21/07/2011
Chapitre 1 Dans lequel la santé professionnelle du salarié est un secret
La notion de compétence professionnelle du salarié est apparue pour la première fois dans le Code du travail en 1991, lorsque la loi du 31 décembre a créé le bilan de compétences.
Né de la pratique (dans les plans de reclassement du charbonnage puis de la sidérurgie), le bilan de compétences répondait également à une demande syndicale : la création d’un droit à l’orientation professionnelle que Jean-Paul Murcier, membre de la CFDT, appelait de ses vœux dans un rapport réalisé pour le Comité Economique et Social (1980).
Cette demande s’était heurtée à une opposition patronale, en vertu du principe selon lequel l’employeur doit être le seul juge des compétences de ses salariés.
René Magritte - Le joueur secret
Les années 80 auront vu une inversion de cette position. C’est le MEDEF (CNPF à l’époque) qui assurera la promotion de la notion de compétences à la fin des années 80. La compétence était à la fois le moyen de régler au niveau des individus les questions que l’organisation ne parvenait pas à prendre en charge collectivement, une approche nouvelle de la notion de qualification et une nouvelle manière d’appréhender le travail à travers les compétences requises pour l’effectuer, ce qui garantissait mieux la possibilité d’identifier des passerelles entre les emplois.
Dans cette logique, le bilan de compétences est un outil d’évaluation mais également d’orientation et d’aide à la mobilité. Toutefois, le bilan de compétences ayant une dimension personnelle, le législateur le consacrera en l’entourant de garanties : le bilan de compétences est un droit reconnu au salarié, il ne peut y être contraint, il est seul destinataire des résultats.
Avec un droit à un financement tous les 5 ans, le bilan de compétences est au final calqué sur le droit au bilan de santé quinquennal financé par la sécurité sociale. Le bilan de compétences ? un droit au bilan de santé professionnelle.
Demain, chapitre 2 : Qui illustre les méritoires efforts du droit pour préserver la possibilité de schizophrénie du salarié
11:45 Publié dans DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : compétence, formation, magritte, peinture, bilan de compétences, santé, secret
14/10/2010
Le malin et le couillon
Nombre de salariés sont déçus par les résultats du bilan de compétences qu'ils ont suivi. Travail essentiellement personnel et peu professionnel, psychologisation excessive du travail réalisé, absence d'analyse fine des compétences, renvoi à un travail personnel pour aller plus loin, méconnaissance des emplois et/ou secteurs vers lesquels on oriente, sentiment d'avoir un bilan horoscopique c'est à dire formulé en des termes si généraux que, comme dans l'horoscope, tout est vrai et faux à la fois, etc. Inévitablement, les salariés déçus se plaignent des prestataires. Au dernier plaignant rencontré j'ai demandé comment il avait choisi l'organisme : "L'entreprise m'a donné une liste, et j'ai retenu celui qui était le plus près de chez moi". Certes, le bilan se déroule par étapes et le côté pratique n'est pas à négliger. Mais à être si peu exigeant sur l'achat, il ne faut pas totalement s'étonner de ne pas se retrouver dans le résultat. Selon l'adage du Sud-Ouest : "Tant qu'il y aura un couillon pour acheter, il y aura un malin pour vendre". Autrement dit, la qualité est d'abord le problème de l'acheteur avant d'être celui du fournisseur.
Couillon qui fait le malin, maline qui n'est pas dupe
Qui veut acheter un bilan de compétences doit se comporter en consommateur avisé. Il peut, par exemple, poser trois questions :
- quel type de bilan réalisez- vous ? les objectifs du bilan de compétences sont tellement larges, qu'il serait bon signe que le prestataire ne délivre pas qu'un type de prestation mais dispose d'une gamme de deux ou trois bilans différents (bilan-orientation, bilan-validation de projet, bilan-évaluation par exemple).
- pouvez-vous me montrer un exemple de synthèse de bilan, anonyme évidemment ? qui se réfugie derrière la déontologie pour ne rien montrer de ses productions pourra être évité. Et l'on pourra juger sur pièce si le type de résultat produit convient à la demande.
- est-ce que j'aurai l'occasion de travailler avec plusieurs personnes et quel est leur profil ? les organismes paritaires qui agréent les prestataires de bilan ont souvent, par leurs critères, généré une surreprésentation des psychologues chez les prestataires de bilan, en vertu du principe qu'ils sont seuls habilités à réaliser certains tests de personnalité. Il est souhaitable de vérifier si c'est un travail de ce type qui est recherché et de déterminer de quelle manière il sera procédé à l'établissement et à l'évaluation des compétences et dans quelle mesure elles pourront être contextualisées, c'est-à-dire rapprochées de situations d'activités correspondant aux conditions d'exercice souhaitées. Délicat d'orienter vers un métier de métrologue si l'on pense qu'il s'agit de prévisions météo.
Si le questionnement vous ennuie, achetez le journal du jour et lisez votre horoscope, vous soutiendrez la presse qui en a bien besoin, vous économiserez temps et argent et vous disposerez sans délai de votre synthèse écrite.
00:10 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : bilan de compétences, formation, couillon, horoscope, psychologue, tests, orientation professionnelle
17/06/2009
Le temps des bilans
Le législateur a créé le bilan de compétences, qui devait permettre au salarié de disposer d’un véritable droit à l’orientation, ce qui aurait notamment supposé que le bilan n’oscille pas entre horoscope et cartographie des goûts personnels voire miroir de l’âme du jour. Les partenaires sociaux ont créé l’entretien professionnel, qui devait permettre à l’employeur de livrer au salarié un diagnostic prévisionnel sur son emploi et sa situation dans l’entreprise, ce qui aurait supposé qu’il ne soit pas absorbé par l’évaluation des performances et ne se résume pas à un recueil de souhaits des salariés. Les partenaires sociaux viennent de créer, ou d’essayer de créer du fait de l’opposition de trois syndicats à l’ANI du 3 mars 2009, le bilan d’étape professionnels. Ce bilan, qui ne peut être réalisé par la hiérarchie directe, doit permettre tous les cinq ans à l’employeur et au salarié d’envisager l’avenir professionnel du salarié au sein de l’entreprise. Le projet de loi de réforme de la formation professionnelle s’est emparé du bilan d’étape professionnel pour en poser les fondements, le contenu devant être fixé par décret. Emoi des partenaires sociaux qui s’écrient : le bilan est à nous, c’est nous qui devons le définir. Mais les mois passent et la négociation sur ce sujet n’a guère avancé après l’échec de début mars.
Entretien professionnel, bilan de compétences, bilan d’étape professionnel, nous sommes donc dans le temps des bilans pour, comme dirait un homme politique, trouver dans le passé les racines de l’avenir. Quelle cohérence entre ces trois actions ? elle n’est pas difficile à établir : l’entretien relève de la hiérarchie directe et envisage la professionnalisation dans le cadre de la fonction – le bilan d’étape professionnel relève de l’entreprise, mais pas de la hiérarchie directe, et envisage la professionnalisation dans le cadre de l’entreprise – le bilan de compétences ne relève pas de l’entreprise et envisage la professionnalisation au-delà de l’entreprise. Peut être le temps est-il venu d’acter ces distinctions et de repenser le contenu de ces trois actions. Le temps du passage à l’acte en quelque sorte.
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation professionnelle, réforme, bilan d'étape professionnel, bilan de compétences, entretien professionnel, ani
21/11/2008
Pour quel métier êtes-vous fait ?
L'orientation professionnelle fait l'objet d'une des tables rondes mises en place par le Gouvernement dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle. Le besoin d'orientation est immense en France et n'est pas satisfait. Le bilan de compétences n'a su occuper cette place vide, par défaut de diversification des prestations qui, trop souvent, travaillent sur le personnel et non véritablement sur le professionnel. La question "pour quel métier êtes-vous fait ?" prend souvent le pas sur la question : "quelles activités pouvez-vous ou souhaitez vous exercer ?". Dans le premier cas on part de la personne, dans le second cas on part de l'activité. S'agissant d'orientation professionnelle, la seconde démarche paraît préférable en ce qu'elle n'établit pas un diagnostic définitif sur un individu. Comment gérer une personne qui a du mal à assumer des fonctions en ressources humaines dans une entreprise et qui vient vous voir en vous expliquant que le bilan de compétences a révélé qu'elle était faite pour les ressources humaines ?
Est-on véritablement fait pour une activité ?
Magritte a modifié totalement sa peinture en découvrant la toile de De Chirico "Le chant d'amour" : "Mes yeux ont vu la pensée pour la première fois" a-t-il dit en voyant l'oeuvre. Nos activités, et plus largement nos vies, sont faites de rencontres imprévues qui peuvent en modifier profondément le cours. Plutôt que de céder à la tentation de se rassurer en essayant vainement de mettre de la cohérence là où il n'y en a souvent pas, pourquoi ne pas accepter que les parcours de chacun ne soient pas linéaires et prédéterminés ? chacun de nous est atypique.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : chirico, magritte, orientation professionnelle, bilan de compétences, métier
07/11/2008
L'orientation, de quel droit ?
L'orientation professionnelle est à la fois le thème d'un groupe de travail mis en place par le Gouvernement et un sujet qui sera traité lors de la négociation entre les partenaires sociaux en matière de formation professionnelle. L'orientation professionnelle, en France, n'a jamais véritablement été mise à l'honneur. Réduite pour l'essentiel à de l'orientation scolaire et universitaire pour les élèves et étudiants, morcelée entre différentes institutions et publics dans le domaine de la formation continue, elle n'a pu s'établir ni dans son contenu ni institutionnellement. La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF montre comment le bilan de compétences n'a pas su ou pu générer un véritable droit à l'orientation et pourquoi l'entreprise ne peut assumer cette fonction.
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : orientation, bilan de compétences, entretien professionnel, réforme, formation