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29/06/2012

L'Europe, plein Sud !

Les banquiers et financiers anglo-saxons ont soudainement décrété la guerre au Sud. Et voici que l'on invente la notation des Etats et que l'on distribue les mauvaises notes au Sud, et voici que l'on pratique des taux usuriers pour ceux qui refusent de renoncer à ce qu'ils sont et voici comment l'on souhaite imposer l'homo-economicus comme seul horizon possible à la vie de l'homme. Pour tout cela, il est sain et recommandé de saluer que la finale de l'Euro de football se joue entre l'Espagne et l'Italie et que les Allemands si fiers d'avoir fait plier les Grecs soient invités à devenir spectateurs, ce qui nous évitera l'image d'une Angela Merkel se réjouissant à chaque but allemand comme s'il s'agissait d'un clou supplémentaire sur le cercueil des Eurobonds.

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Nicolas De Stael - Méditerranée - 1954

Pour dire cela autrement, laissons la parole à Edgar Morin :

"La logique du Nord est aveugle aux réalités du Sud qu’elle considère comme arriération, archaïsme, paresse. La pensée du Nord est faite pour traiter les problèmes d’organisation techniques, pratiques et quantifiables, c’est-à-dire, la prose de la vie. Or la vie humaine ne comporte pas que de la prose. La prose c’est ce que nous faisons par obligation, par contrainte, pour gagner nos vies – et nous la gagnons, souvent, en la perdant. La prose nous fait survivre. Mais vivre, c’est vivre poétiquement, c’est-à-dire dans l’amour, dans la communion, dans la réalisation de soi, dans la joie – à la limite dans l’extase. Je reprends ici la parole de Hölderlin : « Poétiquement l’homme habite la terre ». En fait, nous habitons la terre prosaïquement et poétiquement. Mais comme la prose tend à envahir nos vies, n’est-il pas la mission de la pensée du Sud que de rappeler le caractère essentiel de la poésie du vivre? D’autant plus qu’il y a des arts de vivre au Sud, art de vivre sur la place publique, art de vivre extroverti, art de vivre dans la communication, art de vivre qui comporte l’hospitalité, art de vivre qui maintient les qualités poétiques de la vie."

Et voilà pourquoi il faut soutenir le Sud. Arriba España !

28/06/2012

Personnel et collectif

Le raisonnement binaire par opposition est tellement fréquent (blanc ou noir ? thé ou café ? droite au gauche ? émotionnel ou rationnel ? Paris ou Province ? mer ou montagne ? slip ou caleçon ? viande ou poisson ? et l'on en passe...) qu'il est réjouissant de constater que les opposés peuvent également s'exprimer sans se nuire mais tout au contraire en jouant vis à vis de l'autre le rôle d'exhausseur de goût. Hier soir, Cécilia Bartoli, cette quintessence de l'Europe dans ce qu'elle a de plus joyeux dans le plaisir et le goût de vivre, donnait un récital dans le Théâtre Royal du Chateau de Versailles. Il y a 15 jours, au même endroit mais dans la Galerie des glaces, elle chantait Haendel. Beaucoup de cantatrices peuvent vous faire ressentir la grâce, Cécilia Bartoli va au-delà. Elle use de la liberté que lui confère son exceptionnelle technique pour jouer de sa voix, de son corps, de ses yeux, de ses tenues. Vous avez l'impression qu'elle regarde individuellement chacun des spectateurs présents. Le lieu ne l'impressionne pas qui devient sien dès qu'elle y pénètre. Impossible de ne pas être porté et emporté. Le plus admirable est cette manière d'exercer de manière toute personnelle son art : ce que vous voyez, vous êtes persuadé de ne jamais l'avoir vu auparavant.

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Crédit photo : Italians do it better

La manière dont Cécilia Bartoli associe la salle et les musiciens à sa toute personnelle manière de chanter est déjà une éclatante démonstration que l'individuel et le collectif ne s'opposent guère que chez ceux qui le veulent bien. Mais il y a autre chose. A la fin du concert, tandis que les spectateurs quittaient déjà la salle, les musiciens se sont regardés puis se sont embrassés en se remerciant. Comme l'on remercie à la fin d'un travail collectif tous ceux qui y ont participé. Comme un formateur ou un enseignant pourrait remercier à la fin de chacune de ses interventions ceux qui ont partagé ce temps de travail. Comme l'on remercierait tous ceux qui font l'effort de participer à un collectif et d'y exprimer leur personnalité sans que cela n'ait besoin de se faire au détriment d'autrui. Cécilia Bartoli, ou l'exhausseuse d'énergie.

27/06/2012

Vision globale

Les juges de la Cour d'appel avaient pourtant pris soin d'argumenter sur chacun des documents fournis par la salariée et sur chacune des contestations des décisions prises par l'employeur. Un travail analytique méthodique, pas à pas, de fourmi besogneuse et consciencieuse. Et cette analyse rigoureuse les a conduit à considérer qu'aucun des éléments fournis par la salariée ne permettait de caractériser un harcèlement moral. Déboutée donc. A tort selon la Cour de cassation qui invalide la méthode et le jugement. Un harcèlement global ne doit pas s'apprécier en évaluant la valeur probante de chaque pièce fournie par le demandeur mais par une analyse globale prenant en compte de manière simultanée l'ensemble des éléments produits. Exit l'approche analytique, vive l'art de la synthèse. Foin des loupes pour la vision rapprochée détaillée, vive la vision panoramique.

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La Cour de Cassation, dans sa décision du 6 juin 2012 énonce que les juges doivent considérer si l'ensemble des pièces fournies par un salarié, pris dans leur globalité, ne font pas présumer un harcèlement, en conséquence de quoi l'employeur doit prouver la légitimité des décisions qu'il a prises et que son comportement est étranger à tout harcèlement. C'est donc l'employeur qui doit s'expliquer pas à pas et non le salarié.

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Ce n'est pas la première fois que la Cour suprême considère que la charge de la preuve pèse sur les deux parties mais pas de manière idtentique. Au salarié de fournir suffisamment d'éléments pour que l'on puisse présumer un comportement fautif et à l'employeur de s'expliquer sur ce comportement.

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Ce rappel n'aurait pas du être nécessaire pour les juges du fond qui auraient pu se souvenir que l'opération juridique de base, la qualification des faits, suppose d'avoir une approche globale d'une situation pour déterminer s'il est possible ou non de la faire entrer dans une des catégories prévues par le droit. Que la méthode juridique constitue une sorte de mise en boîte de la réalité et que cette opération se réalise par une vision globale est un des charmes de la matière, pour qui a le goût des paradoxes.

26/06/2012

PUB !

Après plus d'un an de travail, de conception de documents, d'outils, de quizz, d'enregistrement de vidéos, de documents sonores, de création de saynètes sur le DIF, la VAE, la déclaration fiscale ou encore les représentants du personnel, etc., le produit est enfin finalisé, disponible, prêt à l'emploi.

Le 2 juillet prochain s'ouvrira la première session de formation sur la règlementation de la formation réalisée à 100 % en e-learning. Une ouverture est ensuite prévue tous les quinze jours, toute l'année. Vous pouvez avoir accès à 21 heures de formation disponibles pendant douze semaines dont 6 semaines tutorées par votre serviteur. Mais trève de discours, présentation :


Le produit a été réalisé par DEMOS E-LEARNING AGENCY (DLA). Il permet non seulement de maîtriser l'ensemble de la règlementation de la formation mais également d'apprécier l'usage que l'on peut en faire. En effet, l'esprit de la formation c'est de maîtriser la technique pour se débarrasser du droit lorsqu'il est dépourvu de valeur ajoutée (la fiscalité par exemple) et de savoir l'utiliser de manière créative pour mettre en place des solutions adaptées à votre contexte.

Pour les personnes intéressées, le contact : karine.colovic@demos.fr

25/06/2012

Lucky girl

A tous ceux qui viendront expliquer qu'ils auraient souhaité démissionner mais que  leur démission a été refusée, on pourra dorénavant donner l'exemple d'Axelle Lemaire. Cette jeune franco-canadienne nouvellement élue députée des français de l'étranger pour la zone Europe du Nord a démissionné avant même d'être nommée de son poste de Ministre délégué aux français de l'étranger. Le mot démission s'impose car lorsque le Président de la République vous appelle pour vous nommer Ministre, il vous l'annonce plus qu'il ne demande votre accord. Mais cette fois ci, ce fut non en quelques secondes. Les témoins de la scène n'ont eu comme tout commentaire que cette jolie formule : "Je fais de la politique pour changer la vie des gens, pas pour changer ma vie". La Lucky girl préféra donc sa vie à Londres auprès de sa famille au prestige de la fonction. On aimerait parfois que ce soit ceux qui refusent qui acceptent.

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Rynn Barton - Lucky girl

Un qui a accepté, c'est Thierry Repentin. Spécialiste du logement il n'a pas refusé de devenir le nouveau Ministre de la Formation Professionnelle. Fallait-il un Ministre et aurait-il fallu qu'il soit un spécialiste avéré ? Le Ministère délégué ne s'imposait pas : on aurait pu aller au bout de la logique qui inclut la formation dans des approches plus larges : dialogue social, compétitivité, emploi, régionalisation, formation initiale, etc. Ce qui justifiait que plusieurs Ministères soient compétents. La création d'un Ministère délégué ne doit pas couper la formation de ses finalités, ni de son articulation avec le dialogue social. De ce point de vue, c'est sans doute davantage du fait de ses bonnes relations avec Michel Sapin, plus que par sa connaissance du secteur, que Thierry Repentin a été nommé. Pour le reste, rappelons nous que la fonction de Ministre est une fonction politique et que pour la technique il y a les conseillers. Et qu'il faudra attendre quelques mois pour savoir si le nouveau Ministre est un Lucky boy.

22/06/2012

En vacances, lâchez-vous !

Vous avez fait des folies pendant vos vacances, de manière tout à fait inconsidérée, et n'avez su évitez l'accident, sans dire que vous l'avez provoqué.  Conséquence : un beau plâtre vous fera un souvenir à présenter à vos amis. Vous pourrez peut être également le faire dédicacer par votre employeur à qui vous allez annoncer qu'ayant eu une semaine d'incapacité de travail pendant vos congés (ne riez pas), il vous doit encore une semaine de congés payés. Devant son regard incrédule, expliquez lui que c'est la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) qui vient d'en décider ainsi. Vous n'êtes pas obligé d'ajouter un commentaire du style : "Et après on dira que l'Europe n'est que libérale et pas sociale". Vous pourrez juste le penser très fort.

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Romain Slocombe - Medical Art

La décision de la CJUE datée du 21 juin 2012, remet en  cause une règle de gestion traditionnelle de l'articulation entre congés payés et congé maladie. Conformément à un principe juridique solidement établi, les tribunaux français ont toujours considéré que le régime d'une absence était déterminé par la première absence, quoi qu'il arrive ensuite. Un salarié en congé maladie ne pouvait donc être en congés payés, même si la maladie se poursuivait pendant la période prévue de congés payés. Il fallait reporter les congés. Par contre, un salarié parti en congés payés qui tombait malade n'avait pas de droit à récupération de ses congés. Il avait pourtant droit aux indemnités journalières de sécurité sociale (qu'il cumulait avec son indemnité de congés payés). C'est cette inégalité de situation que la CJUE vient de dénoncer : le statut du salarié par rapport au droit à congés payés ne doit pas dépendre de la date à laquelle survient l'incapacité de travail. Dès lors, un salarié qui tombe malade pendant ses congés doit pouvoir rattraper les jours de CP perdus, s'il lui a été établi un arrêt de travail. Reste à trouver les médecins qui feront des arrêts de travail pendant les congés payés, mais gageons que cela ne sera pas insoluble. En avant ensuite pour la dernière  étape : annoncer à votre boss lors du retour dans l'entreprise qu'il vous reste des jours de congés à prendre. Bonnes vacances et bon retour !

CJUE - 21 Juin - CP et Maladie.pdf

21/06/2012

En route pour la Conférence

Farid al-Din Attar est un poète perse du XIIème siècle dont l'oeuvre la plus connue est la Conférence des oiseaux. Réunis à l'instigation de La Huppe, trente oiseaux se mettent en quête de leur Roi. Le voyage sera initiatique comme il se doit et lorsqu'ils rencontreront leur souverain, ils l'entendront dire : "Le soleil de ma majesté est un miroir. Celui qui se voit dans ce miroir y voit son âme et son corps.". Autrement dit, on ne voyage jamais que vers soi-même. Novalis, dans les Disciples à Saïs, nous délivre le même message : celui qui parvient à soulever le voile de la princesse Isis ne voit que son propre visage.

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Farid al-Din Attar - La Conférence des oiseaux

La Conférence Sociale programmée les 9 et 10 juillet prochains est le second grand rendez-vous du quinquennat qui débute après le Conseil Européen de la fin juin. Elle permettra à l'Etat, ainsi qu'aux Régions dans le domaine de la formation professionnelle, de définir avec les partenaires sociaux les domaines qui relèvent de la loi et de la négociation, de définir les périmètres d'autonomie de chacun et les terrains de collaboration. Dans ce rendez-vous avec l'ensemble des partenaires, chacun a rendez-vous avec lui-même pour savoir quelle part d'autonomie il est prêt à revendiquer ou à accepter. Autonomie cela signifie liberté d'agir et donc responsabilité. Si les partenaires sociaux souhaitent véritablement que fonctionne la démocratie sociale, les voici donc à l'heure de prendre toutes leurs responsabilités. La 8ème et dernière chronique du Cycle des Carnets de campagne, écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, identifie les contours de ce que pourrait être l'autonomie des partenaires sociaux en matière de formation professionnelle et les thèmes qui pourraient être inclus dans le calendrier de travail qui sera élaboré au cours de cette Conférence.

CARNETS DE CAMPAGNE 8.pdf

20/06/2012

Le poids du téléphone

Il travaille dans une de ces entreprises du CAC 40 qui figure régulièrement en tête des enquêtes sur les entreprises dans lesquelles on aimerait travailler. Il a des responsabilités importantes, un attachement fort à l'entreprise, au travail, au business. Et il sort en souriant un étrange objet de sa poche, qu'il me montre en me disant : "Mes enfants se foutent de moi lorsqu'ils voient avec quoi je travaille". L'objet est un modèle de téléphone portable qui est au Blackberry ou à l'Iphone ce que les dinosaures sont aux oiseaux, un ancêtre très lointain.

"C'est ton téléphone professionnel ?

- Oui, je viens d'informer mon boss et mes collègues que je souhaitai avoir un téléphone qui ne me serve qu'à téléphoner et j'ai trouvé ce modèle, il est un peu lourd mais au moins il n'a pas d'autre fonction que le téléphone ;

- tu fais une allergie à la modernité ? un coup  de blues ? une nostalgie soudaine devant le temps qui passe ? ou tu essaies de voir si ce petit engin peut servir de machine à remonter le temps ?

- non, j'ai juste souhaité débrancher.

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Eugène Gabritschevsky - Ce qui nous retient

- tu expérimentes le droit à la déconnection ?

- ce n'est plus une question de droit mais de santé. Plus de mail à traiter le dimanche pendant le repas familial, plus de relance étonnée qu'un message envoyé à 23 heures n'ait pas eu de réponse dans le quart d'heure, plus d'arrêt sur la route des vacances pour participer à une conf'call, plus de bruits d'oiseaux chaque fois qu'un mail ou un texto arrive, et de toute façon avec cet engin cela prend 20 minutes pour taper deux lignes donc je n'en envoie plus...

- tu fais ça depuis longtemps ?

- trois mois, depuis que j'ai changé de manager et que j'ai pu aborder cette question avec lui, ce qui n'était pas possible avec le précédent ?

- et ça va ?

- à ton avis ?

- à voir ton sourire, j'en conclus qu'il y a un créneau pour les téléphones rétros qui ne font que téléphone

- t'as raison, parce que dans tout ça il y a quand même une chose qui m'embête : il est un peu lourd."

18/06/2012

Allez les filles !

Il y aura dorénavant 155 femmes à l'Assemblée nationale, contre 103 précédemment, ce qui fait passer le taux de représentation des femmes de 18 à 27 %. La France y gagnera plusieurs places dans les classements internationaux, passant notamment devant l'Italie, le Canada ou le Royaume-Uni, même si elle reste loin des pays nordiques (Suède, Finlande, Danemark voire plus près de nous les Pays-Bas) dans lesquels la proportion de femmes au Parlement s'établit autour de 40 % ou plus. Il semblerait également que les femmes élues soient plus jeunes que les hommes qu'elles remplacent. Reste à voir si cette nette progression se traduit dans les différentes fonctions de l'Assemblée (Présidence, Commissions, Questure, etc.), mais il serait étonnant qu'elle reste sans effet.

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Degas - Jeunes spartiates provoquant des garçons

Même si les études sont peu nombreuses sur le sujet, on peut constater que lorsque la sociologie d'une profession se modifie, ses pratiques également. Ainsi pour une justice devenue majoritairement féminine, comme la profession d'avocat ou le corps des inspecteurs du travail pour ne pas parler de la fonction ressources humaines. Prenons date pour constater dans 5 ans, au terme du mandat de la nouvelle Assemblée, si le fait d'avoir 50 % de femmes en plus dans l'hémicycle a eu un impact tant sur les textes votés que sur les modalités de leur élaboration. Allez les filles !

14/06/2012

Tina or not Tina

Dans le dernier numéro d'Entreprises et Carrières, daté du 12 juin, un monsieur que je ne connais pas mais qui se nomme Jean-Pierre Basilien et dirige des études à Entreprise et Personnel, think thank patronal comme on dit, nous explique, ou plutôt nous rappelle que la France ne pourra éviter de libéraliser son marché du travail, trop rigide. L'argument est récurrent : trop de protection pour certains produirait une forte segmentation du marché, d'où le chômage, les CDD, les jobs mal payés et la société divisée en deux classes. Que l'on flexibilise (ces choses là sont dites élégamment mais concrètement cela signifie : que l'on puisse licencier plus facilement et à moindre coût) et tout ira mieux. Pas d'autres solutions vous dis-je, la saignée. C'est le retour de l'idéologie Tina (There is no alternative) popularisée par Margareth Thatcher. On peut laisser tomber et choisir de fréquenter d'autres Tina, par exemple Tina Fey qui poussa l'humour jusqu'à jouer au cinéma le rôle de Sarah Palin.

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Tina Fey - Vanity Fair

Puisque le sieur Basilien aime les rappels, autorisons nous celui-ci : la législation sur le licenciement en France date de 1973 et appartient donc aux trente glorieuses. A-t-on profité de la période pour élaborer des règles ultra-protectrices des salariés ? au contraire, avec un taux de chômage oscillant entre 3 et 4 %, on a considéré que le licenciement était un risque mineur. On a donc sanctionné l'absence de motif de licenciement par une indemnité égale à 6 mois de salaire : le préjudice ne pouvait être supérieur. Et il n'a jamais été question de réintégration, sauf dans les rares cas de nullité. La législation sur les licenciements économiques, plusieurs fois révisée dont la dernière en 2002, n'a pas modifié cet équilibre. Résultat : une entreprise peut licencier sans motif personnel ni économique dès lors qu'elle est prête à payer six mois de salaire. Voilà le prix du droit, à mettre en rapport avec la durée moyenne de chômage qui est de 13 mois. Ce qui conduit à 800 000 licenciements prononcés tous les ans, dont un quart donnent lieu à contentieux. Est-ce là une rigidité insupportable qui serait responsable tout à la fois du chômage et de la précarité. Avouons que l'on peine à le croire. Mais notre naturel nous invite à nous méfier de Tina, car l'on sait depuis Adam et Eve que l'on a toujours le choix, et à continuer à lui préférer Tina.

12/06/2012

Le provisoire ne dure pas

Au grand jeu de la Cour de cassation, chacun peut tenter sa chance, même sans garantie sur le résultat. Ayant sans doute en tête que les juges suprêmes n'apprécient guère les avenants au contrat de travail qui permettent, en augmentant provisoirement la durée du travail, de contourner les règles du travail à temps partiel, l'avocat a conseillé à son client de contester la validité d'un avenant au contrat organisant l'exercice provisoire d'une fonction complémentaire à son travail. En l'espèce il s'agissait d'effectuer les missions d'un salarié malade pendant le temps de la maladie, en sus de son propre travail. Un avenant a été conclu prévoyant une indemnisation supplémentaire du salarié pour la charge de travail et une fin de cette situation au retour du malade. Le salarié conteste cette possibilité de retour arrière : il a donné son accord au départ, il doit le donner également à la fin, sinon la situation doit perdurer. Erreur de jugement lui répond la Cour de cassation (Cass. soc., 31 mai 2012), l'avenant temporaire est parfaitement valable en matière de missions supplémentaires. Perdu.

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Plutôt que d'envisager le gain potentiel, le salarié et son avocat auraient du penser à ces sculptures de sable dont la période va bientôt revenir. Elles durent au mieux un été puis se fondent dans la plage et ne laissent guère de trace. Car ce qui est conçu pour être provisoire ne saurait devenir permanent. La beauté du provisoire est aussi dans l'instant, qu'il est vain de vouloir prolonger. Pour l'avoir oublié, le salarié se retrouve n'avoir bâti avec son contentieux que des châteaux de sable.

11/06/2012

Quand c'est pas facile, c'est bon aussi !

Il y a des situations que l'on maîtrise. Elles ne sont pas nécessairement simples, mais on est en confiance. Sûr de sa technique, de ses capacités, de ses émotions. Dans la fluidité et le plaisir de l'action. Dans la beauté du geste. On est tellement bien que l'on se regarde presque faire. Et on apprécie. Plaisirs multiples, impression un peu folle que l'on sait pourquoi on est là, que le monde a sa cohérence, sa logique, son évidence et que l'on en fait partie. Il est des situations dont l'harmonie nous porte et nous conforte. Elles sont belles comme le retour du soleil après l'orage et le  sentiment de calme et de sérénité, au milieu du vent qui houspille les nuages qui traînent, avant que ne se dévoile le grand ciel bleu dans lequel on s'inscrit tout entier.

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Place du capitole - Dimanche 10 juin 2012

Et puis il y a aussi les situations que l'on ne maîtrise pas totalement. Où rien ne se passe exactement comme prévu. Où il faut se battre à chaque seconde, contre tout ce qui résiste bien sûr mais surtout contre soi-même. Car on a perdu la fluidité. On attend en vain que l'autan se lève et balaie le ciel. Aucun souffle ne nous porte. Il faut prendre son envol, mais chaque pied, chaque jambe est comme englué dans la tourbe lourde et pesante. Et pourtant il faut s'y arracher.

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Chaque effort semble être le dernier, mais il y en aura bien d'autres. Ce n'est pas qu'affaire de volonté, c'est très loin du qui veut peut. Pour comprendre cela il faut remonter tout au bout de la condition humaine. C'est le combat originel, la lutte avec l'ange lorsqu'il ne nous reste plus rien, sauf peut être la bienveillance de l'ange.

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A tout instant, on peut avoir le sentiment que l'on y arrivera pas, que cela ne passera pas. Le corps est trop usé, déjà un peu brisé et il faut le solliciter encore. L'envie, la volonté, le désir...on est déjà bien au-delà de tout cela, et les gestes paraissent mécaniques, comme s'ils ne dépendaient plus que de la force d'inertie initiale qu'aucune régénérescence ne viendra relayer. Une fatigue immense se dresse comme un à pic infranchissable. Et puis tout d'un coup c'est fini, et on a réussi quand même.

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On ne sait pas si c'est la joie promise à laquelle on ne pensait même plus, si c'est le soulagement que ce soit fini, si c'est un paradis retrouvé, une lucidité claire comme l'air marin qui est de retour, si c'est parce que tout s'arrête que l'on peut goûter le temps, si l'on retrouve tout d'un coup tout ce que l'on avait perdu et que l'on ne retrouvait plus parce qu'on avait peur de le perdre. On ne sait plus grand chose, on sait juste que quand c'est pas facile, c'est bon aussi.

06/06/2012

Concurrence interne compétitive

Elle répond au doux acronyme de CIC. La concurrence interne compétitive est une de ces trouvailles manageriales construites sur des clichés promus au rang de concepts sociologiques voire philosophiques. Ceux qui sont à l'oeuvre ici sont assez simple: l'individu n'est motivé que par l'argent, la concurrence créé une émulation positive. Et c'est ainsi que certains dirigeants, expliquent à leur encadrement médusé, atterré, catastrophé, désespéré ou hilare selon la distance qu'ils arrivent à prendre, qu'au lieu d'organiser la coopération entre les salariés pour être efficace il faut au contraire les mettre en concurrence en interne, d'ailleurs la preuve cela se pratique dans certaines équipes de football (pendant ce temps, les rugbymen travaillent le collectif). En remontant un peu plus loin, ils auraient pu, mais cela aurait sans doute gâché la démonstration remonter à la concurrence fratricide de Caïn et Abel ou à Cronos, Saturne pour les latins, qui dévora ses enfants parce qu'une prédiction lui avait indiqué qu'un de ses fils lui ravirait le pouvoir. Mais peut être ces exemples de concurrence entre proches n'auraient-ils pas été les bienvenus dans la démonstration.

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Goya - Saturne dévorant un de ses enfants

Le salarié pensait benoitement que la concurrence au sein d'un même groupe, cela n'existait pas. Ancien directeur d'un hypermarché Leclerc et tenu par une clause de non concurrence, il savait ne pas pouvoir prendre la direction d'une autre enseigne. Alors il se fit embaucher par un autre hypermarché Leclerc et somma son ancien employeur de lui verser la contrepartie de la clause de non-concurrence. Refus de ce dernier au motif que la clause n'était pas respecté et rendez-vous pour tout le monde devant le juge. Le salarié candide expliqua au tribunal  qu'il ne saurait y avoir de concurrence au sein d'un même groupe. Le juge, qui connaît la Bible et la Mythologie, lui rétorqua que c'est souvent auprès de ses proches que l'on trouve ses principaux concurrents (Cass. soc., 16 mai 2012, n° 11-10.712). L'histoire ne dit pas si les hypermarchés s'en portent mieux.

05/06/2012

Ne pas perdre le parcours en chemin

Les herbes sont hautes, le chemin mal tracé et peut être même improvisé au gré de la promenade. Mais il permet tout de même de rentrer chez soi. Les jeunes femmes qui bousculent blés et coquelicots reviennent de leur parcours dans les champs et prairies. Elles ont goûté le soleil d'été, et se désaltèrent déjà de la fraîche eau qui les attend. Car le plaisir n'est pas que dans l'instant, il est aussi dans l'attente de ce qui va se présenter lorsque l'imagination nous livre les premières saveurs des bonheurs à venir. 

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Renoir - Chemin dans les hautes herbes - 1875

Il serait bon que le Gouvernement et les partenaires sociaux, lors de la Conférence sociale qui se tiendra au mois de juillet et ensuite dans les travaux qui en résulteront, se souviennent que le parcours est constitué d'étapes et de temps différents et qu'aucune de ces étapes n'est capable, à elle seule, de rendre compte du chemin parcouru ni de celui qui demeure à découvrir. Et c'est pourquoi il sera important de ne pas aborder la formation professionnelle sous le seul angle de la formation des demandeurs d'emploi, sous la pression du taux de chômage qui ne cesse de croître, mais de l'envisager comme un moyen d'accompagnement des parcours professionnels et d'en profiter pour faire tomber les barrières statutaires qui s'opposent aux cheminements, notamment ceux qui se font à travers champs. La 7ème chronique des Carnets de campagne, rédigée avec Jean-Marie Luttringer, explique plus avant quelles barrières il s'agit de renverser pour offrir de nouvelles libertés.

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04/06/2012

Photo de campagne

Elle n'était pas dévoilée officiellement qu'elle était déjà détournée. Il faut s'y faire, l'information est désormais toujours en avance sur elle même. Pour ceux qui douteraient que l'on a changé de monde et que ce ne sont plus les pratiques anciennes qui peuvent servir de référence, voici encore un bel exemple. Dans ce florilège de détournements, j'ai bien sur préféré celui qui met un peu de peinture sur la photo. Voici Manet et ses amis qui s'invitent au déjeuner sur l'herbe. La garden party de l'Elysée, supprimée pour cause d'ambiance dépressive, ressurgit dans l'ombre fraîche des chênes et peupliers du grand jardin. 

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On conseillera aux maires de France de préférer cette photo bucolique à l'officielle. Car si manifestement l'intention était de ne pas faire trop officiel, alors il faut aller jusqu'au bout et redonner aux pelouses leur véritable fonction qui n'est pas d'être foulées mais de tenir lieu de table  romaine  : c'est allongé qu'il faut manger et discuter, les philosophes grecs l'avaient découvert et les romains l'ont préservé. Et puis sans les amis et la convivialité, on est seul, et seul avec le pouvoir il vaut mieux éviter.