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06/05/2010

Pas de reclassement en roumanie

Le Sénat vient d'adopter mardi 4 mai, après l'Assemblée nationale le 30 juin 2009, un texte sur le reclassement des salariés licenciés pour motif économique qui prévoit un questionnement systématique du salarié sur sa volonté d'accepter ou non des offres d'emploi à l'étranger, avant toute proposition. Cette loi a pour objet officiel d'éviter aux entreprises qui font des licenciements économiques d'être condamnées par le juge si elles ne proposent pas des emplois dans tous les pays où elles sont implantés, serait-ce à un salaire dérisoire comparé au salaire français, et d'être condamnées par les medias si elles formulent des proposition du type : on vous propose un emploi équivalent dans un nouveau pays au tarif de 135 euros par mois. Dorénavant, le salarié ne pourra se voir proposer de telles offres que s'il a indiqué à l'entreprise le type d'offres qu'il acceptait de recevoir et sous quelles réserve. Et les juristes de se délecter de l'interprétation que l'employeur devra faire de réserves du type : j'accepte tout emploi moins pénible que le mien, ou bien j'accepte tout emploi dans un pays ensoleillé, ou bien j'accepte tout emploi qui me garantit un pouvoir d'achat équivalent compte tenu du niveau de vie dans le pays. Bref, en voulant simplifier, comme souvent, on a sans doute ajouté de la complexité au reclassement sans traiter le problème de fond : l'entreprise peut toujours librement transférer des activités en roumanie, mais elle doit demander aux salariés s'ils acceptent de recevoir des offres pour aller continuer leur job en roumanie. Peut être pourraient-ils y croiser Victor Brauner, peintre roumain.

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Victor Brauner - Sans titre - 1946

On notera que nos parlementaires si prompts à fixer des règles en matière de nationalité, ne se posent pas la question de savoir si le salarié pourra effectivement, ou non, travailler dans le pays visé. Ni celle de savoir comment s'effectueront les propositions en cas de liquidation judiciaire. Bref, une loi de plus faite pour simplifier la vie des entreprises et qui pourait bien la leur compliquer.

Ajoutons enfin que les parlementaires ont décidément des représentations bien ancrées : ils valident la règle selon laquelle le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi correspondant à celui occupé ou  équivalent et assorti d'une rémunération équivalente. Si ce reclassement n'est pas possible, le salarié pourra se voir proposer un poste de catégorie inférieure. Mais il n'est pas envisagé que le reclassement puisse s'effectuer sur un emploi de catégorie supérieure. Comme si le surclassement n'existait pas et comme si tout salarié était incapable de faire un autre job que le sien, sauf un job de même niveau ou de niveau inférieur. Il faudrait parfois que nos parlementaires aillent observer la vie au-delà des palais de la République. Peut être même qu'ils aillent en roumanie. Ainsi pourraient-il faire des textes basés non sur des préjugés mais sur des réalités. A propose de réalité, le dernier mot à Brauner pour finir par totalement regretter la roumanie.

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La charmeuse de Serpent - Brauner
(d'après le douanier Rousseau)

17/11/2009

Médecine man

En cas d'inaptitude suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur est tenu de  reclasser le salarié en lui offrant un poste « aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail » en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail. La loi sur l'orientation et la formation professionnelle prévoit désormais que "Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté "(C. trav., art. L. 1226-10 modifié).  On admirera en premier lieu la  qualité de rédaction de nos parlementaires :  "destinée à lui proposer"  est une formule  qui peut laisser songeur.  Peut être traduit-elle que dans l'esprit du législateur  la destinée de l'inapte est toute tracée ou que la proposition est le destin du salarié. Quoi qu'il  en soit, il est  reconnu à ces médecins qui ne soignent pas, que sont les médecins du travail, de proposer les chemins de la transformation de l'individu pour lui permettre de  surmonter  son inaptitude : ouvrir les voies de la  transformation, tel est le rôle du chaman,  qui lui utilise les  esprits et non la formation comme voie de la connaissance et  donc de la guérison.

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Dagmar Glemme - Chaman
Cette nouveauté législative place l'entreprise dans une position délicate en matière de reclassement : il est possible de démontrer qu'aucun poste n'est disponible correspondant aux compétences du salarié à reclasser, mais comment démontrer, dès lors que le médecin du travail affirme l'aptitude à se former à d'autres postes ou métiers, l'impossibilité d'assurer cette formation ? et l'on voit s'étendre considérablement le champ des obligations de reclassement de l'employeur. On imagine mal, de surcroît, la Cour de cassation qui fait peser sur l'entreprise une obligation de gestion de l'employabilité externe en cas de licenciement économique, limiter la portée de cette nouveauté aux emplois disponibles dans l'entreprise : faute de postes existant et en présence d'un constat d'aptitude à suivre une formation pouvant favoriser un reclassement, y compris externe, l'entreprise pourrait bien être tenue d'assurer la formation du salarié. Voilà des chamanes aux pouvoirs bien réels et une obligation de formation supplémentaire pour les entreprises.

29/05/2009

Ouvrir les yeux

En ces périodes de production industrielle des licenciements pour motif économique, il est permis de s’interroger sur une formule récurrente utilisée par la Cour de cassation en matière d’obligation de rechercher un reclassement avant de procéder au licenciement. Selon les juges, l’employeur doit proposer au salarié tout emploi disponible, dans la même catégorie ou dans une catégorie inférieure. Dans l’esprit du juge, il n’est même pas envisagé que le reclassement puisse s’effectuer sur une qualification supérieure. Belle méconnaissance de la réalité de l’emploi en France : nombre de salariés occupent aujourd’hui des emplois qui sont de qualification inférieure à leur qualification personnelle. En d’autres termes, nombre de salariés sont en capacité d’effectuer des activités d’un niveau supérieur à celles qu’ils exercent.

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Chirico - Le cerveau de l'enfant -
Le réveil du cerveau de l'enfant - Photographie parue dans l'Almanach Surréaliste du demi-siècle

Comme le mystérieux personnage du tableau de Chirico, les juges devraient ouvrir les yeux sur le monde tel qu’il est et considérer que lorsqu’un salarié est licencié pour motif économique, l’obligation de reclassement fait disparaître les frontières de la qualification contractuelle et impose à l’entreprise de prendre en compte la qualification personnelle du salarié, assumant ainsi le fait qu’elle a recruté en surqualification. Le réveil à la prochaine décision de la Cour de cassation ?

02/09/2008

Le juge et le salarié reclassé

La formule n’est pas nouvelle, elle figure dans des dizaines de décision de la Cour de cassation, comme dans celle du 24 juin 2008 (Cass. Soc., 24 juin 2008, n° 06-45.870) : l’employeur doit proposer aux salariés dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d’une catégorie inférieure. Les juges considèrent que le salarié est reclassable à son niveau ou à un niveau moindre, prix à payer pour la sauvegarde de l’emploi.



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La main du juge

N’est jamais abordée par les juges, la question du reclassement non pas à minima mais à maxima : le salarié est reclassé sur un emploi de niveau supérieur à celui qu’il occupe parce que cet emploi est disponible. Le jeune thésard dont on supprime le poste de veilleur de nuit qu’il occupait à titre alimentaire peut être reclassé dans le cadre des recrutements d’ingénieurs de l’entreprise.

Manifestement les juges n’ont pas tout à fait pris conscience que nombre de salariés ont une qualification personnelle supérieure à l’emploi occupé et qu’une approche du reclassement en terme de compétences serait plus réaliste qu'en terme de seule qualification contractuelle. Le fait que le Code du travail impose à l'employeur de prendre en compte la qualification acquise après le licenciement dans le cadre de la priorité de préembauche aurait pourtant pu fournir un appui pour calibrer l'obligation de reclassement à tous les emplois que le salarié est en capacité d'occuper, quel que soit leur positionnement hiérarchique.