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30/04/2009

Apprendre par soi-même

Eduquer fait partie, avec gouverner et soigner, des trois métiers impossibles selon Freud. Pourquoi ? parce qu'il est impossible d'éduquer, de gouverner ou de soigner quelqu'un qui ne veut pas l'être. Ces trois métiers requièrent l'assentiment de celui vers lequel est tourné l'action. Je ne peux pas vous former, vous seul pouvez le faire. Vous seul ? chiche !

En 1923, Yves Tanguy voyage sur la plateforme d'un autobus. Il aperçoit un tableau dans la vitrine d'une galerie : il saute de l'autobus et va découvrir le Cerveau de l'enfant de Chirico. C'est décidé il sera peintre, autodidacte et définitivement. Le travail, le regard sur les oeuvres des peintres et l'émulation collective seront ses maîtres choisis. On connaît le résultat.

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Chirico - Le cerveau de l'enfant -

Apprendre par soi-même, et non attendre d'être enseigné. Chercher pour comprendre et non chercher à comprendre l'explication. Tel était le credo de Joseph Jacotot, inventeur de la méthode d'enseignement universel qui postule que l'intelligence du maître n'est pas supérieure à celle de l'élève. Ecoutons le "Si l'on faisait ce que je dis ... la nation serait bientôt émancipée, non pas de l'émancipation que les savants donnent par leurs explications à la portée des intelligences du peuple, mais de l'émancipation qu'on prend, même contre les savants, lorsqu'on s'instruit soi-même.". S'instruire soi-même, voilà un beau programme pour ces trois jours de week-end.

29/04/2009

Un congé sans absence

La joie est notre évasion hors du temps disait Simone Weil. Il faut croire que les salariés seront dorénavant plus joyeux si le Parlement entérine la possibilité prévue par la projet de loi portant réforme de la formation professionnelle qui doit permettre de suivre un congé individuel de formation intégralement en dehors du temps de travail. Au passage, les parlementaires devront s'interroger sur ce curieux congé qui peut être réalisé sans s'absenter. Un congé sans absence est-il toujours un congé ? peut-être est-il temps de faire évoluer également l'appellation du congé individuel de formation. Vos propositions sont les bienvenues.

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Kamra - En dehors du temps

La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF fait le point sur les nouveautés résultant de la possibilité de réaliser intégralement un CIF en dehors du temps de travail, tant au niveau de l'articulation des dispositifs de formation que de l'orientation des financements de la formation vers les coûts pédagogiques plutôt que la prise en charge des salaires. Pour le salarié, le temps manque sans doute moins que l'argent. Un rappel : 20 heures en moyenne devant la TV chaque semaine pour chaque français. Eteignez vos TV et allez vous promener....ou vous former.


28/04/2009

Les mots pour le dire

Le DRH a longuement préparé la réunion. Le comité d'entreprise s'annonce tendu. Les représentants du personnel pensent qu'un plan de restructuration est en préparation avec réduction d'effectifs à la clé. Le PDG est présent au CE. L'objectif est de démontrer que l'entreprise investit, qu'aucune réduction de voilure ou de périmètre n'est à l'ordre du jour et qu'il n'y a pas matière à s'inquiéter. Le DRH a préparé son powerpoint : les courbes sont ascendantes, des flèches témoignent de la volonté d'aller de l'avant. Il commence son exposé par ces mots : "Je vais vous présenter le tableau de mort des effectifs....euh de bord des effectifs". Inutile de préciser l'inanité de toute explication ultérieure. Cette anecdote m'est revenue en mémoire quand la responsable du projet portant sur la définition des valeurs de l'entreprise a pris la parole pour dire : "Je vais vous présenter la vision de nos valeurs selon les membres du commerce...euh du COMEX".

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Balthus - Passage du commerce Saint-André

Nul doute après cela, que les valeurs fleureraient bon l'humanisme. En matière de communication, un bon lapsus vaut mieux qu'un long discours.
Mais la journée a été longue pour la responsable de projet qui nous a encore gratifié d'un Copul au lieu d'un Copil (pour comité de pilotage) et d'un outil de pilonnage au lieu d'un outil de pilotage. Pas d'hésitation : elle est amoureuse.
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Man Ray - L'observatoire des amoureux - 1934

27/04/2009

L'administration des jeunes

Le plan pour l'emploi des jeunes annoncé vendredi 24 avril par le chef de l'Etat est de facture classique : des exonérations de charge et des primes à l'embauche pour les entreprises, des contrats associant emploi et formation pour les jeunes. Soit en gros ce que l'on fait depuis le début des années 80 et la création des contrats de qualification et d'adaptation. Les gouvernements passent, les mêmes idées restent et surtout les mêmes a priori, au nombre de trois au moins.

Le premier est dans la segmentation bureaucratique des individus pour les gérer : l'administration connait les jeunes, de 16 à 25 ans, puis les seniors de 45 à 60 ans (ou 70 ans on ne sait plus très bien), entre les deux se trouvent les adultes, finalement peu nombreux.  L'administration n’a de cesse de segmenter. Dès lors que le droit se fragmente, on perd le droit commun, et chacun est renvoyé à sa situation ou catégorie. La meilleure loi est celle qui peut concerner tout le monde. On rappellera juste que dans le code du travail l'âge est un critère discriminatoire.

Le deuxième a priori se déduit du premier. En France le jeune n'est pas vraiment adulte : bien que majeur depuis ses 18 ans, il se voit proposer des contrats rémunérés en dessous du SMIC, n'a pas le droit au RMI ni au RSA. Des jeunes à droits réduits sommés de considérer qu'ils doivent payer le prix de leur intégration, comme si tel n'était pas le cas toutes les études montrant que le niveau de vie moyen des jeunes aujourd'hui est inférieur à celui de leurs parents et grands parents dont ils paient les retraites.

 

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Petrus Christus - Portrait d'une jeune fille - vers 1460

Le troisième a priori est que, finalement, la formation importe peu. Dans le plan gouvernemental, les contrats d'apprentissage et de professionnalisation sont clairement des contrats qui allègent le coût du travail. On décide ainsi d'augmenter le nombre d'apprentis par des incitations financières à l'embauche sans se poser la question des places d'apprentissage en CFA, des moyens de les financer, des filières de formation pertinentes, des processus d'orientation des jeunes en question. Bref, du quantitatif traditionnel qui, une fois de plus, cède aux démons du politique : les statistiques du chômage et les échéances électorales.

23/04/2009

Tous dopés

« Je me dopais légèrement aux amphétamines, un comprimé de Corydrane installait, selon la formule de Sartre, « un soleil dans ma tête », À lui un comprimé ne suffisait pas, il voulait un très grand soleil et mâchait par poignées la Corydrane qu’il réduisait en une bouillie acide, se détruisant la santé en toute conscience au nom de ce qu’il appelait le « plein emploi » de son cerveau. La Corydrane m’a aidé quand j’écrivais de nombreux articles, mais il fallait savoir la doser, son effet était bref et on ne pouvait éviter ni la tétanisation de la mâchoire inférieure ni l’état dépressif qui survenait lorsqu’elle cessait d’agir. J’y ai renoncé il y a bien longtemps, avant même que les amphétamines, sous toutes leurs formes et appellations (les pilotes de bombardiers de la Royal Air Force, qui avaient une longue route à parcourir pour atteindre leur cible sur la terre allemande et en revenir, se tenaient éveillés grâce à la Benzédrine), ne soient interdites. » Ce passage des mémoires de Claude Lanzmann ("Le lièvre de Patagonie"), qui est un document extraordinaire, nous renvoie aux difficiles et multiples questions posées par les stimulants de la performance : faut-il voir dans l’indulgence du public pour les cyclistes dopés, au-delà du désir que le rêve ne se brise pas, une tolérance pour une pratique banalisée dans un pays qui figure en tête de la consommation de médicaments ?

 

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Henri Michaux - Encre

Faut-il remettre en cause la beauté des encres de Michaux pour ce qu’elles doivent à la mescaline ? que l’on sache, la potion magique ne disqualifie en rien Astérix. Considérons plutôt, comme le suggère Lanzmann, que l’usage de stimulants porte des potentialités inverses : la création et la destruction, l’inhibition et la libération, la stimulation et l’apathie, l’autonomie et la dépendance. Sade nous avait déjà appris que la quête d’absolu réduit à rien la frontière entre le vice et la vertu. Alors libre à vous, mais restez libres.

Et pour que ne subsiste aucune ambiguÏté, affirmons qu’en sport c’est moins l’usage de drogues que la tricherie qui est insupportable.

22/04/2009

RTC

L'entreprise a connu une grève récemment. Pas du fait des délocalisations, l'activité n'est pas délocalisable. Au contraire, elle reçoit du travail de l'étranger. Le sujet était les salaires. Selon le niveau de rémunération, les augmentations proposées allaeint de 3,2 %, à 1,2 % pour les salaires les plus élevés. Pas assez. Ce qui permet de constater que la référence en matière sociale n'est pas ce qui se passe ailleurs : 3,2 % pour les plus bas salaires aurait pu paraître comme un très bon résultat alors que nombre d'entreprises ont des politiques salariales en 2009 comprises entre 0 et 1. Oui mais voilà, ce n'est pas aux salaires des autres que l'on compare le sien, mais aux résultats de l'entreprise, en l'occurence excellents. Dès lors, revient la question de la bonne hauteur du partage.

Mais à l'occasion de ce conflit classique, une autre demande a émergé : l'octroi d'un temps de RTC. Tête du consultant qui connait la RTT ou éventuellement le RC (repos compensateur) mais pas la RTC. Il s'agit de la "Récupération du temps cigarette".

 

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Théophile Gauthier - Le fumeur

La demande visait à rétablir l'équité : les salariés non-fumeurs s'estimaient pénalisés par la tolérance consistant à permettre aux fumeurs de prendre une pause pour s'adonner aux charmes de la fumée. Et eux ? la RTC devait donc leur permettre de bénéficier d'une pause pour "ne pas fumer" et surtout ne pas être moins bien traités que les fumeurs. La conclusion fut évidemment la fin de la tolérance pour les fumeurs et le retour à la règle. Et c'est ainsi que  volutes partent en fumée et que vos luttes partent en fumée (merci Bashung).

21/04/2009

Le rêve

Karel de Stoute, autrement dit Charles le Téméraire, rêvait d'un empire sur lequel le soleil ne se couche pas. Ce rêve, Charles Quint son petit-fils le réalisa. Pierre d'Aragon rêvait d'une terre d'Oc unifiée dans laquelle les Pyrénées ne seraient plus une montagne frontière mais au contraire l'union des plaines qui l'entourent. Tous les deux moururent sur le champ de bataille, orgueilleuse manière de donner corps à la rêverie.

Dans un autre domaine, on se souvient de Claude Bébéar emmenant le top management d'Axa dans le désert du Ténéré en 1986 pour jeter les bases de la croissance de la compagnie d'assurance, devenue une aventure mythique pour les participants.

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André Masson - Je rêve

On peut préférer deux autres exemples fameux. Le serment de Koufra du Maréchal Leclerc qui se promit de faire flotter ses couleurs sur la cathédrale de Strasbourg, et qui le fit après avoir été le premier libérateur de Paris. Et surtout la phrase de Pierre-Georges Latécoère, béarnais de naissance et toulousain d'adoption, qui avant de lancer la construction de ses avions et d'ouvrir les lignes transatlantiques, réunit le personnel de ses usines pour déclarer : 'Les calculs de mes ingénieurs sont formels. Le projet est irréalisable. Il ne nous reste donc plus qu'à le réaliser".
Le rêve est non seulement nécessaire à toute entreprise, mais il est sans aucun doute la condition de base de sa réalisation. Quel est le rêve de votre organisation ? et le vôtre ?
Ah au fait, la devise de Charles le Téméraire était : "Je l'ai entrepris".

20/04/2009

Cordonnier mal chaussé

En 1971, l'Education nationale a fait le choix de se lancer dans la formation continue pour faire évoluer ses pratiques pédagogiques en formation initiale. Telle était en tout cas la motivation officielle figurant dans la première circulaire créant les GRETA. Le développement d'une activité de formation professionnelle en direction des adultes devait permettre d'enrichir et de faire évoluer les pratiques mises en oeuvre dans le cadre de la formation initiale. Cet objectif a été en partie intégré : les formations modulaires, la pédagogie par objectif, l'approche par les compétences, etc. sont bien des importations de la formation continue.

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Van Gogh - Souliers aux lacets - 1886

Pour autant, quelques doutes subsistent quant à la véritable appropriation par l'organisation des principes de base de la formation professionnelle, à savoir raisonner d'abord à partir de l'activité, du travail, et non de la formation. Ces doutes sont nourris, notamment, par le débat sur  la Masterisation et la réforme des IUFM. Le premier formateur de France se trouve dans l'incapacité de construire un dispositif pédagogique pertinent pour former ses enseignants. Si le sujet n'était si grave, il prêterait à sourire. Et l'on attend toujours le référentiel d'activité et de compétences de l'enseignant, première étape de toute démarche d'ingenierie. Mais être mal chaussé est, paraît-il, le lot des cordonniers. Celui des enseignants aussi, donc.

17/04/2009

BELLE JOURNEE !

Le mot résonne comme un écho, dans la rue, dans les bureaux, au café, au téléphone, en bas des mails : BON COURAGE ! le vendeur à la sauvette à qui j'achète les journaux le matin m'en gratifiait régulièrement. A force de s'entendre répondre : BELLE JOURNEE ! il s'y est mis également. Il me souhaite une bonne journée  mais ne peut parfois s'empêcher d'ajouter...et bon courage !

Drôle d'époque où vivre réclame du courage. Pas de la gaité, du bonheur, de l'envie ou du désir (essayez de souhaiter à vos voisins, à vos collègues : bon désir !). Retour à l'imaginaire argotique : on va au chagrin, comme le mineur.

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Jean-Pierre Willems - Le voyage en journée - 2009

La thématique de la souffrance au travail, si présente et si psychologisante dans son approche, les suicides sous pression, les licenciements et l'emploi jetable....ce bon courage sonne comme le glas de la valeur travail. L'invitation joyeuse des Fabulous Trobadors à ce que chacun invente son emploi et travaille dans la joie semble bien loin. Pour cette belle journée, les paroles des Fabuleux toulousains comme cadeau, essayez-les aussi en musique.

15/04/2009

Double je

L'atelier du Pont Vaillant au coeur du village de Sorèze, au pied de la Montagne noire. Une façade vitrée laisse deviner quelques peintures et dessins affichés dans l'atelier. Le passant hésite puis pousse la porte. L'accueil est aussi chaleureux que le temps est froid et humide. Au visiteur inconnu il est proposé de partager le thé en famille. Pendant que l'eau chauffe, le regard se pose sur les toiles, les dessins, les esquisses, les croquis utilisant mille techniques : huile, cire, fusain, pastels...les styles eux-mêmes sont différents. La confrontation directe avec les oeuvres de Catherine Huppey provoque les sens : douceur des peintures sur le temps qui passe, mouvement des dessins préparatoires à une série consacrée aux mythes. Mais la confrontation la plus étonnante est celle de l'artiste avec ses dessins. Calme, douce, sereine, d'une humilité naturelle confondante, Catherine Huppey présente son parcours et son travail. Au sein de  l'atelier la vie est plus lente, le temps un concept tout relatif et pourtant, ceci :

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Catherine Huppey - Dans l'arène

Est-il nécessaire de préciser que Catherine Huppey n'aime pas la corrida ? Mais à découvrir le taureau entravé, on souhaiterait assister à la corrida que constitue l'acte de dessiner.
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Catherine Huppey - Taureau entravé

Il est souvent fait référence au "Je est un autre" de Rimbaud. Si la formule appelle différentes interprétations, (de l'impossibilité de se connaître vraiment soi-même à la nécessaire schizophrénie qui nous habite en tant qu'êtres doués de possibilités inverses) elle peut éclairer les oeuvres présentées ici. Après coup, on se demande quel recruteur aurait osé confier à Catherine Huppey en la voyant et en lui parlant la réalisation d'une série d'oeuvres consacrées à la corrida. Et une fois de plus, on constatera que recruter est bien un métier impossible.

14/04/2009

L'avocat du diable

L'été dernier en Avignon au sein de la chapelle Saint-Charles, Ernest-Pignon Ernest a présenté les portraits de sept grandes mystiques figurées par des dessins de près de trois mètres de haut. L'installation s'intitulait "Extases". La puissance de l'évocation tient bien évidemment au talent du dessinateur mais également au lieu qui accueille ces corps dénudés, physiquement pour partie mais entièrement du point de vue spirituel. Que l'Eglise puisse accueillir de telles représentations pour mieux penser la passion est remarquable : plutôt que d'occulter ce qui dérange, l'accueillir et s'en servir de point d'appui pour sa pensée, serait-ce pour mieux le réfuter, vaut d'être souligné. Sartre enseignait, sans toujours le pratiquer lui-même, qu'il fallait penser contre soi-même pour féconder la pensée.

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Ernest-Pignon Ernest - Extases - 2008

A l'heure où le système de gestion paritaire de la formation professionnelle est mise en cause de toute part, parfois de manière mesurée et positive (voir le rapport de l'IGAS sur les OPCA), d'autres de manière caricaturale voire erronnée (rapport de la Cour des comptes sur la formation professionnelle), il paraît indispensable que les acteurs et responsables du système puissent penser contre eux-même, plutôt que de se crisper sur une défense urbi et orbi du dispositif. Il s'agit moins de faire son auto-critique et encore moins son procès, que de s'inscrire dans une véritable culture de l'évaluation qui permet d'agir en se préoccupant d'abord de la qualité du service rendu aux entreprises et aux salariés. La première étape consisterait à tenir pour établi que ce n'est ni aux entreprises ni aux salariés d'intégrer et de tenir compte des objectifs, politiques, pratiques et moyens de l'OPCA, mais exactement l'inverse.

13/04/2009

L'apprentissage de l'autonomie

En 1912, Blaise Cendrars a 25 ans. Il est à New-York. Il est malade, sans le sou. Il marche dans la ville, le jour, la nuit, il marche. Dans sa chambre au terme d'une nuit d'errance il écrit Les Pâques à New-York. Il signe pour la première fois de son nouveau nom : Blaise Cendrars, la braise et la cendre, "Ecrire c'est bruler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres". Au bout du désespoir, Cendrars récuse Dieu et en se nommant s'institue lui-même. L'accès à l'autonomie est douloureux, mais il est un acte de volonté nécessaire : le propre de la condition humaine.

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Béatrice Nourrissier - La foi me manque
(d'après Les Pâques à New-York)

Il faut sans doute avoir  beaucoup désespéré pour être véritablement optimiste. En cette nuit de 1912, dans sa totale solitude et détresse, Cendrars comprend qu'il ne peut compter que sur lui même et qu'il doit aller à la rencontre de tous les autres. Le chemin même de l'éducation.
En ce jour de Pâques, bonne lecture.

12/04/2009

Où est passé Arthur ?

Londres attire, paraît-il, les jeunes français désireux d'entreprendre et qui trouvent la France un peu trop "vieille Europe". La capitale britannique, en prise directe avec les Etats-Unis, reflète mieux le "Tout est possible" américain que la France, surtout quand mise en perspective elle se résume au peuple de paysans devenus fonctionnaires, substituant l'attachement à l'emploi à l'attachement à la terre. Caricature ? bien évidemment, mais tout de même Barrès demeure présent.

Nathalie Duffort rend compte ici d'une visite à l'entreprise Bloomberg. Le portrait qu'elle trace d'Arthur, jeune français expatrié, constitue un support de réflexion plus pertinent que les poncifs de Benjamin Chaminade sur la génération Y. Que devient Arthur après la tempête qui s'est abattue sur les milieux financiers ? le paysage noir a-t-il succédé à l'orange créatif qui recouvrait les murs de la société ?

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Yves Tanguy - Orage (Paysage noir) - 1926

Le texte de Nathalie Duffort est le premier publié dans la catégorie "VOS CONTRIBUTIONS". Seront désormais publiés sur ce blog les textes de toutes celles et ceux qui souhaitent partager des expériences professionnelles dans l'esprit de ce blog. Merci à elle de m'avoir suggéré cette possibilité.

PORTRAIT D'ENTREPRISE BLOOMBERG.doc

09/04/2009

De l'intention au naturel

Jean-François Rauzier est un photographe attachant : sensible, délicat, méticuleux, travailleur, talentueux, sa rencontre est un plaisir. Ses photos également, mais elles emportent moins l’adhésion que leur auteur. Beaucoup de détails, de sophistication, de symboles un peu trop évidents et convenus, de présences trop présentes et quelques fautes de goût. Et lorsque l’on apprend qu’il illustre les publicités d’une marque de Cognac, il n’y a pas vraiment de surprise. La composition ne parvient à échapper à l’artificiel.

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Jean-François Rauzier - La cité Idéale

La cité idéale, inspirée de Pierro Della Francesca, ne nous parle guère. Par opposition, les photos de Guy Tillim sur l’Afrique, découvertes la veille, montrent une Afrique désolée, pleine de vie et de révolte, de misère et d’humanité, de tendresse et de douleur. Et la fin de siècle est plus sobrement, simplement et efficacement illustrée.

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Guy Tillim - Grand Hôtel Beira - Mozambique

La confrontation des deux œuvres permet de constater que la sincérité de l’auteur ne suffit pas plus que sa technique. La volonté de bien faire n’y peut rien non plus. Il faut viser juste et savoir s’oublier, oublier sa technique, oublier son projet au profit du sujet. Dans le domaine des ressources humaines, l’action est d’autant plus belle et efficace que la technicité ne paraît pas, l’effort et la sophistication ont disparu, la simplicité s’impose et voile l’auteur même de l’action au profit de celle, ou de celui, à qui elle est destinée. Supprimer l’intention trop visible pour faire surgir un naturel, ce pourrait être la définition de la compétence.

08/04/2009

La joie de Clémence

Sa statue est présente à Toulouse rue de la Concorde et à Paris au Jardin du Luxembourg. Elle est belle, gironde, rieuse, amie des arts, généreuse...bref Toulousaine. Un collège, une rue, une crèche, un groupe de musique, entre autres, portent son nom. Elle est la fondatrice de l'Académie des Jeux floraux, elle est enterrée  sous l'autel de Marie en l'Eglise de la Daurade à Toulouse. En réalité, Clémence Isaure n'a jamais existé.

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Clémence Isaure au Jardin du Luxembourg et rue de la Concorde

En 1323 est créé à Toulouse la première compagnie littéraire occidentale : la compagnie des mainteneurs du Gai Savoir (coucou Nietzsche), devenu plus tard Académie des jeux floraux. Au XVème siècle, les membres de la compagnie inventent le personnage de Clémence Isaure, pour dissimuler sous de prétendus legs de la belle bourgeoise toulousaine des fortunes mal acquises disent certains (Clémence précurseuse du blanchiment à la fin du moyen-âge !), pour personnifier le principe cosmologique féminin avancent d'autres plus férus d'ésotérisme (Clémence éternel féminin mystérieux). Toujours est-il que la belle Clémence est devenue à la fois un mythe et une institution. Elle nous rappelle avantageusement en ce printemps ensoleillé qui nous donne l'occasion de redécouvrir ses statues, que les mystifications de potaches et les mystères les plus profonds peuvent se combiner et conserver leur vigueur pendant plusieurs siècles. Que nos organisations fournissent les mythes d'aujourd'hui qui seront présents en 2500 !
Pour conclure l'anecdote, les élus de l'Académie des jeux floraux recevaient pour prix une violette d'or, une églantine d'or et un souci d'or. Dissonnance direz-vous ? non car à cette époque souci se nommait Joie !  En cette période morose, il s'agissait d'une petite invitation à oublier vos soucis et à retrouver la Joie de Clémence.

07/04/2009

Le bon goût

Si vous vous demandez pourquoi les entreprises ont parfois recours à un consultant, deux exemples peuvent répondre à l'interrogation. Le premier se réfère à une pratique en vigueur dans certaines familles africaines : c'est l'oncle qui prend les décisions pour ses neveux et nièces et non le père ou la mère. Le second est plus visuel. Voyez ci-dessous le tableau de Bernard Lorjou :

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Bernard Lorjou - Fleurs au vase jaune -

Si Lorjou est un peintre remarquable, la nature morte n'emporte pas l'adhésion au premier coup d'oeil. Et puis, approchons le regard :

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Bernard Lorjou - Fleurs au vase jaune - Détail

Le zoom avant sur le tableau le transforme en oeuvre abstraite d'une grande beauté : le mouvement est fulgurant, les couleurs se répondent et s'accordent, l'harmonie est totale. Pas grand chose à voir avec l'oeuvre que saisit le regard éloigné.

Dans le premier exemple, celui qui est trop proche ne peut conseiller car trop impliqué, dans le second exemple celui qui est trop loin risque de ne pas voir le tableau caché dans le tableau. Tout serait donc question de distance : avant de prendre une décision, le regard plus distancié du consultant peut aider...celui de l'expert pour déceler le tableau dans le tableau également. Quant à la question de savoir quand est-ce que l'on sait si on est à la bonne distance, la réponse est assez simple : après avoir pris la décision, c'est à dire trop tard. Comment faire ? en suivant le conseil d'Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont : cultiver le goût, qualité fondamentale qui résume toutes les autres qualités.

06/04/2009

Le temps du congé

L'ANI du 7 janvier 2009 laissait entendre au détour d'une formule ("le congé individuel de formation peut donner lieu à autorisation d'absence") que le CIF pourrait bien se réaliser en totalité en dehors du temps de travail et ne plus avoir de congé que le nom. Le projet de loi qui sera présenté au Parlement à la fin du mois nous livre confirmation : le congé individuel de formation peut être effectué intégralement en dehors du temps de travail, le salarié demandant au FONGECIF, ou à l'OPCA, qui finance le CIF une prise en charge des coûts pédagogiques et frais annexes. Pourquoi donc ce déplacement du temps ? pour parvenir à l'objectif fixé par les partenaires sociaux : financer plus de CIF sans augmenter les cotisations (40 000 salariés sur 16 millions bénéficient d'un CIF chaque année). La seule solution est donc de faire des économies et avant tout sur les salaires et charges qui représentent 80 % des coûts du CIF. Au salarié, il sera donc demandé de trouver du temps.

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Chirico - L'énigme du temps - 1911

Mission impossible que de trouver du temps ? tout le monde n'a pas de RTT ou des semaines de congés payés supplémentaires à consacrer à la formation. Peut être. Mais souvenons nous que les français consacrent en moyenne plus de trois heures par jours à regarder la télévision. Soit plus de vingt heures par semaine : un DIF TV toutes les semaines ! L'énigme du temps est affaire de choix personnels, et pour vous aider à faire le votre, une ritournelle de Prévert :
Le Temps nous égare
Le Temps nous étreint
Le Temps nous est gare
Le Temps nous est train

03/04/2009

Vive les poissons !

Pour fêter le 1er avril, Hélène Mugnier, auteur de l'ouvrage "Art & Management, du fantasme à la réalité" (Demos, 2007 : pour faire plus ample connaissance avec Hélène : http://artbusiness.typepad.com/), proposait de solliciter sa curiosité et son imagination au cours d'une promenade accompagnée au sein des collections d'art Moderne du Centre Georges Pompidou à Beaubourg. Les participants furent invités à remettre en question le regard porté sur l'art contemporain, qui pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses mais qui nous parle très directement du monde et de la société dans laquelle nous vivons. Incités à revoir les critères d'évaluation des oeuvres (le beau est-il le premier, voire le seul, critère d'appréciation de l'art ?), les participants découvrirent avec plaisir la liberté proposée de renouer un dialogue différent avec l'oeuvre, l'artiste et au final soi-même. Parmi les cinq oeuvres qui firent l'objet de commentaires, ma préférence pour celle-ci :

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Jean-Michel Alberola - Vous avez le bonjour de Marcel - 2002

La peinture murale d'Alberola accueille le visiteur au 2ème étage de Beaubourg. Ses dimensions donnent consistance à l'espace du ciel et du désert. Son côté bande dessinée lui confère une tonalité ludique et légère,  pas toujours présente (euphémisme !) dans l'art contemporain. Le texte est rassurant, en cette période morose : Tout va bien. Mais que signifie ce tout va bien pour des personnages qui semblent partir en fumée, s'évaporer lentement. On pense à Magritte et au commentaire de Michel Foucault du tableau "Ceci n'est pas une pipe". Et si le texte n'était là que pour nous enfumer ? on peut également penser à Mathieu Kassowitz et à l'homme qui, tombant d'un gratte ciel, se répète pendant sa chute : "jusque-là tout va bien". Il est possible d'en déduire que dans le désert qui s'avance, il reste encore des traces de l'homme, donc tout va bien. Avant de vous poser à votre tour la question de ce qu'évoque pour vous la fresque d'Alberola, vous pouvez allumer un cigarillo et observer la fumée, après cela, libre à vous.

01/04/2009

Karel de Stoute, violent et raffiné

La ville de Bruges présente une exposition d'une richesse historique, esthétique et culturelle extraordinaire : Karel de Stoute (Charles le Téméraire) ou les Splendeurs de la Cour de Bourgogne. Ayant la volonté d'unir toutes les Flandres et tous les flamands, et bien au-delà, Karel de Stoute dessina le rêve qu'accomplit à sa suite Charles Quint : celui d'un empire sur lequel jamais le soleil ne se couche. Rêve de tous les dictateurs fous, dira-t-on et pléonasme par dessus le marché. Mais le plus étonnant n'est pas là. Il est dans l'ambivalence de Karel de Stoute. Elle s'exprime d'une part par l'immodérée promotion de toutes les formes d'arts, dont la tapisserie des mille fleurs constitue l'un des meilleurs exemples de ce que les Flandres ont pu produire de raffiné.

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Tapisserie aux mille fleurs - Bruges - 1466

Et d'autre part, par le fait que Karel de Stoute fut un guerrier redoutable et n'hésita pas à massacrer, pendre et noyer des garnisons entières quand ce n'est raser des villes, telle celle de Liège à l'hiver 1468 qui finit en horrible chasse à l'homme. L'époque n'était pas, à vrai dire, à la demi-mesure comme en témoigne le tableau de Gérard David représentant un juge corrompu écorché vif. La scène est certes tirée de l'histoire pour être transposée à l'époque de sa réalisation, mais elle correspond à une pratique encore en vigueur jusqu'au XVIIIème siècle.
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Gérard David - Le jugement de Cambyse - 1495

Cette juxtaposition de violence et de raffinement interroge sur l'ambivalence de Karel de Stoute, mais au-delà de chacun d'entre nous. Elle invite à réfléchir aux contradictions que chacun porte en lui et peut être même à penser que la vérité de l'individu réside profondément dans la manière personnelle qu'il a de faire vivre les contraires qui l'habitent.