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05/05/2015

De l'art de verrouiller

Le verrou a mauvaise réputation. Il n'est pourtant pas toujours synonyme d'enfermement ou de contrainte. Chez Fragonard, il est la condition de l'intimité choisie des amants saisis par les impatiences du désir. C'est qu'il n'est pas ici outil de pouvoir et de contrainte mais au contraire gage de liberté. 

Un Ministre c'est très occupé, d'où l'expression "avoir un agenda de ministre", et cet encombrement de l'agenda ne facilite pas, on s'en doute, le temps de la réflexion et encore moins celui de la pensée sur le sens et contresens du verrou. Pourtant, il eût été souhaitable qu'avant d'aller tirer les oreilles des OPCA lundi 4 mai en les priant de mouiller la chemise pour faire avancer le CPF, le Ministre s'interroge sur les causes d'un démarrage raté. Comme les médecins de Molière font une fixation sur les sangsues et les ventouses, le consultant est un maniaque du diagnostic, avec la conviction qu'un mauvais diagnostic ne peut déboucher que sur de piètres solutions. S'il avait pris ce temps, qui manifestement lui a manqué, il aurait pu identifier que si un verrou peut avoir du bon, l'abondance en ce domaine peut s'avérer néfaste. 

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Car ce sont quatre verrous qui ont été posés sur le chemin de la formation pour qui veut faire usage de son compte personnel de formation : 

- la nécessité d'une certification (avec un inventaire qui n'a pas trouvé son rythme de croisière et un RNCP inadapté) ;

- la nécessité de choisir sur liste (avec la complexité des superpositions de listes) ;

- l'impossibilité pour l'individu de s'adresser directement à l'OPCA (et le détour par un conseil en évolution professionnelle qui n'a pas les moyens de ses ambitions) ;

- et au final la surprise du chef : les taux de prise en charge par l'OPCA qui constituent parfois l'insurmontable obstacle final lorsque les paritaires ont décidé, par exemple, qu'ils financeraient allègrement les formations de leur secteur mais seraient restrictifs sur tout le reste. 

Dans ces conditions, le petit tirage d'oreilles paraît assez vain. Et comme s'il en avait conscience, le Ministre, et il n'est pas le seul, déploie le parapluie : mais tout cela va prendre du temps, on ne peut faire de bilan en quatre mois, et le CPF n'est pas tout, loin de là, cela ne représente que 10 % des financements nous dit-on au Ministère. Certes, mais quatre mois c'est bien long pour ne toujours pas identifier les racines du mal et surtout ne pas les traiter, et si le CPF n'est pas tout, s'il n'est pas destiné à tout le monde, pourquoi avoir créé un droit pour 19 millions de salariés pour ensuite venir nous expliquer qu'il n'en concernera qu'une petite partie qui entrent dans les priorités et seront les seuls à qui on donnera la clé des 4 verrous ? à ce niveau d'incohérence, on pourrait appeler cela de la supercherie. Car chacun comprendra aisément qu'à droit universel correspondent des priorités larges et que si l'on veut un droit ciblé il fallait accepter de le réserver à ceux que l'on estimait prioritaires. Mais créer un droit pour tous et vouloir en réserver l'usage à quelques uns, c'est la garantie absolue que des verrous on a perdu la clé. 

21/04/2015

Code 201

Peut être fallait-il secouer le cocotier et se résoudre à user du buzz médiatique, puisque telle est faite notre société que l'image donnée prime sur le sens des choses. Toujours est-il qu'après l'inscription dans l'inventaire des certifications qui ouvrent la voie aux formations bureautique dans le CPF, voici qu'est aujourd'hui devenu accessible à tout un chacun, sous le code CPF 201, le socle de compétences. Alors que l'on nous annonçait un processus encore long avec la définition d'un référentiel de certification et une procédure d'habilitation des organismes de formation qui reportaient l'échéance de plusieurs mois, on a fait tout d'un coup comme s'il y avait urgence, et urgence il y a bien, et on a ouvert les formations du socle de compétences aux bénéficiaires du CPF. Le train de la réforme peut enfin quitter la gare. 

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Train japonais 201

Certes, reste à déterminer quelles formations sont effectivement éligibles, mais il appartiendra dans un premier temps aux OPCA de vérifier la cohérence entre la formation et le référentiel adopté par le COPANEF (voir ci-dessous). 

Ce faisant, c'est un heureux retour à la méthode qui aurait du prévaloir dès le début : ouvrir grand l'accès au dispositif dans un premier temps, pour assurer son succès, avant de le réguler si nécessaire. Pas très difficile de comprendre qu'il vaut mieux gérer le succès que de se condamner à l'échec par crainte de ne pouvoir satisfaire tout le monde. Sur une telle base, le CIF n'aurait jamais existé. Oui mais voilà, ouvrir le dispositif c'est faire confiance : aux individus, aux entreprises, aux organismes de formation et arrêter de penser tout le dispositif en ayant comme seule préoccupation de lutter contre de présumés détournements. Faire confiance, ce n'est pas inclus dans la réforme, mais ce serait un sacré changement.

Socle compétences.pdf

20/04/2015

On va finir par y arriver...

Les machines de l'ile, à Nantes, sont toutes un peu lentes au démarrage. Les mécaniques ont besoin de trouver leur rythme, de se déployer, de prendre l'ampleur du mouvement, avant de le répéter puis de l'accélérer, oh pas trop vite, car les machines sont puissantes, elles s'imposent, et n'ont guère besoin de faire illusion par la vitesse. Implacables machines. Peut être la commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) est-elle un pachyderme lent qui peine à se mouvoir mais pourrait bien ne plus s'arrêter une fois lancé. En tous cas, après la première livraison de l'inventaire en février, le raté du mois de mars pour cause de virus intempestif dans les tuyaux, le mois d'avril nous amène une seconde livraison de l'inventaire avant celle de mai et la promesse d'ajouts mensuels. 

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Dans cette seconde livraison, on notera avec satisfaction que figurent deux certifications, le TOSA et le PCIE qui permettent de couvrir l'offre de formation en bureautique, désormais donc éligible aux périodes de professionnalisation. Reste à ce qu'elles soient reprises sur les listes du CPF. Et dans la liste nouvelle, mention spéciale pour les deux certifications portant sur l'éveil artistique et culturel des jeunes enfants, portées par l'Association Enfance et Musique que j'ai eu plaisir à accompagner sur ce chemin, qui permettra à davantage de professionnels d'intégrer l'éveil culturel et artistiques dans leurs pratiques professionnelles, et aux plus jeunes d'intégrer l'art et la culture dans leurs pratiques tout court. En commençant, par exemple, par photographier ses jouets, avant de passer à la photographie de rue, ce qui permet de faire l'expérience immédiate du fait que le l'art est une (autre) manière de regarder le monde. 

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Inventaire 17 avril 2015.pdf

13/04/2015

Tout...ou rien (todo o nada)

Depuis plusieurs années, le plus souvent avec Jean-Marie Luttringer, j'ai soutenu l'idée qu'il fallait débarrasser la formation de son encadrement fiscal et faire une place plus grande à la négociation collective. En 2004, on aurait pu penser que le cap allait être franchi : raté, l'accord entre les organisations n'était pas suffisant et le gouvernement laissa tomber l'affaire. En 2013, la courte majorité de l'ANI du 14 décembre 2013 permit la loi du 5 mars 2014, la défiscalisation du plan et l'ouverture d'un espace inédit pour la négociation collective. Au rugby on sait que créer des espaces c'est bien, mais que cela ne sert à rien s'il n'y a pas l'essai au bout. Alors, un an après, essai ou pas ? 

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Un premier constat au vu des accords signés : dans l'industrie (métallurgie, chimie, pharmacie...) et les services financiers (banques, assurance,) pas d'appel des grands espaces. Pas plus de conventionnel que que de ballons envoyés à l'aile par le Béziers des années 70. Et les autres ? c'est ici que la ligne d'essai s'éloigne et que le french flair en prend un coup. Dans le bâtiment, l'accord propose la mise en place d'une contribution conventionnelle de 0,2 %. Pas assez estiment les syndicats majoritaires qui s'opposent à l'accord. Dans le sanitaire et social, l'accord prévoit 0,35 % de mutualisation obligatoire et 0,65 % d'obligation d'investissement. Soit un doublement de l'obligation légale. Pas assez estiment les syndicats, unanimes, qui ne signent pas l'accord. Face à ce tout ou rien, le pari de la démocratie sociale et du développement d'un régime conventionnel de financement de la formation est mal engagé, pour ne pas dire déjà perdu. Il porte en germe la liquidation de la gestion paritaire et trace pour les OPCA un destin d'opérateur des politiques publiques. On aimerait se tromper et penser que la créativité de certains secteurs, comme l'intérim, pourrait servir d'exemple. Mais force est de constater que plus on avance, plus la ligne d'essai recule. 

31/03/2015

Avis de tempête sur le CPF

Le compte personnel de formation est enlisé. Dans une chronique réalisée pour l’AEF, retour sur les raisons de ce blocage et les décisions qui permettraient d’en sortir. Car il est temps pour le CPF de sortir du terrain vague et de prendre le large !

DEBLOQUER LE CPF.pdf

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Terrain Vague

23/03/2015

Sur la corde raide

Inconfortable situation des OPCA qui se trouvent placés, depuis l'entrée en vigueur de la réforme de la formation professionnelle, sur la corde raide des nouveaux équilibres à construire. Equilibre entre une mission de service public et de service aux entreprises, équilibre entre les logiques de branche et les logiques transverses, équilibre entre la politique nationale et les déclinaisons régionales...et tout ceci dans un contexte de réduction de moyens. Pourtant, il existe une possibilité de permettre aux OPCA de traverser avec un peu de sérénité cette zone de turbulence. Il suffit d'utiliser les marges de manoeuvre offertes par la règlementation qui plafonne les frais de gestion des OPCA mais pas leurs frais de mission. Encore faut-il le vouloir. 

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Wilhelm Simmler - La corde raide

C'est en premier lieu aux partenaires sociaux qu'il appartient d'indiquer quelle fonction ils donnent à un outil paritaire, faute de quoi on se demande à quoi sert le paritarisme de gestion. Et c'est en second lieu à la DGEFP d'utiliser les marges de manoeuvre règlementaires et de ne pas s'en tenir à une approche purement comptable et malthusienne des OPCA. A la manière dont on utilise la technique, on voit vite où se situe le projet politique. Pour plus de détail, on se reportera à l'interview donné à l'AEF, tout en précisant qu'il faudrait peut être presser le pas car on ne peut rester indéfiniment sur la corde raide. 

Interview AEF.pdf

20/03/2015

La ruée vers l'or

Fini les bugs, les mauvais virus, le site en carafe....terminé. Mardi 17 mars 2015 la CNCP a officiellement ouvert l'inventaire des certifications non diplomantes et la possibilité pour tout organisme certificateur de demander l'inscription des certifications qu'il délivre. Chaque problème résolu déclenchant le problème suivant  puisque comme on le sait depuis Chirac, les emmerdements volent en escadrille, reste maintenant à gérer le trop plein. Car potentiellement ce sont des dizaines de milliers de certifications qui pourraient relever de l'inventaire et pour les organismes certificateurs l'inscription tient lieu à la fois de Graal et de mine d'or. Mais  si la ruée vers l'Or a permis de bâtir des fortunes, elle a aussi créé beaucoup de villes fantômes. 

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En effet, les obstacles sont nombreux. Tout d'abord se détacher de l'action de formation et intégrer que mettre en place une certification ce n'est pas évaluer les acquis de formation et systématiser des Quizz à la fin de ses stages (à ceux qui envisageaient cette solution : laissez tomber, échec garanti). Ensuite construire des dispositifs de certification et transformer ses formateurs en évaluateurs (en même temps, un formateur qui n'est pas capable d'évaluer le résultat de son travail...). Enfin trouver l'entité politique qui voudra bien porter la demande de certification devant la CNCP. On mesure combien vont s'épuiser en route et n'arriveront pas au bout du chemin où découvriront en arrivant que les meilleures places sont déjà prises. Et l'on prétendra ici que cette liquidation programmée de ceux pour lesquels la route sera trop longue ou trop complexe fait partie intégrante des objectifs de la réforme, ce que devrait nous confirmer la seconde lame prévue pour l'année prochaine : après la certification des formations nous aurons la certification des organismes. La ruée vers l'Or est partie, la normalisation aussi. 

19/03/2015

La réforme m'a tuer (volutes partent en fumée)

Journée de travail avec les adhérents de la Fédération de la formation professionnelle et des nouvelles du front   qui ne sentent pas l'armistice : l'activité est quasiment à l'arrêt en ce début d'année, la perspective de rattrapage est inexistante, l'année 2015 est d'ores et déjà une mauvaise année, l'objectif est de limiter la casse, de souhaiter que le redémarrage n'intervienne pas trop tard et de se mettre en situation de reprise dans un contexte nouveau. En attendant, les CDD ne sont pas renouvelés, les congés (maternité, parental...) bienvenus et les licenciements amorcés. 

Dans le même temps, en Rhônes-Alpes, les salariés de Constructys sont en grève. 

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On se souvient d'une parole syndicale pendant la négociation de l'ANI du 14 décembre 2013 : "On ne sait pas ce que ça va donner, mais il faut donner un coup de pied dans la fourmilière". 

Les fourmis, à cet instant, ont une pensée pour vous. Et vous ? 

18/03/2015

Florilège

Une entreprise demande à un OPCA un financement au titre du CPF pour une formation en langues assortie d'un TOEIC. Réponse :

"Désolé mais c'est le test TOEIC qui est éligible sur le site du CPF. Nous ne pouvons financer que le test, pas la formation."

Autre, entreprise, autre OPCA et même demande : une formation plus un TOEIC. Réponse :

"Un OPCA ne peut financer que de la formation. D'ailleurs les textes disent bien que ce sont les formations conduisant à la certification qui sont éligibles. Nous finançons donc la formation mais pas le test".

Autre entreprise, et encore autre OPCA. Demande de financement d'une formation en langues dans le cadre des périodes de professionnalisation, suite à l'inscription des certifications en langues à l'inventaire. Réponse :

"Désolé, l'inventaire n'existe pas encore, c'est ce qui est indiqué sur le site de la CNCP, donc nous ne pouvons pas financer."

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Ce florilège pourrait n'avoir valeur que d'exemple. Il témoigne pourtant, outre le fait que la formation des équipes sur le dispositif n'a manifestement pas été une priorité, d'une réalité plus profonde. Celle d'organismes dont la schizophrénie va se trouver renforcée par la réforme. D'une part, pris dans la psychose  d'un marché de la formation qui ne penserait qu'à faire de l'argent avec celui de la formation (j'encourage ceux qui pensent que la formation c'est de l'argent facile garanti à créer sans tarder une activité dans ce domaine), une culture du contrôle qui perd le sens de l'action et se débat dans l'impasse du contrôle formel de l'activité, jusqu'à l'absurde, et d'autre part une culture du service qui voudrait que l'OPCA soit un facilitateur pour les projets des entreprises et des individus. A tirer en même temps sur les deux bouts de la corde, le risque d'immobilisme est grand, comme on peut aujourd'hui le constater. 

10/03/2015

Et vive le père Ubu !

Dans un Etat de droit digne de ce nom, le respect de la règle ne se discute pas. Si on la partage, la conviction s'ajoute à l'obligation. Si on la conteste, la respecter est la condition de sa critique. Mais si on se moque de la règle, alors l'arbitraire l'emporte et  souffle le vent qui balaiera toute les légitimités. Bien difficile après de reconstruire. C'est pourquoi il est un peu désespérant de voir comment, après le vote de chaque loi, l'administration s'empare unilatéralement de la règle pour en faire sa chose, au mépris parfois...de la règle elle-même. La nouvelle version du Questions/Réponses de l'administration relatif aux OPCA, qui est tout de même la troisième, ne peut donc que désoler ceux qui estiment qu'en ignorant délibérément la règle, quelles que soient les motivations, on traite, mal, des questions de court terme au détriment du moyen terme, et au final de ce que l'on est censé défendre. Ubu est donc de retour, si tant est qu'il ait un jour disparu. 

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Prenons quelques exemples : 

1) 12 OPCA envoient un argumentaire détaillé pour souligner l'illégalité, en l'état du droit, d'une collecte des contributions volontaires tous azimuts par les OPCA interprofessionnels. La DGEFP ne répond à aucun argument et ne change pas une virgule à son texte antérieur, qui tient de l'argumentaire de cour d'école. Au mépris de la règle s'ajoute celui des acteurs. 

2) Le Code du travail prévoit que les administrateurs peuvent voir leurs frais pris en charge. En version 1 il s'agit du Conseil d'administration. En version 2, les délégations régionales viennent s'ajouter. En version 3, toutes les instances paritaires fonctionnant au sein de l'OPCA sont concernées. La loi n'a pas changé, mais la manière de la lire a fluctué.

3) La loi prévoit que les entreprises peuvent conclure des accords de financement direct du CPF. Le propre d'un accord collectif est de créer des obligations pour les entreprises qui ont du sens dans le cadre de l'intérêt collectif. Le Q/R nous explique pourtant que cet article interdit (ce qu'il ne fait pas) à un accord de branche d'imposer un versement à l'OPCA dès lors que la branche considère que la gestion mutualisée du CPF est plus efficace. Au nom de quel principe cette possibilité dérogatoire aurait un caractère d'ordre public interdisant à un accord collectif de préférer l'intérêt général à l'intérêt particulier ? le Q/R n'en dit rien, se contentant de procéder par affirmation. 

Dans tous les cas, l'arbitraire prévaut, comme pour les réformes précédentes et comme, il est à craindre, pour les réformes à venir tant la partition est rejouée à chaque fois à l'identique. Ubu Rex Imperator !

05/03/2015

Un grand succès...

C'est ainsi que François Rebsamen, mais si vous savez, le ministre de la formation professionnelle (et du chôôôômaaaageeee, pour parodier nos députés potaches), a qualifié les deux premiers mois d'existence du compte personnel de formation. Il se basait sur les 500 000 inscriptions recensées sur le portail du CPF. Dédions lui, avec la collaboration de Corneille, ce quatrain : 

Nous partimes cinq cent mille, mais malgré nos efforts,

Nous ne furent que soixante cinq à parvenir au port,

Tant, à nous voir chercher avec un tel visage,

Finissaient par en perdre la foi et le courage. 

Car les 500 000 ont fait pschiiit comme une bulle qui prend l'air et ce sont bien 65 dossiers financés qui sont recensés à la date anniversaire de la loi réformant la formation. 

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Alors bien sur, un an c'est court, le travail est immense, le chantier ouvert pour plusieurs années, la rupture colossale, preuve que l'on ne fait pas que rafistoler mais que l'on construit un véritable nouveau dispositif. Bien sur, tout cela est vrai. Mais il est permis de penser que si l'administration avait mis son énergie et ses moyens dans l'objectif de construire un système opérationnel dès le départ qui évoluerait par la suite, plutôt que de vouloir d'emblée penser et construire le système dans sa globalité en envisageant tous les cas de figure avant même qu'ils ne se présentent, ce qui conduit à consacrer un temps considérable à des questions secondaires, on en serait pas là. Mais voilà, comme le scorpion qui pique la tortue au milieu du gué, produire des systèmes abscons sans empathie pour le bénéficiaire c'est finalement dans la nature des administrateurs qui administrent des administrés. Enfin, 65 administrés. 

27/02/2015

Un petit exercice...

Les artistes épurent souvent leur style au fil de leurs expériences. L'écrivain supprime les phrases inutiles ou bien sait pourquoi il les maintient, le peintre s'en tient aux lignes essentielles, le cinéaste réduit les effets de montage et contient ses acteurs, le musicien pose les notes avec des gestes d'arrangeuse de fleurs. Faire simple est un art, que l'on reconnaît parfois à la capacité de vulgariser sans insulter l'intelligence de l'interlocuteur qui n'est jamais qu'en découverte. Presque aveugle, diminué physiquement, usant de longs porte pinceaux, Matisse a réalisé ses plus beaux dessins à la fin de sa vie. 

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Proposons aux concepteurs du compte personnel de formation un exercice simple : expliquer à un bénéficiaire qui ignore tout du monde de la formation, soit la grande majorité des bénéficiaires, le fonctionnement du CPF et ce qu'il doit faire pour suivre une formation dans ce cadre. Vous aurez au choix :

1) La réponse institutionnelle qui ignore le sens même du mot pragmatisme qui vous renverra vers le conseil en évolution professionnelle. Il vaut mieux laisser tomber et passer à autre chose. 

2) La réponse formelle qui renvoie sur le site de la caisse des dépôts, puis auprès de l'employeur ou de l'OPCACIF. A la manière dont répondrait un juriste qui a lu les textes et qui informe honnêtement. 

3) Celui qui veut faire précis et se lance dans la présentation exhaustive de tous les cas de figure : hors-temps de travail, sur le temps de travail, avec une formation éligible, dans les plafonds de l'OPCA, etc. Pour la simplicité, on repassera. 

4) Celui qui vous plonge directement dans le gouffre de son cynisme désabusé : pas la peine d'essayer, ça ne marchera jamais, d'ailleurs je l'avais bien dit. 

5) Celui qui se veut optimiste, et qui l'est sans doute en plus de sa bonne foi : ce n'est pas encore au point, mais cela va venir, encore quelques temps (jours ? semaines ? mois ?) et le système fonctionnera. On construit quand même le dispositif pour les quarante années qui viennent, c'est normal que cela patine au début. Pas totalement faux, mais totalement inutile pour un projet aujourd'hui. 

Pour ce qui me concerne, j'en suis presque là. A expliquer que c'est très limité aujourd'hui mais que dans quelques mois les possibilités de choix devraient être suffisamment larges pour que chacun trouve chaussure à son pied. Optimiste par volonté donc tout en étant un peu navré de rappeler que l'un des objectifs de la réforme était que la complexité soit totalement absorbée par les professionnels et que le système soit très simple pour les utilisateurs. Pour égaler Matisse, il y a encore du boulot. 

25/02/2015

Au bonheur des rentiers

L'activité de formation est une activité de production : de l'organisation, de la logistique, des actions, de la mesure qualité...comme dans d'autres domaines, on peut parler d'industrie tertiaire. Faire le choix de la certification systématique comme objectif de tous les dispositifs de formation pourrait bien faire voler en éclat ce marché. Avec d'un côté des producteurs à l'activité toujours plus assignée et encadrée, comme l'industrie s'est trouvée assujettie à des normes qualité qui constituent le meilleur moyen de sous-traiter tout en maîtrisant les processus de production, et de l'autre côté des rentiers qui, propriétaires de la certification toucheront des royalties pour rendre cette certification accessible, et par la même occasion le marché, à ceux qui n'y auraient pas accès sans cela. Pour les heureux possesseurs de la certification, voilà une source inépuisable de revenus sans les tracas de la production. De quoi envisager l'avenir sous le signe du farniente.

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Pour les organismes de formation, le positionnement sur le marché de la certification n'est plus une question, c'est une urgence. Et un choix autour de trois possibles : travailler avec des certifications libres d'accès (ce qui suppose que le certificateur ne réclame pas de rente ou une rente modique), développer sa propre politique de certification, en comprenant bien qu'une certification ce n'est pas simplement un quizz à la fin d'une formation mais l'établissement d'un processus de vérification de compétences (et non de connaissances) qui ont du sens, ce qui constituera pour beaucoup une révolution copernicienne, qu'il faudra ensuite amener à la reconnaissance en passant par les arcanes du RNCP ou de l'inventaire, la troisième alternative étant de trouver des partenaires avec lesquels les intérêts communs seront suffisants pour ne pas se trouver dans la situation du sous-traitant qui rend l'essentiel de la valeur ajoutée produite à son donneur d'ordre. Car cette quatrième possibilité sera la seule subsistante pour ceux qui n'auront pas pris le virage assez tôt et ne seront plus invités au bal des rentiers. 

24/02/2015

L'ombre d'un doute

Les auteurs de la réforme de la formation professionnelle avaient-ils conscience, en orientant l'intégralité des dispositifs légaux vers la certification, de toutes les conséquences qui en résultaient ? on peut en douter tant le raisonnement en terme de "formation" demeure présent dans les esprits alors que le système a déjà basculé vers la certification. On peut en juger au désarroi parfois affiché par des partenaires sociaux lorsqu'ils constatent que, sur le CPF par exemple, toute formation à laquelle est associée une des certifications éligibles doit être financée sans que l'OPCA n'ait à se prononcer sur le parcours. Il faut pourtant louer cette liberté des parcours et lutter contre leur normalisation qui consisterait à réintroduire des durées, des contenus, des programmes standardisés. Osons le dire, il est temps de faire confiance à l'offre et aux personnes et de ne pas  asphyxier le système en le bridant par volonté de vouloir totalement le maîtriser. Mais sur ce point, j'ai comme l'ombre d'un doute. 

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L'exemple du socle de compétences n'est pas pour rassurer : nous avions un référentiel, avec lequel il était possible de travailler, voilà que l'on nous annonce des formations types, des organismes labellisés, une certification. Et au passage quelques mois de plus avant d'entrer dans l'opérationnel. Tout encadrer, tout normaliser, tout prévoir, tout organiser, tout contrôler. tout décider, on ne peut pas dire que l'on soit sur le modèle de la confiance. Ni même sur le modèle pédagogique annoncé : celui de permettre aux acteurs de se saisir pleinement de ce qui est mis à leur disposition pour en faire le meilleur usage possible. Car réduire le champ de décision d'autrui n'a jamais été la meilleure manière de le responsabiliser. 

16/02/2015

Un problème d'aiguillage

Cela pourrait être un devoir de vacances à l'ancienne, lorsque les problèmes prenaient la forme de Leçons de choses. Essayons donc d'établir le pourquoi des choses : 

- soit des OPCA qui sont les interlocuteurs exclusifs des entreprises (pas des salariés) ;

- soit un dispositif, le Compte Personnel de Formation, qui est un droit individuel ;

- soit un financement du CPF confié aux OPCA. 

Question : Comment fait l'individu pour s'adresser à un organisme qui n'a pas pour interlocuteur...les individus mais les entreprises ? 

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La réponse institutionnelle est prête : soit l'individu passe par son employeur (notamment lorsque la formation se réalise pendant le temps de travail), soit il sollicite un des organismes en charge du Conseil en Evolution Professionnelle : OPACIF, APEC, POLE EMPLOI, CAP EMPLOI, MISSION LOCALE. 

Conclusion : bon courage pour expliquer aux bénéficiaires qu'il ne faut surtout pas s'adresser au financeur et qu'il faut choisir son porte-parole !

Restons positif en ce lundi matin ensoleillé : voilà un boulevard pour les entreprises qui souhaitent être proactives sur le dispositif et pour celles qui souhaitent tout simplement rendre service à leurs salariés. 

11/02/2015

HELP !

S’il faut en juger par la manière dont le terrain réagit, alors il n’y a aucun doute. La réforme de la formation est une vraie de vraie. Tous les repères volent en éclat, plus personne n’y comprend rien,  tout le monde essaie, tant bien que mal, de continuer comme avant mais constate que c’est impossible, les salariés qui avaient pris quelques habitudes avec le DIF sont perdus,  les OPCA tentent de geler l’année 2015 en surjouant le fait que rien ne change sur la collecte à venir, les organismes de formation sont en mode panique et tentent de se rassurer en se disant que de nouvelles opportunités ne vont pas tarder à apparaître, ou que leurs concurrent sont peut être encore plus paumés qu’eux, bref c’est le souk.

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On pourrait en conclure que pour une fois, il s’agit d’une réforme qui modifie véritablement le système, en profondeur. Et l’on aurait sans doute raison tant on a pas encore mesuré l’impact de la place accordée à la certification, de la fin de la fiscalisation des plans, de la liberté accordée aux entreprises mais aussi aux salariés. Bien sur, il y aura des soubresauts conservateurs qui tenteront d’annihiler les effets de rupture que la réforme introduit, bien évidemment toutes les évolutions ne sont pas nécessairement positives, même si l’on préfère juger sur pièce que faire des procès d’intention, mais ce qui est certain, c’est que ceux qui souhaitaient donner, avec cette réforme, un grand coup de pied dans la fourmilière ont manifestement réussi leur coup.

10/02/2015

C'est parti !

Alleluhia !!!! Après 12 ans d’attente, quatre ou cinq faux départs, pas mal d’espoirs déçus et un léger doute sur le fait qu’il sortirait un jour, et bien voilà, c’est fait, l’inventaire des certifications non diplomantes est né le vendredi 6 février, avec les premières décisions de la CNCP.

Il serait facile, trop facile, de parler d’inventaire à la Prévert. C’est un inventaire à la CNCP, voilà tout. Qui associe des certifications de la marine, des éditeurs informatiques, des langues, de la sécurité, de l’artisanat et quelques autres encore.

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 Une première liste qui promet de beaux débats dans les instances paritaires en charge des listes de formation éligibles au compte personnel de formation lorsqu’il s’agira de rendre accessibles à tous les salariés les formations obligatoires en matière de sécurité (CACES, Habilitations, etc.). On aura alors l’occasion de constater si les organisations syndicales vont, ou non, au bout de la logique de la liberté de choix du salarié ou s’ils continuent à considérer que le salarié est un incapable majeur qui ne sais pas dire non à son employeur. On s’amusera aussi lorsque les OPCA financeront comme prioritaire le certificat de sensibilisation à la surêté, eux qui ont refusé tant de dossiers qui portaient le mot sensibilisation plutôt que formation. Voilà de belles occasions en tout état de cause, de revisiter nos représentations et modes de fonctionnement.

Et on attendra avec gourmandise de voir la diversité des programmes de formation qui seront proposés avec un TOEIC ou un BULATS associés plus ou moins artificiellement.

On sent bien que cet inventaire ne sera pas sans conséquences. Alors vite, la suite !

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09/02/2015

Simple, non ?

Apparemment pas tant que ça, ou alors je m'y prends comme un manche pour expliquer la manip. Mais, ayant un faible pour les lézards mexicains, je ne lâche pas l'affaire et profite du lundi matin et de la vitamine D d'un week-end ensoleillé pour remettre l'ouvrage sur le métier. En route donc ! le 28 février prochain, les entreprises solderont leurs contributions au financement de la formation professionnelle pour l'année 2014. Le message qui leur est délivré est souvent que pour cette collecte, rien ne change et que les nouvelles règles ne s'appliqueront qu'au 28 février 2016 sur la collecte au titre de l'année 2015. Ce qui est, bien évidemment faux. Les nouvelles règles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2015 et deux mois après on ne peut pas faire comme si elles n'existaient pas. Et si elles n'impactaient pas le versement qu'une entreprise peut faire  à son OPCA au titre du plan de formation. 

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Car effectivement, sur les contributions obligatoires (CIF, Professionnalisation, éventuellement versement obligatoires conventionnels sur le plan) rien ne change. Par contre, pour les entreprises qui avaient l'habitude de verser, de manière volontaire, tout ou partie de leur plan de formation (dans le cadre du 0,9 %) la question se pose de savoir si ce versement doit encore être effectué, et si oui au titre de quelle année. Car entre le 1er janvier et le 28 février 2015, les dépenses peuvent être effectuées au titre de 2014 ou de 2015. Or, si un versement plan est effectué au titre de 2014, il est mutualisé puis remis à disposition dans les conditions fixées par le Conseil d'administration de l'OPCA. Alors que si le versement volontaire est effectué au titre de 2015 (dès lors que l'entreprise n'en a pas besoin pour justifier de l'atteinte de son 1,6 %), il s'agit d'une somme non mutualisée qui est portée au crédit de l'entreprise et lui reste acquise. Une bonne occasion pour se rapprocher de son OPCA et voir sur quelles bases peut s'établir une relation nouvelle dans un environnement juridique nouveau. 

21/01/2015

Big Bang pour les représentants du personnel ?

Jeudi se tiendra la dernière séance de négociation sur la réforme des instances représentatives du personnel, entamées il y a plus de 4 ans. La pression est forte sur les partenaires sociaux pour aboutir à un accord, car comme pour chaque négociation interprofessionnelle désormais, l'incapacité d'aboutir à un accord redonne la main au politique et réaffirme la primauté de la démocratie politique sur la démocratie sociale, dans un affrontement de légitimité qui n'ose dire son nom. Pourtant, il est sans doute plus difficile d'aboutir sur ce sujet que sur la réforme du marché du travail, des licenciements économiques ou de la formation professionnelle (pour reprendre les derniers ANI marquants). Car la création des délégués du personnel, en 1936, puis des CE en 1945, des sections syndicales en 68 et des CHSCT en 1982, coïncide avec 4 grandes dates de l'histoire sociale qu'il n'est guère facile de liquider en un Big Bang qui fusionnerait toutes ces planètes pour leur substituer la planète mère du Conseil d'entreprise. 

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Lorsque l'on touche aux fondamentaux, difficile de faire table rase. Il faudra donc beaucoup de bonne volonté et d'innovation jeudi, dans un contexte qui propose peu de grain à moudre, pour parvenir à un accord qui à la fois revisite les instances en faisant primer leur rôle et leurs missions sur leur nombre et les procédures, et qui créé les conditions d'un dialogue social qui ne s'est pas encore établi véritablement dans notre pays, comme on peut le constater dans l'opposition farouche à toute intervention syndicale dans les TPE. Sans doute l'innovation n'ira-t-elle pas jusqu'à abandonner l'appellation de conseil d'entreprise au profit de celle, historique, de conseil ouvrier. Il n'empêche qu'il serait bon, quitte à revoir les fondamentaux, de ne pas s'en tenir à un accord de gestion mais de poser quelques principes, dont le lien plus étroit entre les mandants (les salariés) et les mandataires (leurs élus) et la mise en place de procédures de fonctionnement qui soient moins marquées par les obligations formelles et davantage centrées sur quelques questions clés. Résultat jeudi. 

18/01/2015

Y a pas que la formation

Le Compte personnel de formation pourrait bien occulter l'un des objectifs de la réforme de la formation, et non des moindres. Annoncé dans le courrier que Sapin avait envoyé aux partenaires sociaux, il consiste à profiter de la défiscalisation pour ouvrir le champ des moyens  du développement des compétences et ne pas s'en tenir à la formation comme horizon ultime de la professionnalisation. Si le CPF renforce la notion de besoin de formation, la défiscalisation du plan lui substitue le concept de besoin de compétences ou de professionnalisme. Alors que pendant 40 ans la règlementation fiscale a porté à bout de bras les budgets de formation, plans de formation, besoins de formation et services formation, soit une logique d'action centrée sur le produit, la réforme met l'accent sur le besoin de compétences et la diversité des moyens de professionnalisation.


Encore faut-il vaincre la force de l'habitude. Très peu de négociations ont, à ce jour, saisi cet espace ouvert sur la diversité des moyens de développement des compétences. Aussi faut-il saluer le projet d'accord, en cours de négociation, dans le secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif, dans lequel les partenaires sociaux listent différents moyens de professionnalisation qui pourront désormais être financés par l'OPCA : l'analyse de pratiques, la supervision, les rencontres professionnelles, les actions intégrées au travail, les actions de développement professionnel, les formations internes, etc. En soulignant qu'il n'y a pas que la formation, un tel accord invite à ne pas focaliser excessivement sur le moyen pour s'intéresser surtout au résultat. La question n'est évidemment pas de savoir si le volume de formation augmente ou non, mais plutôt si chacun a la possibilité, quels que soient les moyens utilisés, de se développer professionnellement.