moins de procéder à des enquêtes auprès des anciens employeurs ou professeurs pour les étudiants, comme si l'ex était le mieux placé pour parler du sujet ! En réalité, le choix des tests nous en apprend davantage sur le recruteur que sur le recruté. Pourquoi privilégier les choix ? parce qu'il est des moments où toutes les questions se résolvent en une seule : faire ou ne pas faire, prendre le chemin de droite ou celui de gauche, dire oui ou non, accepter ou refuser, etc. L'idée également que quelques moments clés sont plus signifiants que mille situations qui peuvent ne l'être pas. Tout ne fait pas sens chez l'humain. Et pour terminer l'entretien, deux questions complémentaires : dans quel tableau vivriez-vous  (qui devient parfois quelle image ou quel film si le tableau n'est pas dans l'univers du candidat) ? et face à quelle tableau, vivez-vous ?

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Giorgione - La tempête - 1510

Le Bain Turc d'Ingres était une réponse tentante à la première question. Mais j'attendrai d'avoir l'âge du peintre lorsqu'il le commis pour faire cette réponse. La tempête s'impose. Découverte pour la première fois à Venise en 1985, elle relève du collage, tant les personnages sont absents l'un à l'autre, elle se refuse aux interprétations, elle vibre d'un érotisme que l'orage exacerbe, elle s'inscrit dans un paysage atemporel et elle ouvre la porte à mille possibles. S'établir dans un tel tableau, c'est la promesse d'avoir trois vies : corporelle, tant le panthéisme est incarné, esthétique par l'ordonnancement du hasard, Giorgione aimait l'improvisation,  et fantasmatique tant par la sensualité que par le fantastique qui se dégage de la scène.
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Alain Garrigue - Affirmation Caniculaire - 2004

Pour la seconde question, il suffit de lever la tête au-dessus de l'ordinateur sur lequel est écrit cette chronique pour s'immerger dans l'affirmation caniculaire. La première découverte du tableau m'avait à la fois fascinée et rebutée : la saturation de la toile racontait trop d'histoires à la fois, trop de choses à dire, trop plein, lits et barreaux carcéraux, scène fermée et au final une sourde angoisse et une représentation de la vie d'une grande dureté. Mais je n'ai jamais oublié ce tableau, pour finir par l'acquérir récemment. Et aujourd'hui il m'offre une scène de théâtre, un je qui n'est qu'un jeu, un décor sans angoisse, un clou qui tient bon et une patte immémoriale qui poursuit sa marche en avant.
Au terme de cette chronique, deux conclusions : la première est qu'il est heureux que mon activité de consultant me convienne car avec de tels arguments ma recherche d'emploi serait sans doute délicate, la seconde est que je ne sais vraiment pas recruter. Mais au fait, vous vivriez dans quel tableau (image) ? et vous vivez en face de quel tableau (image) ?

07/04/2010

Modernité du Baroque

Six expositions consacrées à l'art baroque à Naples. Quel meilleur lieu pour présenter la chair incarnée, les débordements de la vie, le bouillonnement humain, la magnificence de la création et l'exubérance tragique de la condition humaine. On explique parfois le baroque comme une réaction aux formidables avancées des sciences et de la raison qui ont marquées le XVIIème siècle. Par le retour au réel, à l'homme de chair du Caravage, s'opère une réappropriation du monde.

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Le Caravage - La flagellation - 1607

Les concepteurs de l'exposition Barock qui se tient au Musée d'art contemporain Dona Régina, le MADRE (!), affirment cette même volonté de réancrage dans le réel. Devant la profusion de connaissances, d'informations et de rationalité, l'art contemporain peut constituer un retour au réel qui permet à l'individu de ne pas être dépossédé de lui-même. Parmi les artistes présentés, c'est sans doute Orlan qui illustre le mieux le projet. Ayant promu le corps oeuvre d'art dans une chirurgicale réappropriation, elle figure au moment de la Pâques et de la passion chrétienne, l'affirmation de l'existence personnelle inaliénable, sinon inaltérable.
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Orlan - Opération réussie - 1994

Et, mieux que Malraux, elle nous permet de comprendre pourquoi le XXIème siècle sera religieux, comme le baroque avait accompagné la Révolution Catholique.
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Orlan en Sainte Thérèse

La question du retour au réel s'impose également aux organisations. Est-ce par hasard si le suicide peut apparaître comme une réappropriation de soi dans une organisation à la froide rationalité déshumanisante ? Paraphrasons Rabelais pour affirmer que performance sans conscience n'est que ruine de l'âme, et des corps aussi. Plutôt la vie.
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26/03/2010

Jardins à la française

Le représentant de l'Etat a l'image qui porte : "Notre intention ce n'est pas le jardin à la française dans sa version caricaturale où tout est au carré et identique. Regardez bien les jardins de Versailles, de grandes allées pour voir et comprendre, et des bosquets qui sont tous différents. Il peut y avoir organisation d'ensemble et diversité dans le détail". Ainsi présenté, l'affaire est séduisante : des principes structurants, les allées, et des différences qui s'épanouissent dans les bosquets. Les jardins à la française ne m'ont jamais séduit mais peut être étais-je bloqué sur leur caricature. Allons y voir donc.

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Jardins de Versailles

Hum ! les dessins sont différents mais la taille est sévère, homogène et l'on sent le plan d'ensemble décliné jusque dans les moindres détails. La diversité est présente certes, mais là où on a souhaité qu'elle se trouve et dans le cadre d'une harmonie générale préétablie. Nous restons dans le schéma conception-exécution et la rupture avec l'Etat Jacobin (tout le jardin est organisé par rapport à son centre), rationaliste (chaque forme se déduit de la précédente) et unilatéral (tout est décidé et il n'est pas une arbre qui ne pousse à l'imprévu) ne paraît pas évidente. Passons notre chemin pour d'autres jardins plus attractifs. Et en premier lieu, bien évidemment, le jardin des délices.
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Hyeronymus Bosch - Le jardin des Délices

Olà ! quel foutoir ! le bazar absolu et pas que des choses très catholiques. Etes-vous certains que l'on peut laisser autant de liberté ? plutôt que de répondre à la place des joyeux occupants du jardin, posez leur la question. Et ce Hyeronymus, drôle de nom ça ? et oui, encore un européen. Vous voulez un jardin français ? alors oubliez Versailles et promenez vous chez Fragonard, vous comprendrez pourquoi il vaut mieux prendre le risque du chemin encombré, de l'arbre qui a poussé où bon lui semble, des feuilles qui masquent la vue et ménagent la surprise ou encore du foisonnement mystérieux de la végétation.
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Jean-Honoré Fragonard - La surprise

Entre l'appollonien et le dyonisien, l'ordre a priori et la liberté, la composition ordonnée et l'imprévisible improvisation, le prescrit et le spontané, la sécurité et le risque, la vie me paraît être dans les seconds plutôt que les premiers. Sans doute n'est-on pas obligé d'être aussi tranché, binaire et dans l'opposition de ces notions. Bien sur. Mais il est toujours un moment où il faut choisir. Vous ne me rencontrerez pas dans les jardins de Versailles. Et vous, si vous étiez un jardin ?

03/04/2009

Vive les poissons !

Pour fêter le 1er avril, Hélène Mugnier, auteur de l'ouvrage "Art & Management, du fantasme à la réalité" (Demos, 2007 : pour faire plus ample connaissance avec Hélène : http://artbusiness.typepad.com/), proposait de solliciter sa curiosité et son imagination au cours d'une promenade accompagnée au sein des collections d'art Moderne du Centre Georges Pompidou à Beaubourg. Les participants furent invités à remettre en question le regard porté sur l'art contemporain, qui pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses mais qui nous parle très directement du monde et de la société dans laquelle nous vivons. Incités à revoir les critères d'évaluation des oeuvres (le beau est-il le premier, voire le seul, critère d'appréciation de l'art ?), les participants découvrirent avec plaisir la liberté proposée de renouer un dialogue différent avec l'oeuvre, l'artiste et au final soi-même. Parmi les cinq oeuvres qui firent l'objet de commentaires, ma préférence pour celle-ci :

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Jean-Michel Alberola - Vous avez le bonjour de Marcel - 2002

La peinture murale d'Alberola accueille le visiteur au 2ème étage de Beaubourg. Ses dimensions donnent consistance à l'espace du ciel et du désert. Son côté bande dessinée lui confère une tonalité ludique et légère,  pas toujours présente (euphémisme !) dans l'art contemporain. Le texte est rassurant, en cette période morose : Tout va bien. Mais que signifie ce tout va bien pour des personnages qui semblent partir en fumée, s'évaporer lentement. On pense à Magritte et au commentaire de Michel Foucault du tableau "Ceci n'est pas une pipe". Et si le texte n'était là que pour nous enfumer ? on peut également penser à Mathieu Kassowitz et à l'homme qui, tombant d'un gratte ciel, se répète pendant sa chute : "jusque-là tout va bien". Il est possible d'en déduire que dans le désert qui s'avance, il reste encore des traces de l'homme, donc tout va bien. Avant de vous poser à votre tour la question de ce qu'évoque pour vous la fresque d'Alberola, vous pouvez allumer un cigarillo et observer la fumée, après cela, libre à vous.

19/05/2008

L'art de penser

 Maurice Cohen est docteur en physique et en mathématiques, spécialiste de l'intelligence artificielle. Il est l’auteur de plus de 250 publications scientifiques et a résolu plusieurs problèmes mathématiques considérés comme « impossibles », telle l’équation de Poincaré. Il est également peintre.

Il procède de la même démarche créatrice pour résoudre une équation mathématique et réaliser une toile :

"Si l’on n’est pas philosophe, un peu poète, on ne peut pas aller très loin dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le monde est non linéaire et les plus grands problèmes ne peuvent être résolus par un système cartésien. L’art nous force presque à penser hors de cette logique cartésienne. C’est après trois semaines de peinture intensive que j’ai résolu le problème de Poincaré qui date du XIXe siècle."

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Maurice Cohen - Parade nocturne
 
Le travail de Maurice Cohen nous invite à deux questions. L'une spécifique à son activité : qu'est-ce qu'un chercheur et comment s'effectue un travail de recherche ? avec de la technique, de la méthode, de la discipline et de la créativité. Si l'on veut décrire les compétences du chercheur, les trois premiers points ne poseront pas, trop, de problème. Le quatrième est moins évident. Il nous fournit pourtant une des clés : la créativité c'est la capacité à faire des liens qui n'ont jamais été faits et à disposer d'un état d'esprit suffisamment libre. La deuxième question est plus générale : que nous apporte l'art ? Christian de Portzamparc, l'architecte de la cité de la Musique de Paris et de l'immeuble Vuitton de New-York disait : "Lorsque je lisais de la poésie, de la littérature, lorsque je m’intéressais à la psychanalyse, à la peinture, à la sculpture, je n’ai jamais considéré que je m’éloignais de mon métier". Considérons donc, et c'est l'objet de ce blog, que l'art ce n'est pas seulement de l'émotion mais un moyen de penser un peu au-delà de notre pensée habituelle.