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11/05/2010

Dématérialiser

La dématérialisation est un objectif pour les organisations, administration comprise. Mais elle se résume, ou se réduit, souvent à un "zéro papier" qui ne fait que modifier les supports sans changer véritablement les processus et surtout le rapport que l'on a avec eux. Si l'on veut faire le test d'une expérience radicale de dématérialisation, il faut se rendre au Musée Guggenheim de New-York.

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Musée Guggenheim - New-York

Toni Seghal présente une exposition dématérialisée : le musée a été vidé de tous ses objets, les murs sont vides. Les visiteurs peuvent habiter l'espace et laisser courir regard et imaginaire. Et pour ceux qui sont disponibles, ils verront un couple à terre qui s'embrasse. Passionnément. Les couples changent toutes les trois heures. C'est la première oeuvre, ici photographiée malgré l'interdiction de l'artiste de reproduire ses oeuvres.
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Tino Seghal - Kiss - Photo Holland Cotter

Mais il est des visiteurs qui ne font pas le lien avec une oeuvre ou ne voient pas. Ils ne voient peut être pas non plus la petite fille qui demande aux plus attentifs de l'accompagner. Qui accepte de se laisser guider s'entend demander : "Et toi, quelle est ta définition du progrès ?". Et la conversation s'engage. La petite fille cède ensuite la place à un adolescent qui poursuit la conversation sur le même sujet, puis un jeune homme, puis un vieux monsieur. Tous échangent avec les visiteurs. Quelle est la part de conversation, la part de script ? impossible de répondre à cette question, mais ceux qui ont vécu l'expérience ont à la fois eu l'impression d'une introspection, d'une conversation philosophique et d'un échange avec des amis très proches. Cette seconde oeuvre s'intitule "Qu'est-ce que le progrès ?". Je n'ai pas vécu l'exposition de Tino Sehgal mais elle m'a rappelé que, dans les jardins de la Fondation Giannada à Martigny, une dame inconnue m'a abordé pour me déclarer : "Monsieur, et Madame, je ne vous connais pas mais le baiser que vous venez d'échanger m'a plus émue que le baiser de Rodin exposé à l'entrée".
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Affiche de l'exposition Rodin Erotique - Fondation Giannada

Dématérialiser, pour Tino Sehgal, c'est redonner la place à la vie et à l'expérience directe qui transforme, plutôt que de prendre le risque d'étouffer un peu plus les individus sous les objets qui nous envahissent. La dénonciation de la société de consommation, depuis les années soixante, n'aura produit que peu d'effet et il n'est pas certain qu'il faille attendre plus de la publicité faite autour du développement durable qui deviendra bientôt, comme le bio, un nouvel label pour de nouveaux objets. Le mérite de Tino Sehgal est le retour au corps, à l'expérience globale et au final à la vie. Ainsi conçue, la dématérialisation intéresse-t-elle toujours les organisations ?