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30/09/2008

La vraie nature d'Internet

Le Code du travail ne traite pas directement d'Internet, de sa nature et du régime qui lui est applicable. Les contentieux se multiplient pourtant sur le contrôle par l'entreprise de l'usage que fait le salarié d'Internet. Pour pouvoir trancher les conflits qui se présentent à eux, les juges ont retenu la double nature d'Internet. En premier lieu, il s'agit d'un outil professionnel et il revient donc à l'employeur d'en fixer les usages, les modalités d'utilisation et de contrôler le respect de ces règles. C'est en application de ce principe qu'il a été jugé le 2 juillet dernier qu'un employeur pouvait licencier pour faute grave un salarié faisant un usage personnel et abusif d'Internet, l'entreprise ayant la possibiltié de contrôler les fichiers stockés sur son disque dur ainsi que ses connexions même en dehors de la présence du salarié (Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 06-45.800).

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Philippe Cottin - Correspondance

En second lieu, Internet permet l'échange de courriers et relève donc des règles relatives à la correspondance. Comme pour les courriers postaux, il est admis qu'un salarié puisse recevoir des messages privés sur son lieu de travail, sous réserve d'abus ou d'excès. Ces courriers identifiés comme privés bénéficient du secret de la correspondance. Ce ne sont donc que les fichiers et/ou courriers explicitement identifiés comme personnels que l'employeur ne peut consulter hors la présence du salarié mais qu'il peut lui demander d'ouvrir en cas de doute sur leur nature, éventuellement sous contrôle d'huissier (Cass. soc., 18 octobre 2006).
Pour le juge de la relation de travail, Internet est donc un outil professionnel qui peut être utilisé marginalement pour des correspondances privées, avec un contrôle professionnel sur l'utilisation générale et un contrôle aux garanties renforcées uniquement pour la partie strictement identifiée comme privée.

29/09/2008

L'anomalie de la Tour Eiffel

Le contrat saisonnier se distingue du contrat à durée déterminée d'usage en ce qu'il porte sur des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. Dans une décision du 17 septembre 2008, la Cour de cassation rappele la définition du travail saisonnier et refuse cette qualification à un chauffeur de carrière au motif qu'il est soumis à des variations climatiques. Elle avait déjà jugé, en décembre 2007, que la fabrication de pizzas surgelés ayant lieu toute l'année avec un pic d'activité à certaines périodes ne pouvait être une activité saisonnière (5 décembre 2007). La même décision avait été rendue à propos d'une usine de production de bière (9 mars 2005). La Cour de cassation refuse en effet que le simple pic d'une activité qui est continue sur l'année permette de conclure des contrats saisonniers et d'éviter le paiement de la prime de précarité (l'avantage du contrat saisonnier pour l'entreprise par rapport au surcroit d'activité est un coût inférieur de 10 % et la possibilité de ne pas avoir un terme précis).

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La Tour Eiffel de Paris, Texas.

Cette jurisprudence serait cohérente s'il n'y avait l'anomalie de la Tour Eiffel : en 1999 la Cour de cassation a estimé que le CDD conclu avec une caissière de la Tour Eiffel pour la période d'affluence des touristes était bien un contrat saisonnier. Or la Tour Eiffel est bien ouverte toute l'année avec des pics d'activité à certaines périodes. Pourquoi dès lors refuserait-on des contrats saisonniers aux grands magasins pour les périodes de solde ou à l'entreprise qui fabrique des climatiseurs et connaît des pics d'activité avant l'été ? si c'est parce que l'activité relève du secteur du tourisme, alors il fallait en conclure que l'entreprise devait faire un contrat d'usage, et non un contrat saisonnier. Concluons que l'affaire constituait un cas d'espèce...et qu'il s'agit d'une jurisprudence du siècle dernier qui a déjà beaucoup vieilli.

26/09/2008

La fin de la mise à la retraite

Le plan gouvernemental pour l'emploi des seniors a été intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui sera adopté à l'automne. Dans ce projet figure la suppression totale de la possibilité pour une entreprise de mettre à la retraite un salarié à compter du 1er janvier 2010. Cette échéance est également celle de la fin de validité des accords dérogatoires qui permettent aujourd'hui de mettre un salarié à la retraite d'office entre 60 et 65 ans s'il réunit le nombre de trimestres suffisants pour bénéficier d'une retraite à taux plein. D'ici à peine plus d'un an, le départ à la retraite ne pourra donc plus s'effectuer qu'à l'initiative du salarié.

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Bernadette Leclercq - Mouche à la retraite

Cette mesure, a priori favorable pour le salarié qui choisira librement (ou économiquement) la date de sa retraite, pourrait de fait se révéler peu avantageuse : l'indemnité de mise à la retraite est souvent, dans les conventions collectives, plus importante que l'indemnité de départ à la retraite laquelle est moins bien traitée fiscalement et socialement. Par ailleurs, la nouvelle rupture conventionnelle perd toute exonération fiscale et sociale pour les salariés de plus de 60 ans et ne constituera pas une solution alternative. Ce qui permet de penser que les petits arrangements sous forme de licenciement fictif assorti d'une transaction ont encore de beaux jours devant eux.

25/09/2008

Individualisation, le reflux ?

L’individualisation est une tendance générale dans les sociétés occidentales, à laquelle les ressources humaines n’échappent pas. Besoin de reconnaissance, affirmation de l’individu, reflux des systèmes de contrainte sociale, anomie mettant à mal les repères collectifs, besoin de liberté…les sources du mouvement sont multiples. Dans une étude récente concernant les cadres, Sophie Pochic, chercheuse au CNRS dément le malaise général des cadres qui expriment plutôt de la satisfaction sur leur contenu d’activité et leur autonomie. Par contre, elle note une montée très forte d’un besoin d’équité et d’une gestion plus collective, signes d’un ras-le-bol de l’individualisation poussée très loin. Au même moment, on s’interroge y compris au plus haut sommet de l’Etat sur le rôle des bonus individualisés dans la crise financière actuelle.

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Individualisation des sièges dans la station Étienne Marcel - Photo : Gilles Paté

Toutes les études sérieuses réalisées sur le sujet montrent que l’efficacité d’un collectif n’est pas la résultante d’une gestion purement individuelle des compétences en son sein et que la concurrence interne poussée trop loin peut nuire à la productivité d’un groupe. Si l’on comprend que le collectif fait peur, car moins facile à gérer que l’individu isolé, on peut quand même encourager les organisations à réfléchir sur l’identification des collectifs agissant, c’est-à-dire sur les situations clés de coopération productrices de valeur ajoutée. Le plus petit collectif coopérant peut être un dénominateur commun de la performance de l’organisation.

24/09/2008

La chimère de la formation à l'économie

Serge Dassault a réussi, en son temps, à faire inscrire dans le Code du travail que relève de la formation professionnelle continue : "les actions de formation relatives à l’économie de l’entreprise. Elles ont notamment pour objet la compréhension par les salariés du fonctionnement et des enjeux de l’entreprise". Vieille chimère du management : il suffit d'expliquer et de communiquer et forcément les salariés vont adhérer. La logique n'est pas fondamentalement différente, si l'idéologie affichée est opposée, des tenants de la lutte des classes qui considèrent que l'élite éclairée dotée d'une conscience politique doit éduquer le peuple. Aux uns et aux autres, le peuple ne demande, le plus souvent, rien. Pourtant le président de l'AFCI, Jean-François Bernardin, ressort la recette dans un rapport sur la mondialisation : il faut doter les salariés d'une culture économique et leur expliquer la mondialisation.

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Atelier toulousain "Le Gribouillard" - Chimèreweb

Le plus inquiétant est peut être de constater que cette vision, très "patronnage", des salariés  est souvent partagée par des étudiants en ressources humaines. Tout à l'enthousiasme de leurs études, ils souhaitent associer, communiquer, être transparents et disponibles, moyennant quoi, forcément, leurs objectifs seront partagés. Les salariés ne sont pas des bandes velcros et la question de leur adhésion est sans doute un peu plus complexe. Diffuser la bonne parole n'est certainement pas suffisant. Pour ne pas pourchasser des chimères, peut être faudrait-il cesser d'avoir des visions de haut en bas et s'intéresser vraiment à ceux que l'on devrait cesser d'abreuver de bienfaits présupposés pour s'intéresser véritablement à leurs attentes.

22/09/2008

Quand le CHSCT est formé

Un récent colloque (Congrès Socialog tenu le 18 septembre à La Défense) faisait le constat que les élus des CHSCT étaient peu ou mal formés. Il aurait également pu être constaté que ce ne sont pas toujours les responsables de premier plan qui sont nommés au CHSCT et que la somme de travail que doit abattre un élu au CHSCT peut également refroidir les vocations. Sans doute le CHSCT de la société Goodyear était il bien formé : il vient d'obtenir de la part du TGI d'Amiens par une décision du 17 septembre 2008 la suspension d'un plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant le passage de l'entreprise aux 4x8 et la suppression de 450 emplois.

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John Goodyear - Demoiselles - 2007 (d'après les demoiselles d'Avignon de Picasso)

Il a déjà été rappelé sur ce blog que le fait de poser les problèmes d'emploi en terme de santé plutôt qu'en termes économiques donnait aux représentants du personnel des marges de manoeuvre plus importantes. Si le juge ne souhaite, et ne peut, s'immiscer dans les décisions de gestion de l'entreprise, par contre il est de son devoir d'empêcher la mise en oeuvre de mesures qui auraient un impact négatif sur la santé des salariés. La décision du TGI d'Amiens n'est en ce sens que le prolongement de l'arrêt SNECMA déjà commenté ici et sans doute pas le dernier d'une série de décisions de justice qui ne prendront ni le risque ni la responsabilité de faire abstraction de l'impact sur la santé des salariés de décisions qui, par ailleurs, peuvent avoir leur logique économique. Le CHSCT bête noire des DRH titrait il y a peu Entreprises et Carrières, la prévision pourrait s'avérer juste.

19/09/2008

Un conseil aux régions

Les conseils régionaux constituent l'angle mort de la réforme de la formation professionnelle.L'Etat a la maîtrise d'ensemble, les partenaires sociaux ont la négociation, mais les Conseils régionaux, malgré leur compétence de principe, n'ont véritablement de prise que sur la formation des jeunes (initiale, apprentissage, demandeurs d'emploi) et n'ont guère que des interventions financières pour les adultes, principalement demandeurs emplois, sachant que le transfert de l'AFPA complique l'équation. Difficile donc de trouver une place aux régions dans la réforme.

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Saadane Afif au Fonds régional d'art contemporain de Normandie

Pourtant, les conseils régionaux pourraient dessiner les contours d'un service public régional de la formation professionnelle. La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF essaie d'identifier les conditions de mise en place d'un tel service.


18/09/2008

DIF et rupture conventionnelle

Que faire des heures de DIF en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail ? La loi n'a guère prévu ce qu'il advient du crédit DIF lorsque la rupture du contrat de travail intervient dans la nouveau cadre de la rupture conventionnelle homologuée. Deux possibilités sont offertes dans une telle hypothèse : la première est que l'utilisation du crédit DIF peut faire l'objet de la négociation de rupture et qu'il est donc possible de prévoir l'utilisation du crédit soit avant la fin du contrat, soit postérieurement à sa rupture à l'instar du licenciement ou de la démission qui permettent le suivi d'une formation post-contrat. Dans ce cas, s'agissant de l'utilisation du DIF, l'intégralité du coût des heures réalisées au titre du DIF est à la charge de l'entreprise (il n'est pas possible de négocier un financement partiel, le salarié ne pouvant renoncer à un droit qu'il tient de la loi).

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Skwak - Illustration pour DIF Magazine

La deuxième possibilité est l'application de l'accord du 11 Janvier 2008 qui a été étendu : la rupture conventionnelle ouvrant droit à l'assurance chômage, elle entre dans le cadre de la portabilité. Le salarié peut donc prétendre à une prise en charge de l'OPCA de son ancienne entreprise pendant qu'il bénéficie de l'assurance chômage ou bien à une prise en charge de l'OPCA de son nouvel employeur, pendant deux ans. La rupture conventionnelle pourrait ainsi permettre la première expérimentation réelle de la portabilité.

 

17/09/2008

Orientation psychologique

Le CEREQ l'affirme, après d'autres, dans une étude consacrée à l'orientation professionnelle : l'orientation professionnelle délivrée par les services publics d'orientation a une dimension trop psychologique. On pourrait d'ailleurs faire le même constat à propos des prestations de bilan de compétences, dès lors que les FONGECIF et OPCA qui agréent les organismes exigent souvent une qualification de psychologue pour les prestataires de bilan. L'explication avancée est que de nombreux tests de personnalité ne peuvent être utilisés et interprétés que par des psychologues. Mais c'est certainement ici que le bât blesse : le travail d'orientation professionnelle est souvent conduit comme un travail d'introspection, de questionnement personnel, de découverte de sa personnalité avec le mythe en arrière plan du "savoir pour quoi l'on est fait".

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Ingres - Oedipe et le Sphinx

On peut avoir une autre conception de l'orientation et considérer qu'elle doit permettre de déterminer ce qui peut être valorisé dans le parcours individuel, d'identifier une cible d'activité et de pouvoir construire une ingenierie de formation, le cas échéant, pour faire le lien entre le présent et le futur. Dans cette approche, la connaissance des activités exercées et de celles qui pourraient l'être, l'orientation vers des activités connexes, similaires ou sollicitant les mêmes compétences, la mesure de la capacité à acquérir des compétences nouvelles sont indispensables à un réel travail d'orientation. Ce qui ne peut donc être réalisé qu'avec le concours de professionnels ayant une bonne maîtrise des activités en question et des consultants qui sachent orienter vers des activités diversifiées. A trop travailler sur la dimension personnelle, il ne faudrait pas en oublier qu'il s'agit d'orientation professionnelle.

16/09/2008

Surveillance sous contrôle

Alors que le fichier Edvige de surveillance et de contrôle des citoyens fait débat, l'actualité nous rappelle que la question de la surveillance ne s'arrête pas aux frontières de l'entreprise. Le groupe allemand Lidl vient d'être condamné, en Allemagne, à verser près d'un million et demi d'euros à ses salariés pour les avoirs espionnés, donc surveillé à leur insu, enregistrant leurs conversations ainsi que faits et gestes. L'objectif de l'entreprise, qui a reconnu les faits, était la lutte contre le vol et les fraudes. Que faire pour les entreprises confrontées à une telle situation ? rappelons que la loi française reconnaît comme légitime le fait que l'employeur contrôle l'activité des salariés du fait de son pouvoir de direction. Toutefois, toute mise en oeuvre de moyens ou de techniques de contrôle doit faire l'objet d'une information et consultation préalable du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-32). A défaut, il conviendra d'informer les délégués du personnel ou les salariés eux-mêmes.

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Source : Surveillance camera players

Ce principe a été réaffirmé par la Cour de cassation dans une décision du 10 avril 2008. Une entreprise avait consulté le comité d'entreprise sur la mise en place d'un outil de pilotage commercial, puis sur l'entrée en vigueur d'un système de rémunération variable. Le comité d'entreprise, s'apercevant par la suite que l'outil servait également à l'évaluation des salariés, a demandé à ce que l'utilisation du système soit suspendue jusqu'à ce qu'il soit consulté sur l'utilisation de l'outil aux fins de contrôle de l'activité des salariés. A bon droit estiment les juges, la consultation du comité ayant pour objet de vérifier la pertinence et la proportionnalité entre les moyens utilisés et les objectifs recherchés (Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-45-741). La portée de cette décision peut s'appliquer à tout système de contrôle dans l'entreprise : contrôle du temps, contrôle qualité, contrôle de satisfaction client, contrôle des process, etc. Dès lors que les systèmes de contrôle d'activité peuvent servir à prendre des décisions individuelles (évaluation, formation, rémunération, etc.) concernant les salariés, le contrôle du comité d'entreprise s'impose. Une surveillance sous contrôle en quelque sorte.

15/09/2008

La négociation sans territoire

La deuxième réunion de négociation sur la GPEC s'est tenue vendredi 12 septembre 2008. A cette occasion, a été rappelé l'objectif de développer la GPEC dans les PME et TPE et d'agir au niveau des territoires. Toutefois, le texte proposé par la partie patronale renvoie aux branches professionnelles le soin de mettre à disposition de ces entreprises des outils simples et pragmatiques leur permettant de faire de la GPEC à leur échelle.

Sur ces bases, il apparaît que la négociation sera vite confrontée à une impasse dont n'ont pas su sortir les partenaires sociaux depuis de longues années : celle de la négociation collective territoriale. Toutes les enquêtes de mobilité montrent que la mobilité professionnelle est plus importante que la mobilité géographique. En d'autres termes, un salarié est plus enclin à changer d'emploi, d'entreprise ou de métier que de région. Ce principe est d'autant plus vérifié que le niveau de rémunération et/ou de qualification est peu élevé. Il apparaît donc comme une évidence, notamment à tous les acteurs du développement local, que c'est au niveau des territoires que doivent se conduire les diagnostics, les actions, les accompagnements et que doivent être mobilisés les moyens.

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Le Territoire sacré - Peinture Navajo
Et l'on voit bien la difficulté qu'il y a à confier aux branches professionnelles la responsabilité de la GPEC dans les PME et TPE : cette logique verticale conduit inévitablement à l'inefficacité locale, notamment dans les territoires ruraux qui constituent la majeure partie de notre territoire. Il n'est pas certain que ce soit le bassin d'emploi d'Ile-de-France ou de Rhône-Alpes qui ait le plus besoin de GPEC. Le prix de l'efficacité est donc le passage à une logique horizontale et au développement d'une négociation interprofessionnelle locale (régionale voire départementale) qui puisse avoir une approche concrète et contextualisée des questions d'emploi. Ce type de négociation suppose que les fédérations professionnelles acceptent de céder de leurs prérogatives. C'est dire si l'affaire n'est pas gagnée.

12/09/2008

Bienvenue aux RSS

La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale est le fruit d'une négociation entre les partenaires sociaux qui s'est traduite par une position commune, et non un accord, signé par les plus importantes organisations syndicales (en nombre d'adhérents). Pour autant, elle ouvre une voie nouvelle d'accès à la représentativité pour l'ensemble des organisations syndicales. En effet, tout syndicat créé depuis au moins deux ans peut désigner dans toute  entreprise de plus de 50 salariés qui entre dans son champ d'action  un représentant de la section syndicale qu'elle peut également créer. Ce représentant, qui a les mêmes compétences que le délégué syndical à l'exception de la négociation des accords collectifs (sauf dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, sous réserve de la ratification de l'accord par référendum) devra ensuite se présenter aux élections de DP ou de CE et obtenir au moins 10 % des suffrages pour que son organisation puisse être reconnue comme représentative et lui même être nommé délégué syndical. A défaut son mandat prend fin et ne peut être reconduit plus de six mois avant les élections suivantes.

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Depuis quelques années, les cigales du sud remontent vers le nord

Cette nouvelle possibilité permet aux syndicats qui n'étaient pas reconnus comme représentatifs jusque-là, tels que l'UNSA ou Sud, de pouvoir envisager de créer des sections syndicales dans les entreprises et d'y désigner un représentant de section syndicale. Il appartiendra ensuite aux salariés lors des élections d'accorder ou non la représentativité à ces organisations. La loi n'était pas parue que l'on pouvait déjà noter de nombreux dépôts de statuts de la part de syndicats affiliés à ces deux organisations. Le paysage syndical risque de s'en trouver fortement remodelé...ainsi que les relations sociales.

11/09/2008

Le motif et la motivation

Une précédente chronique (30 juin 2008) indiquait que les licenciements boursiers sont de longue date condamnés en France. Une nouvelle preuve en est apportée par la décision du Conseil des prud'hommes de Libourne qui vient de condamner la société Arena à verser 50 000 euros à chaque salarié licencié pour motif économique. Selon le juge le transfert d'une activité vers des pays à protection salariale et sociale inférieure aux normes françaises, s'il est susceptible d'entraîner une diminution des coûts de production ainsi qu'une augmentation des marges, ne saurait à lui seul constituer un motif économique de licenciement suffisant. Le juge indique également que s'il est légitime que l'entreprise recherche une amélioration de ses marges, cette motivation ne saurait constituer un motif économique de licenciement.

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Wendy Plotkin - Kyoto Motif

La motivation n'est pas le motif. On ne peut reprocher au juge de faire du droit : la loi fournit une liste de motifs qui peuvent constituer des causes économiques de licenciement : les difficultés financières, les mutations technologiques, la sauvegarde de la compétitivité et la cessation totale d'activité. La société Arena n'ayant ni difficultés financières, ni démontré la nécessité de sauvegarder sa compétitivité sur son marché, elle ne peut qu'être déboutée. Si la motivation peut se comprendre, le motif n'est pas légal. Le juge n'apprécie pas en opportunité mais en rapprochant les qualifications juridiques mises à sa disposition par le législateur et la réalité de la situation. Le droit est une technique et non une morale, même si les deux peuvent parfois coincider.

10/09/2008

Innover c'est original mais c'est rare !

Le Conseil des Prud'hommes de Nanterre vient de déclarer illégal le système d'évaluation mis en place par la société Wolters Kluvers, contestant notamment la pertinence des critères utilisés par l'entreprise. Les juges considèrent notamment que le critère "sens de l'innovation" qui doit être caractérisé par l'apport d'idées innovantes ou originales, n'est pas pertinent car "les idées vraiment originales étant rares, ce comportement risque de n'avoir aucun effet sur la notation". Reconnaissons pourtant au juge une certaine créativité, si ce n'est originalité, dans la motivation de son jugement. Concernant les journalistes, le juge retient que le critère "sens du client" ne peut être utilisé dès lors que le travail d'un journaliste n'est pas de satisfaire un client interne ou externe mais de produire une information exacte". Apprécions ici l'innovation du juge et transmettons sans plus tarder son jugement à la presse écrite, audiovisuelle et radiophonique car cette définition du métier de journaliste doit être partagée par tous.

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Solly Cissé - Innovation II - 2006

Cette décision nous livre toutefois un enseignement : lorsque le système d'évaluation d'une entreprise est construit à partir de comportements souhaités ou de valeurs à respecter, il est indispensable d'avoir une traduction en terme d'objectifs opérationnels contextualisés, en d'autres termes d'identifier à quoi correspond l'indicateur dans la réalité de l'activité des salariés. A défaut on s'expose à la fois à la critique des salariés et de leurs représentants qui verront là une preuve de la totale subjectivité du système et à l'opprobre d'un juge aux motivations originales sinon innovantes.

09/09/2008

Auto-entrepreneur

La loi de modernisation de l'économie du 23 juillet 2008 créé, à partir du régime micro social, le statut d'auto-entrepreneur. De quoi s'agit-il ? de la possibilité pour toute personne physique, quel que soit son statut par ailleurs (salarié, demandeur d'emploi, profession libérale, artisan, commerçant, retraités...) d'exercer une activité principale ou complémentaire avec des formalités très réduites et une taxation forfaitaire au titre des impôts et des cotisations sociales.

Ce régime est accessible pour les activités qui ne dépassent pas 80 000 euros par an de CA pour les activités d'achat pour revente et 32 000 euros par an pour les activités de prestation de services. L'activité peut être exercée après une simple déclaration au Centre de formalité des entreprises, le taux de taxation forfaitaire étant de 14 % pour les activités d'achat pour revente et de 24,6 % pour les activités de prestation. Ces taux s'appliquent au chiffre d'affaires. En d'autres termes, qui facture 100 euros de prestation de service, paiera 24,6 euros de cotisations. Chacun peut donc devenir à partir du 1er janvier 2009 travailleur indépendant à moindre frais.

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Rip Hopkins - Independance Stadium

L'objectif premier de la loi s'inscrit dans la logique du travailler plus : chacun peut compléter à sa guise son revenu par une activité indépendante, y compris de faible ampleur. On peut lui donner une dimension supplémentaire : diffuser l'idée que le salariat n'est pas le modèle indépassable de l'activité et que chacun peut trouver des espaces de liberté dans ce domaine. Le salarié fera toutefois l'effort de se souvenir que toute activité indépendante doit respecter le principe de loyauté vis-à-vis de son employeur mais qu'à défaut de conflit d'intérêt, l'espace de liberté est immense. Mais que vont-ils donc faire de toute cette liberté ?

08/09/2008

Pyramide inversée

La loi sur la démocratie sociale et le temps de travail du 20 août 2008 procède à une inversion de la hiérarchie des normes. Là où traditionnellement la loi fixe un socle que la convention de branche et l'accord d'entreprise peuvent améliorer, la loi nouvelle promeut l'accord d'entreprise voire l'accord bilatéral entre le salarié et l'employeur pour définir la norme applicable, les textes de portée supérieure ne s'appliquant que par défaut.

Ainsi, il appartient à l'accord d'entreprise de fixer le contingent d'heures supplémentaires, les modalités de prise du repos compensateur, la possibilité de recourir au forfait annuel en heures ou en jours pour les salariés. Quelles que soient dans ce domaine les dispositions de l'accord de branche, priorité est donnée à l'application de l'accord négocié au niveau de l'entreprise qui peut donc s'affranchir librement du niveau supérieur.

Concernant la négociation bilatérale, tout salarié ayant conclu une convention de forfait en jours peut, même en l'absence d'accord collectif le prévoyant, renoncer à des jours de repos par accord avec l'employeur en contrepartie d'une majoration de son salaire.

 

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Ces dispositions nouvelles bouleversent la pyramide des normes sociales : c'est dorénavant au niveau de l'entreprise que les marges de manoeuvre les plus importantes sont établies en matière de durée du travail. Ce qui a une double conséquence : le droit du travail n'étant plus fixé au niveau de la branche et le même pour tous, il devient un élément de la concurrence. Par ailleurs, les capacités de négociation du chef d'entreprise prennent une importance toute particulière. Voilà qui devrait à la fois favoriser le dialogue social tout en accentuant la fragmentation du droit social.

05/09/2008

Le portage salarial mal porté ?

Le portage salarial est une forme d'activité salariée dont la légalité est plus que douteuse, comme l'ont démontré les travaux de Lise Casaux, professeure de droit à l'Université de Toulouse. Le porté agit comme un travailleur indépendant qui démarche ses clients et utilise la société de portage pour facturer ses prestations et lui ristourner les recettes sous forme de salaire. Le hic est qu'il n'existe nulle subordination entre la société de portage et le porté et que le statut salarial peut être considéré comme juridiquement fictif. Cette fragilité juridique n'a pas empêché que le portage salarial se développe depuis une quinzaine d'années. Conscients de l'importance de cette forme d'emploi, les partenaires sociaux, puis le législateur, ont acté qu'une négociation devait s'ouvrir pour fixer un cadre juridique au portage salarial et définir les règles de base du statut du porté et des conditions d'exercice de l'activité de porteur.

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Jérome Bosch - Saint-Christophe portant l'enfant Jésus - Fin XVème, début XVIème

La négociation sur le portage salarial vient de s'engager entre le PRISME, fédération patronale de l'intérim, et les organisations syndicales. Le législateur a fait le choix de confier aux représentants de l'intérim, directement concurrencés par les sociétés de portage salarial, la négociation sur le portage salarial. Autant confier au loup la garde du chaperon rouge. Déjà lors du débat à l'Assemblée nationale, les représentants de l'intérim avaient tenté de faire voter une disposition réservant aux sociétés intérimaires le droit de faire du portage salarial. Sans surprise, le PRISME annonce que la négociation limitera dans un premier temps le portage aux cadres, avant d'envisager une extension à d'autres catégories. Or le portage salarial fonctionne déjà sur d'autres métiers que ceux de cadres. Il constitue une expérience originale pour tracer les frontières d'un nouveau droit du travail, ou plutôt de l'activité, qui laisserait place à de l'autonomie pour le salarié et distinguerait le statut de salarié du contrat de travail subordonné. On peut craindre qu'innovation et expérimentation ne soient pas à l'ordre du jour de la négociation si l'objectif premier demeure de défendre son pré carré.

04/09/2008

Cumul obligatoire

La loi sur la démocratie sociale du 20 août 2008 n'est pas un bon exemple pour le monde de la politique : elle oblige en effet au cumul des mandats de représentants du personnel ce qui ne sera pas une innovation en fait mais en constitue une en droit.

Selon l'article L. 2143-3 du Code du travail, les délégués syndicaux dans les entreprises d'au moins 50 salariés doivent être désignés parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés aux élections au CE, de la DUP ou des délégués du personnel. S'il ne reste aucun de ces candidats (le nombre de délégués étant supérieur aux candidats de l'organisation), le syndicat peut désigner parmi les autres candidats ou parmi ses membres. Le cumul entre un mandat de DP et de CE, dans la mesure où recueillir 10 % des voix garanti souvent l'élection, devient donc la norme.

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Louise Bourgeois - Cumul 1 - 1969

Cette concentration des mandats entre les mains d'une même personne rompt avec la tradition française de l'éclatement de la représentation et de l'absence de lien entre les différents mandats. Dorénavant, les élus représentatifs doivent prioritairement être désignés en tant que délégués syndicaux.

Accessoirement, cette nouveauté limitera considérablement les désignations artificielles qui n'avaient d'autre objet que de conférer une protection syndicale à un salarié menacé de licenciement : faute d'avoir été candidat aux élections, un tel salarié ne pourra être désigné en lieu et place d'un candidat qui remplit la condition de représentativité. Sa désignation pourrait donc être contestée et annulée.

03/09/2008

Nullité et réintégration

Quelle est la différence entre un licenciement bâclé et dépourvu de motif, et un licenciement régulier sur le fond et sur la forme ? le coût. Notre droit traduit en effet par le versement de dommages et intérêts le non-respect des règles sans donner au salarié la possibilité d’imposer la poursuite du contrat de travail rompu de manière injustifiée. Ce qui peut se traduire par l’adage : tout employeur prêt à y mettre le prix peut se séparer de n’importe quel salarié.

Ce principe souffre toutefois une exception en cas de nullité du licenciement. Dans un tel cas, le salarié a le choix entre l’indemnisation et la réintégration dans l’entreprise que le juge peut imposer.


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Christian Balbine - Les âmes mortes, réintégration - 2006

La nullité ne se présume pas. Elle intervient uniquement dans les cas prévus par la loi. Le salarié pourra obtenir la nullité d’un licenciement en cas de plan de sauvegarde de l’emploi nul, en cas de licenciement pendant un congé maternité ou un congé pour accident du travail ou maladie professionnelle, en cas de harcèlement moral (licenciement de la victime ou de l’auteur de la dénonciation des faits plutôt que du coupable), en cas de licenciement non autorisé d’un salarié protégé ou encore en cas de licenciement discriminatoire comme vient de la juger la Cour de cassation (Cass. Soc., 9 juillet 2008, n° 07-41.845) précisant que l’obligation de réintégration s’impose à l’entreprise et non au groupe. D’où la multiplication de contentieux qui visent à démontrer que la réalité du motif est une discrimination (âge, sexe, opinions, race, nationalité, mœurs, état de santé, handicap…) plutôt que de contester le motif allégué.

02/09/2008

Le juge et le salarié reclassé

La formule n’est pas nouvelle, elle figure dans des dizaines de décision de la Cour de cassation, comme dans celle du 24 juin 2008 (Cass. Soc., 24 juin 2008, n° 06-45.870) : l’employeur doit proposer aux salariés dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d’une catégorie inférieure. Les juges considèrent que le salarié est reclassable à son niveau ou à un niveau moindre, prix à payer pour la sauvegarde de l’emploi.



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La main du juge

N’est jamais abordée par les juges, la question du reclassement non pas à minima mais à maxima : le salarié est reclassé sur un emploi de niveau supérieur à celui qu’il occupe parce que cet emploi est disponible. Le jeune thésard dont on supprime le poste de veilleur de nuit qu’il occupait à titre alimentaire peut être reclassé dans le cadre des recrutements d’ingénieurs de l’entreprise.

Manifestement les juges n’ont pas tout à fait pris conscience que nombre de salariés ont une qualification personnelle supérieure à l’emploi occupé et qu’une approche du reclassement en terme de compétences serait plus réaliste qu'en terme de seule qualification contractuelle. Le fait que le Code du travail impose à l'employeur de prendre en compte la qualification acquise après le licenciement dans le cadre de la priorité de préembauche aurait pourtant pu fournir un appui pour calibrer l'obligation de reclassement à tous les emplois que le salarié est en capacité d'occuper, quel que soit leur positionnement hiérarchique.