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08/01/2014

Un entretien à tiroirs

Débutons le passage en revue du projet de loi sur la formation professionnelle par le nouvel Entretien Professionnel. Une lecture rapide pourrait persuader certains qu'on ne fait que reprendre de l'ancien et que l'on créé une nouvelle obligation procédurale qui imposera aux entreprises de rajouter trois cases à leurs supports d'entretiens annuels et que tout cela sera un peu formel et vite bâclé. Ceux-là pourraient bien avoir un réveil brutal, car il n'existe qu'un lointain rapport entre l'entretien professionnel version 2003/2004 et celui qui nous est proposé aujourd'hui. Mais pour s'en rendre compte, il faut en ouvrir tous les tiroirs.

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Femme tiroirs - Igor Morski

En premier lieu, l'objectif de l'entretien (qui est obligatoire pour toutes les entreprises quels que soit leur taille et leur secteur d'activité) est de passer en revue les perspectives d'évolution professionnelle, notamment en terme de qualification et d'emploi, ce qui en fait clairement un entretien RH et non un entretien managerial. L'ANI exclue d'ailleurs que cet entretien soit confondu avec l'entretien d'appréciation ou entretien annuel. Premier problème : comment réaliser quantitativement ces entretiens avec la ligne RH ?

En second lieu, tous les six ans l'entreprise doit à l'occasion de l'entretien vérifier que le salarié a :

- suivi au moins une action de formation ;

- bénéficié d'une progression, salariale ou professionnelle ;

- acquis des éléments de certification, par la formation ou la VAE.

Il est prévu que si deux sur trois de ces critères ne sont pas remplis, les entreprises de 50 salariés et plus devront abonder le compte personnel de formation de 100 heures avec le financement associé. Ce qui impose, compte tenu du faible nombre de salariés qui obtiennent des diplômes, un droit à la formation tous les six ans et un droit à l'évolution salariale (qui ne saurait être la seule augmentation des minimas conventionnels ou du SMIC) pour tous. Avec une sanction à la clé. Et si pour les petites entreprises la sanction n'est pas définie par la loi, nul doute que le juge ne pourra qu'attribuer des dommages et intérêts à tout salarié qui n'aurait pas bénéficié des entretiens et suivi des formations et bénéficié d'une évolution salariale. 

Et l'on peut faire confiance au juge pour trouver dans ces nouvelles dispositions, un point d'appui pour ouvrir encore de nouveaux tiroirs.

Ceux qui se sont empressés de constater que l'ANI ne changeait rien fondamentalement en matière de formation, feraient peut être bien de remettre l'ouvrage sur le métier et de travailler les textes plutôt que d'exposer leurs préjugés.

 

Commentaires

L'entretien professionnel sera-t-il plus efficace que sa version 2004 ? on peut en douter. Quant à offrir 100 heure de CPF supplémentaires à chaque salarié n'ayant pas bénéficié de formation cela ne posera pas de problème puisque ces heures de formation seront virtuelles et pas du tout financées (le 0,2% est une plaisanterie destinée à singer le CIF). Bref on n'est pas encore sorti de l'auberge avec le CPF mais d'un autre côté il faut sans doute garder la Foi.

Écrit par : cozin | 08/01/2014

Et oui, la question, comme toujours, est celle du financement : quid du financement des millions d'heures de formation attribuées aux actifs sur leurs comptes CPF ? S'il n'y a pas un financement effectif pour chaque heure de CPF, nul doute que le dispositif végétera et on verra ressurgir les mêmes critiques que pour le DIF. Ce n'est effectivement pas le 0,2% qui permettra de garantir un financement de ces millions d'heures CPF ; on en reviendra donc soit à un frein par le biais d'actions éligibles très limitées, soit par le biais de financements très limités (avec donc un reste à charge tellement conséquent pour l'individu que le projet sera abandonné). Et encore une fois, pourquoi faire naître de faux espoirs en accordant des heures fictives par définition puisque non financées ? Il eut été plus judicieux d'inventer un système d'attribution de montants garantis, quitte à réinventer le système de financement.

Écrit par : Yannick | 09/01/2014

Bonjour,

Il ne faut pas confondre le CPF et le projet. Le CPF et le 0,2 % n'ont vocation qu'à constituer qu'une partie du financement du projet et l'ANI et la loi prévoient une articulation du CPF avec tous les autres dispositifs : CIF, plan, période de professionnalisation, POE, etc. De fait, le schéma qui se met en place consiste à faire du CPF le pivot qui fixe les objectifs et fédère les financements. Il est donc un peu tôt pour déjà considérer qu'il s'agit d'une illusion et qu'il sera inopérant. D'autant que de nouvelles articulations sont à venir (pour les jeunes sans qualification, avec le compte pénibilité...). Par ailleurs, l'information externe gérée par la CDC garantira, contrairement au DIF, une information identique pour tous les bénéficiaires. On est vraiment sur un dispositif très différent du DIF qui ne peu servir de référence pour juger de l'avenir du CPF.

Cordialement

jpw

Écrit par : jpw | 09/01/2014

Cher Jean-Pierre, j'aime votre optimisme à toute épreuve (et votre enthousiasme communicatif dont j'ai pu bénéficier en tant que participant à un stage animé par vos soins) et je souhaite de tout cœur que cette énième réforme réponde enfin aux attentes de chacun. Mais cette articulation des co-financements dont vous parlez et qui est effectivement prévue par cette réforme, me semble très complexe à mettre en œuvre dans le cadre du périmètre de financement actuel qui évolue mais trop peu selon moi et qui dès lors ne me se semble pas de nature à faciliter ce type de montages. Restons optimistes et attendons de connaître les tenants et aboutissants de la loi et des décrets et accords qui suivront...

Écrit par : Yannick | 10/01/2014

bonjour
Vous écrivez :
"Et si pour les petites entreprises la sanction n'est pas définie par la loi, nul doute que le juge ne pourra qu'attribuer des dommages et intérêts à tout salarié qui n'aurait pas bénéficié des entretiens et suivi des formations et bénéficié d'une évolution salariale. "
Ceci indique que le salarié se retourne contre son employeur qui n'aurait pas respecté son obligation de former. Mais qu'en sera-t-il de la capacité des salariés à saisir les prud'hommes après la réforme qui s'annonce et la très coutre fenêtre de tir disponible depuis mai 2013. De plus et si je ne m'abuse la future loi porte le doux nom de "... démocratie sociale". Faire respecter l'obligation de former par les tribunaux ne parait pas à priori accessible à tous.
En fait j'ai un peu des doutes sur la réalité du recours à la formation pour un nombre non négligeable d'employeurs...
Bien cordialement

Écrit par : kristine | 10/01/2014

Si on ne parie pas systématiquement sur l'intelligence, on ne fait pas de formation.

Ce n'est donc pas de l'optimisme à toute épreuve, mais une volonté délibérée.

Reste à mettre les actes en adéquation, chacun à son niveau.

Très bonne semaine à vous deux

jpw

Écrit par : jpw | 12/01/2014

Bonjour,
Dans le cadre d'un mémoire universitaire, je m'interesse aux pratiques en matière d'entretiens professionnels. Pensez vous qu'il serait judicieux pour une entreprise de les externaliser? Merci.

Écrit par : Guillaume S | 04/03/2015

Les commentaires sont fermés.