Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/09/2011

Les non-spécialistes

Ils partagent d'avoir été juristes, magistrats, voyageurs, propriétaires de domaines que leurs femmes administrèrent, juristes, écrivains, philosophes. Ils vécurent tous deux en un château sis au milieu des vignobles, à quelques lieues de Bordeaux. L'un fut confié tout enfant à des paysans pour être au contact de la vie rude et l'autre se vit donner comme parrain un mendiant pour les mêmes raisons. L'un fut également homme de sciences et l'autre homme politique. Rangés tous deux dans la catégorie des humanistes, ils vécurent avant que les classifications ne gagnent les sciences et les arts et pour finir le savoir tout entier. Montesquieu, le plus proche de nous, participa à la rédaction de l'Encyclopédie qui est la dernière marque de cette volonté d'un savoir unifié à la disposition de tous.

DSCF6032.JPG

Chateau de la Brède - Demeure de Montesquieu

Montaigne, comme Proust le fera plus tard, conçut le projet de se peindre lui-même en société pour mieux nous faire connaître les hommes. Par le singulier, l'universel nous est dévoilé sans qu'il soit nécessaire d'emprunter le pénible chemin des généralités.

DSCF6153.JPG

Tour de Montaigne

Aucun des deux ne fit partie des Lumières, nés trop tôt, mais ils en furent des aubes lumineuses. Après, vint le 19ème siècle et la technique qui entraîna les savoirs dans le puits de la spécialisation. Terminé les humanistes qui embrassent les disciplines et rassemblent les connaissances en de jaillissantes synthèses : voici venu le temps des spécialistes qui savent presque tout sur presque rien et réduisent leur pensée à chaque fois qu'ils pensent la pousser plus loin. Le savoir disciplinaire consacre la mort du savoir. Si vous en doutez, entrez quelques instants dans le Chateau de la Brède et dans la Tour Montaigne, l'esprit des lieux vous soufflera qu'aujourd'hui encore plus qu'hier il vaut mieux tête bien faite que que tête bien pleine.

06/09/2011

L'embrouille de l'expert

L'IGF a produit sur les niches fiscales un rapport volumineux dont l'administration a le secret. Chiffres, tableaux, graphiques, analyses, comparaisons, tout pour faire sérieux. Du travail de pro, du travail d'expert. Du travail de celui qui sait s'y retrouver lui, dans la rationnalité de la complexité et qui vous fait la grâce de vous l'expliquer. Sinon, vous penseriez que tout ça n'est qu'embrouillamini et qu'il aurait sans doute été possible de faire plus simple. Mais non, l'expert aime la complexité qu'il maîtrise et qui l'isole du commun à qui il consent de délivrer parfois quelques recommandations.

DSCF5669.JPG

Mais l'expert qui s'y retrouve lui, et qui en tant qu'élève prestigieux et gratin de l'administration peut avoir un avis autorisé sur tout, est pris en flagrant délit d'avoir surtout un avis. Se hasardant à faire une comparaison avec l'Allemagne, nos grosses têtes de l'IGF se mettent en demeure de nous expliquer pourquoi nos voisins comptent trois fois plus d'apprentis : l'orientation est plus précoce, l'image est meilleure, la règlementation des métiers plus contraignante. Et il n'y a pas de niche. Voilà donc la clé : on peut raboter la niche du crédit d'impôt apprentissage et faire des réformes institutionnelles, de communication et de règlementation. Et on aura rien fait. Car à force de raisonner à courte vue et de se gargariser de leur expertise, les éminents IGFiens n'ont pas imaginé que pour comprendre l'apprentissage et la formation initiale, il fallait les mettre en relation avec les pratiques de GRH et les modes de régulation de l'emploi. Tant que les entreprises privilégieront le diplôme, le recrutement externe et les grandes écoles pour leurs dirigeants, l'apprentissage n'a aucune chance de se développer. Le jour où, comme en Allemagne, les dirigeants des 200 plus grandes entreprises seront issus de la promotion interne à 75 %, l'apprentissage bénéficiera d'un contexte favorable à son développement. D'ici là, il est toujours possible de continuer à pondre des rapports pour s'interroger sur l'apprentissage en le coupant de toute réalité. La pensée institutionnelle, administrative, règlementaire et financière, en un mot une certaine manière d'appréhender la réalité de la part de l'élite de la nation, n'a pas fini de faire des ravages. En attendant, les apprentis à la niche !

Rapport sur l'apprentissage - IGF.pdf

05/09/2011

Cherchez l'erreur

Publicité parue dans la revue Philosophie du mois de Septembre pour un Master de Philosophie, à finalité professionnelle et orienté vers le journalisme. A priori plutôt alléchant. Et pourtant la publicité est scandaleuse. Cherchez l'erreur :

philomaster001.jpg

Non, l'erreur n'est pas de trouver Christophe Barbier parmi les intervenants (quoi que...). Elle figure en haut à droite de la publicité, comme un coup de tampon bureaucratique qui vous signifie que votre visa est périmé. Il s'agit de la mention "Licence de philosophie exigée". Ainsi, on ne peut faire de Master Professionnel que si l'on a suivi le chemin balisé des études universitaires de licence. La VAP est envoyé aux oubliettes et la VAE aux lieux d'aisance. En 2011 donc, il continue à se trouver des universitaires prétendument sérieux qui parviennent à affirmer incompétence et fermeture d'esprit tout en proposant de développer la notre, de compétence, et d'ouvrir les notres, d'esprits.

Je me souviens des soirées passées à l'Institut Catholique de Toulouse, à écouter des pères en robe penser à voix haute et en public. L'orgue accompagnait parfois ces soirées.

orgue institut catholique.jpg

L'orge de l'Institut Catholique de Toulouse

Ces soirées et conférences étaient ouvertes à tous, et la parole y jouissait d'une liberté sans entrave. Faut-il que les temps aient changé pour que l'on réserve à ceux qui ont universitairement appris à penser le soin de venir penser professionnellement. Et que l'on considère qu'il n'est d'autre lieu qu'un enseignement de licence pour développer les capacités qui permettront de suivre le Master. Les responsables d'un tel programme ont réussi le tour de force de démontrer en un seul acte, que les objectifs affichés ne peuvent à l'évidence pas être atteints. Triste aveu à vrai dire.

Sinon, bonne rentrée à tous les bambins qui vont subir leur première leçon de morale de la part d'adultes dont on se demande bien certains jours au nom de quoi ils la professent.

31/08/2011

Bonnêt d'âne

Bien qu'élevé alors que sévissaient les redoutables natalistes Michel Debré (qui réussit le prodige d'être à la fois le père de Jean-Louis et de Bernard mais aussi de la Constitution) et le moins connu mais pas moins enflammé Georges Suffert (qui collabora un temps avec un autre héraut de la cause bébé : Pierre Chaunu, leur rapprochement ne produisant toutefois qu'un seul ouvrage), je n'ai succombé que tardivement à la paternité. Et mes visites assidues aux jardins d'enfants, à contempler un rien béat les grands et petits, me laissaient penser que toute cette jeunesse rieuse promettait un bel avenir. Funeste erreur ! me voici fustigé par Voltaire lui-même, je veux parler de Frédéric Lefebvre, dans une déclaration qui fait office de révélation : si la France a plus de chômage que ses voisins, c'est parce qu'elle a une forte natalité. Mais c'est bien sur ! et je m'empresse de revêtir le bonnêt d'âne du mauvais élève.

Copie_de_Bruno_Montpied_Le_Bonnet_d_ane_1994.jpg

Bruno Montpied - Bonnêt d'âne

Que ne suivons nous les allemands qui ont choisi de faire disparaître le chômage en disparaissant eux-même peu à peu puisque le renouvellement des générations n'est plus assuré. On dit que la droite n'est pas keynésienne, Lefebvre nous démontre le contraire en donnant une nouvelle vigueur à la prédiction scientifique de l'économiste américain : "A long terme, nous serons tous morts". Et le plus tôt sera le mieux si l'on veut faire baisser les statistiques de POLE EMPLOI.

Il faut conclure de cette sortie, qui ne saurait être une saillie, qu'il est des domaines dans lesquels notre Secrétaire d'Etat au commerce nous invite à commercer peu. Après l'avoir entendu, faut-il l'écouter  ? en même temps il fait beau, l'été se prolonge et il fait bien, les vacances ont été excellentes, je crois que je vais peut être en faire un deuxième. Et tant pis pour les statistiques, le chômage, le Secrétaire d'Etat, Zadig, Voltaire et les autres. Il est pas beau mon bonnêt ?

17/08/2011

Paresse de la comparaison (2)

Certes, avec l'arbre, on se rapproche du vivant. Certes Brassens, entre autres, a célébré l'arbre repère et totémique dont il ne faudrait pas trop s'éloigner pour trouver le bonheur. Mais à ne pas quitter son arbre des yeux, on prend le risque de trouver que la laisse est courte.

330-LE-PORT-D-ATTACHE - 2006 - Home base.jpg

Port d'attache  (Home base) - Gilbert Garcin - 2006

La comparaison entre l'arbre et les hommes est non seulement suspecte mais schizophrénique : rappelons nous que les racines sont enterrées et que lorsqu'il ne reste que la souche c'est que l'arbre est mort, comme les nationaux de souche de tout poil.

Et ni l'arbre, ni la souche, ne verront la mer...à moins que....

405-l-arbre-qui-voulait-voir la mer - Gilbert Garcin - 2009.jpg

L'arbre qui voulait voir la mer - Gilbert Garcin - 2009

...des jambes n'apparaissent, rendant l'arbre plus humain et enfin nomade. La capacité de marche de tout humain est quasiment infinie. La sédentarisation est une mutilation dont l'horizon est le canapé. Cessons donc de comparer les humains à des arbres qui en sont à peu près l'antithèse, car petites ou grandes, c'est sur ses jambes que l'humain avance. Nietzsche et Rousseau, qui pensaient en marchant,l'avaient bien compris.

nietzsche,souche,rousseau,racines,jambes,formation,éducation

30/07/2011

Conclusion : Sortir le droit de la compétence des oubliettes

Retracer l’histoire de la compétence dans le droit du travail, c’est identifier 4 oublis :

- l’oubli que le droit du travail sait précisément définir et reconnaître la compétence ;

- l’oubli que c’est avant tout de compétence collective que l’entreprise a besoin alors qu’elle gère essentiellement des compétences individuelles ;

- l’oubli que l’approche par les compétences peut être un levier pertinent pour la négociation collective et l’action syndicale ;

- l’oubli que le droit règle précisément les responsabilités de chacun en matière d’employabilité et que le débat sur « Qui est responsable de l’employabilité des salariés ? » est déjà tranché.

Marcel Marien L'oubli d'être en vie - 1967.jpg

Marcel Marien - L'oubli d'être en vie - 1967

Ces 4 oublis ne pourront faire oublier que la compétence n’a de sens qu’en rapport avec l’exercice d’une activité et que le travail est donc premier, que le problème est moins d’opposer travail et formation que de les articuler pour construire des parcours de professionnalisation, que la formation n’est pas l’avenir des services formation mais plutôt les moyens diversifiés du développement professionnel et que la notion de compétence posera demain des problèmes juridiques nouveaux qui ne pourront être saisis avec les outils anciens lorsqu’elle aura fait voler en éclat les frontières entre qualification contractuelle et qualification personnelle, entre temps de travail et temps personnel et entre compétences personnelles et compétences professionnelles. Mais cette histoire là reste à écrire. C’est celle d’un droit de la formation qui aura muté en un droit de la compétence et dans lequel l’accès à la formation sera un moyen, parmi beaucoup d’autres, de développer ses compétences, c'est-à-dire de gagner en autonomie sur le plan professionnel et partant sur le plan personnel.

29/07/2011

Chapitre 7 Qui voit la médaille du travail devenir parchemin

Les médailles du travail récompensent l’ancienneté. Dans un modèle de la compétence, elles ne produisent que peu de sens, hormis la fidélité à l’entreprise. En effet, autant l’expérience peut professionnaliser, autant elle peut être source de déqualification. De ce point de vue, voir en chaque senior un tuteur potentiel est une absurdité : toute expérience ne fait ni ne vaut compétence.

Depuis 2002, la Validation des Acquis de l’Expérience a mis l’activité au même niveau que la formation pour l’accès à la certification. Dorénavant, c’est moins l’ancienneté que l’on trace que les compétences développées dans l’activité.

botticelli07.jpg

Botticelli - Portrait d'un jeune homme tenant une médaille

Reste à mettre en place les moyens pour que l’expérience se traduise en compétence, ce qui n’a rien d’automatique. Pourtant, selon l’Université de Princeton, sur l’ensemble de sa carrière professionnelle on acquiert 70 % de ses compétences par son travail, 20 % par ses collaborations avec autrui et 10 % par la formation formelle. Reste aux services formation à se préoccuper des 90 % et ne pas considérer qu’ils ne  sont  responsables que des 10 %.

28/07/2011

Chapitre 6 Quand les organisations syndicales s'éveilleront

La question de la compétence est appréhendée par le droit quasi-exclusivement sous l’angle de la compétence individuelle et du rapport individuel de travail.

Or pour une organisation, la compétence individuelle n’est rien si elle ne contribue pas à une compétence collective. Cette dimension là n’est que peu prise en compte.

De la même manière, beaucoup d’organisations syndicales voient dans les compétences un cheval de Troie susceptible de remettre en cause  le couple formation/qualification. Effectivement, la notion de compétence fait du travail le point de départ (principal moyen de développement de compétences) et le point d’arrivée (évaluation de la compétence) du processus de professionnalisation. Une rupture culturelle avec la qualification par la formation.

girodet-effet-de-lune-endymion-1793.jpg

Anne-Louis Girodet - Le sommeil d'Endymion - 1793

Certes, des classifications prennent déjà en compte la notion de contenu d’emploi et les compétences réellement exercées.  Mais plus comme une conséquence, reconnaître le niveau de compétences, que comme un point de départ. Viendra peut être le jour où la négociation portera sur le contenu des emplois, leur enrichissement et la mise en place d’organisations du travail qualifiantes. Mais pour cela il faudrait sortir de l’opposition entre le vil travail et la noble éducation et considérer que la professionnalisation se situe dans l’articulation de différents moyens de développement des compétences, la formation n’étant que l’un d’entre eux. Désacraliser la formation serait, et cela paraîtra paradoxal pour beaucoup, rendre service aux salariés.

20/07/2011

Une histoire secrète du droit de la compétence

Dans le champ de la formation professionnelle, peu de concepts auront fait l’objet d’autant de travaux que la question de la compétence.  Approches sociologique, gestionnaire, pédagogique, psychologique, psychanalytique, cognitive ou économique se sont multipliées sur le sujet. Par contre, très peu de travaux juridique sur la question. 

C’est que la compétence du salarié n’est pas une question que le droit de la formation ou plus largement le droit du travail abordent directement : aucun article des 3 000 qui composent le Code du travail ne lui est expressément consacré, elle n’est définie nulle part, le Code du travail utilise compétence, connaissances, aptitudes et capacités de manière quasi-synonyme, les tribunaux se prononcent plus souvent sur l’incompétence (insuffisance professionnelle, défaut de résultats…) que sur la compétence,…au final la compétence paraît étrangère à la règle.

Comment faire ? comme les personnages de Manet, s'allonger sur l'herbe, prendre du bon temps, laisser aller et écouter, se laisser conter l'histoire du droit de la compétence, mieux que le roman de l'été.

182.jpg

Manet - Le déjeuner sur l'herbe

Si l'on sort de l'étude linéaire du droit, si l'on se fie aux nuages, au vent, aux arbres, bref si l'on se met à l'écoute, alors peuvent venir les surgissements. C’est ainsi qu’il est possible de conter l’histoire du droit de la compétence en sept chapitres que l’on pourrait intituler ainsi :

Chapitre 1 : Dans lequel la santé professionnelle du salarié est un secret

Chapitre 2 : Qui illustre les méritoires efforts du droit pour préserver la possibilité de schizophrénie du salarié

Chapitre 3 : :   Où il est prouvé que l’irresponsabilité est dans la nature du salarié

Chapitre 4 :   Dans lequel l’incompétence est une mesure à quatre temps

Chapitre 5 :   Dans lequel la compétence prend son temps

Chapitre 6  :  Quand les organisations syndicales s’éveilleront

Chapitre 7 : Qui voit la médaille du travail  devenir parchemin

Demain, le chapitre 1. D'ici là, profitez du temps, de l'herbe, des nuages, des arbres et des plus charmantes compagnies.

15/07/2011

Etudiants manuels

La loi relative au développement de l'alternance et à la sécurisation des parcours professionnels (proposition de loi Cherpion), vient d'être votée. Parmi ses dispositions figure la carte d'étudiant des métiers. Cette carte sera délivrée aux apprentis et aux jeunes en contrat de professionnalisation qui suivent une formation diplomante d'une durée d'au moins un an. Pour un même diplôme, les jeunes en alternance auront donc une carte d'étudiants des métiers et les autres étudiants une carte...d'étudiant. Faut-il en conclure qu'ils n'étudient pas de métiers ? que le jeune apprenti qui fait un Master RH ou un CAP de boulangerie étudie un métier mais que le jeune étudiant inscrit dans le même Master en formation initiale ou l'élève de lycée professionnel qui prépare le CAP de boulanger sont des étudiants sans métier ? Pourquoi  le mode de préparation d'un diplôme, alternance ou pas, doit-il conduire à distinguer entre les étudiants ?

main003.jpg

Robert Mapplethorpe - Illustration pour Une Saison en Enfer

Les députés soucieux de valoriser l'alternance et les filières professionnelles sont pris la main dans le sac : le choix d'une dénomination particulière singularisant les étudiants "des métiers" par opposition sans doute aux étudiants "de la connaissance", renvoie à une division entre le travail intellectuel et manuel qui date du 19ème siècle (au 18ème siècle on avait pas ces préjugés : le travail indépendant était tenu pour noble, le salariat pour vil et tout vrai professionnel coordonnait sa tête et ses mains, il ne serait d'ailleurs venu à l'esprit de personne de les dissocier).

Rimbaud écrivait dans Une saison en Enfer : "La main à plume vaut la main à charrue. Quel siècle à mains ! je n'aurai pas ma main".

Les parlementaires ont sans doute lu Rimbaud...avec la main. Etudiants des métiers, bienvenue dans le 21ème siècle !

21/06/2011

Moi je...connais pas le socle de compétences

Revaloriser l'apprentissage, augmenter le nombre d'apprentis, à peu près tous les Gouvernements ont affiché cet objectif depuis trente ans (loi de 1971 sur l'apprentissage). Quand soudain surgit Nadine Morano, annonçant par voie de radio, TV et presse écrite : "J'ai décidé de mener une véritable révolution culturelle dans notre pays". Diable. Et aussi : "J'ai créé un Club de l'apprentissage", puis encore "J'ai lancé une campagne de communication", ce n'est pas fini "je suis en train de négocier avec les régions" mais nous arrêterons à "j'ai signé le premier contrat le 1er juin".

Madamemoije.jpgmorano.jpg

Dans leur accord du 7 janvier 2009, les partenaires sociaux, quelque peu malmenés ces temps-ci  par le Gouvernement, ont défini quatre compétences clés sur le marché du travail. Ce socle de compétences est le pendant, pour la formation continue, du socle de connaissances de la formation initiale. Il se compose de la maîtrise d'une langue, de la maîtrise des outils informatiques et bureautiques, de la capacité à apprendre et de la capacité à travailler collectivement. Travailler collectivement ? oui mais cela passe par un apprentissage.

16/06/2011

Et surtout, trichez !

Injonction de jour de bac : Trichez ! ne lésinez pas sur les moyens, connectez vos portables, utilisez vos oreillettes, allumez vos I-pad, sortez vos micro-fiches, pianotez sur vos calculettes, allez bouquiner dans les toilettes, déroulez vos papyrus, utilisez les technologies, les ruses potaches, la coopération subsersive, bref résistez en trichant.

Mais résister à quoi au juste ? à ces examens qui ne sollicitent que votre mémoire, votre capacité de régurgitation, votre conformisme reproductif, votre capacité à réciter par écrit, votre absence de créativité, votre formatage par le corrigé type et l'obéissance aux canons de l'examen. Vos examinateurs sont des sots ? ne tombez pas dans le panneau, soyez moins stupides qu'eux, trichez. Et obtenez votre examen haut la main et sans scrupule car la capacité d'adaptation, l'inventivité et la résistance à l'inutile méritent récompense. Dans ces conditions, comme l'avait compris Marcel Carné, les tricheurs, c'est l'avenir.

h-20-2139240-1278157658.jpg

L'Education nationale aura réussi son rôle d'éducateur le jour où tous les documents seront autorisés aux examens. Où l'accès à l'information sera libre. Et où on demandera aux impétrants de démontrer leur capacité à gérer cette information, à l'utiliser pour des productions qui font sens, à faire preuve d'engagement personnel, de capacités de choix, d'argumentation et de mise en relation de compétences pluridisciplinaires. Où les méthodes de travail n'apprendront pas à reproduire mais à travailler, où la compétence ne sera pas considérée comme un avatar de la connaissance mais comme sa sublimation. C'est pas demain ? et non, demain c'est le jour où il faut tricher.

14/06/2011

L'énigme des pierres d'achoppement

Entre un peu de travail le week-end pour absorber ce qui peut l'être du travail en retard et les jours fériés qui n'en sont pas mais que l'on ne travaille pas, on s'y perd un peu. Alors pourquoi pas une chronique de week-end en semaine, avant de reprendre le cours de la réforme des OPCA et du débat sur la négociation et la loi, si l'AEF veut bien publier l'interview qu'elle a réalisée de Jacques Barthélémy sur ce sujet.

Petit intermède donc avec un retour sur les pierres d'achoppement. Les quoi ? les pierres d'achoppement qui font référence au Facteur Cheval. C'est en butant sur une pierre lors d'une tournée à travers champ, que le Facteur Cheval, intrigué par la forme de la pierre, commença le travail qui le conduisit à bâtir son palais à Hauterive. Chacun a ainsi ses pierres d'achoppement qui jalonnent son parcours. Moments où se cristallisent en un jaillissement faussement hasardeux quelques unes des clés de notre existence. En voici une livrée ici.

magritte-lesvaleurspersonnelles.jpg

Magritte - Les valeurs personnelles

Adolescent, je n'accordai pas un intérêt particulier à la peinture. Les sujets naturalistes m'ennuyaient et la peinture onirique me paraissait peu crédible. Je n'entendais rien à la peinture abstraite. Et puis j'ai découvert, dans une revue pour enfants, cette peinture de Magritte. Dans laquelle j'ai buté. Le thème de la chambre fait certes écho à l'adolescent, mais il y avait autre chose. Le fait que l'on pouvait à la fois peindre de manière réaliste et réaliser une peinture onirique. Que les deux ne s'opposaient pas. Qu'au contraire, c'est dans l'union des contraires que se trouve la voie de l'innovation et du merveilleux. Que la capacité à produire des synthèses à partir d'éléments disparates est une voie de connaissance. Cette révélation demeure. Les pierres d'achoppement font d'excellentes pierres de taille.

13/06/2011

Pour en finir (en partie) avec la formation

La lassitude peut avoir ses charmes. Après l'intensité de l'effort, sentir le corps s'abandonner au repos est un plaisir total. Il faut avoir beaucoup donné pour aspirer au temps suspendu. Qui a cavalé goutera plus intensément l'immobilité. Irrésistiblement, les contraires se nourrissent et s'attisent. La dialectique de nos passions contraires est une infinie source de plaisir. Mais cela suppose de concilier ce qui s'oppose et de dépasser chaque synthèse par une synthèse nouvelle. La notion de formation a longtemps été une synthèse suffisamment structurante et active pour promouvoir le développement des individus. Tel n'est plus le cas aujourd'hui. Telle les ménades épuisées de Sir Lawrence Alma-Tadema, la formation est un concept qui en vient à produire des effets négatifs et qui est incapable de générer des dynamiques nouvelles.

heroinas Lawrence-Alma-Tadema-XX-Exhausted-Maenads-after-the-Dance-1874.jpg

Sir Lawrence Alma-Tadema - Ménades épuisées après la danse - 1874

La notion de besoin de formation a longtemps été utilisée pour promouvoir la formation dans l'entreprise. Elle conduit aujourd'hui à une triple impasse. En premier lieu, la formation étant un moyen, parler de besoin de formation (et non de besoin de compétences) c'est privilégier le moyen sur la fin et surtout considérer que seule la formation permet de développer les compétences, en oubliant tous les autres moyens. En second lieu, rendre synonyme besoin de formation et besoin de compétences, laisse penser que la formation ne peut avoir pour objet que le développement des compétences, ce qui occulte toutes les autres finalités possibles : reconnaissance, communication, changement culturel, innovation,...Enfin, parler de besoin de formation, ou même de besoin de compétences, ne nous dit rien sur la finalité de l'action : de la formation ou des compétences pour quoi faire ?

La notion de besoin de formation est aujourd'hui épuisée, il est temps de la mettre au repos. C'est sans doute également vrai pour la notion de plan de formation et cela ne tardera pas à l'être pour les services formation. Cette focalisation sur un moyen exclusif de développement professionnel a fait son temps. La danse fût belle, mais voici venu le temps du repos.

Par quoi remplacer besoin de formation, plan de formation et service formation ? par professionnalisation ou développement professionnel serait une première étape qui permettrait de tenter une synthèse entre le moyen et l'objectif. Synthèse élargie, elle permettrait sans doute de faire émerger de nouvelles dynamiques. Jusqu'à l'étape suivante. Bon lundi et bonne semaine à tous.

10/05/2011

La meilleure formation

A l'entrée de la superbe exposition que la Cinémathèque consacre au monstre Stanley Kubrick, une phrase vous accueille : "La meilleure formation, pour faire un film, c'est d'en faire un". Pour qui aime les lumineuses synthèses, la phrase est comme un éclair dans un ciel bleu. Certes, on pourrait moquer la sentence et lui trouver un côté bidasse : "La meilleure façon d'marcher, c'est encore la noooootreeeeuuuu ! c'est de mettre un pied d'vant l'ooooootre et d'recommencer !". Ou encore le côté ricain agaçant sans complexe et dans l'action jusqu'au cou : "Just do it". On pourrait, sauf que l'on ne peut pas compte tenu des films que Kubrick a fait et de la manière dont il les a fait.

lolita.jpg

La manière, c'est essentiellement deux choses. Les films de Kubrick sont tous différents, empruntent tous à des genres différents, mais les thèmes kubrikiens y sont constamment présents sans jamais être répétés. La fidélité et la constance dans le mouvement permanent.

La deuxième chose c'est le souci de la technique, c'est la maîtrise mathématique du story-board, du script, de la prise de vue, le bricolage des optiques, l'invention d'effets spéciaux, la fabrication d'images avec la rigueur et la précision d'un travail de titan. Et cette maîtrise technique exceptionnelle, cet ouvrage sans cesse remis sur le métier, conduit à la plus grande liberté, à une éblouissante créativité et à l'innovation permanente. Kubrick ou le méthodique en liberté. Les grands peintres ne disent pas autre chose, ne font pas autre chose : peindre, peindre, peindre. Pour arriver à se libérer de la peinture et peindre enfin.

Voilà pourquoi, la meilleure formation pour faire, c'est de faire, avec la fidélité dans le mouvement et la liberté dans la rigueur.

L'exposition se visite et s'apprécie jusqu'au 31 juillet.

15/03/2011

Le podium du développement des compétences

Selon l'Université de Princeton, il n'y a pas photo. Après enquête, étude, théorisation, formalisation et validation, le couperet est tombé : le développement des compétences s'effectue à 70 % par l'activité et l'expérience, à 20 % par de l'accompagnement ou de la mise à disposition de ressources et  à 10 % seulement par la formation "formelle". Sur le podium du développement des compétences,  l'activité l'emporte donc haut la main.

L'entreprise qui travaille  sur ses besoins de formation concentre son énergie et ses efforts sur 10 % des moyens qui permettent les acquisitions des compétences. Ce modèle du 70-20-10 a plusieurs mérites. Dans un pays comme la France qui sacralise la formation, ramener les processus formels à un peu d'humilité est plutôt une bonne chose, tout comme rappeler qu'il n'y a pas d'un côté le vil travail qui déclasse et de l'autre la noble formation qui éduque. C'est également un modèle qui invite les services formation à se préoccuper des apprentissages informels et surtout à s'intéresser au travail réel et à sa dimension qualifiante ou non. Car en effet, tous les postes de travail ne permettent pas cette formation "on the job" et ne laissent guère de place aux 70 %. Enfin, ce modèle permet aux individus de gérer eux-mêmes une partie de leur professionnalisation, à hauteur de l'engagement mis dans chacune des activités. Car le carburant du 70-20-10 demeure l'engagement personnel.

lgst3245+mexico-city-olympics-black-power-poster.jpg

Un podium engagé

Mais il serait dommage d'envisager ces trois formes de professionnalisation comme des modalités distinctes les unes des autres, voire qui se concurrencent. Tout l'intérêt réside dans leur articulation. Et plus particulièrement, dans le rôle que peut jouer la formation pour favoriser les apprentissages informels. Une formation qui serait moins recette et un peu plus méthode. De la méthode, de l'activité, du coaching, il en a fallu a Tommie Smith pour mener à bien son projet de devenir champion olympique du 200 m à Mexico. Et de l'engagement, celui de toute une vie qui bascula à cet instant en un geste qui fait un homme.

09/03/2011

La transmission, c'est bon pour les voitures

Débat sur l'éducation comme on peut en trouver sur les radios et TV assez régulièrement. Affrontement classique entre "républicains et pédagogistes" selon la dénomination valorisante pour eux et péjorative pour les autres de ceux qui prétendent que c'est en restant ce qu'elle était il y a cent ans que l'école progressera. Intervention d'une enseignante. Pas en lettres, on l'espère, car elle répète à plusieurs reprises le même mot pour parler de son métier : "la transmission". Transmettre son savoir, telle est sa définition de l'enseignant. Celui qui sait et qui a la grandeur de transférer son savoir à ceux qui ont l'immense bonheur de l'écouter (et qui l'admirent secrètement, c'est en tout cas ce qu'on peut lire dans le regard d'envie de l'enseignante). Pour ma part, j'y verrai une motivation négative basée exclusivement sur l'ego et très peu sur le service rendu. En d'autres termes, la transmission c'est bon pour les voitures ou l'industrie, pas pour l'enseignement.

DSCF1718.JPG

On connait la phrase d'Aristophane que certains, oubliant qu'il aimait les citations clandestines, attribuent à Montaigne : "Eduquer ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer un feu".

L'opération, vous en conviendrez, est plus délicate. Pour le vase, il suffit qu'il ne déborde pas, pour le feu, il faut à la fois le faire vivre, l'organiser, le contenir et lui permettre de s'exprimer tout en le contemplant et en s'y réchauffant. Pas gagné l'affaire. Mais si la transmission a sa beauté, son esthétique demeure calibrée, prévue et donc prévisible, ordonnée, mécanique. La créativité n'habite plus la machine une fois passée sa création. Le feu au contraire ne se déploie jamais à l'identique, n'a jamais la même force ni la même chaleur, et il vous réserve quasiment toujours des surprises.

SS852489.JPG

Finalement, en vantant l'autorité, l'enseignante qui pensait s'opposer aux tenants de l'école traditionnelle, nourrissait leur moulin. La transmission maintient l'enseignant au centre et fait dépendre de lui l'accès au savoir. Allumer un feu, c'est mettre les étudiants en situation d'apprentissage, les accompagner, les autonomiser et au final leur apprendre à se passer de vous en vous retirant progressivement du centre. Soit à peu près l'inverse de la transmission. Allumez le feu !

25/02/2011

Jeunes gens, restez potaches (surtout quand le prof est mauvais)

Visite au Musée des Abattoirs à Toulouse qui présente une des figures de l'art conceptuel, Bernard Venet, et quelques pièces de sa collection. L'art conceptuel, l'art mathématique, l'art minimaliste ne constituent pas mon verre de vin préféré (je n'aime pas le thé), mais les grandes traverses courbes, rondes, allanguies, inclinées, redressées, ne manquent ni d'allure ni d'émotion.

education,enseignement,suppressions de postes,éducation nationale,musée,abattoirs,toulouse,tinguely,venet,sculpture,peinture

Par contre, les équations mathématiques en panneau de 3x4, les tas de charbon  et les cartons passés au goudron ne me retiennent guère. Tel n'était pas le cas d'un groupe d'adolescents, sagement rangés autour de sacs de charbon, entourant du charbon non ensaché sur lequel était posée une traverse. Leur prof, puisqu'enseignant il y avait, leur expliquait doctement dans un charabia d'un pédantisme stupéfiant toute l'importance du tas de charbon.

SDC12509.JPG

Dans un élan insensé d'innovation pédagogique, l'enseignant arrêta un instant son indigeste logorrhée pour poser une question : "A quoi vous fait penser le tas de charbon ? allez y, osez, dites ce qui vous vient...". On comprit vite que les mots intéressaient peu l'intervenant qui cherchait uniquement à obtenir le vocable "forme" pour lancer sa formule magique : "Ce tas est une forme, savez-vous d'où vient le terme forme ? de fromage...". A ce stade, impossible de retenir l'éclat de rire moqueur que méritait le pédant qui constituait à lui tout seul une magnifique promotion de la politique gouvernementale de suppression des postes d'enseignants (je me suis repris depuis : on peut vouloir augmenter les postes ET supprimer certains enseignants). Le plus triste dans l'histoire, est sans doute qu'aucun élève ne s'est jeté en bon potache dans le tas de charbon ou n'a, avec l'innocente stupidité qui nous caractérise invariablement à certain âge, craqué une allumette pour la jeter dans le tas de charbon sous les yeux effrayés du professeur héberlué (davantage d'ailleurs par le fait qu'il ne saurait s'il faut crier au génie devant un tel acte de liberté artistique ou s'il doit réprimander l'élève de son inconséquence). Bref, il était temps d'aller voir ailleurs.

DSCF7256.JPG

Plutôt que les lycéens sans réaction devant leur sinistre enseignant, il était réjouissant de voir le défi qu'une petite fille lançait à une machine de Jean Tinguely, auquel révérence est due pour savoir ainsi captiver la véritable jeunesse. De laquelle il ne faut pas désespérer si l'on en croit le petit bonhomme  hilare qui ne s'est laissé abuser ni par Venet ni par le triste professeur. Car il sait bien lui, que c'est fromage qui vient de forme, et non l'inverse.

DSCF7267.JPG

21/02/2011

D'une main de maître

Un artiste a nécessairement une technique, si ce n'est de la technique. Il maîtrise des manières de faire qu'il a mises au point par apprentissage, copie, emprunt, recherche, découverte,...Il créé son propre alphabet. Mais cela ne suffit pas à faire un langage. Toute la question est dans l'utilisation de cet alphabet. Pour quoi faire et pas seulement comment faire. Car le comment n'est pas ce qui caractérise le plus l'artiste, dont les techniques sont reproductibles. Quel que soit le talent du maître, l'oeuvre est reproductible dès lors qu'elle est produite. Vous en doutez ? regardez plutôt :

peinture-copie-copieur-chinois-02.jpgBaconCri.jpg

Artiste chinoise et la reproduction du Pape de Bacon

Photo : Michael Wolf

Qui a peur de l'ogre chinois,  appréciera les thèmes choisis par ces jeunes filles de Pékin pour exercer leur art de la copie.

peinture-copie-copieur-chinois-03.jpggoya10.jpg

Artiste chinoise et copie de Saturne dévorant ses enfants de Goya

Photo : Michael Wolf

Si le travail des jeunes copistes est un travail d'artiste, celui de l'artiste est donc autre chose, au-delà de la technique. Quoi ? ce qui est à la base de toute création dans tout domaine, la condition sine qua non pour que surgisse la vie, je veux parler de la capacité d'imagination. Produire, reproduire, apprendre à faire, tout cela est parfait, mais ce qui fait l'individu ainsi que ce qui fait, au plan collectif, une société, c'est sa capacité d'imagination. Et cela, la main de maître n'y suffit pas.

05/01/2011

De l'ennui

Il y a un bel ennui. Celui qui vous emporte vers le rivage des rêves, qui sollicite en douceur votre imagination et débride votre créativité. Cet ennui lent et plaisant du "rien faire" qui est un paravent bien mince puisque vous vous construisez vous-même et parfois les projets les plus audacieux. Proche de l'état hypnotique, cet ennui-là peut en avoir les vertus. Il est l'ennui de l'enfance, celui dont le petit d'homme a besoin pour devenir un être conscient de lui-même, des autres et du monde. Cet ennui là, il faut le préserver des sollicitations permanentes, du zapping, de l'activisme, du bruit aussi et laisser cette zone grise étendre ses horizons entre le sommeil inactif et le réveil actif.

Virginie - Copie.jpg

Et puis il y a un ennui ravageur. Celui qui est empli de temps perdu, d'occasions manquées, de temps passé qui ne passe pas vraiment, de temps consacré à des activités laborieuses en tous les sens du terme. Cet ennui qui est la première cause d'insatisfaction des élèves en France. A l'occasion des 40 ans de la loi sur la formation de 1971, Jacques Delors, interrogé par Liaisons Sociales exprime un regret majeur : "J'espérais, notamment, que l'Education nationale allait s'inspirer de l'esprit de la formation continue, fondée sur le face-à-face, l'individualisation des parcours et l'accompagnement. L'espoir a été déçu". Qui connaît ou a pratiqué les méthodes de formation continue, sait que l'on peut aller très vite dans des apprentissages divers. Au regard de ces rythmes et méthodes,  s'inscrit le souvenir des années passées à "faire le programme" et à travailler de manière exclusivement mémorielle sur des connaissances formelles dont il reste quoi aujourd'hui ? que retenez vous des millers d'heures passées sur les bancs du collège et du lycée ? le plaisir d'apprendre ? l'excitation des activités que vous avez eu l'occasion d'exercer ? les découvertes vers lesquelles on vous a guidé ? ou bien un certain uniforme ennui qui fait que toutes ces journées ne semblent au final faire qu'une ?

Et voilà comment faute d'avoir transformé la formation initiale, la formation continue est condamnée à être une longue recherche du temps perdu. Sans désespoir toutefois puisque Proust nous garantit que vient le moment du temps retrouvé.