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13/01/2015

Un léger décalage

Au départ, il s'agissait d'éviter aux entreprises de voir leur versement obligatoire à l'OPCA augmenter. Alors on a prévu dans l'ANI du 14 décembre 2013, repris par la loi du 5 mars 2014, la possibilité pour les entreprises de signer un accord collectif pour ne pas verser la contribution de 0,2 % destinée au CPF à l'OPCA et de la gérer directement. Politiquement, on pouvait annoncer que le plan était défiscalisé et que les versements n'augmentaient pas. En réalité, l'intérêt de gérer soi-même le financement du CPF est bien maigre, du moins tant qu'il y a de l'argent dans les caisses. Jugez par vous même : 

Qu’est-ce qu’un accord de gestion directe du CPF ?

C’est un accord qui permet à l’entreprise de gérer elle-même le financement du compte personnel de formation et de ne pas verser la contribution de 0,2 % correspondante à l’OPCA. Cette possibilité est ouverte à toutes les entreprises de 10 salariés et plus.

Quelles sont les caractéristiques de l’accord de gestion directe du CPF ?

Il s’agit d’un accord collectif de travail conclu avec les organisations syndicales. Il doit avoir une durée de trois ans et prévoir les modalités selon lesquelles l’entreprise financera le CPF, notamment les plafonds éventuels de financement et la prise en charge, ou non, de la rémunération des salariés qui se forment pendant le temps de travail.

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Sarah Eisenlohr - Collage

A quel moment peut-on conclure un tel accord ?

Il n’y a pas d’échéance particulière, l’accord peut être conclu à tout moment mais il ne peut concerner l’année au cours de laquelle il est signé que si aucun financement de CPF n’a été demandé à l’OPCA.

Quelles sont les conséquences d’un accord de gestion directe ?

Les demandes de financement des salariés ne sont plus transmises à l’OPCA mais prises en charge directement par l’entreprise à hauteur du budget défini par l’accord, qui est obligatoirement d’au moins 0,2 % de la masse salariale.

L’accord de gestion directe permet-il à l’entreprise de faire des économies ?

Non, au contraire. L’entreprise est obligée de financer les formations demandées par les salariés dans la limite de son budget. Si au bout de trois ans elle n’a pas consacrée au moins 0,2 % de la masse salariale pour le CPF, elle doit faire un versement correspondant au manquement à l’OPCA. Et elle doit assumer elle-même les coûts de gestion.

L’accord de gestion directe prive-t-il les salariés de la possibilité de s’adresser à l’OPCA ?

Oui. Si l’entreprise conclue un tel accord, les salariés ne peuvent plus s’adresser à l’OPCA et se trouvent limités au budget de l’entreprise sans pouvoir profiter de la mutualisation. De ce fait, il faudra des contreparties importantes pour que des organisations syndicales signent un tel accord.

L’accord de gestion directe présente-t-il d’autres inconvénients ?

Il rend mois facile l’articulation du financement du CPF avec d’autres dispositifs gérés par l’OPCA : périodes de professionnalisation, plan de formation, versements conventionnels ou volontaires, financements publics, etc. Il peut aussi conduire l’entreprise à acheter des formations qui ne l’intéressent pas puisque l’accord ne change rien aux formations éligibles qui peuvent être demandées par le salarié et que l’entreprise ne peut pas refuser tant que le budget n’est pas épuisé.

Quel est alors l’intérêt d’un tel accord ?

Dans un premier temps, il y a clairement plus d’inconvénients que d’avantages. Pour les TPE et PME on peut même affirmer qu’il n’y aura jamais grand intérêt. Pour une entreprise de grande taille, l’intérêt pourrait survenir lorsque les financements du CPF seront insuffisants pour faire face à toutes les demandes et que l’OPCA définira des priorités. Si ces priorités ne rencontrent pas celles de l’entreprise, l’accord de gestion directe peut alors présenter un intérêt. Encore faut-il réserver le cas où le CPF serait un succès dans l'entreprise : mieux vaut que la limite budgétaire vienne de l'extérieur que de l'interne. Au final, la balance n'apparaît pas très équilibrée.

Est-il possible de conclure un accord et de confier les fonds à l’OPCA pour leur gestion ?

Oui. Un tel montage permet à l’entreprise de définir ses propres abondements et ses priorités sans avoir la gestion à gérer et en facilitant l’articulation avec d’autres dispositifs. Mais cela ne permet toujours pas de bénéficier de la mutualisation.

31/01/2013

L'exceptionnel au quotidien

Tous les avocats le savent : l’affaire qu’ils sont en train de traiter avec ce client qui leur raconte sa vie avec force détails est, pour eux, une parmi tant d’autres, mais pour le client c’est la seule. Tous les acteurs de théâtre le constatent : pour ceux qui sont venus voir le spectacle le soir où il a été un peu moins bien maîtrisé, c’est un jugement global qui sera porté (c’est mauvais) et non une appréciation relative (ce soir, ce n’était pas le soir). Les cuisiniers aussi en font l’expérience quotidienne : le service est un ordinaire qui doit se transformer en extraordinaire pour celui qui s’offre une fois l’an un repas d'exception et s’en réjouit des mois à l’avance, ou pire encore pour celui qui, en consommateur blasé de l'exceptionnel, veut toujours plus et mieux et a depuis longtemps oublié la bienveillance. D’un côté des attentes sans limite ou presque, de l’autre côté un quotidien qui menace de basculer à tout moment dans le routinier.

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Restaurant de Jean-François Piège

Comment satisfaire cette perpétuelle envie d’exceptionnel, en sachant que l'on ne peut l’être tous les jours. Assez naturellement si l’on aime ce que l’on fait, si l’on est curieux de ceux à qui l’on rend service et si l’on arrive à préserver une part de jeu dans l’activité. Ces trois ingrédients, et quelques autres dans l'assiette, sont bien présents chez Jean-François Piège. Mais il n'est pas surprenant que dans les organisations où l'un d'eux vient à manquer, il ne reste bien souvent que la souffrance ou la violence face à des exigences sans mesure. L'Enfer c'est les autres disait Sartre, qui n'aurait pas du oublier de préciser que c'est aussi le Paradis.

24/12/2010

Histoire de la clause qui devint un piège

Le Code du travail ne traite pas de la clause de non-concurrence. Son régime est donc bâti par la pratique et régulé par la jurisprudence qui a, au fil des ans, posé les conditions à respecter pour que la clause de non-concurrence soit valide. Tout d'abord les juges ont exigé que la clause soit limitée dans le temps et dans l'espace. Ensuite ils ont vérifié si elle était bien indispensable à la protection des intérêts de l'entreprise : il ne peut y avoir de clause de non-concurrence que si l'activité exercée est concurrentielle et notamment si elle est en relation directe avec le produit fini, le service rendu ou le client, ce qui limite la portée des clauses pour les fonctions supports. Ils ont encore demandé à ce que le salarié ne soit pas privé d'exercer toute activité au regard de ses compétences et de sa qualification. Enfin ils ont exigé que la clause fasse l'objet d'une contrepartie financière. Et en 2007, la Cour de cassation a estimé que cette contrepartie devait être versée après la fin du contrat de travail et pendant toute la période de non-concurrence. Ainsi se refermait le piège sur les entreprises qui avaient prévu une indemnisation en cours de contrat.

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Jack Vettriano - Le piège à touriste

Il était fréquent, avant 2007 et encore après pour les étourdis, de prévoir qu'un complément de salaire serait versé pendant le contrat de travail pour payer par avance la non-concurrence et ne pas avoir à la rémunérer ensuite. Ce complément était souvent exprimé en pourcentage. Dès lors que la Cour de cassation exige, de manière soudaine, que l'indemnisation ait lieu après la rupture, se pose la question de la validité de ces clauses : pas de problème elles sont nulles. Mais si elles sont nulles, les sommes sont versées à tort et l'employeur peut en demander remboursement au salarié, ou tout au moins interrompre le paiement d'une clause sans objet. C'est ce qu'avait jugé une Cour d'appel. A tort nous indique la Cour de cassation soucieuse de verrouiller le piège sur les employeurs qui avaient cru s'acquitter un peu trop aisément d'une contrepartie (Cass. soc., 17 novembre 2010). Et voilà donc l'entreprise tenue de payer un complément de salaire qui a, selon l'argument de la Cour de cassation, le travail comme contrepartie et non la clause de non-concurrence nulle. La prévision est difficile surtout, selon Pierre Dac, quant elle concerne l'avenir et aussi quand elle concerne les revirements de jurisprudence.