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21/03/2012

Situation (II)

Dans le cadre d'une hypothétique, et néanmoins certaine, réforme de la formation professionnelle, il sera sans doute question de mieux articuler formation initiale et continue. Cet objectif fait partie des 4 qui ont été assigné à la mission conduite par Gérard Larcher pour préparer la dite réforme. Cette idée nouvelle, qui s'inscrit pourtant noblement dans la filiation de Condorcet souhaitant l'instruction à tous les âges de la vie, risque toutefois de s'enferrer dans une impasse. En réalité, l'objectif à poursuivre serait exactement l'inverse  : renforcer la césure entre la formation initiale et la formation continue. Parce que si elles constituent l'envers et l'endroit d'un même continuum, ce n'est ni avec les mêmes personnes, ni avec les mêmes moyens. Et ce serait un erreur de vouloir que l'envers soit l'endroit, ce qui est souvent impossible, notamment chez Romain Laurent.

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Romain Laurent - Human Clock

La formation initiale s'adresse à des jeunes qui ne sont pas en situation de travail. Elle doit leur apporter de la connaissance certes mais également des méthodes, de la capacité à apprendre, de la réflexion. La formation continue s'adresse à des adultes qui sont en situation d'activité ou ont vocation à l'être. Elle doit prendre appui sur les acquis, s'articuler avec les activités et s'insérer dans des moyens diversifiés d'apprentissage. Que certains adultes souhaitent retrouver le système de formation initiale, bien sur. Mais que l'on s'emploie à construire une formation indifférenciée qui ne tienne plus compte de ceux à qui elle s'adresse et ne se préoccupe que d'elle-même et non des situations dans lesquelles se trouvent ceux au service desquels elle se place, constituerait une régression. Publics différents, temps différents, objectifs différents et méthodes différentes : il est plus urgent de conforter les formations initiale et continue dans leur spécificité que de rechercher leur calamiteux rapprochement.

20/03/2012

En situation

En exergue de ce blog figure la définition la plus courte et la plus juste de la compétence, imaginée par Pierre Villepreux. La compétence définie en deux mots : intelligence situationnelle. Ces deux mots renvoient à deux dimensions. La première, l'intelligence de la situation. Etre compétent c'est d'abord poser le diagnostic juste sur la situation pour en déduire l'action à conduire. Rapidité et fiabilité du jugement sont les piliers de la compétence qui permettront l'acte juste, dont il sera nécessaire de maîtriser la technicité, sans laquelle il n'y a guère de liberté d'agir. Et quant à l'action, Pierre Villepreux a toujours été persuadé que le beau jeu était également le plus efficace (ceux qui ne goûtent pas le rugby en auront l'illustration avec Lionel Messi et l'équipe de Barcelone). L'intelligence de la situation c'est donc la compréhension de la manière dont on doit utiliser les moyens dont on dispose pour agir efficacement, ce qui conduira souvent à la beauté du geste professionnel maîtrisé.

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La deuxième dimension de l'intelligence situationnelle, c'est de se savoir en situation. De ne pas être dominé par le rôle que l'on joue, de ne pas en être dupe, mais de le jouer professionnellement. Et donc d'avoir le recul nécessaire à la réalisation impliquée et distanciée de l'action, car l'engagement ce n'est pas nécessairement de mettre ses tripes sur la table, mais au contraire de savoir en toute lucidité ce que l'on fait et pourquoi on le fait. L'engagement est une volonté qui se sait volonté. C'est en cela que Villepreux est profondément Sartrien : les joueurs sont libres et exercent cette liberté par leurs choix qui sont nécessaires, ils agissent et font les choix en situation, ils sont ce que sont leurs actes car le faire est révélateur de l'être. Et comme Sartre, Villepreux pense que l'homme est à inventer chaque jour.

11/03/2012

Aller chercher ailleurs l'imagination

Marcel Storr vécut au 20ème siècle. Enfant abandonné, maltraité au point d'en être rendu presque sourd, souffrant de troubles psychiatriques, il a bâti des cathédrales. Sur le papier. Illettré, s'exprimant peu, travaillant comme cantonnier à la ville de Paris, affecté au Bois de Boulogne, Marcel Storr a dessiné et peint avec minutie des architectures flamboyantes mises au point avec une rare minutie et une technique toute personnelle que Storr appliqua méthodiquement à chacune de ses peintures. Qui eût croisé Marcel Storr n'aurait pu imaginer ce qu'était son imaginaire.

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Marcel Storr - Sans titre

Il y a bien longtemps que l'on sait que l'imagination n'est pas au pouvoir. Il serait temps que le pouvoir lui même en prenne acte et s'emploie davantage à créer les conditions pour que l'imagination de  chacun puisse s'exprimer plutôt que de s'échiner à rejouer, sous différentes formes, le recours à l'homme providentiel.

Dans le champ de la formation professionnelle, les propositions les plus sérieuses et qui mériteront d'être approfondies lorsque les feux de la campagne présidentielle seront éteints, n'auront sans doute pas été formulées par les aspirants au pouvoir mais par les acteurs sociaux. C'est ce que rappelle la secondre chronique des "Carnets de campagne" écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF.

Sinon, vous avez jusqu'à la fin du mois pour aller admirer les oeuvres de Marcel Storr au Pavillon Carré de Baudoin dans le 20ème.

Carnets de campagne - 2.pdf

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10/03/2012

PUB !

Il devait initialement s'intituler FORMATOR, sur le modèle du STRATEGOR, MERCATOR, ILLUSTRATOR et autres PUBLICITOR. J'aimais plutôt bien le côté espagnol que cela pouvait procurer à l'ouvrage, tout en trouvant la formule un peu trop martiale. Les responsables éditoriaux ont finalement opté pour un très sage Le grand livre de la formation. Ce faisant, ils permettent à l'ouvrage de s'inscire dans une grande tradition : en effet, on trouve aussi bien Le grand livre des recettes que celui des hamsters, des légumes oubliés ou encore d'Hermes Trismegiste. Il y a donc désormais également Le grand livre de la formation.

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Dans cet ouvrage collectif de 534 pages, votre serviteur a rédigé le début, une introduction sous forme d'histoire de la formation professionnelle continue, et la conclusion qui présente l'évolution du droit de la formation vers un droit de la compétence. Entre ces deux chapitres introductif et conclusif, vous trouverez les contributions d'une quinzaine d'auteurs venus d'horizons différents. Il n'est pas interdit de les lire aussi.

07/03/2012

De la formation obligatoire

Ce sont les chiffres qui tournent en boucle dans la campagne présidentielle : 10 % des chômeurs suivent une formation, ce qui serait un scandale. Pas qu'ils se forment, qu'ils soient si peu. Autre indignation : 500 000 emplois ne sont pas pourvus alors que près de 3 millions de personnes sont sans emploi. Il suffirait donc d’obliger les chômeurs à se former, puis de les obliger à prendre les jobs non pourvus, et l’affaire serait faite. Et au besoin, en appeler au peuple si tous les incompétents qui gèrent le système à leur seul profit résistent à  cette opération de bon sens.

Bon sens ? allons y voir de plus près. Remarquons au passage que même si la recette proposée était efficace, elle ne règlerait rien pour 2,5 millions de personnes. Mais elle n’est même pas efficace. Pourquoi ? parce qu’elle repose sur des agrégats macro-économiques et des abstractions qui n’ont aucune réalité. L’emploi et les individus ce ne sont pas des chiffres mais des lieux, des activités, des personnes, des vies. Bref, ce n’est ni mécanique, ni mathématique.

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Metropolis

Des lieux : moins les niveaux de ressources sont élevés, moins la mobilité géographique est possible car elle revient à  couper les personnes de leur réseau de relations familiales, amicales, sociales et à rendre le coût de leur vie beaucoup plus cher. Dans un strict raisonnement économique et pour les plus bas salaires, a moins d’augmenter celui-ci de 50 % on perd de l’argent en prenant un emploi ailleurs que sur son lieu de vie.

Des activités : parmi les emplois non pourvus, il y a à la fois les emplois temporaires (saisonniers) qui ne sont pas pourvus parce que les salaires ne permettent pas de couvrir les coûts à exposer (déplacement, hébergement…), les emplois qui nécessitent une qualification qui ne s’acquiert pas en quelques mois ni en une année, les emplois pour lesquels la balance rétribution-contribution ne s’équilibre que difficilement voire pas du tout ou encore les emplois que ceux qui pourraient y avoir accès ne souhaitent pas occuper, car le travail demeure une liberté et ne saurait devenir une obligation qu’au prix d’un changement de régime politique.

Des personnes : tout pédagogue a le choix entre le désespoir et le fou-rire lorsqu’il entend parler de formation obligatoire. Si l’on pouvait former les individus malgré eux, Freud n’aurait pas parlé de l’éducation comme d’un métier impossible. Sans engagement personnel, pas de formation et pas de résultat à la formation. Et la volonté individuelle ne se décrète pas.

Des vies : le plus triste dans l’affaire c’est, selon l’expression de la Ministre en charge de la formation professionnelle, le fait que « flécher les jeunes vers les métiers en tension » puisse être considéré comme une manière normale de parler des individus et de leur vie. Et ça, ce n’était pas obligatoire.

06/03/2012

Des lois pour les filles

Il y a quelques années, une photo de Nan Goldin sur laquelle une fillette jouait nue, avait provoqué la polémique et surtout la mise en examen du Commissaire de l'exposition "Présumés innocents" organisée à Bordeaux. Après des années de procédure, la Cour de cassation a conclu l'affaire par un non lieu.

Le débat ressurgit à la fois par la contestation des concours de minimiss et par le rapport parlementaire sur l'hypersexualisation des enfants. Parmi les recommandations, l'inévitable retour à l'uniforme envisagé comme un masque et non comme un repère (voir ici). Et au final proposition de légiférer sur la manière décente de s'habiller. Cela ne vous rappelle rien ?

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Henry Darger - Vivian Girls

Une loi a déjà été votée concernant l'habillement des femmes : celle sur la burqa, pardon celle sur la dissimulation du visage dans l'espace public, puisqu'il ne saurait être question de faire une loi uniquement sur les femmes. Début de l'hypocrisie persistante. En effet, si le rapport de Chantal Jouanno est consacré aux enfants, en réalité il est surtout question des fillettes et des adolescentes. Sous couvert de lois générales, voilà un pays qui propose que le législateur se préoccupe de la manière dont les filles et les femmes s'habillent, dans leur strict intérêt cela va de soi.Trop habillée d'un côté, insuffisamment de l'autre, faisons confiance à la prochaine très masculine assemblée parlementaire pour nous indiquer avec précision la longueur et la couleur de la jupe.

Rappelons qu'au 1er janvier 2012, la France était classée 131ème sur 134 pays en matière d'égalité salariale. Aucun rapport ? non, bien sur.

04/03/2012

Intelligence

Dans tous les pays, sous tous les régimes, les peuples sont plus intelligents que leurs gouvernants. Michel Serres, parmi d’autres, ne cesse de le répéter sans être entendu.

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Car dans tous les pays, sous tous les régimes, les dirigeants pensent qu’ils sont plus intelligents que le peuple.

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Et le pire c’est que dans tous les pays, sous tous les régimes, une majorité du peuple continue à croire à cette fable.

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02/03/2012

Uniformes uniformes

La culture française a le désolant réflexe de  raisonner par le statut. C’est le prisme primordial auquel nulle question ne saurait échapper. Lorsqu’il est question de l’uniforme à l’école, le débat tourne autour de l’égalité de statut que l’uniforme est censé garantir.

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Plus de marques, plus de sigles sur les vêtements, no logo. Pas de distinctions sociales mais un même vêtement égalitaire. Par l’uniforme on tente de faire croire que la société est uniforme et que les classes n’existent pas. Piège traditionnel de l’égalité formelle républicaine qui est la fille de l’hypocrisie religieuse : autrement dit, pourvu que les apparences soient sauves, le reste importe peu. Moyennant quoi, et sans que ce soit contradictoire, on utilisera aussi l’uniforme pour marquer les différences de castes : l’habit du polytechnicien, comme celui de l’académicien, distingue l’élite du reste du peuple.

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Pourquoi alors la vision de tous ces écoliers en uniforme, à Cuba, ne choque-t-elle pas ? la finalité n’est-elle pas, ici aussi, d’égaliser les statuts ? Peut être, mais l’on a davantage l’impression qu’il s’agit moins de gommer des différences sociales moins marquées que de mettre l’enfant en situation d’écolier. L’uniforme, c’est le vêtement professionnel de celui qui va apprendre. C’est la  césure entre le familial et le scolaire. Comme chaque profession a sa tenue, l’écolier a la sienne. L’affirmation positive de l’uniforme paraît plus présente que sa version négative. Libre interprétation ? préjugé ou parti pris ? influence de la légère érotisation des ces shorts-jupes qui font ressortir le galbe des cuisses adolescentes ? peut être, mais au final aucun doute sur le fait que l’uniforme cubain n’est pas l’uniforme français.

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22/02/2012

Carnets de campagne

La campagne présidentielle est un tintamarre quotidien, on l'a déjà constaté. Période de foisonnement, si elle vire parfois au concours Lépine, elle contient également son lot de propositions qui ont été longuement travaillées dans ces groupes d'expertise qui gravitent autour des candidats. S'y ajoutent les positions officielles prises par différentes instances, dans tous les domaines. La formation professionnelle est, ce n'est pas la première fois, un champ dans lequel les propositions poussent plutôt bien. Mais lorsque l'on sème à tout va, les herbes folles cotoient les belles plantes et d'étranges hybrides ne manquent pas d'apparaître.

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Comme disait un ancien Président : "Sur le long terme, il y a l'histoire et le droit". Si l'on oublie ces deux piliers de notre culture, on perd inévitablement de la cohérence et on créé soi-même les conditions de l'inefficacité. La loi la plus simple créé une complexité redoutable lorsqu'elle n'entre pas en cohérence avec les principes juridiques qui régissent le champ dans lequel elle intervient. Et l'on ne parle même pas d'une loi complexe qui pertubera à l'infini le domaine dans lequel on lui a demandé de se déployer sans guère prêter d'attention au contexte.

Pour que l'histoire et le droit ne soient pas ignorés, Jean-Marie Luttringer et moi-même tiendrons des Carnets de campagne, publiés dans l'AEF, qui permettront de confronter les différentes propositions aux principes juridiques qui structurent le champ de la formation professionnelle et au-delà celui de l'éducation, du marché du travail, des relations sociales, de la gestion des ressources humaines ou encore du droit de la concurrence.

La première chronique présente les objectifs et méthodes de ces Carnets de campagne 2012.

Carnets de campagne.pdf

21/02/2012

Salarié toujours qualifié

Il y a eu un jour où j'ai réalisé que j'avais des clients plus jeunes que moi. Et depuis quelques temps, je m'aperçois que mes premiers clients ont pris leur retraite. Mais comme j'aime bien la fidélité, je continue à les inviter à déjeuner. Ce qui m'a valu le plaisir de partager un repas avec un ancien directeur de la formation de la fédération du bâtiment.

"Vous savez que je vous cite souvent ?

- ah bon ! et à quel propos ?

- parce que vous avez toujours refusé que l'on parle de BNQ, les bas niveaux de qualification, ceux qui ont contribué à construire, entre autres, l'Arche de la Défense...

- oui je me suis beaucoup battu contre cela, et je note avec satisfaction que l'expression est moins employée

- vous savez qu'un salarié est toujours qualifié même s'il n'est pas diplômé...

- oui c'est le propre du travail, il qualifie alors que l'éducation, hélas, déqualifie parfois puisqu'elle produit des non diplômés. Je vais vous raconter une anecdote...

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Tarsila do Amaras - Ouvriers - 1933

- Allez-y !

- J'ai été auditionné par le Haut Conseil de l'Education, vous remarquerez l'importance du Haut. Comme ils m'ont fait attendre, j'ai vu des ouvriers qui repeignaient le ministère. Ils étaient tunisiens. J'ai  discuté avec eux. Je leur ai demandé où ils avaient appris à peindre, parce qu'ils faisaient un beau boulot. Ils m'ont répondu : "on a pas été à l''école pour ça"...

- Et vous en avez parlé lors de votre audition...

- c'est par ça que j'ai commencé !

Je crois que c'est que j'ai toujours le plus apprécié dans mon activité, c'est de rencontrer des individus engagés. Qui ne partagent pas toujours mes idées, qui sont parfois agaçants comme je peux les irriter, mais avec lesquels au final il y a quelques valeurs à partager dont la première est de ne jamais faire des individus des abstractions mais de les considérer dans leur singulière réalité. Et l'homme qui me raconta cette anecdote est aussi celui qui milita en 2003 pour passer de la notion de qualification à celle de professionnalisation. Paradoxe ? non, bien au contraire, mais ça je m'en expliquerai demain.

19/02/2012

Compétents incompétents

Il n'est pas nécessaire d'être un spécialiste des questions de travail et de formation pour savoir que la compétence n'est ni immuable, ni tout terrain. Dépendante du contexte et de l'évolution des individus, elle n'a rien de l'accumulation linéaire comme le laissait croire le modèle de l'ancienneté et de l'expérience continuée. C'est ainsi que l'on peut régresser. Dans le domaine de la peinture, l'exemple le plus frappant est sans doute celui de De Chirico. Peintre métaphysique et visionnaire dans les années 10, il perd quasiment toute créativité à partir des années 20 et finira par se pasticher lamentablement.

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De Chirico - Mystère et mélancolie d'une rue - 1914

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De Chirico - Le retour d'Ulysse - 1968

Les clubs de football l'ont expérimenté, au grand dam parfois des supporters. Pourquoi vendre un joueur qui vient de réaliser une saison exceptionnelle ? parce que rien ne garantit qu'il effectuera la même et que sa côte est au plus haut. De ce point de vue, la notion de capital humain emprunte moins à l'analyse marxiste d'accumulation du capital qu'à l'option libérale de la valeur fluctuante de l'action. C'est ce qui fait le casse-tête des recruteurs : malgré les expériences réussies, malgré les diplômes accumulés,  le passé ne garantit pas l'avenir. Charme de l'imprévisibilité humaine qui nous offre autant de révélations tardives que de déchéances précoces. Mais pour l'esprit rationnel, cela risque de coincer. Que l'incompétent devienne compétent, passe encore, tout juste, mais passe. Mais que le compétent devienne incompétent est incompréhensible pour qui a une vision linéaire du temps et des individus. Il suffit pourtant de regarder De Chirico ou de se reporter à la chronique d'hier pour constater qu'une campagne électorale créé un contexte néfaste pour la compétence.

08/02/2012

Ratio d'espoir

La formule est de Jean-Marie Luttringer, qui n'a pas découvert le modèle allemand ces dernières semaines et a pris le temps de l'étudier. Elle nous offre ce mélange d'utopie et de réalisme qui nourrit souvent toute projection de soi dans le futur. Le ratio d'espoir c'est la capacité d'un système à offrir des opportunités à ses utilisateurs. En France, on a l'habitude d'utiliser une autre expression, celle d'ascenseur social, qui exprime bien notre goût de la verticalité et de la sélection. L'ascenseur il est souvent central, c'est donc un bon outil jacobin, il est de capacité limité, ce qui justifiera que certains attendent leur tout plus longtemps que d'autres,  il dessert tous les étages, ce qui constitue une fausse égalité puisque tous les étages n'ont pas les mêmes avantages, et il tolère l'exception des chambres de bonnes pour lesquelles il faut emprunter l'escalier de service. Il exclut donc un peu, mais pas trop pour que cela reste acceptable.

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Tim Eitel - Die Öffnung - 2008

Le ratio d'espoir du système dual allemand, ce système d'apprentissage qui attire les deux tiers d'une classe d'âge, est élevé mais pas pour ses qualités propres. Il est élevé parce que les processus de recrutement, de formation et d'évolution dans les entreprises allemandes permettent à un apprenti d'envisager d'exercer plus tard une fonction de direction, les postes n'étant pas trustés par les étudiants issus des grandes écoles. Ce n'est donc pas à l'intérieur du système d'apprentissage que se trouve la clé de son succès, mais dans les pratiques des entreprises. On peut réformer autant que l'on veut le système d'apprentissage en France, tant que le passage par l'apprentissage ne sera pas une voie normale et banale d'accès  à toutes les fonctions dans l'entreprise, il continuera d'être fréquenté majoritairement par les exclus du système scolaire. Et l'on pourra toujours, lors des multiples colloques et manifestations de promotion de l'apprentissage, poser la question aux intervenants et responsables en tribune : "Lesquels d'entre vous ont fait le choix positif de faire passer leurs enfants par l'apprentissage ?". C'est pourquoi, avant de réformer sans fin l'apprentissage, il faut peut être s'intéresser à son ratio d'espoir et se souvenir qu'en Allemagne, puisque la comparaison est à la mode, la loi sur l'apprentissage date de 1969 et qu'elle n'a pas véritablement été réformée depuis, ce qui est peut être la deuxième clé de son succès.

01/02/2012

Allez les OPCA, un peu de fantaisie !

Fantaisistes. Ainsi sont qualifiées par le DGEFP, Bertrand Martinot, les analyses juridiques qui ont critiqué l'action de l'Etat, et non l'Etat comme il l'affirme trop rapidement, dans la réforme des OPCA. Fantaisistes donc. Pourquoi ? parce que. Et n'attendez pas que l'administration vienne argumenter avec des fantaisistes. Pas de temps à perdre.Il faudrait au moins prendre celui de lire Antonio Machado : "On ment plus qu'il ne faut par manque de fantaisie : la vérité aussi s'invente".

Mais le plus inquiétant est sans doute que le DGEFP révèle une nouvelle fois la manière dont il conçoit le droit : un simple outil de pouvoir. Qui a le pouvoir peut dire le droit et c'est à la capacité d'imposer ses décisions que l'on reconnaît celui qui a raison. Cette confusion entre pouvoir et droit est la marque d'une certaine manière de gouverner qui porte en elle les germes de l'échec. Car les logiques juridiques finissent toujours par rattraper l'action politique. On sait pourtant de longue date que le pouvoir n'est qu'un dérivé du droit dont il procède, du moins en démocratie. Lorsque le pouvoir impose sa règle malgré le droit, l'Etat de droit recule et celui qui porte le plus atteinte à l'Etat ici est moins celui qui dénonce que celui qui s'affranchit unilatéralement des règles qu'il a le devoir de respecter.

Mais il faudrait également rappeler au DGEFP ce qu'est une fantaisie. En convoquant Glenn Gould et Bach par exemple.


Glenn Gould - Chromatic Fantasy - J.S BACH

On peut constater, comme le dit Philippe Sollers, que : "La fantaisie et la liberté d'imagination ne s'acquièrent pas comme ça, il y faut du temps, de l'obstination, de la sévérité, de la rigueur, des mathématiques, de la raison".

Si les OPCA ont subi la réforme de la formation et l'étroite vision fiscale de l'administration sur leur action, c'est justement par manque de fantaisie, c'est à dire d'imagination créative, de la part de ceux qui ont été chargés de piloter le processus. Et notamment l'incapacité à penser la réforme au-delà d'une régulation financière de son fonctionnement : il est vrai que du côté de Bercy la fantaisie n'est pas la culture de référence.

Si les OPCA ne veulent pas subir la prochaine réforme, on ne peut que leur conseiller de faire preuve d'un peu, et même de beaucoup, de fantaisie. S'ils l'osent, l'avenir leur appartient.

Les OPCA ont de l'avenir, si....pdf

31/01/2012

Jouons au maître d'école

Le vrai maître d'école lit véritablement les travaux de ses élèves. De manière attentive, non blasée, curieuse, ouverte et sans a priori. Confiant, exigeant, bienveillant. Tout l'inverse de l'aigri, revenu de tout et surtout de lui-même, qui lit en diagonale, survole, ne voit que ses préjugés et cherche à  conforter ses a priori par une lecture orientée plutôt que de déceler toutes les promesses que peut receler le texte. Jouons donc à ce maître d'école en analysant la lettre que Nicolas Sarkozy vient d'envoyer à Gérard Larcher pour lui demander de faire des propositions de réforme de la formation professionnelle. Que dirait le correcteur de la copie ?

Une première question s'imposerait : les 4 objectifs proposés sont-ils atteignables et compatibles ? rapprocher l'enseignement professionnel des besoins de l'économie, développer la promotion sociale, former ceux qui en ont le plus besoin et accompagner les salariés, chacun de ces objectifs pourrrait à lui seul mobiliser l'intégralité des moyens aujourd'hui consacrés à la formation professionnelle. Alors ? s'agit-il d'augmenter les moyens ou de répartir la pénurie ? si en amour il ne faut pas craindre de trop embrasser, l'étreinte ne s'en trouvera que meilleure et non affaiblie, il n'est pas certain que la même recette fonctionne en matière de politique de formation.

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Magritte - Le maître d'école

La deuxième remarque  porte sur l'utilisation d'arguments contradictoires : la décentralisation est une bonne chose, mais la politique de l'emploi relevant de l'Etat ce n'est pas une bonne chose ; le dialogue social c'est une bonne chose, mais vu ses résultats ce n'est pas une bonne chose. Aïe, une chose et son contraire dans une même phrase alors qu'il s'agit de définir une mission claire pour le rapporteur, la copie devrait être revue. La bienveillance conduit à considérer qu'il fera le tri lui-même.

Et la troisième remarque, pour s'en tenir à l'essentiel, c'est que l'action publique a pour principal défaut d'être peu lisible, ce qui la rend inefficace. Un esprit mal intentionné pourrait entendre peu visible et donc inefficace pour être portée au crédit de ceux qui la conduisent. Ce qui n'est pas exactement la même chose que l'efficacité.

Suggérons donc à Gérard Larcher, qui sait manier le paradoxe puisqu'il est à la fois l'auteur d'une loi qui oblige à saisir les partenaires sociaux avant toute réforme en matière sociale et à ce titre chantre du dialogue participatif et celui qui a fait placarder sur les murs de Paris "Le Sénat c'est moi", de ne pas s'en tenir à la lettre mais d'aller à la rencontre de ses interlocuteurs sans a priori, confiant, exigeant et bienveillant. Il pourra peut être dans ces conditions s'apercevoir que la question est mal posée ce qui lui permettra, lui aussi, de jouer au maître d'école et de corriger la copie. Et une question bien posée dans une matière importante, cela n'a pas de prix mais une grande valeur.

Lettre de mission Larcher - Réforme de la formation.pdf

24/01/2012

Prendre le temps de la performance

Séminaire interne consacré à la performance de l'entreprise, soit les résultats et leurs conditions. Le sens de l'action et ses modalités. Questionnement autour de "Qu'est-ce qu'une entreprise performante ?" comment l'on peut travailler autour de "Qu'est-ce qu'un bon professionnel ?". Et puis dans le fil des travaux vient la question complémentaire "Qu'est-ce qu'une bonne organisation ?". Et la réponse d'une participante fuse aussi rapidement que la question a été posée : "C'est une organisation qui laisse le temps de réfléchir à ce que l'on fait". Diable, voilà une affirmation en forme de provocation. Alors que l'on débat de productivité et de temps de travail, il faudrait laisser du temps. Et pour réfléchir en plus. Mais que penserait le penseur d'une telle demande ?

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Munch - Le penseur de Rodin - 1907

Peut-être qu'il estimerait la proposition bienvenue pour tous ceux qui remplissent compulsivement les agendas, s'enorgueillissent des 320 mails reçus chaque jour (et paranoisent lorsqu'il y en a moins de 200), font la chasse au temps mort, ne peuvent supporter l'observation contemplative et sont occupés en permanence à  saturer leur temps et leur espace, tout en se demandant pourquoi ils saturent. Prendre le temps de la réfléxion, se déconnecter de la commande ou de l'injonction immédiate, réfléchir au sens de l'action et à ses modalités, bref prendre le temps de l'efficacité. Mais pour cela, il faut commencer par prendre le temps.

13/01/2012

Complet

Par nature, conviction ou habitude professionnelle, j'ai plutôt tendance à être constructiviste. Plutôt tendance à voir des individus aux prises avec une réalité qu'ils élaborent à l'aune de leur propre cheminement qu'à considérer la connaissance, la vérité scientifiquement établie, le savoir, comme des Graals qui divisent le monde en deux : ceux qui les possèdent et les autres. Cette attitude constructiviste ne conduit pas nécessairement à un relativisme sans fin : il y a des valeurs pour mettre de l'ordre dans les constructions de chacun.

C'est cette vision de la connaissance et des apprentissages qui m'a toujours rendu incompréhensible, et mystérieuse, la fameuse phrase d'Hemingway : "Nous naissons avec tout notre avoir et nous ne changeons jamais. Nous n'acquérons jamais rien de nouveau. Nous sommes complets dès le début". Peut être un abus de Daïquiri ou plus certainement encore, un manque. Et puis j'ai eu un fils.

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Hemingway au complet

La phrase d'Hemingway est alors devenue une évidence. Certes l'irréductible constructiviste en moi se dit que c'est une expérience nouvelle qui a conduit à l'éclaircie. Mais il s'agit moins d'une construction que d'une révélation, au sens de la visite comme dirait Hélène Grimaud. Est de l'ordre de l'accès au mystère en effet le constat quotidien qu'effectivement nous sommes complets. Car l'enfant n'est pas un adulte en devenir, mais un être de toutes facultés dont il use à loisir. Que cette complétude ait besoin du temps du déploiement est une chose. Qu'elle ne soit pas un déterminisme, en est une autre que l'on validera aisément en vérifiant que tous les arbres ne connaissent pas la même évolution suivant leur lieu d'implantation, et pourtant ils sont également complets dès le début. Reste à devenir ce que nous sommes, selon l'injonction Nietzschéenne, ce qui éclaire définitivement la phrase d'Hemingway qui finalement, avait peut être bu lorsqu'il l'a écrite, la dose de Daïquiri qui convient.

03/01/2012

Futurisme

En 2012, le futur a toujours de l'avenir

 

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1907-2012

 

EN 2012

Le CABINET WILLEMS CONSULTANT

 

VOUS SOUHAITE DE BELLES DECOUVERTES

ET DE CONTINUER A APPRENDRE

01/01/2012

BONNE ANNEE !

En 2012

Evitez de porter votre croix

Ne vous laissez pas crucifier

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Pour vous encourager

Je dégusterai le nectar des Dieux

A votre santé !

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TRES BELLE ANNEE A TOUTES ET A TOUS

12/12/2011

De l'artisanat dans l'industriel

L'organisme de formation est un des poids lourds du marché. Une croissance à deux chiffres pendant des années et ce signe qui ne trompe pas : on ne connaît plus tous ceux qui travaillent pour le groupe et l'on ne sait jamais, dans les couloirs, si l'on croise un client ou un salarié. Mais celui que je rencontre ce jour là je le connais bien. Il a fait sa carrière professionnelle dans les plus prestigieuses entreprises, celles que tous les étudiants rêvent d'intégrer, et il poursuit son activité en animant, avec talent et brio, des formations manageriales. Il ne partage pas son expérience, il s'appuie sur son expérience pour permettre aux stagiaires de travailler sur la leur. Ce matin là, il a une grande poche à la main et voit mon regard surpris : "J'ai un groupe en intra. Comme on a pas prévu de café d'accueil, j'ai pris ma machine à café et je suis passé chercher des croissants. Le groupe est super". Je souris. J'ai dans ma sacoche les amandes enrobées de chocolat que j'ai achetées ce matin pour les participants à la formation que j'anime.

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"-Tu as toujours préservé un côté artisanal dans toutes tes fonctions ?

- Toujours ;

- En marge des process et sans systématisme ?

- Surtout pas de systématique. En fonction des moments, des situations, des individus. L'artisanal ce n'est pas l'industrie à petite échelle. C'est une autre manière de travailler."

Que les grandes organisations adoptent des procédures, quoi de plus normal : l'industriel ce n'est pas l'artisanal à grande échelle. Mais pour que la vie circule dans les méandres des méthodes et des process, il faut laisser l'espace pour que l'artisanal existe et surtout, surtout, s'il faut veiller à ne pas l'empêcher il faut encore plus résister à la tentation de l'organiser.

NB : Sinon, demain le groupe est plus que super et ce sera donc dégustation de foie gras (fourni par eux) et dégustation de Mauzac, Domaine de Plageoles (fourni par votre serviteur, pour les fêtes n'hésitez pas à goûter à ce Gaillac artisanalement élaboré).

11/12/2011

Projet ? disponibilité !

La crise est venue rappeler aux entreprises qui avaient mis en place des plans de gestion prévisionnelle des compétences, que la prévision est décidément ardue et la planification une chimère. Plutôt que de disperser son énergie à prévoir puis à réviser, il paraît aujourd'hui plus pertinent de réfléchir à se mettre en  situation de réactivité. Travailler sur les conditions qui permettront de s'adapter à toute situation, même les plus imprévisibles, prépare mieux l'avenir que la focalisation sur un projet qui demain, peut être, ne sera plus d'actualité. Mais ce raisonnement qui vaut pour les entreprises ne semble guère être envisageable pour les individus qui sont assignés à un projet.

Votre manager vous reçoit ? il vous demande quels sont vos projets. Vous souhaitez faire une formation ? on vous demande pour quel projet. Vous rechercher un financement ? Le projet, le projet, le projet. Et si possible bouclé, validé, ficelé, empaqueté. Et vous êtes prié d'y mettre de la conviction.

Xiao Se - Pray and Wish - 2006.jpgIl paraît que j'ai 9 mois.JPG

Il n'est donc pas entendable d'avoir comme projet celui de se mettre en situation de saisir les opportunités que l'on se crééra ou qui se présenteront et d'expliquer que le chemin envisagé n'a d'autre objet que de favoriser cet état de disponibilité sans lequel les opportunités ne se présentent jamais, tout simplement parce que nous ne sommes pas en situation de les saisir.

On sait que l'avenir de l'enfant ne passe pas par le projet mais par le regard porté sur le monde. Par l'attention à l'environnement, la capacité à le saisir et l'envie de faire son miel de tout. Il ne s'agit évidemment pas d'opposer la disponibilité au projet, il est parfois nécessaire et structurant, mais simplement de constater que la manière dont on appréhende l'avenir et les moyens que l'on se donne pour le construire contribuent à le faire advenir. Bonne semaine.