15/07/2011
Etudiants manuels
La loi relative au développement de l'alternance et à la sécurisation des parcours professionnels (proposition de loi Cherpion), vient d'être votée. Parmi ses dispositions figure la carte d'étudiant des métiers. Cette carte sera délivrée aux apprentis et aux jeunes en contrat de professionnalisation qui suivent une formation diplomante d'une durée d'au moins un an. Pour un même diplôme, les jeunes en alternance auront donc une carte d'étudiants des métiers et les autres étudiants une carte...d'étudiant. Faut-il en conclure qu'ils n'étudient pas de métiers ? que le jeune apprenti qui fait un Master RH ou un CAP de boulangerie étudie un métier mais que le jeune étudiant inscrit dans le même Master en formation initiale ou l'élève de lycée professionnel qui prépare le CAP de boulanger sont des étudiants sans métier ? Pourquoi le mode de préparation d'un diplôme, alternance ou pas, doit-il conduire à distinguer entre les étudiants ?
Robert Mapplethorpe - Illustration pour Une Saison en Enfer
Les députés soucieux de valoriser l'alternance et les filières professionnelles sont pris la main dans le sac : le choix d'une dénomination particulière singularisant les étudiants "des métiers" par opposition sans doute aux étudiants "de la connaissance", renvoie à une division entre le travail intellectuel et manuel qui date du 19ème siècle (au 18ème siècle on avait pas ces préjugés : le travail indépendant était tenu pour noble, le salariat pour vil et tout vrai professionnel coordonnait sa tête et ses mains, il ne serait d'ailleurs venu à l'esprit de personne de les dissocier).
Rimbaud écrivait dans Une saison en Enfer : "La main à plume vaut la main à charrue. Quel siècle à mains ! je n'aurai pas ma main".
Les parlementaires ont sans doute lu Rimbaud...avec la main. Etudiants des métiers, bienvenue dans le 21ème siècle !
00:44 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : étudiants, étudiant des métiers, alternance, cherpion, mapplethorpe, rimbaud, éducation, formation, une saison en enfer
19/10/2010
Pensée catégorielle
La chanson date de 1935. Ecrite par Jean Nohain, sur une musique de Mireille, elle était chantée par Maurice Chevalier. Une autre époque, je ne vous le fais pas dire. Mais faisons le test : est-ce que l'air vous revient à l'esprit lorsque vous lisez "Quant une marquise, rencontre une autre marquise, qu'est-ce qu'elles se disent ? des histoires de marquises". Si la ritournelle a marqué les esprits et traversé le siècle, c'est sans doute qu'elle faisait écho en nous. Rappelons que le refrain de la chanson est : "Chacun sur terre se fout, se fout, des petites affaires de son voisin du dessous ; Nos petites affaires, à nous, à nous, nos petites affaires c'est ce qui passe avant tout". L'idée que l'on agit jamais que dans son propre intérêt semble donc une vérité admise qui conduit parfois à s'étonner, voire à s'indigner, que certains puissent défendre d'autres intérêts que les leurs. Ainsi, ceux là même qui souvent vilipendent les revendications catégorielles s'étonnent aujourd'hui que les lycéens et étudiants participent aux manifestations contre la loi sur la retraite, eux qui ne seront concernés que dans 50 ans, au bas mot. Ceci revient, de fait, à n'admettre que les revendications corporatistes et à ne reconnaître comme légitime que les manifestations décidées par les syndics de la corporation. Difficile donc de critiquer à la fois les étudiants et les revendications catégorielles.
Rembrandt - Le syndic des drapiers - 1662
On peut également constater qu'après chaque élection, il se trouve toujours une équipe de journalistes pour aller voir pourquoi dans un village rural on a voté pour le Front national alors qu'il n'y a pas d'immigrés dans la commune. Validant ainsi la double stupidité que l'on ne peut voter qu'en fonction de ce qui se passe sur le petit périmètre de son territoire et qu'il est normal de voter Front national en présence d'immigrés.
S'étonnera-t-on demain de trouver des hommes pour manifester en faveur du droit à l'avortement, des citoyens n'ayant jamais connu la prison pour l'amélioration des conditions de détention, des nationaux en faveur des migrants ? Est-il si choquant qu'un citoyen se sente concerné par tout ce qui fait la vie sociale, culturelle, économique en un mot la vie de la collectivité à laquelle il appartient ? il serait au contraire hautement souhaitable pour le pays que l'on voit des individus se mobiliser pour des causes qui vont au-delà de leurs intérêts personnels. La démocratie politique, et la démocratie sociale, sont censés être fondées sur le désintéressement, c'est-à-dire l'intérêt pour les affaires des autres plutôt que les siennes propres. Peut être serait-il bon d'en revenir à ce principe. Ainsi, l'on pourrait sans être marquis s'intéresser aux histoires de marquises, surtout lorsqu'il s'agit de Luisa Casati, la marquise de l'étrange.
Giovanni Boldini - La marquise Casati - 1809
La marquise Casati - Man Ray - 1922
00:36 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : retraite, manfestations, étudiants, syndicats, corporatisme, politique, man ray, casati, boldini, mauriche chevalier