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30/05/2009

Un peu de lecture pour le week-end

Week-end de Pentecôte. Travail ou pas ? les jardins de Chaumont sont une belle destination. Fêter l'anniversaire d'un ami un beau prétexte, mais en faut-il, pour prolonger le week-end. Pour ceux qui passent par ce blog, un peu de lecture : une analyse du projet de loi sur la formation professionnelle publiée dans la Semaine Juridique Social.    SemaineJuridiqueSocial.pdf

On peut adopter la position de la Liseuse.

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Jean-Jacques Henner - La liseuse

Si la position n'est pas adaptée à la lecture d'une analyse juridique, alors ce texte de Parménide dont vous pouvez soit apprécier la poésie, soit  réfléchir à la profondeur, soit vous laisser aller à faire les deux. Bonne lecture et bon week-end.

« Les cavales qui m'emportent, m'ont entraîné  Aussi loin que mon cœur en formait le désir,  Quand, en me conduisant, elles m'ont dirigé  Sur la voie renommée de la Divinité, Qui, de par les cités, porte l'homme qui sait.  J'en ai suivi le cours; sur elles m'ont porté,  Attelés à mon char, les sagaces coursiers. Des jeunes filles nous indiquaient le chemin.  L'essieu brûlant des roues grinçait dans les moyeux, Jetant des cris de flûte. (Car, de chaque côté, Les deux cercles des roues rapidement tournaient), Cependant que déjà les filles du Soleil, Qui avaient délaissé les palais de la Nuit,  Couraient vers la lumière en me faisant cortège,  Écartant de la main les voiles qui masquaient  L'éclat de leur visage. Là se dresse la porte  Donnant sur les chemins de la Nuit et du Jour.  Un linteau et un seuil de pierre la limitent.
Quant à la porte même, élevée vers le ciel,  C'est une porte pleine, aux battants magnifiques,  Et Diké aux nombreux châtiments en détient  Les clefs, dans les deux sens contrôlant le passage Pour la séduire et la gagner, les jeunes filles  Usèrent à son endroit de caressants propos,  Afin d'habilement la persuader d'ôter,  Rien qu'un petit instant, le verrou de la porte. La porte bascula, ouvrant un large espace  Entre les deux battants, en faisant pivoter
Les gonds de bronze ciselé sur leurs paumelles  Retenus par des clous et d'épaisses chevilles.  C'est alors que, par là, tout droit, les jeunes filles Poussèrent à s'engouffrer le char et les cavales  Sur la route déjà tracée par des ornières.  La déesse avec bienveillance me reçut.  Elle prit ma main droite en sa main et me dit :
Jeune homme, toi qui viens ici, accompagné  De cochers immortels, portés par des cavales, Salut! Car ce n'est point une Moire ennemie,  Qui t'a poussé sur cette voie (hors des sentiers  Qu'on voit communément les hommes emprunter),  Mais Thémis et Diké. Apprends donc toutes choses,  Et aussi bien le cœur exempt de tremblement  Propre à la vérité bellement circulaire, Que les opinions des mortels, dans lesquelles  Il n'est rien qui soit vrai ni digne de crédit;  Mais cependant aussi j'aurai soin de t'apprendre  Comment il conviendrait que soient, quant à leur être,  En toute vraisemblance, lesdites opinions,  Qui toutes vont passant toujours. »

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Le Bernin - Daphnée et Apollon

29/05/2009

Ouvrir les yeux

En ces périodes de production industrielle des licenciements pour motif économique, il est permis de s’interroger sur une formule récurrente utilisée par la Cour de cassation en matière d’obligation de rechercher un reclassement avant de procéder au licenciement. Selon les juges, l’employeur doit proposer au salarié tout emploi disponible, dans la même catégorie ou dans une catégorie inférieure. Dans l’esprit du juge, il n’est même pas envisagé que le reclassement puisse s’effectuer sur une qualification supérieure. Belle méconnaissance de la réalité de l’emploi en France : nombre de salariés occupent aujourd’hui des emplois qui sont de qualification inférieure à leur qualification personnelle. En d’autres termes, nombre de salariés sont en capacité d’effectuer des activités d’un niveau supérieur à celles qu’ils exercent.

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Chirico - Le cerveau de l'enfant -
Le réveil du cerveau de l'enfant - Photographie parue dans l'Almanach Surréaliste du demi-siècle

Comme le mystérieux personnage du tableau de Chirico, les juges devraient ouvrir les yeux sur le monde tel qu’il est et considérer que lorsqu’un salarié est licencié pour motif économique, l’obligation de reclassement fait disparaître les frontières de la qualification contractuelle et impose à l’entreprise de prendre en compte la qualification personnelle du salarié, assumant ainsi le fait qu’elle a recruté en surqualification. Le réveil à la prochaine décision de la Cour de cassation ?

28/05/2009

Le silence des lois

Le Parlement vient d'annoncer que le projet de loi sur l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie ne serait pas examiné au mois de juin comme prévu mais au mieux en juillet et sans doute fin septembre. La loi annoncée pour le début d'année 2009 est donc bien partie pour n'être adoptée qu'en fin d'année. La faute à l'encombrement du calendrier parlementaire nous dit-on. Il est vrai qu'à faire une loi après chaque fait divers, on génère chez les députés un épuisement professionnel qui le dispute à l'insatisfaction du travail bâclé. Nietzsche remarquait déjà que la quantité d'informations que l'on demande à l'étudiant d'ingurgiter ne lui laisse guère le temps de penser.

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Toyen - A l'instant du silence des lois - 1969

Et nous reviennent les écrits du Marquis de Sade, dans l'Histoire de Juliette : "Que l'on compare les siècles d'anarchie avec ceux où les lois ont été le plus en vigueur, dans tel gouvernement que l'on voudra : on se convaincra facilement que ce n'est que dans cet instant du silence des lois, qu'ont éclaté les grandes actions".  Moins de lois, moins longues, donc plus travaillées car la synthèse est un art, moins de bavardages, du silence, de la pensée et de l'action. D'ici là, la réforme attendra.

25/05/2009

La loi de l'improbabilité

En ces temps d'incertitude économique, plus encore qu'en d'autres temps, il est demandé à la prévision de nous rassurer et de chasser nos doutes. Quel temps fera-t-il demain ? quand repartira la croissance ? que nous dessine l'avenir ? les prévisionnistes de tout poil, de l'économiste mathématicien assis sur sa science à la voyante qui lit en vous mieux que vous même, ont de beaux jours devant eux (ce n'est pas une prévision). Avant de faire tourner les modèles mathématiques qui nous garantiront que cela ira mieux demain, ou pire comme le dirait l'OMS qui a déjà annoncé trois fois l'apocalypse au cours des douze derniers mois, prenons le temps d'une expérience.

Placez dans un chapeau 100 papiers numérotés de 1 à 100. Faites tirer un papier par une personne normalement rationnelle. Le 27. Demandez-lui quelle était la probabilité de tirer le 27 : 1 sur 100. Et de ne pas le tirer : 99 sur 100. Que dit-on d'un évènement qui a 99 chances sur 100 de se produire : qu'il est probable. Et de celui qui a 1 chance sur 100 : qu'il est improbable. Concluez-en qu'entre l'évènement probable et l'improbable, c'est ce dernier qui est survenu.

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Mark Brusse - Tiens ? (rencontre improbable) -

Vous pouvez alors formuler la loi de l'improbabilité : Tout fait réel, si l'on examine ses origines, apparaît comme hautement improbable. L'oubli de cette loi fondamentale et le recours à la méthode probabiliste pour prévoir l'avenir explique pourquoi nous tirons si peu d'enseignements de l'histoire et pourquoi nous apprenons si peu, ou si mal, de nos expériences.

22/05/2009

Comment vous formez-vous ?

Je ne vais jamais en formation...sauf pour être formateur. Au cours du séminaire organisé jeudi 14 mai 2009 par Jean-Marie Luttringer sur l'apport de la jurisprudence au droit de la formation, je songeai soudainement que je n'allai jamais en formation. Mais que j'avais plaisir à avoir un échange avec Marie-Laure Morin, toulousaine et conseillère à la Cour de cassation (l'usage à la Cour est de dire conseiller même pour les femmes, mais bon, les usages en ce domaine...) et que cet échange excitait ma réflexion et mon désir de découverte, et qu'au final après quelques heures de débat, j'avais l'agréable sentiment d'avoir appris énormément et surtout de m'être ouvert de nouveaux champs de réflexion, avec de nouvelles et bien belles clés des champs. Echanges entre pairs, travail de réflexion, recherche et lecture des bons auteurs (ce qui est une autre manière d'échanger), travail de conceptualisation, mise en situation de production, analyse des productions réalisées....les manières de se former ne manquent pas et la conversation socratique comme mode pédagogique n'est pas vraiment une nouveauté. Ecire, ou peindre, c'est aussi une manière d'apprendre.

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Francis Moreeuw - Peinture pédagogique n° 10

Avant de programmer des actions de formation et de les organiser et plutôt que d'enquêter sur de présupposés besoins de formation, il faudrait peut être commencer par poser la question : et vous comment vous formez-vous ? comment avez-vous acquis les compétences qui sont les votres ? quand éprouvez-vous le plaisir d'apprendre ?

Quel meilleur guide pour l'action que d'avoir des réponses à ces questions. Au fait, et vous ?

20/05/2009

La fausse peur du macramé

Lors de l'entrée  en vigueur du DIF, et encore aujourd'hui, combien de fois ais-je entendu des responsables formation ou ressources humaines me dire : "Le DIF, aucun intérêt à le promouvoir pour récolter des demandes de formation en macramé". Le sous-entendu est double. D'une part les salariés sont incapables de s'intéresser à leur job et d'autre part tout salarié demeure un soixante-huitard qui rêve d'aller faire du macramé en Lozère ou au Larzac. Faut-il préciser la perplexité, au départ car ensuite ce fut plutôt de l'accablement puis de la colère, face à ces réactions qui témoignent, et c'est peut être le pire, d'un profond désintérêt pour le terrain et partant d'une grande méconnaissance des individus.

Après cinq ans de fonctionnement du DIF, les pratiques démentent largement la peur du macramé : l'essentiel des formations suivies en DIF concerne le métier du salarié ou les métiers de l'entreprise et les formations "exotiques" sont très marginales sinon inexistantes.

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Edward Kinnally - Touche Macramé - 2009

Mais ce que devraient craindre les responsables formation et responsables ressources humaines, ce sont davantage les demandes de DIF pour des formations concernant le poste de travail du salarié. Tant que le salarié demande des formations sans rapport avec son métier, le refus ne pose strictement aucun problème. Mais lorsqu'il demande à se former pour être plus compétent dans l'exercice de ses activités, le refus de formation reconnaît la compétence du salarié et interdit à l'entreprise de la contester ensuite. En d'autres termes, comment reprocher une incompétence à un salarié à qui on a refusé une formation à ses fonctions alors qu'il en avait lui même exprimé le besoin ? et l'on mesure l'erreur des syndicats. En négociant dans de nombreux accords que la formation suivie en DIF ne pouvait pas être une formation d'adaptation ils ont éloigné le DIF de la fonction du salarié et ont de ce fait, contrairement à leur objectif, réduit le champ des obligations réelles de l'entreprise.

19/05/2009

A nos représentants

La démocratie politique et la démocratie sociale, qui s'affrontent souvent ces temps-ci, ont ceci en commun qu'elles reposent sur la représentativité. J'avais eu l'occasion sur ce blog de constater qu'aux élections prud'homales de décembre 2008 le taux de participation avait été comparable à celui des élections politiques. La comparaison serait d'ailleurs encore moins flatteuse pour le politique s'il fallait comparer avec le taux de participation aux élections européennes. La publication par la CFDT du chiffre de ses adhérents en 2008 nous fournit une nouvelle occasion de comparer démocratie politique et sociale. Le nombre des adhérents de la CFDT en 2008 est de 814 000, sur 16 millions de salariés. Rappelons que l'UMP représente moins de 300 000 adhérents et le PS moins de 200 000. Ce qui signifie que les deux premiers partis de France ne représentent à eux deux qu'à peine plus de 50 % de la première organisation syndicale française. Et demeurent moins importants que la seconde, le CGT, qui revendique environ 600 000 adhérents.

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Casajordi - L'amour du mensonge - 2008

Le sinistre Goebbels disait qu'un mensonge répété mille fois devenait une vérité. Le fait ( le jugement est effectivement présenté comme un fait) que les syndicats ne soient pas représentatifs a bien été martelés sur toutes les ondes, écrit dans tous les journaux. Ramené à la représentativité politique, qui doit se calculer sur un corps électoral d'environ 35 millions de citoyens pouvant voter, la représentativité syndicale est pourant correcte puisque le ration adhérents/population concernée est de l'ordre de 10 % pour l'adhésion syndicale alors qu'il n'est que de 2 % pour l'adhésion politique. Mais l'on continuera à denier aux partenaires sociaux une représentativité pourtant mieux assurée que celle des politiques qui hurlent au loup. Pour ne pas voir celui qui les guette ?

18/05/2009

Du bon usage du matelas

A l'occasion des Trophées du DIF organisés le 19 mars dernier, DEMOS a réalisé une enquête auprès de plus de 1100 salariés pour mieux identifier leur connaissance du droit individuel à la formation et surtout l'usage qui en est fait. Il ressort de cette enquête que nombre de salariés n'utilisent pas le DIF...parce qu'ils le thésaurisent : "je garde mon crédit, on ne sait jamais", "je n'utilise pas mes heures, je pourrai en avoir besoin", "je peux peut être faire autre chose que ce qui m'est proposé", "je ne veux pas utiliser mon crédit pour n'importe quoi"...L'épargne l'emporte sur la consommation et la capitalisation sur l'utilisation. Or, le crédit DIF n'est pas un crédit d'argent mais de temps, et il s'appauvrit si on ne l'utilise pas. En effet, le compteur étant plafonné à 120 heures, il est nécessaire de consommer de manière régulière si l'on ne veut pas perdre des heures. En d'autres termes, c'est l'épargne qui fait perdre du crédit et non la consommation.

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Jean-Pierre Willems - Au regard des divinités

Le bas de laine sous le matelas demeure manifestement très présent dans les comportements : un petit épargnant sommeille en chacun de nous et le rentier n'est jamais très loin. Il est donc nécessaire de rappeler que le matelas n'est pas un coffre-fort mais le support du sommeil et des rêves. Plutôt que de transformer vos matelas en sous-sol de banque, laissez le être le tapis volant de vos rêves....et utilisez votre DIF.

15/05/2009

Visite à Freud

Le Musée de l'Hospice de la Comtesse, à Lille, présente jusqu'au 12 juillet une exposition intitulée Hypnos, images et inconscients en Europe (1900-1949). La découverte de l'inconscient, le pouvoir des rêves, la libération de la parole et des gestes, pas seulement en art, la circulation et fécondation des idées à partir de l'Europe centrale, creuset d'innovation et d'imaginaire, et jusqu'à Paris où les surréalistes, notamment, trouveront matière à s'emparer de l'inconscient pour donner corps aux mots d'ordre de Rimbaud "changer la vie" et de Marx "changer le monde" qui pour eux ne faisaient qu'un. Spirites, médiums, peintres, photographes, dessinateurs, écrivains, toutes les oeuvres exposées ont en commun d'avoir été emportées par la vague de la liberté.

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Frantisek Drtikol - La vague - 1926

Pour savoir s'il est possible de travailler avec un client, le test infaillible consiste à partager un repas. Si l'ennui gagne avant le dessert, a fortiori dès la salade aux herbes folles, il vaut mieux passer son chemin. Déjeuner donc avec une cliente à qui je parlai de l'exposition. L'échange était cordial, joyeux même et portait sur l'hypnose. Lorsqu'elle me parla d'états de confiance modifiés, pour états de conscience modifiés, je me dis que nous allions surement faire de belles choses ensemble. Lille est vraiment une ville superbe !

14/05/2009

L'AFPA à la pêche

Le législateur a parfois, mais si, de l'humour. Environ une fois par an. Après le choix du premier mai 2008 pour l'entrée en vigueur du nouveau code du travail, le projet de loi sur la formation professionnelle qui vient d'être présenté au Parlement retient la date du 1er avril 2010 pour le transfert des personnels de l'AFPA chargés de l'orientation professionnelle au sein de Pole Emploi. Nul doute que les salariés concernés, totalement opposés à la mesure et qui voient dans les premiers mois de fonctionnement de Pole Emploi des raisons supplémentaires de justifier leurs réticences, apprécieront à sa juste mesure le poisson annoncé.

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André Masson - Bataille de poissons - 1926

Que le choix de Pole Emploi soit pertinent est discutable. Que l'orientation professionnelle sorte de l'AFPA l'est beaucoup moins, notamment si l'on veut véritablement mettre à la disposition de toute personne un véritable service d'intérêt général en matière d'orientation professionnelle. La France en ce domaine, souffre d'un déficit chronique. L'orientation s'y trouve segmentée (orientation scolaire, orientation des demandeurs d'emploi, orientation des jeunes, orientation des candidats à une formation...) et trop souvent assurée par une institution qui est juge et partie. L'existence d'un véritable service d'orientation professionnelle suppose des organismes qui soient indépendants de l'offre de formation et de l'offre d'emploi. Mais surtout qui soient en capacité de proposer une véritable information sur les métiers, les filières de formation, les certifications, les conditions d'emploi et de recrutement et qui prennent en compte la réalité des situations personnelles. La fonction de Pole Emploi n'est pas exactement celle-ci et l'on mesure sans peine les contradictions entre la gestion de l'offre raisonnable d'emploi et la mise à disposition d'une véritable prestation d'orientation professionnelle. Plutôt que d'humour potache, c'est peut être de pertinence et d'innovation dont il serait bienvenu que le législateur fasse preuve.

13/05/2009

Vite et bien

L’artisan qui lira le titre de cette chronique pourra être choqué : vite et bien ne vont pas ensemble, le travailleur honnête associe depuis Lafontaine patience et longueur de temps. Le vite fait bien fait sent le petit malin qui bâcle, plus ou moins habilement, mais qui ne travaille pas vraiment. Le véritable labeur requiert du temps, dont la patine est la marque de la conscience et de la peine.

Et pourtant, Picasso, Masson, Pollock, Yves Klein, Matisse, Van Gogh,…

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Schroeder-Sonnenstern - La déesse de la hâte

Le rapport au travail est depuis l’origine du salariat un rapport au temps, et demeure fondamentalement un contrôle du temps. Combien d’entreprises ont conclu avec leur encadrement des conventions de forfaits en jours, censées reposer sur l’autonomie des salariés dans l’organisation de leur  temps de travail, sans rien changer à leurs pratiques manageriales de gestion des temps, des présences, et de mesure de l’investissement personnel par le temps passé. Le management par objectif n’est souvent qu’une cautère sur la jambe de bois du manager demeuré ancré dans le modèle industriel et taylorisé de la gestion des temps. Et l’on voit les comptes rendus d’activité, les fiches de temps, les outils de planification, etc. envahir l’espace, et le temps, des salariés. Ce paradoxe pourrait traduire l’impossibilité de dépasser l’oxymore du salarié subordonné et autonome. Il suffirait pourtant d’identifier les champs respectifs de la subordination et de l’autonomie. Le pouvoir de direction peut s'exercer sur la finalité et les moyens à utiliser (manières de faire) et laisser au salarié la liberté, et donc la responsabilité, de son temps. Tiens ? Liberté ? et si le véritable problème était dans l'insupportable que constitue la liberté d'autrui ? vite, des salariés libres et responsables.

Et pour finir, Malcolm de Chazal : "La pensée voyage à la vitesse du désir"

11/05/2009

Apprendre à désapprendre

Dans la chronique du 6 mai, Proust nous invitait à prendre du recul à partir de l’Odalisque d’Ingres et de l’Olympia de Manet, d’abord opposées par la critique avant de devenir sœurs dans l’excellence. Il constatait également que l’expérience sert rarement de leçon. Une découverte de ce week-end permet de se reposer la question : voyez-vous dans l'Odalisque et l'Olympia ci-dessous des horreurs ou des banalités ou bien de nouveaux chef d'oeuvres qui prendront place aux côtés des précédents ?

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Julieth MARS TOUSSAINT - Odalisque - 2008

Julieth Mars Toussaint expose à la Galerie Guigon à Paris des toiles inspirées de chefs d’œuvre de la peinture que l’artiste se réapproprie avec une grande liberté qui n’exclut pas une totale fidélité. Manifestement, chez lui les leçons du passé sont assimilées. Elles ne conduisent ni à la reproduction ni à l’inhibition mais au contraire favorisent une liberté extrême qui s’exprime avec une force et une vigueur incroyables.

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Julieth MARS TOUSSAINT - Olympia - 2006

Julieth MARS TOUSSAINT dispose d'une solide formation historique et académique. Pour aller sur sa propre voie il a du apprendre à désapprendre ce qu'il savait.

Construction/Déconstruction/Reconstruction, voilà un chemin fécond pour la création. Dans les cursus de formation, on peut construire, c'est bien. Déconstruire est nécessaire mais s'en tenir à cela est désastreux. Reconstruire n'est pas possible si les deux étapes précédentes n'ont pas été respectées. Proust aurait aimé Julieth MARS TOUSSAINT.

Un détail pour conclure : le prénom de Julieth lui a été donnée par sa mère après qu'elle eut déjà perdu deux garçons avant ou à leur naissance. Un ancien consulté lui avait dit : donne à ton futur garçon un nom de fille, il ne mourra pas. Sa peinture est là pour nous prouver que Julieth MARS TOUSSAINT est vivant et bien vivant.

08/05/2009

Bouc émissaire

Le rapport relatif à l’accès au contrat de professionnalisation pour les publics éloignés de l’emploi, remis jeudi 7 mai par Jean-François Pillard au Secrétaire d’Etat à l’emploi Laurent Wauquiez et à Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut commissaire à la jeunesse, fait le constat d’un contrat principalement centré sur les jeunes diplômés et non sur les adultes ou les non diplômés. Parmi les causes avancées, le fait que les organismes de formation seraient maîtres de la prescription et qu’il y aurait une rigidité de l’offre. Une fois de plus, l’organisme de formation fait figure d’accusé et subit l’éternel procès en sorcellerie.

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Goya - Le sabbat des sorcières

Réfléchissons pourtant un peu : si l’offre de formation ne trouvait pas son public, existerait-elle toujours ? en d’autres termes, qui veut le plus du diplôme : le jeune ou l’organisme de formation ? et pourquoi le jeune veut-il un diplôme sinon parce que c’est la meilleure garantie pour l’accès à l’emploi et le sésame indispensable dans bien des politiques de recrutement. Si rigidité il y a, c’est peut être bien dans les pratiques de recrutement et de gestion des ressources humaines et non dans l’offre de formation qui n’est qu’une conséquence et non une cause. Réunissez des jeunes et des familles pour leur demander où va leur choix entre une formation diplômante et une formation qualifiante.

Les contrats de professionnalisation mettent en cause quatre acteurs : l’acheteur (l’entreprise), le consommateur (le jeune), le payeur (l’OPCA) et le prestataire (l’organisme de formation). Faire croire que le vendeur mène le jeu alors que les décisions principales relèvent de l’acheteur, du consommateur et du payeur est peut être un défaut d’analyse. On aimerait qu’il ne s’agisse pas d’une escroquerie intellectuelle.

07/05/2009

Extension du stress

L’ANI sur le stress au travail signé le  8 juillet 2008 par les organisations patronales et syndicales vient d’être étendu. Il est donc applicable aux entreprises et aux salariés des secteurs de l’industrie, du commerce, des services, de la construction et de l’artisanat. Pour l’économie sociale, l’agriculture et les professions libérales, il faudra attendre des accords de branche.

L’accord retient une définition subjectivo-objective du stress : le stress est une perception par le salarié, élément subjectif, d'un décalage entre les contraintes de l'environnement et les ressources dont il dispose pour y faire face, éléments objectifs. Traiter le stress au travail impose donc de travailler sur l'adéquation entre les attentes de l'organisation vis-à-vis du salarié et les moyens mis à sa disposition pour l'exercice de ses missions. Autrement dit, le stress doit s'appréhender de la même manière que tout système de pilotage de la performance et plus globalement comme tout système de management.

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Séverine Romandie - Bleu Stress

Les entreprises auront une alternative pour traiter le stress : soit l'aborder de manière spécifique, soit l'inclure dans une politique plus générale de prévention des risques et de protection de la santé. Plaidons ici pour cette seconde approche qui garantit mieux des dérives contre l'approche excessivement psychologisante du stress, versus la souffrance au travail, pour laisser la question sur le terrain qui doit être le sien : quelles sont les exigences de l'organisation, quels sont les moyens qu'elle met à la disposition des salariés, quels sont les modes de régulation des fonctionnements, comment sont gérées les relations au travail, etc. Bref, il s'agit simplement de ne pas oublier que le stress dont il est question est le stress au travail. L'extension de l'ANI ne doit pas conduire à l'expansion sans limite du stress. Une inversion des valeurs pourrait d'ailleurs conduire à travailler sur les conditions d'amélioration du confort au travail et sur le développement du bien être plutôt que le traitement du mal être. Question purement sémantique ?  hum !

06/05/2009

Proust au Parlement !

Une bande cagoulée et armée pénètre dans un collège : on fera une loi contre la cagoule, les bandes armées et les participants non armés aux bandes armées. Des étudiants bloquent des universités : on fera une loi contre le blocage des universités par les étudiants. Ainsi va la production Parlementaire dans notre pays : à chaque évènement sa loi, signe de l'étroitesse des temps. Pour redonner du coeur à l'ouvrage à nos députés, un petit détour par Proust : "Pourtant les plus vieux auraient pu se dire qu'au cours de leur vie ils avaient vu, au fur et à mesure que les années les en éloignaient, la distance infranchissable entre ce qu'ils jugeaient un chef d'oeuvre d'Ingres et ce qu'ils croyaient devoir rester à jamais une horreur (par exemple l'Olympia de Manet) diminuer jusqu'à ce que les deux toiles eussent l'air jumelles.

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Ingres - La Grande Odalisque - 1814
Mais on ne profite d'aucune leçon parce qu'on ne sait pas descendre jusqu'au général et qu'on se figure toujours se trouver en présence d'une expérience qui n'a pas de précédents dans le passé". Proust, Du côté de Guermantes.
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Manet - Olympia - 1863
La formule peut étonner : descendre jusqu'au général. Notre enseignement sait descendre du général au particulier et nos députés de la loi générale au cas particulier. Mais descendre du particulier jusqu'au général, partir de la situation pour en déduire le concept, voilà qui est moins naturel. Observer puis réfléchir n'est pourtant pas une méthode compliquée, c'est ce que fit Proust pour écrire A la recherche du temps perdu. Et avoir l'humilité de penser que le cas particulier a déjà existé, sous d'autres formes peut être, mais sans aucun doute, ce n'est pas seulement expérimenter l'éternel retour de Nietzsche, c'est constater que la connaissance historique est nécessaire pour donner du sens à l'expérience. Remise en perspective et conceptualisation : nous sommes bien plus près que l'on peut le penser des bandes cagoulées et des blocages d'université. Vite, Proust au Parlement !

05/05/2009

Sortir du cadre ou sortir de soi

L'exercice est un grand classique chez les consultants. Il fait partie de la gamme des exercices qui marchent quasiment à tous les coups. Le point de départ est simple : 9 points formant un carré qu'il faut relier entre eux par quatre traits continus.

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Casse-tête pour les participants : mais où est le truc ? comment y arriver. Solution :
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Sortir du cadre, s'autoriser est en effet la première conclusion que l'on tire de l'exercice. Donnez-vous le droit à la créativité. En réalité, la démonstration prend sa pleine puissance lorsqu'un participant dit : "Mais on ne savait pas que l'on pouvait déborder !'. Qui vous l'a dit ? jamais telle consigne n'a été donnée. Seulement qu'il fallait faire quatre traits continus. Bonne occasion pour s'interroger sur les limites que l'on se fixe à soi-même. Bien souvent, ce ne sont pas les règles qui constituent les contraintes les plus importantes, mais les codes intériorisés.
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Friedrich Schröder-Sonnenstern - Le poisson enchanté - 1954

Le couple qui est dans le poisson enchanté sait-il qu'il est dans le poisson ? connaît-il la liberté de Jonas qui est à l'extérieur ? imagine-t-il seulement que Jonas peut exister ? voilà quelques questions qui vont au-delà de simplement sortir du cadre. Il faut aussi parfois sortir de soi.

04/05/2009

Emulation

Au Palais des lumières d'Evian sont exposées 250 œuvres produites par des artistes ayant été hébergés à la Ruche, lieu mythique de Montparnasse créé par Alfred Boucher, peintre et sculpteur, en 1912. La Ruche n’est pas une école au sens de mouvement, il n’y a pas un style caractéristique de la Ruche et chaque artiste a pu suivre son chemin personnel. Toutefois, la collaboration, l’amitié, la fréquentation, mais aussi l’inimitié, la confrontation voire l’affrontement ont leur part dans les productions individuelles, puisque rares furent les productions collectives. Modigliani, Léger, Soutine, Archipenko...sont passés par la Ruche dans laquelle Ernest Pignon-Ernest a un atelier.

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Ossip Zadkine - Un couple

 Dans cet univers de vie et de travail, les influences réciproques ne sont jamais automatiques ou hasardeuses, elles ne sont pas certaines mais elles existent. Dans quelle mesure l'oeuvre d'autrui a-t-elle influencé mon travail ? quelle est la part d'Ingres dans Picasso ? la part de David ou Raphael dans Ingres ? la réponse est impossible, comme il est peu probable de déterminer la part exacte des lectures d'un écrivain dans la production de ses livres.

L'expérience de la Ruche, comme celle des mouvements artistiques du XXème siècle, nous montre que la compétition, et a fortiori la concurrence qui n 'en est qu'une modalité fruste, n'est qu'une des formes possibles de l'émulation. Alors que des entreprises développent le concept de "concurrence interne compétitive", il pourrait être judicieux de réfléchir aux autres manières possibles de susciter de l'émulation et de la coopération. Pour ceux qui verraient en ce souhait une douce utopie, dont par ailleurs nous manquons cruellement, cette phrase de Modigliani figurant au regard des tableaux exposés à Evian : "Ton devoir réel est de sauver ton rêve".