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24/02/2010

Femmes d'Espagne

Le musée est un des plus petits d`Espagne, deux petites salles au premier étage d'une maison pluriséculaire. Il abrite les oeuvres de Julio Romero de Torres, peintre cordouan du début du siècle qui choqua la bourgeoisie locale par ses portraits de femmes, qui elles n'ont guére l'air choquées.

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La chiquita piconera - 1930

Sans doute certains ont-ils pu être perturbés ou troublés par ces regards directs et dénués d'ambigüité. Par la sensualité également de ces femmes libres.
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Musidora

Et l'on se dit que le flamenco n'est pas une musique ou danse de domination d'un sexe sur l'autre mais au contraire d'une séduction réciproque dans laquelle l'union se réalise d'autant mieux que chacun affirme ce qu'il est.

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Chanteuse de Flamenco - Séville

La place affirmée des femmes espagnoles dans les peintures de Romero de Torres et dans le Flamenco ne doivent pas faire oublier que l'Espagne demeure le pays d'Europe dans lequel le plus de femmes meurent sous les coups de leur mari, amant ou compagnon. Malgré les efforts de Zapatero, qui a toujours pensé que si cette question était réglée bien d'autres le seraient également, le problème demeure. Pas sur que la crise contribue à l'atténuer.
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Cordoue - Février 2010

23/02/2010

Mosquée Cathédrale

La grande mosquée Sainte-Sophie d'Istanbul est une ancienne basilique chrétienne de Constantinople du VIème siècle. A Cordoue, l'histoire est exactement inverse. La grande mosquée construite avant l'an mil est devenu après la Reconquista une cathédrale catholique. Dans les deux cas, s'il y eut des déconstructions et reconstructions, pas de volonté acharnée de faire disparaître le passé pour le nier. Au contraire, un art qui s'installe au coeur d'une architecture qui n'est pas la sienne et qu'il va transcender par la volonté de triompher en faisant plus beau et non en détruisant.

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Lutte des raffinements, des tailleurs, des sculpteurs et des peintres vaut mieux que fracas des armes et cris de vies qui se perdent. Ce qui nous vaut d'admirer aujourd'hui les traces d'un passé indissolublement lié et d'histoires communes qui après avoir été juxtaposés se trouvent sous notre regard intégrées.
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Est-ce cette atmopshère particulière qui généra cet étonnant tableau, au fronton d'une chapelle, où Jésus et Marie-Madeleine connaissent un beau et tendre moment de quiétude alanguie ?
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Les surréalistes ont suffisamment vanté la beauté de la rencontre des contraires pour que cette union entre une mosquée et une cathédrale puisse susciter un clin d'oeil en forme de collage. L'occasion en est fournie par une exposition de photos du début du siècle prises au Chili, qui se marient avec le présent en un instant. Cordoue, la bien nommée.
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21/02/2010

karen knorr

En cette période de vacances, carnets de voyage. A Séville, l'art moderne s'expose dans un ancien monastère superbement restauré. L'occasion de constater que même sous la dictature de Franco, les peintres espagnols des années 70, en tout cas certains d'entre eux, résistaient par l'humour et le refus du tragique de ceux qui prennent le pouvoir au sérieux. Mais le coup de coeur est pour Karen Knorr et la série Gentlemen dont certaines photos peuvent être vues à Beaubourg dans l'exposition "Elles". Une photo, une phrase. Illustration.

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"Aujourd'hui la sécurité n'est pas un luxe, c'est une absolue nécéssité"
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"La femme idéale doit être mon reflet"
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"Les privilèges ne sont pas un problème si vous êtes prêt à en payer le prix"

19/02/2010

Les mots pour le dire

L'histoire est un grand classique chez les DRH, et l'occasion de détendre une atmosphère souvent pesante. Il s'agit d'un lapsus d'un DRH de grand groupe qui préside un comité d'entreprise tendu dans une ambiance de plan social à venir. Dès le début de la réunion et face à une assistance hostile, le DRH envoie les diapos du powerpoint et  lâche : "Je vais vous présenter le tableau de mort des effectifs...". Inutile de préciser qu'il n'y a plus rien à rattraper et que la négation n'est pas utile. Tout au plus peut on créditer le DRH d'avoir un noble inconscient qui ne peut cacher la vérité qui pourtant aurait du l'être. Vertu de la nature.

J'avais déjà présenté, dans la chronique du 25 novembre 2009, un florilège de lapsus, que je complète ici par ceux de la semaine. Réunion sur un projet au calendrier un peu serré. Le responsable du projet prévient : "Il ne faudra pas perdre de vue l'objectif en  cours de rut...". Voilà une route qui demandera concentration et persévérance.

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Jean-Marcel Bouguereau - Nymphes et satyre - 1873

Autre réunion, de ces réunions pendant lesquelles vous vous prenez à penser qu'il doit y en avoir des milliers de la sorte qui se tiennent un peu partout en même temps ce qui ne fait que rajouter à la longueur du temps, et conclusion finale : "Je vous laisse le joint de finaliser....". Il faudra en effet prendre soin de la suite pour que le projet ne parte pas en fumée. Bon week-end à toutes et à tous.
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18/02/2010

La vraie vie

"Vous êtes juriste ?" la question  est souvent posée avec une pointe de méfiance ou de défiance. Méfiance car le juriste est souvent perçu comme enfermé dans ses livres, textes, bibliothèques. Défiance car le juriste énerve en ayant à la fois réponse à tout, car les mots peuvent tout et que le droit c'est de la littérature, sans pour autant avoir de certitudes car si le raisonnement juridique peut être rigoureux, il n'est jamais une science exacte. Le questionneur tient souvent le juriste pour un théoricien et le droit pour une abstraction. Ailleurs est la vraie vie. Bien souvent pour dirigeants, managers ou salariés, le droit n'a qu'un lointain rapport avec la réalité. Mais reconnaissons que pour le juriste, la réalité n'est parfois qu'une projection de présupposés. Par exemple, en droit du travail, celui qu'il ne saurait y avoir de véritable négociation entre l'employeur et le salarié et que les volontés par définition ne sont pas égales. Un coup d'oeil sur les 170 000 ruptures conventionnelles peut être ?

Si l'on voulait répondre sur les livres et bibliothèques on pourrait convoquer Cendrars, qui avait calculé que toute une vie ne suffirait pas pour lire tous les livres des grandes bibliothèques dans lesquelles il passait ses journées entre deux voyages, ou encore Gérard de Nerval, arrivant à Alexandrie, s'enfermant dans sa chambre d'hôtel, se plongeant dans la lecture et écrivant : "Le vrai Orient est là, dans les livres". Qu'est-ce que la vraie vie ? peut être cette phrase de Victor Hugo : "Ruth songeait et Booz dormait".

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Frédéric Bazille - Ruth et Booz - 1870

Si l'on veut la clé de la réponse, on peut lire le poème de Victor Hugo ci-dessous. Ou bien cette phrase d'André Breton "la vie humaine, conçue hors des limites strictes que sont la naissance et la mort, n'est à la vie réelle que ce que le rêve d'une nuit est au jour qui vient d'être vécu". La théorie n'existe pas en tant qu'elle fait partie de cette vie. Et aucun présupposé ne résiste aux rêves individuels.

17/02/2010

Schizophrénie

La schizophrénie ne date pas d'hier. Je ne parle pas de la maladie, quoi que, mais de cette propension à faire des choix individuels qui peuvent s'avérer pertinents à ce niveau mais sont désastreux au plan collectif. L'affaire a débuté au cours des années 70 avec la sidérurgie, le charbonnage ou encore le textile et le recours massif aux préretraites pour régler des problèmes d'emploi. Plutôt que la reconversion, le paiement des salariés les plus âgés pour qu'ils quittent le marché du travail devient un mode de gestion banalisé. Et c'est ainsi qu'est accréditée lentement mais surement l'idée qu'à partir de 55 ans on est juste bon à s'arrêter de travailler. Le Gouvernement encouragera pendant longtemps les préretraites avant de tenter d'y mettre le holà. Pour autant, la schizophrénie perdure.

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Marie-Jo Chapatte - Peintre schizophrène
Janvier au sourire d'hiver - 1986

Elle perdure par exemple quand Sanofi-Aventis annonce à la fois 8 milliards de bénéfice en 2009 (vive la crise ,la grippe H1N1, les experts de l'OMS et les déficits publics !) et un plan de départs volontaires avec des préretraites maison à 55 ans. Le tout au moment où l'on annonce une réforme des retraites et que le MEDEF réclame une révision à la hausse de l'âge de la retraite. Et de nouveau, le petit air lancinant du "Faites ce que je dis, pas ce que je fais" déroule sa musique entêtante. Dans ce contexte, il est vain de penser que le financement des retraites pourra être assuré par une cotisation sur les salaires comme actuellement. Soit les pratiques de gestion des ressources humaines changent rapidement (Darcos la menace veut y contribuer en interdisant les PSE avec mesures d'âge : on attend de voir), soit il faudra financer les retraites en taxant la valeur ajoutée et non la masse salariale. Après tout, on pourrait peut être faire les deux.

16/02/2010

Menace de rupture

La Cour de cassation a mis à la charge des employeurs, depuis 2002, une obligation de sécurité de résultat. Il en résulte que l'employeur ne doit pas simplement prendre des mesures face à des situations mettant en danger les salariés, il doit y mettre fin lorsqu'elles constituent des menaces sérieuses pour leur santé. Deux arrêts du 3 février 2010 nous donnent une illustration nouvelle de la mise en oeuvre de ce principe. Dans les deux cas il s'agit de salariés qui ont quitté leur entreprise à leur initiative du fait de situations de harcèlement moral et sexuel. Dans le premier cas l'auteur du harcèlement était le directeur, dans le second cas la salariée se plaignait d'une mise à l'écart et de l'interdiction faite à ses collègues de lui parler. Les juges du fond ont débouté les salariés de leur demande de licenciement injustifié et ont considéré qu'il s'agissait de départs volontaires et donc de démissions n'ouvrant aucun droit au salarié. A tort dit la Cour de cassation. L'employeur n'ayant pas mis fin à des situations anormales, et par là-même failli à son obligation de sécurité de résultat, les salariés pouvaient quitter l'entreprise et demander à percevoir des indemnités pour licenciement injustifié. La menace pesant sur la santé du salarié justifie donc son départ.

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Max Ernst - Deux enfants sont menacés par un rossignol - 1924

La conclusion de la Cour de cassation est donc radicale comme l'est la solution qui s'offre au salarié en cas de menace sur sa santé : le manquement de l'employeur a son obligation de sécurité de résultat ouvre droit à un départ aux torts de l'employeur. On retrouve ici la distinction chère aux magistrats entre l'initiative et l'imputabilité. Ce n'est pas celui qui prend l'initiative d'échapper à une situation anormale qui est fautif, mais celui qui a créé, ou laissé perdurer, cette situation. Il s'agit en quelque sorte d'un droit de retrait définitif.

15/02/2010

Mélange des genres

La discrimination positive fait toujours débat : faut-il prendre des mesures catégorielles pour compenser des inégalités constatées ou bien l'adoption même de ces mesures contribue-t-elle à la discrimination puisqu'elle opère des sélections en fonction de critères par ailleurs illicites ? l'entreprise ne doit tenir compte ni de l'âge, ni du sexe, ni du handicap, ni de l'origine, mais on lui impose des plans seniors, des mesures en direction des femmes pour l'égalité professionnelle, des embauches de travailleurs handicapés et des mesures favorables à la diversité. Pas si simple. Pour alimenter la réflexion, trois spectacles différents. Le premier est une pièce du Théâtre Dromesko "Arrêtez le monde, je voudrais descendre" qui se joue au théâtre Silvia Monfort. Les hommes et les femmes portent des masques d'animaux et les animaux jouent sur scène (âne, cochon, coq, chèvre...). Le second est un film catalan "C'est ici que je vis", superbe et poétique vision de la vie dans les collines entourant Barcelone. Un enfant vit dans le monde des oiseaux. Les hommes et le renard lui rappeleront qu'il vit aussi ici et maintenant. Le troisième est l'opéra "Jules César" en version récital à la Salle Pleyel avec Cécilia Bartoli, Andreas Scholl, Nathalie Stutzmann et Anna Bonitatibus. Ici, les femmes ont les voix les plus graves, Andreas Scholl la voix d'un ange et Anna Bonitatibus joue un rôle d'homme avec fougue et passion. Il est de tradition, dans la musique baroque, de ne prêter que peu d'attention au genre et de s'attacher à la poésie des voix.
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Max Ernst - La toilette de la mariée

Quel lien entre ces trois spectacles ? la clé dans un quatrième évènement, le salon des éditeurs en sciences humaines qui se tenait dans le Marais ce week-end. En furetant dans les allées à la découverte de publications inconnues, on pouvait constater que nombre de chercheurs s'interrogent toujours sur les frontières entre homme et animal et entre homme et femme. Et au terme de cette promenade on se dit que la  discrimination se traiterait sans doute mieux par le questionnement, la remise en  cause et l'abolition des frontières, que par le renvoi de chacun à sa présupposée et forcément réductrice catégorie d'appartenance. Petit appel donc pour une remise à l'honneur de la pluralité des identités et le mélange des genres.

 

12/02/2010

Poor lonesome salarié

Le cabinet est toulousain, mais en l'occurence cette qualité est insuffisante pour défendre le projet. Le cabinet Merlane va proposer aux entreprises un outil britannique d'évaluation permettant de tester la "force mentale" du salarié. L'objectif est de mesurer la capacité de challenge, considérer tout défi comme une opportunité et non un danger, la capacité de contrôle, volonté d'agir et non de subir, la capacité d'engagement, concentration sur des objectifs, et la capacité de confiance, détermination à vaincre les difficultés. Le cabinet précise sans rire que ce test doit être accompagné d'autres évaluations "car il ne tient aucun compte des compétences professionnelles". Et de vanter l'utilité d'un tel test, tous les individus n'étant pas égaux dans la gestion des contraintes et des situations de crise. Et voilà, dans le droit fil des positions défendues par le MEDEF lors de la négociation sur le stress et la violence au travail, le salarié renvoyé à sa solitude et appréhendé en dehors de tout contexte et de toute organisation, tel un être immuable dont la personnalité est fixée une fois pour toute et qu'il s'agit de dévoiler. Grandeur et décadence du salarié en cow-boy solitaire.

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Edward Steichen - Solitude

Centré sur l'individu, ce type de test, comme beaucoup de tests de personnalités, constitue une négation de principe de l'environnement et de l'interaction entre le contexte et la personne. Dans le débat entre nature et culture nous sommes ici proche d'une nature implacable et immuable. Et très loin de l'idée que tout individu est porteur de capacités et potentiels qui peuvent se développer de manière très différentes en fonction des situations dans lesquelles il se trouve placé. Comme si l'organisation n'était pour rien dans les comportements de chacun. Comme si nous vivions indépendamment de tout. Comme si notre code génétique constituait une programmation mécanique et persistante de nos attitudes et comportements. Toujours ce souci de mettre l'individu en équation. Au final, tout simplement un refus de l'humain dans sa complexité et la négation à la fois de la sociologie et de la philosophie, notamment celle d'Hannah Arendt lorsqu'elle démontre par la banalité du mal que tout individu est capable du meilleur ou du pire en fonction des circonstances (à ce sujet on rappelera que même le droit pénal tient compte du contexte et des circonstances pour apprécier les actes criminels). Même pour un cabinet toulousain,  cela fait beaucoup.

 

10/02/2010

Mobile fixe

Dans un arrêt du 3 février 2010, la Cour de cassation revient sur  le régime de la mobilité temporaire du salarié. Reprenons dans l'ordre : la Cour de cassation a établi un premier périmètre de mobilité obligatoire pour le salarié qui est le secteur géographique. Ce secteur, dont les critères ne sont pas précisément définis mais qui se délimite le plus souvent en fonction des zones de transports, d'emploi et de vie, est celui dans lequel une entreprise peut imposer une mobilité à un salarié sans besoin d'une clause de mobilité. Au-delà du secteur géographique, une clause de mobilité est nécessaire, qui ne doit pas être abusive mais correspondre à un intérêt véritable de l'entreprise. En dehors de ces deux cas, la mobilité suppose l'accord du salarié puisqu'elle constitue une modification de son contrat de travail. Toutefois, la Cour de cassation a inventé une troisième catégorie, celle de la mutation temporaire provisoire. A priori il s'agit d'une modification du contrat qui doit rencontrer l'accord du salarié. Pas du tout nous dit la Cour, ce qu'elle confirme et précise dans l'arrêt du 3 février 2010 : si la mutation est temporaire, due à des raisons exceptionnelles et que le salarié est précisément informé à l'avance de la destination et de la durée de la mutation temporaire, elle s'impose à lui. Comme les mobiles de Calder, le salarié est donc mobile à partir d'un point fixe.

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Alexander Calder - The Star - 1960

En l'espèce, une salarié qui avait une clause de mobilité sur Chatou et les communes avoisinantes, est mutée provisoirement à Saint-Denis en raison de la fermeture provisoire, due à des travaux, de l'établissement dans lequel elle travaillait. Le licenciement pour abandon de poste est injustifié non parce que la salarié pouvait librement refuser la mutation, mais parce que l'entreprise ne l'avait pas suffisamment informée de son caractère  temporaire. A défaut d'information précise en ce sens, la mutation est considérée comme n'étant pas temporaire ce qui permet alors au salarié de la refuser. Le juge fournit en l'occurence une souplesse aux entreprises sous garantie de bonne foi. Et c'est ainsi que le salarié étend son périmètre de mobilité à partir d'un point fixe. Joan Miro, grand ami de Calder, a également cette capacité à mettre dans ses sculptures un mouvement qui fait douter de leur fixité, à l'instar de ces jambes animées de vie et qui ont du beaucoup marcher tout en restant fidèles au toit de la Fondacion Miro à Barcelone.
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Joan Miro - Sculpture - Fondacion Miro - Barcelone

 

09/02/2010

Primum vivere

Blaise Cendrars avait fait de la formule d'inspiration aristotélicienne : Primum vivere, deinde philosophari, un précepte de vie. Certes parce que la philosophie n'a de sens que si on la vit, mais également parce que la pensée ne doit pas précéder l'action mais prendre appui sur elle. Penser le réel plutôt que produire un idéal déréalisé.

Lorsqu'une entreprise engage un travail sur les valeurs, qu'elle décline ensuite en slogans, affiches, chartes, bref tout le bazar de la communication, elle peut avoir simplement formalisé ce qu'elle vit, ou bien elle peut créer une image qui n'a que peu à voir avec la réalité. L'expression du réel ou l'idéal déréalisé, vice ou vertu.

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Claude Verlinde - Le vice et la vertu

Sur les valeurs, le détour par le rugby, c'est la semaine, s'impose de nouveau. Quelques anciens capitaines du XV de France nous livrent leur vision des valeurs :
- "Avant le match, les supporters te tapaient dans le dos. L'épaule et l'âme étaient marquées" Walter Spanghero
- "Pour moi Colombes ne signifie rien, mais je sais que pour une autre génération ce stade symoblise l'histoire du jeu. J'ai contribué à bâtir une histoire nouvelle au Stade de France. J'aime l'idée d'une mémoire vive qui passe d'un stade à l'autre" Fabien Pelous
- "Les anglais nous ne les battons jamais, même si parfois ils ne gagnent pas. Contre eux, tu peux l'emporter au score mais ils ont une façon d'être qui est supérieure à la défaite" Jean-Pierre Rives
Et le meilleur pour finir, dans la bouche du mythique Lucien Mias : "Nos victoires furent celles des idées, d'une pensée en mouvement. J'avais envoyé paître la Fédération dont notre équipe avait renfloué les caisses et j'ai pratiqué un management d'homme libre destiné à des hommes libres".
Pour votre prochain atelier sur les valeurs, je vous propose de ne pas rechercher un nouveau slogan mais de vous demander ce que peut être un management d'homme libre destiné à des hommes libres.
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Claude Verlinde - La liberté

08/02/2010

Improvisation organisée

La chronique de vendredi dénonçait l'improvisation à laquelle donne lieu la mise en oeuvre de la réforme de la formation professionnelle annoncée et préparée pourtant de longue date. A l'occasion de la première journée du Tournoi des six nations, ce blog placé sous le signe de la culture rugby et de Pierre Villepreux, revient sur un sujet récurrent qui ne fait pas débat : l'identité des français, pour le monde du rugby, c'est le French Flair (informons Besson que le débat est clos et que s'il devait être réouvert ce serait sur les identités et non l'identité). Oui d'accord, mais qu'est-ce que le French Flair : historiquement, l'expression est due au journaliste anglais Pat Marshall qui l'utilisa en 1963 pour caractériser l'inspiration des attaquants (qui sont à l'arrière, contrairement au football, car l'attaque est une intention et une volonté qui vient de loin) français. Le French Flair serait donc l'art de l'improvisation. Oui mais alors au sens de l'improvisation organisée du Jazz.

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Alain Garrigue - Dessin extrait de Jazz'errance - 2007

Mais donnons la parole à Rob Andrew, qui joua au Stade Toulousain, aujourd'hui directeur technique de la Fédération anglaise : "La force du French Flair, c'est qu'en vérité tout est pensé, analysé. En particulier l'art de la contre-attaque et l'utilisation des avants pour dégager le terrain. Tout à coup, on s'aperçoit que les arrières ont du champ pour percer et tout le monde dit ça c'est le French Flair ! ". Pour Pierre Villepreux, l'approche est plus Jazzy : "C'est le jeu juste. Face à une situation donnée, le porteur du ballon choisit de faire autre chose que ce qui est prévu. Et tous ses coéquipiers se placent à sa remorque pour que le mouvement continue". Autrement dit, il s'agit de trouver la meilleur solution collective à partir d'une initiative individuelle inattendue. Managers, rangez vos recettes de management, allez voir un match de rugby, écoutez du jazz et ayez le courage de l'improvisation organisée.

 

05/02/2010

Improvisation

Les rapports se sont succédés pendant deux ans, un ANI a été bouclé le 7 janvier 2009, la loi a été adoptée définitivement le 24 novembre 2009, soit un processus de trois ans pour produire une réforme de la formation qui au final est surtout une réforme des financements paritaires de la formation professionnelle mais qui impacte bien peu les entreprises et les salariés (sauf dans un premier temps à réduire les financements disponibles pour les dispositifs de formation). Et surtout, au fil d'arbitrages et compromis successifs, un texte qui pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Et comme il s'agit maintenant de construire ces réponses qui n'ont pu être élaborées pendant trois ans, il en résulte un sentiment d'improvisation ou tout au moins d'un manque de préparation des conséquences concrètes des mesures adoptées.

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Vassily Kandinsky - Improvisation

Admettons avec Kandinsky que certaines improvisations peuvent donner d'heureux résultats. A la condition que l'on quitte la cour de récréation dans laquelle chacun veut jouer au petit dur pour créer des collaborations et coopérations qui n'existent guère à ce jour entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux.
La chronique réalisée pour l'AEF avec Jean-marie Luttringer, aborde la question des financements paritaires, de la réforme des OPCA et de la gouvernance tripartite. Voilà ce qu'il faut s'attendre à savoir pour 2010.

04/02/2010

Mobilité

Un peu de matière posée sur une toile. Des lignes de couleurs qui s'entrecroisent. Des tâches, des superpositions, des coulées, des traces, l'empreinte d'une brosse large ou fine, du relief, du grattage, la toile nue, la toile recouverte, deux, dix, quinze vingt couches, l'invisible sous le visible. Au final, le mouvement du peintre, la résonnance de la peinture, l'harmonie des couleurs, l'équilibre de l'ensemble. La peinture abstraite brouille nos repères et critères. Qu'est-ce qui distingue le chef d'oeuvre de la croûte ? Pourquoi cet assemblage ci nous paraît-il miraculeux et fait vibrer nos sens alors que tel autre n'est au mieux qu'une louable initiative personnelle qui ne créé aucun écho au-delà de son créateur ? Pourquoi l'essentiel d'un côté et le purement formel de l'autre ? Trop simple de renvoyer au goût personnel, tous les goûts ne se valent pas et le relativisme, ici comme ailleurs, trouve sa limite. Il y a bien une hiérarchie des valeurs.

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Willem De Kooning

En matière de ressources humaines, on rappellera cette règle relative aux valeurs : "Entre le management et la manipulation ce ne sont pas les techniques et les procédures qui diffèrent, mais les finalités poursuivies". Et la cohérence entre les moyens et les finalités. Dans l'actualité, on constatera qu'après avoir vilipendé France Télécom et son programme de mobilité contrainte, et sommé le nouveau dirigeant d'y mettre fin, l'Etat proclame la nécessité de la mobilité obligatoire pour les fonctionnaires, se drapant dans les vertus du service public qui impose des obligations particulières. Au-delà de l'inaltérable "Faîtes ce que je dis, pas ce que je fais", on verra une fois de plus la marque d'une incapacité chronique à créer par le dialogue un mouvement vertueux pour ne retenir que le mouvement contraint, dont chaque peintre sait qu'il est le plus court chemin pour produire une croûte, c'est-à-dire une oeuvre sans valeur.

02/02/2010

Education des sens

La douceur de la peinture le dispute à sa légèreté. Jeu de la musicienne, jeu des regard,  jeu du mouvement des danseurs,  jeu des fleurs sur le sol, humour de la nature morte posée dans ce paysage si vivant et vibrant. Nature pas si morte d'ailleurs puisque les fruits nourrissent la vie et l'envie des amants, car ne doutons pas que ceux qui s'accordent si bien et jouent de notre émotion ne partagent d'autres plaisirs que ceux de la danse et du jardin. Le tableau est une allégorie, comme on aimait  en réaliser au XVIIIème siècle. L'allégorie est au symbole ce que l'oiseau est à l'animal : la version la plus virevoltante et libre qui soit. L'allégorie ici est celle des cinq sens : entendre la musique, voir les regards, sentir les fleurs éparses, goûter les fruits non défendus mais offerts, toucher les mains et avec tout cela ressentir l'émotion, la beauté sereine, souple, le plaisir rieur assorti d'un léger mystère.

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Jean Raoux - Couple de danseurs dans un parc -
Allégorie des cinq sens - 1725

Le tableau nous rappelle que le père de Montaigne le faisait réveiller avec des musiques douces et harmonieuses afin que se forme son goût et qu'il s'éduque à la beauté. Montaigne en tirera des leçons sur l'éducation. La leçon de Raoux est peut être de nous rappeller que si la nature nous accueille avec nos cinq sens, il ne tient qu'à nous de n'en occulter aucun et de les éduquer tous pour jouir des plaisirs de chacun. Cette  fraiche leçon de l'époque des Lumières est visible au magnifique Musée Fabre de Montpellier, preuve que dans cette ville, il y aussi  du bon goût.

01/02/2010

Annonciation

La loi du 24 novembre 2009 cumule plusieurs défauts : rédigée à coup d'amendements visant à défendre des positions catégorielles, elle peine à conserver une cohérence générale, d'autre part la piètre qualité du travail technique de rédaction laisse subsister de nombreuses contradictions ou imprécisions, enfin la portée pratique de la loi n'a pas semblé guider les rédacteurs qui n'ont parfois trouvé que le renvoi à des textes ultérieurs pour tenter de masquer les insuffisances et approximations du texte. Mais nous voici donc au pied du mur de la mise en oeuvre de ce qui n'est certainement pas une réforme de la formation professionnelle mais plutôt une réforme du financement paritaire de la formation professionnelle. Il paraissait donc plus approprié pour la circonstance de convoquer l'ange pneumatique d'Alfred Courmes pour annoncer les difficultés à venir dans l'application de la loi, que l'Ange du Titien ou de Fra Angelico.

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Alfred Courmes - La pneumatique salutation angélique - 1968

Dans la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF et intitulée, en hommage à Geneviève Tabouis, "Attendez vous à savoir", vous trouverez donc ce qu'il convient de s'attendre à rencontrer comme difficulté pratique dans la mise en oeuvre du nouveau texte. Deux prochaines chroniques seront consacrées à la réforme des financements et à la modification des règles concernant les organismes de formation.


Mais pourquoi vous priver de ce que le législateur ne mérite guère pour son oeuvre, l'annonciation de Fra Angelico dans laquelle la simplicité ouvre la voie de l'union entre immanence et transcendance.
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Fra Angelico - L'Annonciation - Couvent San Marco - Florence