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23/04/2009

Tous dopés

« Je me dopais légèrement aux amphétamines, un comprimé de Corydrane installait, selon la formule de Sartre, « un soleil dans ma tête », À lui un comprimé ne suffisait pas, il voulait un très grand soleil et mâchait par poignées la Corydrane qu’il réduisait en une bouillie acide, se détruisant la santé en toute conscience au nom de ce qu’il appelait le « plein emploi » de son cerveau. La Corydrane m’a aidé quand j’écrivais de nombreux articles, mais il fallait savoir la doser, son effet était bref et on ne pouvait éviter ni la tétanisation de la mâchoire inférieure ni l’état dépressif qui survenait lorsqu’elle cessait d’agir. J’y ai renoncé il y a bien longtemps, avant même que les amphétamines, sous toutes leurs formes et appellations (les pilotes de bombardiers de la Royal Air Force, qui avaient une longue route à parcourir pour atteindre leur cible sur la terre allemande et en revenir, se tenaient éveillés grâce à la Benzédrine), ne soient interdites. » Ce passage des mémoires de Claude Lanzmann ("Le lièvre de Patagonie"), qui est un document extraordinaire, nous renvoie aux difficiles et multiples questions posées par les stimulants de la performance : faut-il voir dans l’indulgence du public pour les cyclistes dopés, au-delà du désir que le rêve ne se brise pas, une tolérance pour une pratique banalisée dans un pays qui figure en tête de la consommation de médicaments ?

 

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Henri Michaux - Encre

Faut-il remettre en cause la beauté des encres de Michaux pour ce qu’elles doivent à la mescaline ? que l’on sache, la potion magique ne disqualifie en rien Astérix. Considérons plutôt, comme le suggère Lanzmann, que l’usage de stimulants porte des potentialités inverses : la création et la destruction, l’inhibition et la libération, la stimulation et l’apathie, l’autonomie et la dépendance. Sade nous avait déjà appris que la quête d’absolu réduit à rien la frontière entre le vice et la vertu. Alors libre à vous, mais restez libres.

Et pour que ne subsiste aucune ambiguÏté, affirmons qu’en sport c’est moins l’usage de drogues que la tricherie qui est insupportable.

08/10/2008

Stupéfiant

La définition de l'accident du travail suscite un contentieux qui ne manque pas de sel. On se souvient qu'a été considéré comme un accident du travail le meurtre d'un salarié par un inconnu cagoulé et jamais retrouvé, perpétré sur le lieu de travail. Il est vrai que l'affaire s'est déroulée en Corse. Dans un décision en date du 13 décembre 2007, ce qui  en ces temps d'actualité sociale frénétique semble un temps immémorial, la Cour de cassation fait preuve de créativité, ou d'humour, ou les deux : un chauffeur ayant consommé du cannabis a un accident suite à une perte de contrôle de son camion. L'employeur conteste en vain le caractère d'accident du travail. Comme le dit la Cour : "l'usage de stupéfiants n'a pas fait disparaître le lien de subordination" (Cass. civ., 13 décembre 2007, 06-21.754). Le contrat de travail résiste donc au cannabis, ce qui permettra à l'employeur de pouvoir sanctionner le comportement du salarié, tout en assumant les conséquences financières de l'accident de son préposé.

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Henri Michaux - Dessin réalisé sous l'emprise de la Mescaline
Dans une décision plus récente, la Cour de cassation apporte une précision importante quant à la possibilité pour le salarié d'intenter une action en responsabilité de l'entreprise pour faute inexcusable. Un salarié victime d'un accident est pris en charge au titre de la maladie, et non des accidents du travail, par la sécurité sociale. Le salarié, se basant sur le caractère professionnel de l'accident, intente une action en responsabilité pour faute inexcusable contre l'entreprise, qui se défend en soulignant que la CPAM n'a pas reconnu le caractère d'accident du travail. Peu importe répond la Cour de cassation, la reconnaissance de l'accident par la sécurité sociale n'est pas un préalable nécessaire à l'action en responsabilité du salarié. Il suffit de démontrer le caractère professionnel (Cass. civ, 20 mars 2008, n° 06-20.348). Si le salarié doit démontrer que l'accident est bien un accident du travail, il n'est pas nécessaire donc que la CPAM ait reconnu comme tel l'accident. L'histoire ne dit pas si l'employeur s'est mis à fumer du cannabis pour attendre sereinement la décision de la Cour d'appel vers laquelle l'affaire est renvoyée pour juger du caractère professionnel ou non de l'accident.