06/09/2011
L'embrouille de l'expert
L'IGF a produit sur les niches fiscales un rapport volumineux dont l'administration a le secret. Chiffres, tableaux, graphiques, analyses, comparaisons, tout pour faire sérieux. Du travail de pro, du travail d'expert. Du travail de celui qui sait s'y retrouver lui, dans la rationnalité de la complexité et qui vous fait la grâce de vous l'expliquer. Sinon, vous penseriez que tout ça n'est qu'embrouillamini et qu'il aurait sans doute été possible de faire plus simple. Mais non, l'expert aime la complexité qu'il maîtrise et qui l'isole du commun à qui il consent de délivrer parfois quelques recommandations.
Mais l'expert qui s'y retrouve lui, et qui en tant qu'élève prestigieux et gratin de l'administration peut avoir un avis autorisé sur tout, est pris en flagrant délit d'avoir surtout un avis. Se hasardant à faire une comparaison avec l'Allemagne, nos grosses têtes de l'IGF se mettent en demeure de nous expliquer pourquoi nos voisins comptent trois fois plus d'apprentis : l'orientation est plus précoce, l'image est meilleure, la règlementation des métiers plus contraignante. Et il n'y a pas de niche. Voilà donc la clé : on peut raboter la niche du crédit d'impôt apprentissage et faire des réformes institutionnelles, de communication et de règlementation. Et on aura rien fait. Car à force de raisonner à courte vue et de se gargariser de leur expertise, les éminents IGFiens n'ont pas imaginé que pour comprendre l'apprentissage et la formation initiale, il fallait les mettre en relation avec les pratiques de GRH et les modes de régulation de l'emploi. Tant que les entreprises privilégieront le diplôme, le recrutement externe et les grandes écoles pour leurs dirigeants, l'apprentissage n'a aucune chance de se développer. Le jour où, comme en Allemagne, les dirigeants des 200 plus grandes entreprises seront issus de la promotion interne à 75 %, l'apprentissage bénéficiera d'un contexte favorable à son développement. D'ici là, il est toujours possible de continuer à pondre des rapports pour s'interroger sur l'apprentissage en le coupant de toute réalité. La pensée institutionnelle, administrative, règlementaire et financière, en un mot une certaine manière d'appréhender la réalité de la part de l'élite de la nation, n'a pas fini de faire des ravages. En attendant, les apprentis à la niche !
00:56 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : apprentissage, igf, niche fiscale, administration, politique, allemagne, éducation, formation
03/12/2009
Tuez les tous...
Arnaud Amary, légat du Pape Innocent III, participant au sac du Sud-Ouest conduit par Simon de Montfort, est l’auteur de la réponse célèbre à un soldat qui s’enquerrait de qui tuer (le propre du soldat étant d’exécuter, au double sens du terme) dans la ville de Béziers qui abritait cathares et catholiques : « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens ».
Les reproches fait au système paritaire sont ici généralisés à la hâte, dénoncés sans mesure et au final plein de présupposés vérifiés uniquement par l’exemple. Ainsi la gestion de leur trésorerie par les OPCA leur est reproché alors qu’il est constaté une bonne performance de rentabilité, ainsi le mode de gestion est critiqué de même que le plan comptable mais le lien n’est pas effectué entre la cause et l’effet ou encore on estime que le système fonctionne hors tout contrôle sans tenir compte de la souveraineté de l’OPCA dans la détermination de sa politique et de l'inclusion de celle-ci dans un ensemble plus vaste de relations sociales.
Au final, on peut reprocher à ce rapport une approche exclusivement technique et financière qui ne prend pas en compte la nature même de ce qu’est un OPCA. Rien sur les résultats, rien sur les actions conduites, rien sur les effets de la gestion paritaire sur l’accès à la formation et sa promotion dans les entreprises, rien sur les actions innovantes. Une lorgnette étroite et embuée par les préjugés.
Ne soyons toutefois pas naïf : le système de gestion paritaire n’est ni un parangon de vertu, ni au maximum de son efficience. La responsabilité des partenaires sociaux est de n’avoir pas plus tôt mis en place une évaluation rigoureuse, professionnelle, de leur action. Ils ont ainsi fourni le bâton qui leur bat les côtes aujourd’hui. Plutôt que de se plaindre du mauvais traitement que leur réserve l’Etat, à eux de reprendre l’offensive en montrant clairement où sont les valeurs ajoutées de la gestion paritaire, en haussant leur professionnalisme au niveau nécessité par les problématiques d’emploi, de formation et de gestion des ressources humaines et en mettant enfin en place des politiques avec des objectifs et des résultats qui ne seront plus présentés dans la langue de bois institutionnelle qui caractérise le secteur mais avec le souci de l’ambition et du pragmatisme. A défaut, effectivement Dieu reconnaîtra les siens.
10:59 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opca, réforme, formation, igas, igf, financement