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04/05/2013

Groupé pénétrant

Au rugby, cela s'appelle aussi une cocotte ou une tortue. Le terme officiel c'est "maul". C'est pourtant un truc pour les durs. De l'extérieur, c'est un joyeux bordel plus ou moins organisé. De l'intérieur, c'est éminemment technique, tant pour l'équipe qui avance que pour celle qui tente de défendre. Très difficile d'ailleurs la défense : interdit de faire écrouler le maul, interdit d'entrer par les côtés, obligation de poussser droit, le seul moyen de récupérer le ballon est soit de bloquer le maul, soit d'empêcher toute libération de balle, par exemple en ceinturant à deux le porteur du ballon. De ce fait, c'est extrêmement efficace, outre que c'est un moment de plaisir pour les spectateurs lorsqu'ils voient cette chenille de presque dix-huit mètres sans chapeau sur la tête avancer inexorablement telle un piston hydraulique.

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En créant des actions de groupe, ou class action, dans le secteur de la consommation, le Gouvernement met à la disposition des consommateurs et des organisations qui les représentent, une forme d'action sur laquelle il est tout aussi difficile de défendre que sur un maul. Mais si elle est nouvelle en matière de consommation, l'action de groupe est déjà ancienne en matière sociale. En effet, il est admis de longue date qu'une organisation syndicale puisse agir devant les prud'hommes au nom de dizaines, voire de centaines de salariés qui lui ont donné mandat. Le collectif ainsi constitué est certes considéré comme un ensemble d'actions individuelles, il n'en reste pas moins que sa puissance est sans égale et que ces actions collectives sont redoutables pour les employeurs. Peut être d'ailleurs la publicité faite à ces mesures nouvelles redonnera-t-elle quelques idées aux syndicats, seuls habilités à agir dans le champ social. Surtout que le fait d'être prévenu n'est pas d'un grand secour aux défenseurs !

10/04/2013

Ils n'en veulent plus

Il en reste plein qui en veulent. La majorité peut être. Mais il y en a de plus en plus qui n'en veulent plus. Il n'en veut plus ce dirigeant qui demande à reprendre une fonction d'expertise, elle n'en veut plus cette directrice administrative qui devient consultante, elle n'en veut plus cette responsable ressources humaines qui reprend un poste d'adjointe, ils n'en veulent plus tous ces managers épuisés. Epuisés par quoi et qui ne veulent plus de quoi ? manager. Ils n'ont pas peur des objectifs, de la pression économique, de leur travail, de la technique, des challenges, des défis. Ils sont laminés par la relation manageriale, par le rapport à autrui, par les discussions permanentes, par le concours Lépine de l'autre manière de faire qui est toujours meilleure que celle proposée, par la contestation érigée en mode de relation, par le fait de passer pour le grand Satan représentant de la direction, par l'écoute des problèmes personnels déballés à toute occasion et que l'on se verra reprocher de prendre en compte, ou pas, selon les cas, bref les fatigués de l'encadrement, les mortifiés de l'animation d'équipe, les écoeurés de la concertation, les dézingués du collectif. Pour eux, l'enfer c'est les autres.

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Photo : Sarahfisthole

Certes, on pourrait trouver la réciproque : les révoltés de l'arbitraire managerial, les excédés du petit chef vraiment petit, les lassés de l'incompétent qui les dirige, les désespérés de l'imbécile qui nie leur intelligence, les blasés d'être managés par des promoteurs d'eux-mêmes avant que d'être des promoteurs de l'activité, et tous les démotivés, retirés, absents, découragés, déboussolés ou désorientés par leur hiérarchie. Pour eux aussi l'enfer c'est les autres. Au total, jamais la relation à l'autre n'aura été si problématique, conflictuelle, compliquée, ingérable. Le problème, c'est qu'elle demeure aussi une source de satisfaction, car si l'enfer c'est les autres, le paradis aussi.

06/04/2013

Ombre et lumière

Avouez que pour un pays champion de la consommation du médicament prozaïque, dont la dépression est la seconde nature, nous vivons une période, comme diraient les grammairiens, de concordance des temps : le froid, la pluie, la neige, la crise économique, la crise politique, le chômage, les licenciements, le ministre du budget qui fraude, le président nord-coréen qui confond ses jouets et les missiles nucléaires, la grippe aviaire qui repart en Chine, Carla bruni qui sort un nouveau disque et le Stade Toulousain qui est éliminé des compétitions européennes. Dans cette grisaille ambiante, on guette en vain le rayon de soleil, le coin de ciel bleu qui pourrait annoncer qu'un jour la chenille deviendra bien papillon.

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Hé oui, tout le monde est susceptible de muter, tout individu est potentiellement schizophrène (Jacques, ami psychanalyste, si tu me lis peux-tu confirmer ?) et porte en lui les possibilités inverses. Et dans certains cas, comme s'emploie à le démontrer Cahuzac, peut mettre autant de sincérité à traquer les fraudeurs que d'énergie à frauder lui même. Et à propos de sincérité, un petit commentaire juridique, pour vérifier que l'ombre n'est pas très loin de la lumière.

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Connaissez-vous la différence entre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale ? la fraude c'est quand on se fait prendre ou quand on a pas un conseil suffisamment habile pour faire ce que l'on veut en toute légalité. Le Monde nous apprend ces jours ci comment la Société Générale, BNP Paribas ou encore Goldmann Sachs font la différence entre les deux (voir par exemple ici). A propos de Goldmann Sachs, c'est la Banque qui a longtemps conseillé la Grèce pour l'aider à dissimuler ses déficits. Amusant lorsque l'on voit aujourd'hui les anglos-saxons se déchaîner contre Chypre. Cette manie de mettre en cause les pays du Sud est plaisante lorsque l'on consulte la liste des paradis fiscaux, dont la majorité se trouvent sous domination britannique et dont quelques uns ne sont pas dans la méditérannée mais dans des mers qui se trouvent au nord de la Loire, tels Jersey ou Guernesey ou encore l'île de Man (voir ici les ombres et lumières britanniques). Mais le voile d'ombre restera jeté sur ces paradis du nord, tandis que l'on mettra en lumière ceux du Sud. Après tout, ils ont le soleil, il faut bien qu'ils en paient le prix.

29/03/2013

Indémodable club des cinq

Comme la série était publiée dans la bibliothèque rose, j'ai longtemps considéré que le Club des cinq, c'était pour les filles. Et je m'en tenais aux romans d'aventure de la bibliothèque verte (James Oliver Curwood, Jules Verne, etc.). Et puis ce Club des cinq qui ne sont que quatre, c'est le chien Dagobert qui fait le cinquième, cela entre mal dans la rationalité des jeunes garçons. Mais un jour, j'ai quand même ouvert un des titres, et j'ai commencé à lire. Par défaut d'autre lecture ? pour aller y voir par moi-même ? parce que la petite gitane sur la couverture était piquante ? je n'en ai strictement aucun souvenir, juste que j'ai ensuite englouti tous les titres. Et reste le souvenir qu'à dix ans on est plus malin que les adultes, ce qui est toujours vrai tant les adultes ont souvent le chic de s'alourdir au fil des ans, et que les filles, c'est tout de même plus intéressant que les garçons. Surtout les petites gitanes malines.

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Le Club des cinq et les gitans est paru en 1966. Un an avant que le Ministère du Travail n'accorde une présomption de représentativité aux 5 Confédérations Syndicales : CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC et CFE-CGC. Celles là même dont la représentativité est régulièrement contestée par ceux qui connaissent peu la chose syndicale, ou qui feignent de ne pas la connaître. Car la représentativité, comme nous le rappelle la loi du 20 août 2008, est basée non pas sur le nombre d'adhérents (sinon les partis politiques seraient moins représentatifs que les syndicats), mais sur l'audience électorale. Et celle-ci vient d'être mesurée au cours des quatre dernières années. Plus de 5 millions de salariés se sont exprimés et l'audience ainsi calculée donne les résultats suivants :

ORGANISATION

AUDIENCE ELECTORALE

CGT

CFDT

CGT-FO

CFE-CGC

CFTC

UNSA

SUD

26,77

26

15,94

9,43

9,30

4,26

3,47

Soit une représentativité maintenue pour le Club des cinq (puisqu'il fallait obtenir au moins 8 % des voix au niveau interprofessionnel) et quelques efforts encore à faier pour les deux autres confédérations. Et à ceux qui seraient tentés par le "tout ça pour ça", les 5 mêmes organisations restant représentatives, on fera juste remarque qu'elles viennent de passer d'une représentativité octroyée à une représentativité obtenue par le vote, ce qui disqualifie le procès en légitimité. Ce souci étant réglé, vous pouvez profiter du week-end pascal pour vous replonger dans les aventures de Claudine et de ses amis.

25/03/2013

Flaubert et la formation

 Si l'on s'en tient à sa définition, une idée reçue est une opinion située entre le stéréotype, le cliché et le lieu commun. L'idée reçue a comme caractéristique : d'être très répandue, d'être tenue pour évidence qui n'a plus besoin d'être démontrée, de permettre d'éviter de se poser des questions gênantes et au final de ne plus nécessiter de réfléchir. D'où son succès.

Lorsque Flaubert écrivit son Dictionnaire des idées reçues, il n'y fit pas figurer la formation, ni l'enseignement ou l'éducation. Peut être l'époque n'y associait-elle pas d'idées reçues.

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René Thomsen - La maison de Flaubert - 1897

Elle s'est bien rattrapée depuis car les diagnostics portés à la va vite sur notre système de formation professionnelle ne manquent pas, encore la semaine dernière par l'Institut Montaigne, récidiviste en matière de colportage d'idées reçues. En voici dix rassemblées dans une chronique écrite pour l'AEF, avec Jean-Marie Luttringer, qui prend la peine d'expliquer pourquoi il serait bon que toute réforme éventuelle de la formation commence par écarter les idées trop facilement reçues.

Flaubert en formation ou le dictionnaire des idées reçues sur la formation.pdf

Et pour ceux qui seraient curieux de la beauté de la Fornarina, un bonus :

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Raphael - Portrait d'une jeune femme (La Fornarina)

22/03/2013

A qui sociaux ?

Cela fait partie de ces phrases, tellement entendues qu'elles paraissent proférer des évidences et ne méritent plus guère qu'on s'y attarde. A chaque manifestation, chaque mouvement social, il est question des acquis sociaux chèrement acquis par la lutte et qu'il s'agit de défendre. Et toute l'histoire du travail se trouve revisitée par cette antienne : les avancées sociales sont le fruit de luttes qui créent des rapports de force favorables. Sauf que l'on est plus souvent dans le mythe que dans la réalité. Pour s'en tenir au dernier siècle, les acquis sociaux majeurs datent de 1936 (congés payés, semaine de 40 heures), de 1945 (sécurité sociale, comités d'entreprise), de 1968 (augmentation du SMIC, reconnaissance des syndicats dans l'entreprise), de 1982 (39 heures, retraite à 60 ans, lois Auroux) et de 1998 (35 heures). 

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Si le Front Populaire s'est appuyé sur les grèves et occupations d'usine et les accords Matignon de 36 (et encore, les congés payés ne faisaient pas partie des revendications syndicales prioritaires), ce n'est véritablement qu'en Mai 68 qu'il y eût un vrai rapport de force  exclusivement dû à un mouvement social qui aboutit à l'obtention d'acquis sociaux actés par les accords de Grenelle.Dans tous les autres cas, ce que l'on peut désigner comme acquis sociaux résulte soit d'un contexte historique, avec le Gouvernement d'union nationale présidé par le Général de Gaulle en 1945 qui mit en oeuvre le programme du Conseil National de la Résistance, soit de l'arrivée de la gauche au pouvoir. Enfin, jusqu'en 1998 parce qu'il y a peu de chances que 2012, ou 2013, soit à rajouter aux grandes dates de l'histoire sociale.

11/03/2013

Equilibre

Laurence Parisot en fait injonction au Gouvernement et au Parlement : impossible de toucher à l'ANI qui a été signé le 11 janvier 2013 sans en bouleverser l'équilibre. Les parlementaires devront s'en tenir à reprendre le texte, tout le texte et rien que le texte. Les amendements intempestifs qui viendraient le modifier seraient une marque de défiance envers la démocratie sociale, que le Président Hollande souhaite par ailleurs conforter. Une telle injonction a peu de sens, pour deux raisons.

La première tient au processus de production des lois organisé par l'article 1 du Code du travail : sur les sujets relevant de leur compétence, les partenaires sociaux sont appelés à négocier en amont de tout projet de loi d'origine gouvernementale. Mais ce n'est bien évidemment que la première étape du processus, et le Parlement doit ensuite faire son oeuvre.

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La seconde raison est plus fondamentale : la démocratie politique et la démocratie sociale ont toutes deux leur légitimité. La question n'est pas de savoir laquelle doit primer, mais bien au  contraire comment leurs actions peuvent intelligemment se combiner. La recherche de l'équilibre entre les deux démocraties est sans doute un exercice difficile, mais il ne relève en tout état de cause ni du diktat politique (nous sommes élus par le peuple, pas vous), ni de l'impératif social (nous avons négocié, reprenez en l'état sinon c'est un déni). Le Professeur Despax, qui était par ailleurs d'un grand calme et un fervent défenseur de la négociation collective, s'emportait déjà dans les années 80 lorsque les partenaires sociaux, coutumiers du fait donc, intimaient au Parlement de s'en tenir à la retranscription des accords conclus. L'examen du projet de loi de sécurisation de l'emploi par le Parlement sera l'occasion pour les députés de démontrer où se situe, pour ce qui les concerne, le point d'équilibre.

09/03/2013

Economicus rex

Les enterrements sont rarement propices aux débats sereins. L'émotion aidant, la dithyrambe et son corrollaire d'acrimonie en réaction, saturent l'espace des idées. Les récentes disparitions d'Hugo Chavez et de Stéphane Hessel en témoignent. Le besoin de sanctification se confronte au rejet de l'unanimisme, le tout attisé par les medias qui ne trouvent plus guère leur compte que dans l'émotion sans préoccupation de l'objet sur lequel elle se porte (notez ces journalistes télés qui nous annoncent pathétiquement "restez avec nous il va y avoir de l'émotion" aussi bien pour un radio-crochet, que pour un match de football ou un procès d'assises). En ces périodes lacrimales, mieux vaut donc s'abstenir de surenchérir. Sauf lorsque l'on peut lire ceci sous la plume de Luc Rosenweig, paru sur Causeur : "Il n’est quand même pas courant ni banal de voir un pays disposant d’une rente pétrolière phénoménale se trouver à court de devises, en proie à une inflation galopante et produisant un déficit budgétaire annuel de 20% de son PIB.
Le « socialisme bolivarien » n’est rien d’autre qu’une forme de redistribution de la rente pétrolière vers des catégories de la population qui n’en voyaient pas la couleur avant la prise de pouvoir par Chavez en 1999 : ce dernier s’est constitué une clientèle électorale à coups de subventions aux produits de consommation courante, d’un gonflement inouï de la fonction publique, et de constructions de logements à bas prix dans des régions jusque là délaissées par le pouvoir central. Tout cela est fort sympathique, montre un réel souci des petites gens, mais transforme toute une partie de la population en une immense armée d’assistés."

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Dans un bidonville au Brésil

En 2013, il paraît donc tout à fait normal à un journaliste économique de mettre en parallèle d'une part le taux d'inflation, le PIB et la dette, et de l'autre côté l'amélioration concrète et immédiate des conditions de vie, de logement, de santé et d'éducation de la plus grande partie de la population. On notera que les pauvres sont réduits à "une clientèle électorale", sur le modèle occidental, et que changer la vie quotidienne de milliers de personnes "est bien sympathique". Et tout ceci proféré sur le ton de l'évidence. Je me suis toujours spontanément méfié, c'est un euphémisme, de ceux qui étaient capables d'employer sans y voir malice l'expression "petites gens". Luc Rosenweig est sans doute un adepte du principe selon lequel il vaut mieux apprendre aux gens à pêcher que leur fournir du poisson. Hugo Chavez savait sans doute d'expérience qu'avant que tout le monde ne sache pêcher, il vaut mieux continuer à fournir du poisson.

08/03/2013

Eurêka !

Dans la série ne reculons devant rien pour alimenter en idées ceux qui n'en ont pas, voici comment raccourcir le calendrier de la énième réforme annoncée de la formation professionnelle tout en essayant de faire oeuvre utile et sans ignorer l'existant. Mazette, rien que ça !

Tout d'abord, plutôt que de ne rien mettre, ou quasiment, sur le compte personnel de formation dans le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, on peut y insérer ceci, directement inspiré de l'ANI du 11 janvier 2013. Le CPF prend la suite du DIF auquel il se substitue. Il est alimenté à hauteur de 20 heures par an pour tout actif. Ses priorités sont précisément définies par la loi (beaucoup plus que pour le DIF  ou les périodes de professionnalisation) et correspondent à des situations préidentifiées : personnes sorties tôt du système scolaire, en reconversion sur des bassins d'emploi sinistrés, en besoin de qualification avéré, en projet de création d'activité, etc. Faute d'entrer dans les priorités, le crédit n'est pas utilisable. Pour le financement, on utilise l'ensemble des crédits affectés aujourd'hui au DIF prioritaire, aux périodes de professionnalisation et à la formation dans le contrat de sécurisation professionnelle.

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Christian Bonnefoi - Eureka V - 1999

Il est donc possible de réaffecter très rapidement vers des priorités affirmées et assumées des crédits existant en résistant à l'idée d'une taxation nouvelle. Ensuite, dans le cadre de la Conférence Sociale de juillet, on aborde la question de l'élargissement de ce CPF première version pour voir comment on peut l'articuler avec les autres mécanismes existant pour l'accès à la formation : les services publics régionaux de la formation qui vont se mettre en place avec la décentralisation, les plans de formation des entreprises voire les financements individuels lorsque le projet de formation correspond à une trajectoire individuelle promotionnelle à un certain niveau qui ne relève plus du financement collectif. Ce qui peut donner lieu à une seconde loi avant la fin de l'année et une mise en oeuvre en 2014 pour les premières priorités et en 2015 pour l'élargissement. Voilà, c'est cadeau. Eurêka ?

07/03/2013

Regarder l'asperge

Lorsqu’il a visité le nouveau Louvres à Lens, manifestement François Hollande s’ennuyait. Pas de véritable regard sur les peintures, sourde oreille aux commentaires, hochements de tête se voulant polis, œil sur la montre et toutes ces sortes de choses. Personne n’est obligé d’aimer la peinture. Par contre, le défaut de curiosité, surtout pour ce que l’on ne connaît pas a priori, est pêché mortel. Ne pas savoir regarder, c’est se condamner à ne pas avoir d’imagination. Peu importe ce que l’on regarde, par exemple cette asperge de Manet. En saisir les couleurs, la texture, le goût, sentir la vie de la matière sous quelques touches de peinture, se dire qu’il y a là, dans l’asperge, un mystère à éclaircir, c’est une porte ouverte vers la nouveauté.

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Manet - Asperge

Lorsqu’on lui parle de formation professionnelle, je ne sais pas si François Hollande s’ennuie. Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’y intéresse pas plus qu’aux asperges de Manet, qui lui soutireront peut être un bon mot, mais pas un vrai regard. Du coup, l’imagination lui fait défaut et il parle impersonnellement par poncifs : il faut envoyer massivement les chômeurs en formation. Ce qui était stupidité lorsque Sarkozy le déclamait sur tous les tons ne devient pas lucidité dans la bouche d’un autre. On en reste au degré zéro de l’analyse et à la confusion entre bon sens et bêtise. Peut être faudrait-il informer le Président sur un chiffre, un seul : 2 % des français seulement changent de région chaque année (et les français sont parmi les européens les plus mobiles). L’emploi ce n’est pas un rapprochement statistique entre des chômeurs et des emplois disponibles. C’est avant tout une réalité locale. Que l’on commence par disposer de diagnostics locaux des activités, des emplois et des besoins en compétences en se répétant tous les jours que la mobilité maximale pour la recherche d’emploi c’est 25 km en moyenne, et l’on verra ensuite s’il y a besoin de formation ou pas. Mais pour cela, il faut un peu travailler la question, s’y intéresser, et bien la regarder.

05/03/2013

Comme d'habitude

Il paraît que la ritournelle de Claude François est la chanson la plus connue au monde, si l'on inclut son adaptation americaine, My Way. Elle est en tout cas connue de François Hollande, car son pour son premier discours consacré à la formation professionnelle, on ne peut pas dire que l'originalité était présente. Il aurait d'ailleurs lu les notes de 2008 de son prédécesseur, le discours n'aurait pas été différent. Un système cloisonné, opaque que les partenaires sociaux devront avoir le courage de réformer (signe qu'ils se gavent sur la bête et qu'il faut arrêter), qui coûte 32 milliards, qui est submergé par 55 000 organismes de formation et qui au final est inefficace. Soit en une seule intervention, l'ensemble des clichés que l'on peut entendre sur le système de formation professionnelle. Comme d'habitude. Et puisque François Hollande a placé son quinquennat sous le signe de la jeunesse, voici un petit jeune de la fin des années soixante dix qui montre que lorsqu'on chante les chansons des autres on peut y mettre un peu de créativité.


Sid Vicious, à défaut de grand talent (encore que...) avait au moins de l'énergie et le souci de traduire la rupture en actes.

Faut-il encore rappeler que les 32 milliards d'euros additionnent les dépenses de formation du secteur public, du secteur privé, de l'apprentissage, de l'insertion, de la formation des salariés ou encore de l'alternance, et que là dedans il y a une grande part de salaires et que 6 milliards seulement sont gérés par les partenaires sociaux et que les réaffectations possibles ne concernent qu'une partie réduite de ce chiffre brandi comme un étendard et qui ne signifie strictement rien ?

Faut-il encore rappeler que les particuliers ne représentent que 7 % des achats de formation, et qu'à 93 % ce sont des entreprises, des OPCA, POLE EMPLOI, les Conseils Régionaux qui achètent la formation ? qu'il s'agit donc d'achat fait par des professionnels. Et que s'il y a défaut de qualité, c'est moins du côté de l'offre qu'il faut se tourner que de la demande et surtout de la commande ? le fameux "tant qu'il y aura un couillon pour payer, il y aura un malin pour vendre" a de beaux jours devant lui à ce rythme. Et ce ne sont pas des procèdures d'accréditation, de certification ou de contrôle qui y changeront quelque chose. Ceux qui sont persuadés du contraire feraient bien d'y réfléchir en dégustant leurs lasagnes chevalines.

25/02/2013

Allo docteur ?

Le Gouvernement souhaite supprimer la journée de carence dans la prise en charge des arrêts maladies des fonctionnaires. On saisit mal, en effet, pourquoi des personnes qui cotisent pour garantir leur revenu en cas de maladie devraient en être privés le premier jour. Par souci d'égalité avec le privé, rétorque-t-on le plus souvent, puisqu'un salarié est soumis à une carence de trois jours. Sauf que si l'entreprise a souscrit une prévoyance, ces trois jours sont souvent ramenés à zéro. Résultat, comme souvent, la ligne de partage n'est pas entre public et privé mais entre salariés des grandes entreprises et fonctionnaires et salariés des petites entreprises.

Au-delà de l'égalité, on a pu entendre des commentaires sur les abus des arrêts maladies et voir ressurgir la notion de "faux-arrêts maladie". C'est ici qu'il faut à la fois faire un peu de droit et appeller le docteur.

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Van gogh - Le docteur Gachet

Car en droit, seul celui qui a la capacité de décider est coupable. Or, en matière d'arrêt maladie, le salarié ne décide rien. Seul le médecin peut prendre la décision d'arrêter un salarié pour cause de maladie. Du point de vue du salarié, la notion de "faux arrêt maladie" est donc absurde. Peut être l'est-elle moins du point de vue du toubib. Inutile donc de refaire le procès des salariés et ici, en l'occurence, des fonctionnaires. Si l'on considère qu'il y a des arrêts de complaisance, il faut appeler les docteurs.

23/02/2013

Les otages et le bourreau

Seuls ceux qui ne l'ont jamais été utilisent à tort et à travers le mot "otage". Pas un mouvement social sans qu'un journaliste ne considère que les usagers, les clients ou les autres salariés sont pris en otage par les grévistes, qui s'en tiennent le plus souvent,  à retenir un ou deux dirigeants dans leur bureau, lorsqu'ils vont jusque-là. L'affaire Spanghero nous a fait franchir une étape de plus dans l'allégorie. Selon le communiqué du personnel, le Gouvernement a condamné à mort 300 salariés en retirant l'agrément sanitaire à l'entreprise. Et voici maintenant les assureurs qui demandent au Parlement de ne pas permettre aux accords collectifs, dans le cadre de la généralisation de la couverture santé complémentaire, de désigner des organismes de prévoyance obligatoires mais de laisser la libre concurrence faute de détruire des emplois. Si l'on s'inscrit dans ces logiques, il faudrait rétablir la peine de mort pour ne pas laisser le bourreau au chômage.

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Instrument pour la question - Collection personnelle du bourreau F. Meyssonnier

Cette manière de poser les questions n'est jamais que la traduction de la vie ramenée à sa dimension économique. Dans cette optique, tout ce qui créé de l'activité est positif et ce qui en détruit négatif. A cet égard, une catastrophe naturelle est souvent une opportunité économique : si le Japon a connu un recul de son PIB l'année de Fukushima, les gains à moyen terme sont bien supérieurs au recul constaté. On peut avoir cette vision là, il s'agit juste d'être conscient de la hiérarchie des valeurs qu'elle sous-tend.

07/02/2013

Work in progress

J'aime les travaux en cours (comme toute personne qui est toujours en retard me direz-vous, syndrôme de la procrastination) et du coup j'aime les études, esquisses, dessins préparatoires, manuscrits gribouillés, bouts de feuillets noircis à la va vite, petits carnets de notes, cahiers de croquis, bref tout le fatras dans lequel apparaît toute la vie que l'on verra ensuite ordonnée dans l'oeuvre, du moins lorsque le peintre a du talent. Tel est le cas, par exemple, de Gustave Moreau ou d'Ingres, dont les dessins préparatoires fascinent tout autant que les toiles.

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Gustave Moreau - Etude pour Salomé

JD Ingres - Etude pour le Bain Turc

Dans les six mois qui viennent, va s'élaborer le Compte Personnel de Formation, qui sera au DIF ce que le papillon est à la chenille. Lorsque je présente l'ANI du 11 janvier 2013 et les principes qui régiront le Compte, j'ai souvent des réactions de protestation : mais alors on ne sait pas comment ça va marcher, rien n'est calé, c'est incroyable de signer des textes sans savoir où l'on va. Ingres et Moreau savaient-ils où ils allaient lorsqu'ils travaillaient leurs dessins ? ou bien les choses se sont-elles mises en place petit à petit, ou par à coup, ou par rupture ? qui sait ?  On dit parfois que le voyage compte plus que la destination. Dans l'élaboration des droits nouveaux, il ne faut pas oublier la beauté de la construction et considérer qu'elle conditionne souvent la beauté du résultat.

06/02/2013

Intérimaire permanent

Vous prenez une photo, puis une autre, puis un dessin, puis une photo, puis des dizaines d'autres, vous coupez, vous déchirez, vous morcellez, puis vous assemblez, morceau après morceau, élément par élément, et au final le résultat, pour peu que vous soyez dans un bon jour, vous paraît s'être imposé à vous. Chaque chose est à sa place, le disparate trouve sa cohérence, les éléments épars, sans lien apparent, ont recomposé une figure qui a soudain l'allure de l'évidence.

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Ainsi en va-t-il du collage, où l'hétéroclite soudain trouve sens. Ainsi en ira-t-il peut être demain du travail intérimaire, lorsque les sociétés d'intérim pourront recruter les intérimaires en CDI et les affecter à des missions successives en leur garantissant un emploi permanent. Bonne nouvelle pour tous ? Pas forcément, les intérimaires enchaînant les missions avec indemnités de précarité et de congés payés (soit 20 % du salaire) pourraient considérer qu'ils sont perdants. Mais tout de même, pour beaucoup une embauche durable, un statut social mieux établi et une situation qui se rapproche du droit commun. Si le principe est acté, reste à négocier les modalités, c'est ce qui devrait être fait à partir du 1er mars prochain. Souhaitons que les partenaires sociaux aient le souci de préserver le sens d'un emploi composé d'une juxtaposition de missions, ce qui sera le lot des futurs intérimaires permanents.

21/01/2013

Et ça netour !

C'est reparti. Non pas comme en quarante, n'exagérons rien ,mais comme depuis 40 ans. Comme depuis qu'il existe un marché de la formation, libre dans son accès et contrôlé dans son exercice, et que le vieux fantasme d'un service public de la formation ne s'est pas dissipé. Et que tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont relayé un message dont la vacuité le dispute à l'imbécillité, n'ayons pas peur des mots. Si l'on résume : "Il y a trop d'organismes de formation ! imaginez, 50 000". Oui et alors ? cela nuirait, paraît-il à la qualité. Mais est-ce que le fait qu'il y ait 50 000 bistrots en France dont un bon nombre de gargottes empêche qu'il y ait un Pré-Catelan (merci mon épouse !) et bien d'autres qui font l'excellence de la gastronomie française. On pensait que Thierry Repentin, le Ministre de la Formation Professionnelle, plutôt mesuré, avisé et prenant le temps de s'imprégner du milieu, échapperait aux sottises habituelles. Raté ! lors de la présentation de ses voeux à la Presse, il déclare, dans le plus pur langage techno-langue de bois "nous envisageons une rationalisation du nombre d'organismes de formation". Rationalisation cela signifie bien évidemment réduction. Et une fois parti dans les chemins de traverse, difficile de se désembourber : pour rationaliser on fera un cahier des charges pour imposer un niveau minimal pour les formateurs. Toujours l'approche française par le statut : surtout ne regardons pas la qualité des prestations, présumons que le statut fait la valeur. On s'énerverait presque de tant de passéisme fleurant bon le 19ème siècle de nos jours. On était plus moderne, mais vraiment bien plus, dans les années soixante lorsque l'on proclamait que Small is beautiful. Aujourd'hui, signe des temps, on rationalise. Et le pire, c'est que tout cela est dit sérieusement. Comme le chantait Dutronc, ça netour (toujours dans le même sens et on avance pas).


27/12/2012

Luz !

Lorsque la France connaissait un boom économique (mais si, souvenez vous la fin des années 2000 ou plus récemment la baisse continue du chômage avant la crise financière, puis de la dette, puis économique, puis des trois à la fois), on disait que la natalité allait bien parce que les français avaient le moral et croyaient en l'avenir. Et puis les difficultés venant, et la natalité ne fléchissant pas, on nous expliqua qu'il s'agissait en période de crise d'un repli sur le privé et sur la famille. Ah bon. En Espagne, lorsque les villes éclataient des lumières de fêtes, on disait que c'était le miracle espagnol, sorte de prolongement naturel de la movida.

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Et puis, comme souvent dans le Sud ou l'excès est une seconde nature, la crise frappa plus qu'ailleurs. Mais les lumières persistent. Alors certains avancent que c'est pour oublier les difficultés, s'étourdir de lumière et faire, pendant quelques jours, comme si rien n'avait changé. On peut dire ça, où autre chose. Il est facile d'avoir des explications sur tout, sauf que pour la natalité et les lumières, et quelques autres choses, il vaudrait mieux reconnaître que l'on en sait rien, et se réjouir du spectacle. Lumières !

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04/12/2012

D'un costume, l'autre

Lorsque l'on veut déposséder l'autre de lui même, on lui retire ses vêtements. Soit pour le laisser nu et démuni, soit pour lui faire revêtir un dépersonnalisant uniforme. Hanna Pesut, photographe canadienne, n'est pas animée de ces mauvaises intentions. Elle souhaitait simplement découvrir l'autre côté du couple par l'inversion des vêtements. Le résultat est parfois troublant.

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Pam et Bruce

Mais il peut aussi être drôle.

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Cam et Jill

L'inversion des rôles auxquels vient de se prêter le Gouvernement ne produit pas le même effet humoristique. Il faut croire que le traumatisme suscité par Jospin disant, à juste titre, que l'Etat ne peut pas tout à propos de Vilvoorde, va hanter nos politiques pendant les générations à venir. Car après le volontarisme sarkozyste le plus souvent dénué d'effet, voici un volontarisme présidentialo-gouvernemental des plus confus. Que l'Etat intervienne pour réguler l'économie, trouver des points d'équilibre avec le social, avoir une action incitative ou nationaliser, pourquoi pas, s'il l'estime nécessaire, il est dans son rôle. Mais à devenir l'interlocuteur des employeurs en lieu et place des syndicalistes qui n'en peuvent mais, il prend le risque d'une grande confusion des genres. On ne se trompe pas impunément de costume.

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Mariko et Sam

Va-t-on convoquer toutes les entreprises qui licencient à Matignon ? Menacer de nationaliser à chaque plan social ?  envoyer un Ministre dans chaque site annoncer aux salariés que l'on s'occupe d'eux ? car là est bien le problème. Comme avant le mois de mai, la communication prend le pas sur l'action et surtout sur l'efficacité. Montrer que l'on fait devient plus important que faire, au risque de faire n'importe quoi. Ce n'est pas en enfilant un costume qui n'est pas le sien que l'on agit juste. Et ce n'est même pas sûr que cela amuse la galerie. Et puisque le souvenir de Jospin paraît si présent, osons un rappel : c'est en voulant adapter son action aux sondages et à l'opinion que Jospin a oublié les principes de sa politique initiale et qu'il a ouvert la voie au 21 avril 2002.

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Gina et Claudio

21/11/2012

Triple portion

C'est un proverbe espagnol : "A qui refuse le bouillon, donnes-en triple portion". La purge, la purge, la purge auraient déclamé les médecins de Molière. C'est le sentiment que l'on peut avoir après la décision de l'agence Moody's de déclasser la France et d'abaisser sa notation, lui retirant ainsi le Graal du triple A. Dietmar Hornung, analyste en chef pour la France chez Moody's, explique, notamment, la décision de l'agence par la rigidité du marché du travail. Appelé à préciser ce qu'il entend par rigidité, il nous livre le diagnostic suivant : "Je note que la France affiche un degré très élevé de règlements juridiques et de contrats à durée indéterminés qui rendent difficiles l'adaptation des emplois aux cycles économiques. Les incertitudes juridiques liées aux licenciements élèvent en outre le coût implicite du travail et n'incitent pas à embaucher". Si la notation doit se baser sur des faits, ici nous sommes en pleine idéologie. Une triple ration de réalité ne serait pas de trop pour Mr Hornung.

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Steve Kaufman - Triple pop criying girl (d'après Roy Lichtenstein)

Sans revenir sur les 800 000 licenciements annuels (soit 5 % des salariés licenciés  chaque année), on pourrait aussi parler de l'emploi temporaire. Près de 5 % de l'emploi salarié est de l'intérim et 10 % des CDD. Ces deux formes d'emploi représentent 80 % des embauches. Ce qui signifie qu'entre les licenciements, les ruptures conventionnelles et l'emploi précaire, plus de 20 % des salariés connaissent une fin de contrat de travail chaque année, hors retraite et démission. Et l'on ne parle pas de la sous-traitance qui constitue, dans l'industrie et le BTP, un traditionnel coussin amortisseur en période de crise.
Dans ces conditions, parler de rigidités du marché du travail en France d'une manière aussi générale, c'est au mieux de l'incompétence, au pire un parti pris idéologique. La troisième option, serait que ce soit les deux à la fois, ce qui n'est pas exclu. Une triple erreur en quelque sorte.

18/11/2012

Un texte en forme de vol de bicyclette

En 1986, Yvon Gattaz, Président du CNPF, réclamait la suppression de l'autorisation administrative de licenciement. Cette seule mesure, en facilitant le licenciement, encouragerait l'emploi au point qu'il pourrait en résulter la création de 300 à 400 000 emplois. On vota la suppression de l'autorisation, mais à défaut de pouvoir voter les embauches, elles restèrent au rang des promesses qui n'engagent que ceux qui y croient.

Plus de 25 ans plus tard, les positions des organisations d'employeurs n'ont guère évolué, comme le montre le texte remis aux syndicats lors de la négociation sur la sécurisation de l'emploi. Les principales mesures du texte ? faciliter les licenciements, limiter leur coût, réduire les possibilités de recours judiciaire pour les salariés et, surprise, réintroduire l'homologation des plans sociaux par l'administration, dont on s'aperçoit après coup que cette mesure sécurisait peut être davantage l'entreprise que les salariés en empêchant la saisine du juge judiciaire. Certes, la négociation n'est pas achevée, mais trouver un accord équilibré paraît aujourd'hui aussi improbable que l'équilibre de cette bicyclette, photographiée par Manuel Alvarez Bravo dont on peut voir les poétiques et émouvantes photographies au Jeu de Paume.

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Alors que la négociation sur la sécurisation de l'emploi se voulait audacieuse, novatrice et débouchant sur des mesures historiques, situation économique et sociale oblige, force est de constater que les vieilles recettes sont toujours à l'oeuvre et qu'il est très difficile de dépasser les formules magiques qui sonnent comme des slogans : facilitons le licenciement, on encouragera l'embauche. Que jamais la réalité de cette affirmation n'ait été démontrée importe peu, elle n'est manifestement pas discutable. Et il importe encore moins de constater que plus de 800 000 licenciements sont réalisés tous les ans, dont les 3/4 ne donnent pas lieu à contentieux, et de continuer d'affirmer que licencier en France est très difficile pour ne pas dire impossible.

A partir de là, personne ne devrait s'étonner de voir une bicyclette se promener le long des fils électriques.

Proposition patronale Securation de l'emploi.pdf