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08/05/2009

Bouc émissaire

Le rapport relatif à l’accès au contrat de professionnalisation pour les publics éloignés de l’emploi, remis jeudi 7 mai par Jean-François Pillard au Secrétaire d’Etat à l’emploi Laurent Wauquiez et à Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et Haut commissaire à la jeunesse, fait le constat d’un contrat principalement centré sur les jeunes diplômés et non sur les adultes ou les non diplômés. Parmi les causes avancées, le fait que les organismes de formation seraient maîtres de la prescription et qu’il y aurait une rigidité de l’offre. Une fois de plus, l’organisme de formation fait figure d’accusé et subit l’éternel procès en sorcellerie.

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Goya - Le sabbat des sorcières

Réfléchissons pourtant un peu : si l’offre de formation ne trouvait pas son public, existerait-elle toujours ? en d’autres termes, qui veut le plus du diplôme : le jeune ou l’organisme de formation ? et pourquoi le jeune veut-il un diplôme sinon parce que c’est la meilleure garantie pour l’accès à l’emploi et le sésame indispensable dans bien des politiques de recrutement. Si rigidité il y a, c’est peut être bien dans les pratiques de recrutement et de gestion des ressources humaines et non dans l’offre de formation qui n’est qu’une conséquence et non une cause. Réunissez des jeunes et des familles pour leur demander où va leur choix entre une formation diplômante et une formation qualifiante.

Les contrats de professionnalisation mettent en cause quatre acteurs : l’acheteur (l’entreprise), le consommateur (le jeune), le payeur (l’OPCA) et le prestataire (l’organisme de formation). Faire croire que le vendeur mène le jeu alors que les décisions principales relèvent de l’acheteur, du consommateur et du payeur est peut être un défaut d’analyse. On aimerait qu’il ne s’agisse pas d’une escroquerie intellectuelle.

20/03/2009

Bulle papale et démocratie

Dans une théocratie, la bulle papale, relai direct de sa parole et de la parole divine, tient lieu de loi. De la puissance politique à l'acte juridique, il n'y a donc qu'un pas, ou plutôt qu'une main couchant par écrit la pensée souveraine d'un seul. Dans une démocratie, l'élaboration de la règle relève d'un processus plus complexe qui caractérise l'Etat de droit. Lorsque celui-ci s'appuie à la fois sur une démocratie sociale, qui organise une régulation sociale par des acteurs privés, et une démocratie politique, qui organise une réglementation produite par des acteurs publics, il peut en résulter des délais de mise en oeuvre et des compromis sur le fond, parce que l'élaboration de la règle est collective, dont d'aucuns pourraient penser qu'ils sont gage de lenteur et d'inefficacité et donc source de tous les conservatismes.

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Francis Bacon - Portrait du Pape Innocent X - 1953

Tel est pourtant le prix à payer pour l'Etat de droit. A l'occasion de la prochaine publication du projet de loi élaboré dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et de l'ANI du 7 janvier 2009, la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, rappelle que la transposition d'un accord collectif, unanime qui plus est, ne peut se faire à n'importe quelle condition et que la croyance selon laquelle la loi n'est que l'outil de la volonté du gouvernant est au mieux une mystique au pire une négation de l'Etat de droit. Le livre III des Essais de Montaigne, rédigé entre 1580 et 1588, dénonçait déjà la fascination des Français pour la loi en ces termes : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Epicure... Les plus désirables, ce sont les plus rares, simples et générales ». Puisse le législateur conserver le sens de l'histoire et du droit, piliers de notre démocratie.

12/01/2009

Ondine à l'auberge

Dans l’Amour fou, André Breton rapporte qu’il entendit « Ici l’Ondine » dans une auberge où un plongeur disait à la serveuse : « Ici l’on dîne ». Cette poésie du quotidien doit être vivement conseillée au Secrétaire d’Etat à l’emploi qui nous assurait jeudi 8 janvier que l’offre de formation ne peut être une auberge espagnole sans traçabilité, sans évaluation et sans un minimum de clarté. Selon Laurent Wauquiez, en effet : "Aujourd'hui, quand vous vous engagez dans une formation, il n'y a rien de prévu pour dire quels sont les objectifs à atteindre."

Ayant du mal à distinguer le repas dans une telle auberge, la probabilité qu’il y voit l’ondine est quasi nulle.

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P. Dupuis - Ondine jouant dans les flots

La suspicion illégitime (voir chronique du 9 octobre 2008) à l’encontre des organismes de formation persiste. Mais la solution va manifestement être trouvée : elle réside dans un portail internet sur lequel tous les organismes de formation seraient référencés avec leur fiche d’identité selon la proposition du groupe de travail sur  l'offre de formation présidé par Charlotte Duda, par ailleurs également présidente de l'ANDRH. Big brother ? non, transparence ! et attendons nous à ce que ces drôles d’auberges que sont les organismes de formation fassent l’objet d’avis des clients, pardon des stagiaires : « Organisme à éviter, ils m’ont mal évalué », « organisme nul, ils ont remis en cause tout ce que je savais », « organisme épatant, ce sont les premiers à reconnaître ma vraie valeur », etc. Et la suspicion du Secrétaire d’Etat devrait persister : les renseignements fournis par l’organisme sont-ils sincères ? les stagiaires élogieux ne sont-ils pas des formateurs masqués ? les moyens annoncés sont-ils bien réels ? et pour faire simple : la fiche de renseignements garantit-elle que l’organisme existe bien ? il faudra sans doute qu'un nouveau groupe de travail lui suggère de créer une police du portail pour contrôler tout cela.

A ne voir que fraude a priori non seulement on ne pose pas la seule question qui vaille, c’est-à-dire qui sont les acheteurs et pourquoi ne sont-ils pas vigilants si la qualité de l’offre est si discutable, mais en plus on exclut tout système de confiance et surtout….on se prive de l’ondine !

29/07/2008

Montrer le chemin

Si je vous montre le chemin, est-ce que je vous rends service et vous évite de vous perdre, ou bien est-ce que je suis dirigiste et ne vous autorise pas à tracer votre propre route et à voyager en autonomie ? Les partitions, en musique baroque, sont très peu écrites et laissent une large place à la créativité de l'interprète : faut-il s'en plaindre ? dans un autre domaine, le GPS libère-t-il l'esprit qui n'a pas à se soucier de la route et peut donc vagabonder ou bien contraint-il le conducteur qui suit le fil rouge sans se poser davantage de questions. On constate souvent que lorsque le besoin disparaît, l'organe ne tarde pas à faire de même (souvenons nous de ces araignées trouvées dans une grotte dont l'entrée était obstruée par l'eau depuis plusieurs centaines d'années : plongées dans l'obscurité totale, dans laquelle elles ont survécu, les araignées étaient totalement dépigmentées et avaient perdu leurs yeux).
 
Alors, montrer le chemin au risque de vous faire perdre vos capacités à le trouver vous même, ou simplement vous aider dans votre voyage ?
 
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Paul Klee - Route principale et routes secondaires
 
En fixant de manière précise le cadre de la négociation à venir sur la réforme de la formation professionnelle, le Gouvernement rend-il service ou bien intervient-il de manière trop dirigiste au risque de limiter la capacité de créativité de la négociation à venir ? il faudra attendre au moins la fin de l'année pour avoir la réponse.
 
 

18/06/2008

La liberté est un combat

Le principe est pourtant consacré dans l'article 1 du nouveau code du travail : le Gouvernement s'impose avant toute réforme dans le champ des relations de travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'engager une concertation avec les partenaires sociaux. Ceux-ci font ensuite connaître au Gouvernement leur intention de négocier, ou pas, et en cas de négociation le délai nécessaire pour la mener à bien.

Jamais la démocratie sociale n'avait été affirmée avec autant de force. Priorité à la négociation, le Gouvernement et le Parlement conservant ensuite, bien évidemment leur rôle.

Mais ce scénario raisonnable n'est pas exactement celui qui se joue dans la négociation sur la réforme de la formation professionnelle, preuve que laisser la liberté de négociation aux partenaires sociaux est plus facile à écrire qu'à mettre en oeuvre. Pour ces derniers, l'autonomie de la négociation est un combat.

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Magritte - Au seuil de la liberté
 
 
Le contournement des textes a commencé avec la nomination d'un groupe quadripartite (Etat, Régions, Organisations patronales, Organisations syndicales) qui n'est pas exactement la concertation organisée par l'article 1 du Code du travail qui prévoit que le Gouvernement doit présenter un document d'orientation avec son diagnostic, ses objectifs et ses options. Comme l'a rappellé mardi 17 juin le représentant du MEDEF, un travail en groupe quadripartite ne saurait se substituer à une véritable négociation et aboutir à des conclusions ayant vocation à être reprises par ladite négociation.
 
Ce même jour, Laurent Wauquiez a déclaré réfléchir à une loi qui viendrait préalablement fixer le cadre de la négociation ou bien à la définition, toujours préalable, de ce qui relève de la loi et ce qui relève de la négociation. Or en matière de formation professionnelle, la compétence des partenaires sociaux n'est pas bordée par celle du législateur. Les champs de compétence sont les mêmes, ce n'est que la nature de la règle produite qui diffère.
 
Notre tradition jacobine a manifestement la vie dure. Nos gouvernants pourraient toutefois se souvenir que lorsque l'accord a précédé la loi (en 1970, en 1982-82, en 1991, en 2003), les résultats sur les dispositifs de formation ont été bien meilleurs que lorsque la loi est intervenue préalablement à la négociation (en 1993 par exemple).  
 
Le respect de l'autonomie des partenaires sociaux est décidément un exercice  périlleux et leur liberté se trouve bien surveillée. Conduire l'autre à l'autonomie, et s'en réjouir, n'est-ce pourtant pas l'ambition de la formation et plus largement de l'éducation ?