Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/08/2013

Le respect, non merci, la dignité...

En France, le respect est sur toutes les lèvres. Au Japon, pour ce que j'ai pu en comprendre, jamais. C'est que le respect est une demande : l'autre doit me respecter. Pour ce que je fais, mais aussi pour ce que je suis. Le respect est une demande qui s'adresse à autrui. Au Japon, exiger quelque chose d'autrui est grossier. C'est pourquoi le respect n'existe pas. Par contre, la dignité est omniprésente.

IMG_9253.JPG

La dignité, c'est faire le choix de mettre ses comportements en cohérence avec ses idées, ses valeurs, ses principes. C'est ne pas transiger avec soi-même. Cela ne dépend jamais d'autrui, cela n'oblige que soi, ce qui impose une difficile lucidité, sans narcissisme ni cynisme. Car contrairement à ce que l'on entend ici, fondamentalement, il n'y a que moi qui puisse attenter à ma dignité.

29/08/2013

La parole est à...

Inaugurons une nouvelle rubrique : La parole est à... qui évite de tenter de répéter ce que d'autres ont déjà beaucoup mieux formulé. Pour la première, ne lésinons pas et voyons avec Tchouang-Tseu, dans une traduction de Jean-François Billeter, pourquoi l'enseignant ne transmet pas mais peut éventuellement faire acquérir.

Le duc Houan lisait dans la salle, le charron Pien taillait une roue en bas des marches. Le charron posa son ciseau et son maillet, monta les marches et demanda au duc :

-Puis-je vous demander ce que vous lisez ?

-Les paroles des grands hommes, répondit le duc.

-Sont-ils encore en vie ?

-Non, ils sont morts.

-Alors ce que vous lisez là, ce sont les déjections des Anciens !

charron2.jpg


-Comment un charron ose-t-il discuter ce que je lis ? répliqua le duc ; si tu as une explication, je te ferai grâce ; sinon, tu mourras !

- J’en juge d’après mon expérience, répondit le charron. Quand je taille une roue et que j’attaque trop doucement, mon coup ne mord pas. Quand j’attaque trop fort, il s’arrête (dans le bois). Entre force et douceur, la main trouve et l’esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis transmettre par des mots, de sorte que je n’ai pu le transmettre à mes fils, que mes fils n’ont pu le recevoir de moi et que, passé la septantaine, je suis encore là à tailler des roues malgré mon grand âge. Ce qu’ils ne pouvaient transmettre, les Anciens l’ont emporté dans la mort. Ce ne sont que leurs déjections que vous lisez là.

En conséquence de quoi, il est recommandé de se méfier des enseignants de tout poil qui vous disent, les yeux mouillés, que leur mission est de transmettre. Il n'est pas impossible, par contre, d'apporter son utile contribution aux acquisitions.

28/08/2013

A bout de souffle

Comme la cigarette qui n'a pas disparu simplement des restos et cafés mais aussi des écrans de cinéma, si tout le monde fume dans un film c'est qu'il a été tourné dans les années 70, l'enseignement magistral est à bout de souffle. Le problème c'est que sous assistance respiratoire, on peut durer encore longtemps à l'état végétatif. Peut être que les Moocs (Massive open online courses) porteront le coup fatal en débranchant la pédagogie grabataire. Il s'agit de filmer un cours et de le mettre en ligne. Tout simplement. A un coût de production quasi-nul.

Les Moocs, c'est le bonheur des étudiants : le cours disponible quand on veut, où on veut. Mieux que le polycop non actualisé ou que les notes prises entre deux rêveries sur les marches de l’amphi bondé et surchauffé parce que le  chauffage c’est du 1er octobre au 1er avril et que c’est trop compliqué de l’éteindre puis de l’allumer et que s’il fait froid en mai, on sortira les pulls. Et puis les Moocs ça laisse le temps de déambuler sur les Champs-Elysées à la recherche de Jean Seberg, et de revoir encore le film si on ne l'y a pas trouvée.

jean-seberg-a-bout-de-souffle.jpg

Avec les Moocs, la parole professorale se diffuse à grande échelle mais surtout elle est enregistrée : l'enseignant ne peut plus dire qu’il ne l’a pas dit et on peut vérifier s’il ne débite pas un truc d’il y a trois ans et si ce qu’il raconte n’a pas pris un coup de vieux, et lui avec.

C’est tellement le bonheur les Moocs que cela permet aux profs de continuer à faire leur cinéma et aux étudiants d’aller à la séance de leur choix. Reste plus qu’à inventer ce que l’on fait en cours à 200 (voire 500) avec tous ceux qui ont déjà vu le film. Ce serait tellement plus simple si le prof c'était Jean Seberg. 

27/08/2013

Deux fois bien

Pas la peine d'aller chercher plus loin quand cela vous est livré sur un plateau. En l'occurrence, j'emprunte au copain Garrigue, le dicton du jour :

Pour aller juste, il faut aller vite.

Mais la sureté de la vitesse demande du temps.

Si vous en voulez d'autres, c'est ici : http://caracallastation.tumblr.com/

IMG_8911.JPG

Comme ces préparations, sushis, sashimis, salades, poissons grillés, gambas, viandes caramélisées, riz épicé, et même somptueuses crèmes dessert qui sont réalisées à l'instant devant vous et placées sur le tapis roulant sur lequel il faudra les saisir promptement.

IMG_8916.JPG

Certes, le temps, la lenteur, tout ça, mais quand même, vite et bien, deux fois bien.

17:02 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (0)

26/08/2013

Etre de savoir

Marronnier de l’été, le thème de la connexion maintenue pendant les vacances fait le tour des journaux et télés. Chronique d’une psychanalyste, il faut au moins ça, sur une radio expliquant que l’incapacité à rompre totalement avec son job tenait à la fois à des facteurs psychologiques, la peur du vide, du face à face avec soi-même et avec ses désirs, et à des facteurs sociaux, la pression au travail et la crise. Soit la peur et l’angoisse, les deux mamelles du psychologue. Rien sur le rapport à la technologie, la rupture des  frontières traditionnelles dans la vie postmoderne et encore moins sur le plaisir, puisque pour certains c’est au travail que cela se passe. Mais passons. Ce qui retenait l’attention, c’est que la chronique s’appelait « savoir-être ». Il faut déjà subir le jargon pseudo-pédagogique dans le milieu, si en plus il se banalise…

formation,éducation,savoir,être,pédagogie,radio,chronique,journaliste,jargon,management,science

Savoir être deux

Savoir être n’est finalement que la reprise d’une vieille formule, lorsqu’il s’agissait « d’apprendre à vivre », avec les mêmes présupposés du savoir qui précède l’être et du comportement qu’il importe de normer. Pas besoin d’y réfléchir très longtemps pour juger de la prétention de celui qui voudrait  apprendre à être à autrui. Il est vrai qu’il est plus facile de tenter de manager les savoir être que les êtres de savoir que nous sommes.  Quant à admettre que la plupart des savoirs sont inconscients et incorporés, autant vouloir nier deux siècles de scientisme. Et voilà pourquoi, hélas, on en a certainement pas fini avec la tarte à la crème frelatée du savoir être.

25/08/2013

Bourlinguer

Bourlinguer pour un marin, c'est avancer contre le vent. Pour un Occitan, cela renvoie à bouléguer. Alain Garrigue il boulègue ses peintures avant de les mettre sur la toile avec tout un tas de boulégadors improbables : morceaux de bois, pinceaux dépoilés, bouts de ferrailles, cartons pliés, doigts tendus quand c'est tout ce qui lui tombe sous la main. Bref, il s'agit de se bouger, de ne pas attendre les vents portant, de faire avec que que l'on a et trouver son miel partout.

Bourlinguer c'est aussi le titre d'un livre de Blaise Cendrars organisé en chapitres qui portent des noms de villes, et dans lesquels il est parfois fait état de la ville en question.

Bourlinguer, c'est aussi un photoblog qui fera le tour des villes, et quelques autres tours, au rythme d'une photo par jour. En route !

 

http://bourlinguer.hautetfort.com/

DSC06036.JPG

24/08/2013

Le temps d'un regard

Ils rythment la rue et murmurent à l'oreille des passants. Les adultes s'arrêtent au premier qui leur fait signe, sous l'effet de surprise. Au second on accorde déjà moins de temps et au troisième on est retourné à ses préoccupations d'adultes. On ne verra donc pas les autres. 

IMG_9094.JPGIMG_9095.JPGIMG_9097.JPG

Les enfants les regardent tous. Un par un. Reviennent en arrière parfois, pour vérifier le nombre de doigts, la forme de la bouche, la texture de la robe légère. Ils savent que ce sont des fantômes avant qu'on le leur ait expliqué.

IMG_9098.JPGIMG_9099.JPGIMG_9104.JPG

A l'adulte qui les tire par le bras en disant : "Allez viens, dépêche toi !", les petits  répondent qu'ils veulent aller voir encore, suivre les fantômes, tourner le coin de rue dans le sens des flèches rouges, parce qu'il y a sans doute encore à découvrir et que de toute façon les fantômes ils disent que c'est par là qu'il faut aller.

IMG_9101.JPGIMG_9100.JPG

C'est assez simple finalement de savoir ce que l'on a fait de l'enfant qui est en nous. Il suffit juste de se demander si on a le temps. Parce que l'enfant il a toujours le temps et l'adulte jamais.

IMG_9114 (2).JPG

Suivre les fantômes, c'est accepter d'être conduit n'importe où sans poser de question. Juste en regardant ce qu'il se passe, comme par exemple quand le regard d'une petite fille de l'autre bout du monde croise celui de la plus énigmatique jeune femme de l'art occidental. Pour connaître la suite, prière de s'adresser aux fantômes.

22/08/2013

Soleil

Pas si simple finalement la reprise. Le soleil, les rues de Paris au mois d'août, la douceur des soirées en terrasse, les expositions qui vont disparaître avec l'été et auxquelles il faudrait se rendre, comme le HEY ! Part II à la Halle Saint-Pierre, les rires d'enfants dans les parcs, la nonchalance qui occupe encore les esprits et les corps, tout cela n'incite pas à s'asseoir devant son ordinateur pour produire ce qui doit l'être. Sauf si le soleil, de temps en temps, vous y rejoint.

IMG_7348.JPG

On connaissait la formule : " Aujourd'hui, je marche sur mes cils" pour exprimer une fatigue passagère. Il faudra désormais compter avec : "Depuis que j'ai recommencé à travailler, je tombe de soleil". En compagnie de qui est tombé du soleil, le travail est soudain plus léger.

21/08/2013

J'y pense et puis j'oublie

Les deux évènements majeurs du XXème siècle se sont produits à l'occasion de la seconde guerre mondiale : la Shoah et l'utilisation de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Deux évènements totalement nouveaux dans l'histoire de l'humanité. La volonté délibérée de faire disparaître, industriellement, une partie de la population de la planète, et l'utilisation d'une puissance technique dont l'homme ne maîtrise que le déchaînement mais pas les effets. Les générations qui ont été confrontées à ces évènements étaient unanimes pour considérer qu'il y avait un avant et un après, que le monde ne pouvait plus être pensé de la même manière et qu'il avait irrémédiablement basculé.

IMG_7316.JPG

Electricité nucléaire pour les enseignes d'Hiroshima

Près de 70 ans plus tard, la Shoah demeure présente dans les débats, comme en témoignent, notamment, les lois dites mémorielles ou le fameux point Godwin, atteint lorsqu'il est fait référence à l'holocauste dans un sujet n'ayant aucun rapport à l'occasion d'un débat sur internet.

IMG_7460.JPG

Manifestation antinucléaire à Hiroshima

Mais d'Hiroshima que reste-t-il aujourd'hui ? quelles conséquences concrètes tirons nous de l'utilisation de l'arme atomique et de ses ravages ? quand évoquons nous encore Hiroshima ? pas de point Godwin en la matière, puisque le débat sur le nucléaire, en France mais aussi au Japon, semble se résumer en : "Le nucléaire ou la bougie".

IMG_7451.JPG

Il est vrai que pour l'instant, tout va bien. Certes il y a  Fukushima où rien n'est réglé depuis deux ans et où l'information s'écoule moins rapidement que les eaux radioactives, mais enfin, le Japon c'est loin, les tremblements de terre encore plus et les tsunamis n'en parlons pas. C'était pas de bol, voilà tout. Mais foi de polytechnicien, la probabilité d'un accident en France est nulle.

IMG_7405.JPG

Et puis de toute façon, tout ça est sous surveillance, dormez tranquille. Hiroshima, j'y pense et puis j'oublie, il paraît que c'est la vie.

20/08/2013

Nouveau départ

La rivière d'Héraclite, celle qui coule tous les jours mais n'est jamais la même, est une belle impermanence. Avoir choisi le terme de rentrée pour cette ouverture qu'est un nouveau départ, est une belle tentative d'union des contraires. Joignons les deux : chaque rentrée est une ouverture différente ; sur quoi ? les rivières anciennes qui ne sont jamais les mêmes et les rivières à venir.

IMG_9016.JPG

Départ

Assez vu. La vision s’est rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. - Ô Rumeurs et Visions !
Départ dans l’affection et le bruit neufs !

Arthur Rimbaud, Illuminations

19/08/2013

La rosée

En 1931, Sartre a 26 ans. Jeune professeur, il demande à être nommé au Japon. Il obtiendra un poste au Havre et n'aura l'occasion que bien plus tard de faire un court séjour au Japon. Pourtant, il exercera une influence considérable dans l'archipel, peut être parce que si le Japon l'intéressait, d'où sa demande, ce n'était pas par hasard. Sartre a théorisé la contingence, loin de l'idée du philosophe qui professe des idées abstraites, la contingence c'est la vie dans l'ici et maintenant. C'est d'ailleurs un plaisir de lire les "Situations" chroniques d'actualité qui pensent le réel et font la synthèse entre l'histoire, la vie sociale, la pensée et la politique. Et  proclamer, dans un pays qui adore la rationalité et abhorre  la contradiction, qu'il faut "penser contre soi même", c'est déjà être un peu japonais.

beauvoirsartre.png

Si l'on avait le goût de l'uchronie, ces romans qui réécrivent le présent en modifiant un évènement du passé, on pourrait imaginer que, dans un moment d'égarement, l'administration ait accédé à la demande de Sartre et l'ait envoyé au Japon. Confronté à une société qui n'est pas celle d'aujourd'hui (nationalisme et militarisme sont les deux mamelles du Japon d'avant-guerre, bien loin du pays tourné vers l'Occident, la démocratie et le pacifisme de l'après-guerre), que serait devenue la pensée Sartrienne ? aurait-elle épousé la forme des rochers, des forêts, des jardins, aurait-elle plus rapidement éprouvé la dialectique pour rechercher dans la synthèse une forme d'harmonie, aurait-elle fait plus rapidement place au collectif et au "je" social japonais qui tranche avec le "je" très individuel occidental ? le garçon de café qui joue au garçon de café n'aurait-il pas été mieux à sa place au Japon où l'on a l'impression que personne ne construit un mur mais que tout le monde bâtit une cathédrale ? Et qu'aurait été  Roquentin après un séjour japonais ? peut être pas le personnage de la Nausée, mais celui d'un roman qui aurait expliqué comment l'individu peut s'intégrer à la nature pour mieux exister individuellement ; autrement dit le héros d'un roman panthéiste qui se serait appelé non pas La nausée mais La rosée.

16/08/2013

Impermanences

Impressions fugaces à effet durable :

 

Marcher la nuit dans Harajuku ;

Le port de Nagasaki et ses parfums de comptoir colonial ;

Les Gozaimaaaaaassss lancés à toute occasion et chantés par les voix haut perchés des japonaises ;

Les toris vermillons des temples shintoistes et de la colline des toris à Kyoto ;

IMG_6833.JPG

L’envie de prendre tous les trains et d’attendre dans toutes les gares ;

La facilité avec laquelle, comme partout, on peut se retrouver seuls ;

Les regards vifs, rapides, qui vous détaillent façon puzzle en prenant soin de ne pas vous regarder ;

Le moine qui nous fit sonner cinq fois  la cloche du temple pour tout le quartier, un soir à Nagasaki ;

IMG_7700.JPG

L’attention permanente et souriante portée à l’autre ;

L’art de la synthèse ;

La beauté des enfants dans un pays où la natalité décline dramatiquement ;

La présence de la montagne et la culture terrienne dans cet archipel qui donna si peu de marins ;

La cloche d’Hiroshima le 6 août à 8h15 ;

L’action-pensée et la pensée-action ;

Les wagons du métro réservés aux femmes à Osaka, pour éviter les tripotages compulsifs ;

Le vieux monsieur qui tient restaurant dans sa cuisine à côté du  temple Daitoku-ji à Kyoto ;

IMG_6040.JPG

L’eau qui coule ;

La présence animale, en tout lieu, à toute heure ;

IMG_7435.JPG

Les rues de Shinsekai, un dimanche de canicule ;

Les mille et un kilomètres de galeries marchandes couvertes (bazar, luxe, restaurants, étalages, viande, poisson, dégustations, magasins à 100 yens, boutiques à touristes, karaokés, fripes, solderies et tout le reste, et tout le reste) ;

Le romanesque des love-hôtels, qui ont souvent des noms français, dont le très bel hôtel La cachette à Tokyo ;

IMG_9310.JPG

La commodité de régler sa montre sur le passage des trains ;

La curiosité et l’attention des visiteurs de l’exposition Francis Bacon au Musée municipal de Toyota et particulièrement le regard du paraplégique devant les corps tordus ;

La capacité de la végétation à imaginer de nouvelles nuances de vert ;

IMG_6161.JPG

La lecture magnétique de Pickpocket de Funimori Nakamura ;

Les corps courbés sur les téléphones portables ;

IMG_9353.JPG

Les trois générations de japonais engrangeant de petites billes argentées dans le vacarme des pachinkos ;

Les invraisemblables enchevêtrements de fils électriques qui, paraît-il, ne peuvent être enterrés à cause des séismes. En réalité, orgueil de montrer que tout ce bordel fonctionne parfaitement ;

IMG_5927.JPGIMG_5937.JPG

Les démarches chaotiques, en forme de vol de papillon, les pieds en dedans des jeunes filles kawais, le peu de sourires sur les visages des salary men ;

La vieille dame qui riait en nous donnant des poignées de bonbons sur la Yamanote Line ;

Les hôtels Rose Lips et Rose Garden ;

La similitude des corps, la diversité des visages ;

Le shinkansen qui raccourcit les distances, mais aussi le temps. Puisse-t-il raccourcir celui du retour au Japon.

IMG_6009.JPG

15/08/2013

Noir, blanc...couleurs !

Dernier jour à Tokyo avant le retour en France. Envie de noir et blanc, de yin et de yang, de cette fabuleuse capacité à associer plutôt que d'exclure. Ce qui donne parfois d'invraisemblables bordels.

IMG_9349.JPG

Mais aussi cette poétique des trains et voies ferrées, à laquelle aurait été sensible André Hardellet, qui fit aussi partie des lectures de voyage.

IMG_9360.JPG

Ivresse de passer des rues désertes au carrefour de Shibuya, comme aurait dit André Breton, le Japon, le lieu où le haut et le bas, l'envers et l'endroit, le blanc et le noir cessent d'être perçus contradictoirement.

IMG_9520.JPG

Mais impossible d'échapper à la couleur que le soleil exacerbe.

IMG_9456.JPGIMG_9426.JPGIMG_9611.JPG

Ni à la couleur des comportements, comme celui de cet homme qui soudainement se poste jambes écartées et yeux fermées au milieu de la rue, reste immobile de très longues minutes, puis repart comme après une sieste réparatrice.

IMG_9478.JPG

Le Japon, pays des paysages et de la nature, même au coeur des villes, même sur les camions.

IMG_9588.JPG

Le Japon est aussi le pays des joyeux délires.

IMG_9624.JPG

Mais le plus troublant, ce sont ces scènes de roman ou de cinéma auxquelles on peut être confronté à chaque coin de rue. Voici une histoire de départ, de clandestinité, d'indépendance et de défi qui vous est livrée en un regard.

IMG_9461.JPG

Et ici, il est question d'attente, et peut être d'une ardente patience.

IMG_9627.JPG

En noir et blanc et en couleurs, plein les yeux du kaléidoscope japonais !

IMG_9561.JPG

14/08/2013

Beauté du contresens

La formule est empruntée au titre d’un livre de Philippe Forest, lui-même inspiré par Marcel Proust qui écrivait : «Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère. Sous chaque mot chacun de nous met son sens ou du moins son image qui est souvent un contresens. Mais dans les beaux livres, tous les contresens qu'on fait sont beaux.».

japon,voyage,littérature,proust,forest,photo,étranger,tokyo

Ce qui est vrai pour la littérature ne l’est pas moins pour les pays étrangers. Le plus souvent, nous ne voyons que l’écume, et lorsque nous avons le sentiment d’aller au-delà, notre regard est tellement d’ailleurs qu’il ne peut que voir différemment de celui qui vit dans ce pays et en maîtrise la culture, les codes, l’histoire, les références, la symbolique.

IMG_9251.JPG

A ce titre, rien de plus agaçant que les phrases qui commencent par : « Les japonais sont… ». Les japonais n’existent pas plus que les français, les grecs, les polynésiens ou les moldaves. Il y a des japonais, 127 millions exactement et une diversité infinie d’individus qui pourraient tous constituer un contre-exemple de certains de leurs concitoyens.

japon,voyage,littérature,proust,forest,photo,étranger,tokyo

La généralisation est, comme toujours, une réduction paresseuse, loin de la synthèse subtile que l’on peut souvent observer de ce côté ci de la terre.

japon,voyage,littérature,proust,forest,photo,étranger,tokyo

Voilà pourquoi, il n’y a pas de voyage, il n’y a que des voyageurs.

13/08/2013

A pied

Marcher sans itinéraire, sans plan, sans autre volonté que de découvrir des lieux nouveaux, laisser advenir la poésie, par exemple cette petite fille qui vole sur la piste et continue de courir entre les courses, ni les filles ni les garçons ne la rattrapent, ou ces immeubles depuis lesquels on vous observe, ou ces jeunes filles qui vous invitent à conjuguer des langues inconnues, ou même ce stalinien palais du gouvernement inspiré par Notre-Dame (pour mieux souligner que la politique tient du religieux ?) qui se teinte la nuit de beaux éclats de gris ou encore cette gargotte ou vous pouvez partager la fin de journée avec les habitués. Mais puisqu'il est question de poésie, laissons la parole à Rimbaud, dont les phrases sont des haikus.

Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, - loin des gens qui meurent sur les saisons.

IMG_8996.JPGIMG_8995.JPG

J'ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames.

 

IMG_9000.JPG

IMG_9003.JPG

J'ai essayé d'inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues.

IMG_9023.JPG

Il faut être absolument moderne.

IMG_9093.JPG

Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et à l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.

IMG_9061.JPG

et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps.

 

IMG_9065.JPG

12/08/2013

A l'écart

Lorsque l'on aime la pédagogie du détour, les chemins de traverse, la sérenpidité, la perte de repères, la découverte et l'inconnu, impossible de ne pas se rappeler, ce que les lumières de la ville s'acharnent à faire oublier, qu'Osaka est un port. Et qu'il fait toujours bon rôder dans les docks et les quartiers portuaires. Il faut tout d'abord éviter le trois mats de pacotille qui virevolte tel un zodiac au milieu des grues.

IMG_8719.JPG

Et puis il faut marcher, traverser des no man's lands, longer des entrepôts, passer sous des Express ways, sans jamais perdre la mer de vue.

IMG_8814.JPG

Entre les friches, des immeubles, quelques commerces, du linge au fenêtre, l'environnement a ses familiers qui vivent là et y sont chez eux.

IMG_8844.JPG

Avec leurs habitudes, leurs rendez-vous, leurs copains et toute une vie à proximité du port. Ceux-là sont-ils partis un jour ?

IMG_8833.JPG

Quels marins et quelles mers ont vu ces bateaux ? dans les ateliers, on profite du bruit des machines pour se raconter des histoires de mer que nous ne connaîtrons jamais.

IMG_8849.JPG

Ici comme ailleurs, antennes de télévision et paraboles tentent de ramener par les ondes un surplus de vie en ces lieux immobiles.

IMG_8851.JPG

Quelques immeubles récents sont venus modifier la géométrie du quartier. Mais celui-ci n'a pas eu raison de la boutique du rez-de-chaussée, qui résiste encore et toujours et semble trouver sans importance qu'on lui ait greffé un tube de verre et d'acier au dessus de ses oreilles.

IMG_8881.JPG

Dans ces espaces vides, les architectes trouvent leur bonheur et peuvent s'autoriser ce qu'on leur refuserait ailleurs.

IMG_8884.JPGIMG_8886.JPG

Les canaux finissent par vous ramener au coeur de la ville. Mais après tout, qui nous dit que ce n'est pas simplement le centre et que le coeur on vient de le laisser derrière nous, là-bas dans les quartiers du port. Oh, Osaka !

IMG_8900.JPG

11/08/2013

Des villes dans la ville

C'est une des caractéristiques de New-York, que l'on retrouve à Osaka : en changeant de rue, au détour d'un immeuble, on change de quartier et l'on change de ville. Les journalistes sans imagination diraient "sans transition". On préfèrera l'idée d'identités rapprochées multiples (IRM), autrement dit l'art d'avoir plusieurs personnalités sans avoir jamais été diagnostiqué schizophrène (attention toutefois de ne pas tomber sur un toubib plein de certitudes et de zèle).

Cela commence de manière bucolique dans Kita et ses larges avenues désertes du dimanche matin.

IMG_8336.JPG

Puis surgit Amerikamura, ses boutiques, ses musiques et ses symboles américains.

IMG_8373.JPG

Dans ce quartier considéré comme original, il y a pourtant des garçons...

IMG_8366.JPGIMG_8368.JPGIMG_8375.JPG

...et des filles. Quoi de plus normal ?

IMG_8385.JPGIMG_8679.JPG

Au Sud d'Amerikamura, sur les bords du canal Dotombori, quelques Love Hotels, dont le Rose Lips, qui attend ses clients et son romancier.

IMG_8421.JPG

Plus ou moins discrets, les clubs s'affichent.

IMG_8437.JPG

A quelques pas de là, à Den Den town, on peut acheter de l'électronique, de l'informatique, des jeux, vidéo,...c'est le paradis des Geeks. Mais on y trouve également de petites démones et des enfants abandonnés pendant que leurs irresponsables parents courent les rayons des bazars numériques de Den Den Town.

IMG_8480.JPGIMG_8481.JPG

Une rue à traverser et l'on découvre Shinsekai. Un quartier qui en recèle lui-même plusieurs. Tout d'abord celui du Kitch absolu avec couleurs criardes, Tour ringarde, figurines à taille humaine et décor de carton pâte.

IMG_8509.JPG

IMG_8490.JPGIMG_8489.JPGIMG_8493.JPG

Mais ici encore, il suffit de traverser une rue et l'on découvre un univers plus populaire, plus pauvre, où la lumière et l'artifice ne dissimulent guère l'effort que peut constituer parfois une vie.

IMG_8570.JPG

Il y a des commerçants qui attendent, face à leur magasin...

IMG_8470.JPG

...des habitués qui se saluent, et saluent le chien aussi...

IMG_8472.JPG

...et aussi des bars tenus par des femmes où des hommes viennent chanter du karaoké, et chantent aussi lorsqu'ils sont seuls, et encore des salles que seuls les hommes fréquentent.

IMG_8600.JPG

Derrière un bar, une de ces photos, placardées partout, d'Oscar...pardon de Shinzo ABE, le premier ministre.

IMG_8578.JPG

Quelle surprise, dans ces rues pauvres d'un autre temps de découvrir tapie au fond d'un garage une Rolls Royce Silver Dawn de 1949 !

IMG_8581.JPG

Et quand on entend soudain : "...et ils pissent comme je pleure sur les femmes infidèles" on se demande si les 36° à l'ombre n'ont pas fait leur oeuvre, avant de découvrir le chanteur de rue, français, qui enchaîne Brel et Brassens devant des japonais interloqués.

IMG_8646.JPG

Logés entre  les ExpressWays qui parcourent la ville, les quartiers d'Osaka écrivent sans hâte une poétique et troublante vision du monde. Oh, Osaka !

IMG_8695.JPG

 

10/08/2013

Oh Osaka !

Si vous avez parcouru quelques chroniques japonaises, vous connaissez désormais la nouvelle trinité : un shinkansen, un livre, un bento.

IMG_8179.JPGIMG_8176.JPGIMG_8183.JPG

Et lorsque vous arrivez à Osaka, c'est le choc. Plus dingue que Tokyo, plus extravertie, plus naturelle, Osaka vous offre d'emblée un séduisant visage, fait d'excès et d'exhibition.

IMG_8199.JPG

Après le volcan hier, c'est un puit de lumière qui vous engloutit et ne demande qu'à abolir la nuit. 

IMG_8301.JPG

IMG_8306.JPG

A Osaka, les garçons mettent un point d'honneur à n'être point trop virils. Pour la plupart, pari réussi.

IMG_8221.JPGIMG_8223.JPGIMG_8315.JPG

Mais la maladie du cheveu en forme de touffe ne touche pas que la jeunesse japonaise.

IMG_8215.JPG

Et il y a aussi les rabateuses, comme cette jolie jeune fille qui tente de convaincre le chaland de venir dans son karaoké ou bar à entraîneuses.

 

IMG_8312.JPGIMG_8313.JPG

Pendant ce temps, ses copines font la pause avec ces attitudes qui se veulent si "kawaî".

IMG_8314.JPG

Osaka et ses kilomètres de galeries marchandes, aux lumières aggressives et musiques hurlantes. Le paradis du Dieu de la consommation dont les temples sont les magasins.

IMG_8311.JPG

Mais c'est en dehors des galeries que l'on trouve les "Pachenkos" ou salles de jeu ouvertes à l'attetio des jeunes .........et de tous les autres tant il paraît ne pas y avoir d'âge pour devenir addict.

IMG_8248.JPG

De grands enfants les japonais ? pourquoi pas, mais alors comment expliquer que le Japon soit la 3ème puissace mondiale si les hommes se résument à des accros aux figurines, des geeks et des joueurs de console. Oh et puis pourquoi toujours tout expliquer, à l'occidentale ? ok, laissons tomber, contentons nous d'apprécier : Oh Osaka !

IMG_8278.JPG

09/08/2013

Asosan

Il faut prendre le joli train rouge qui part de la ville de Kumamoto, ou plutôt de la ville de l'ours Kumamon, l'omniprésente mascotte qui rend les gens heureux. En même temps, ça marche (le train et la mascotte).

IMG_8146.JPGkumamon.jpg

Après avoir serpenté à flanc de montagne, on pénètre dans une des plus grandes caldeira du monde avec ses 120 kilomètres de circonférence. Au centre de ces effondrements éruptifs, de vertes cultures dessinent une douce chevelure à la terre de lave.

IMG_7944.JPG

Le Mont Aso, c'est un ensemble de cratères, dont la plupart n'ont plus d'activité mais dessinent une géologie fascinante : petite plongée dans les âges de la terre.

IMG_8105.JPG

IMG_8106.JPG

Mais celui qui attire tous les regards, c'est le cratère fumant du Naka-Date, actif depuis le début du siècle et qui compte quelques morts à son actif. Pas du fait d'éruptions massives et spectaculaires avec projections de magma, de pierres, de lave et coulées de feu, non de manière plus subtile, plus inattendue, avec des émissions de gaz, de cendres, quelques "bombes", la mort sous-jacente qui ne vous regarde pas en face mais surgit à l'heure du destin.

IMG_7967.JPG

Au fond du chaudron de sorcière, la cuisine est faite au souffre et bouillonne sans relâche.

IMG_7964.JPG

A quelques pas de là, comme sur tous les sites volcaniques actifs, des champs de laves anciennes et de cendres offrent des paysages zens. Etrange sensation que de marcher sur la poudre noire en entendant ses pas raisonner sur les cavités creusées par la lave.

IMG_8058.JPG

IMG_8062.JPG

Le Mont-Aso est un des rares volcans actifs dont le cratère est aisément accessible. Il est donc très visité par les japonais qui, contrairement aux touristes, savent adapter leur tenue à la nature des lieux : honneur à Asosan !

IMG_8021.JPG

08/08/2013

Dans la valise

Une valise n'est jamais prête si on ne l'a pas saturée de quelques livres, qui contribuent à la couleur du voyage. On est ce que l'on mange, ce que l'on voit, ce que l'on aime ou déteste, ce que l'on lit. Cette affirmation est plus vraie ici, de l'autre côté de l'hémisphère, qu'en France. Dans la littérature japonaise, l'état d'esprit des protagonistes n'est pas dépeint par de longues explications psychologiques voire psychanalytiques dans lesquelles on ressasse comme un vieux chewing-gum le roman social et familial, il en est plus sobrement rendu compte par l'apparence que prend le monde, la perception de l'environnement. Et l'on ne sait plus très bien qui, de la perception et de l'environnement, fait l'oeuf ou fait la poule. C'est ainsi que les personnages d'Edogawa Ranpo créent des mondes fabuleux, abolissant toute barrière entre le fantasme et la réalité.

IMG_7937.JPG

Cette symbiose entre l'homme et l'environnement qui le façonne irrémédiablement, loin de l'essentialisme et de l'abstsraction occidentale, est encore plus marquée dans le chef d'oeuvre de Fuminori Nakamura "Pickpocket". La légèreté de l'écriture, comme une écume glissant sur la ligne d'horizon, est l'indispensable délicatesse de l'auteur pour nous rendre supportable la mélancolie de ce superbe récit dans lequel il est question d'un voleur de portefeuille, de tours du destin, de yakuzas, du hasard, de la nécessité, des fils que l'on a eu et de ceux que l'on aura pas, et de bien d'autres choses encore parmi lesquelles la manière d'aller au-devant de la mort comme une issue vers tous les possibles. 

Fuminori nakamura.jpg

Car il n'est pas nécessaire de faire lourd pour être profond. L'écriture de Banana Yoshimoto est comme une brise dans les saules et les peupliers, un frétillement de vie au  coeur d'un été qui prolonge les journées jusqu'à l'infini. Ou comment raconter une affaire de famille sans se croire obligé de rendre grâce à papa Freud à toutes les pages. Mais quel est donc le secret de cette 98ème nouvelle qui pousse au suicide tous les traducteurs ?

IMG_7939.JPG

Il aurait également pu y avoir dans la valise les bouquins de Michael Ferrier (Tokyo, petits portraits de l'aube ; Sympathie pour le fantôme), mais ils ont déjà été lus et relus. On ne saurait trop conseiller ces ouvrages d'un auteur né en Alsace aux origines indiennes et mauriciennes et qui enseigne à Tokyo. Encore un qui trouve curieux que l'homme et ses deux jambes se revendique "de souche", tel un arbre mort.  Mais par contre, il y a bien sous les T-shirts et les bermudas, l'inévitable Cendrars, parce qu'on voyage toujours en bonne compagnie avec quelqu'un qui est partout chez lui.

IMG_7941.JPG

Sinon, depuis le train, on peut aussi jeter un coup d'oeil sur le paysage, pour vérifier que les montagnes jouent aux notes de musique sur les lignes électriques. On souhaiterait que la musique, comme le voyage, ne s'arrête jamais.

IMG_7866.JPG