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03/03/2010

Nuages

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Le ciel est sauvage,
La clef du  ciel est aveugle,
Les baisers cherchent le secret de la vie...

Francis Picabia

24/02/2010

Femmes d'Espagne

Le musée est un des plus petits d`Espagne, deux petites salles au premier étage d'une maison pluriséculaire. Il abrite les oeuvres de Julio Romero de Torres, peintre cordouan du début du siècle qui choqua la bourgeoisie locale par ses portraits de femmes, qui elles n'ont guére l'air choquées.

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La chiquita piconera - 1930

Sans doute certains ont-ils pu être perturbés ou troublés par ces regards directs et dénués d'ambigüité. Par la sensualité également de ces femmes libres.
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Musidora

Et l'on se dit que le flamenco n'est pas une musique ou danse de domination d'un sexe sur l'autre mais au contraire d'une séduction réciproque dans laquelle l'union se réalise d'autant mieux que chacun affirme ce qu'il est.

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Chanteuse de Flamenco - Séville

La place affirmée des femmes espagnoles dans les peintures de Romero de Torres et dans le Flamenco ne doivent pas faire oublier que l'Espagne demeure le pays d'Europe dans lequel le plus de femmes meurent sous les coups de leur mari, amant ou compagnon. Malgré les efforts de Zapatero, qui a toujours pensé que si cette question était réglée bien d'autres le seraient également, le problème demeure. Pas sur que la crise contribue à l'atténuer.
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Cordoue - Février 2010

21/02/2010

karen knorr

En cette période de vacances, carnets de voyage. A Séville, l'art moderne s'expose dans un ancien monastère superbement restauré. L'occasion de constater que même sous la dictature de Franco, les peintres espagnols des années 70, en tout cas certains d'entre eux, résistaient par l'humour et le refus du tragique de ceux qui prennent le pouvoir au sérieux. Mais le coup de coeur est pour Karen Knorr et la série Gentlemen dont certaines photos peuvent être vues à Beaubourg dans l'exposition "Elles". Une photo, une phrase. Illustration.

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"Aujourd'hui la sécurité n'est pas un luxe, c'est une absolue nécéssité"
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"La femme idéale doit être mon reflet"
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"Les privilèges ne sont pas un problème si vous êtes prêt à en payer le prix"

18/02/2010

La vraie vie

"Vous êtes juriste ?" la question  est souvent posée avec une pointe de méfiance ou de défiance. Méfiance car le juriste est souvent perçu comme enfermé dans ses livres, textes, bibliothèques. Défiance car le juriste énerve en ayant à la fois réponse à tout, car les mots peuvent tout et que le droit c'est de la littérature, sans pour autant avoir de certitudes car si le raisonnement juridique peut être rigoureux, il n'est jamais une science exacte. Le questionneur tient souvent le juriste pour un théoricien et le droit pour une abstraction. Ailleurs est la vraie vie. Bien souvent pour dirigeants, managers ou salariés, le droit n'a qu'un lointain rapport avec la réalité. Mais reconnaissons que pour le juriste, la réalité n'est parfois qu'une projection de présupposés. Par exemple, en droit du travail, celui qu'il ne saurait y avoir de véritable négociation entre l'employeur et le salarié et que les volontés par définition ne sont pas égales. Un coup d'oeil sur les 170 000 ruptures conventionnelles peut être ?

Si l'on voulait répondre sur les livres et bibliothèques on pourrait convoquer Cendrars, qui avait calculé que toute une vie ne suffirait pas pour lire tous les livres des grandes bibliothèques dans lesquelles il passait ses journées entre deux voyages, ou encore Gérard de Nerval, arrivant à Alexandrie, s'enfermant dans sa chambre d'hôtel, se plongeant dans la lecture et écrivant : "Le vrai Orient est là, dans les livres". Qu'est-ce que la vraie vie ? peut être cette phrase de Victor Hugo : "Ruth songeait et Booz dormait".

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Frédéric Bazille - Ruth et Booz - 1870

Si l'on veut la clé de la réponse, on peut lire le poème de Victor Hugo ci-dessous. Ou bien cette phrase d'André Breton "la vie humaine, conçue hors des limites strictes que sont la naissance et la mort, n'est à la vie réelle que ce que le rêve d'une nuit est au jour qui vient d'être vécu". La théorie n'existe pas en tant qu'elle fait partie de cette vie. Et aucun présupposé ne résiste aux rêves individuels.

02/02/2010

Education des sens

La douceur de la peinture le dispute à sa légèreté. Jeu de la musicienne, jeu des regard,  jeu du mouvement des danseurs,  jeu des fleurs sur le sol, humour de la nature morte posée dans ce paysage si vivant et vibrant. Nature pas si morte d'ailleurs puisque les fruits nourrissent la vie et l'envie des amants, car ne doutons pas que ceux qui s'accordent si bien et jouent de notre émotion ne partagent d'autres plaisirs que ceux de la danse et du jardin. Le tableau est une allégorie, comme on aimait  en réaliser au XVIIIème siècle. L'allégorie est au symbole ce que l'oiseau est à l'animal : la version la plus virevoltante et libre qui soit. L'allégorie ici est celle des cinq sens : entendre la musique, voir les regards, sentir les fleurs éparses, goûter les fruits non défendus mais offerts, toucher les mains et avec tout cela ressentir l'émotion, la beauté sereine, souple, le plaisir rieur assorti d'un léger mystère.

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Jean Raoux - Couple de danseurs dans un parc -
Allégorie des cinq sens - 1725

Le tableau nous rappelle que le père de Montaigne le faisait réveiller avec des musiques douces et harmonieuses afin que se forme son goût et qu'il s'éduque à la beauté. Montaigne en tirera des leçons sur l'éducation. La leçon de Raoux est peut être de nous rappeller que si la nature nous accueille avec nos cinq sens, il ne tient qu'à nous de n'en occulter aucun et de les éduquer tous pour jouir des plaisirs de chacun. Cette  fraiche leçon de l'époque des Lumières est visible au magnifique Musée Fabre de Montpellier, preuve que dans cette ville, il y aussi  du bon goût.

11/01/2010

Duas Linhas

"Duas Linhas" est le titre d'un ouvrage réalisé par Pedro Campos Costa et Nuno Louro. Deux compères portugais qui ont tracé deux lignes sur une carte du Portugal. La première le long de la côte, la seconde le long de la frontière avec l'Espagne. Un bord de mer, une zone de collines et de montagnes. Sur ces lignes 59 stations, ou plus exactement 59 points situés exactement à la même latitude, mais avec des longitudes différentes. Les voyageurs parallèles ont systématiquement pris des photos depuis ces 59 points et les ont publiées en vis-à-vis dans un superbe ouvrage auquel une carte routière tient lieu de couverture.

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Latitude 40°55'15.26''N FIGUEIRA DE CASTELO RODRIGO

La roche et la terre sèche et poussièreuse des hauts plateaux de l'Est posées sur le même fil de latitude que l'Océan, le sable fin et les nuages lourds de l'Ouest. La limpidité de l'air à l'Est, l'opacité de l'eau à l'Ouest. Le sec et l'humide. Le vert , le jaune et  le bleu des deux côtés, mais pas dans les mêmes tons ni les mêmes intensités. Variété de la gamme chromatique, de la gamme des sensations et des sentiments.
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Latitude 40°55'15.26''N MACEDA

Les lignes parallèles ne se rejoignent pas. Par définition. Et le projet ne fait pas exception. Pas de départ commun et nulle retrouvaille à l'arrivée. Simplement le même chemin parcouru, ensemble, en même temps, en parallèle. Tout voyageur connaît ces choix permanents entre tous les chemins possibles. Plutôt la côte ou la montagne ? la frontière terrestre ou la frontière maritime ? les hauts plateaux ou les hautes vagues ?  Lorsque je recrutai des étudiants pour un Master RH, finalement la seule question que je leur posai portait sur les chemins qu'ils avaient empruntés dans leur vie. Pourquoi plutôt l'Est ou l'Ouest ? dans les différentes parallèles qui se sont offertes à eux, pourquoi celle de droite ou de gauche : toutes permettent d'avancer, mais l'aventure n'est pas exacement la même selon la route que l'on choisit. Pour Pedro Campos Costa et Nuno Louro, la ligne verte est celle de la mer, la ligne rouge celle des hauts plateaux. Laquelle auriez-vous prise mais surtout pourquoi ?

28/12/2009

Question de perspective

La perspective est cet art qui permet de figurer trois dimensions sur un espace bidimensionnel. Trois dimensions en deux : autant dire du faux pour faire du vrai. Pour rendre une perspective réaliste, il est nécessaire de fausser la représentation sur la toile et de figurer une profondeur qui n'existe matériellement pas. Par cet artifice, le tableau devient réaliste. Passer par le faux pour aboutir au vrai, cela pourrait être une définition de l'art. Pour illustrer, autant choisir les maîtres et parmi eux celui qui associe technique, grace, idéalisme et poésie, j'ai nommé Fra Angelico.

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Fra Angelico - Annonciation - 1430
Modifier la représentation pour mieux cerner la réalité, tel est également le travail d'analyse de tout responsable des ressources humaines. A cet égard, me revient le travail de cet étudiant en ressources humaines sur les convoyeurs de fond. Comment favoriser la prévention des risques chez les convoyeurs de fonds ? tout d'abord en analysant leur perception du risque, en mettant en perspective en quelque sorte ce que veut dire risque pour eux. Et en faisant un travail de terrain et de fond l'on s'aperçoit que pour d'anciens militaires ou policiers, voire mercenaires, le travail de convoyeur de fonds est davantage assimilé à une maison de retraite confortable qu'à un métier dangereux. Ce qui, on en conviendra, est susceptible de modifier les actions que l'on souhaite mettre en place pour prévenir les risques. La politique de la peur, en ce domaine comme tant d'autres, s'avère un piètre argument : peu de convoyeurs ayant l'impression d'avoir négocié une préretraite seront sensibles à la diffusion de la peur de l'aggression comme motivation pour appliquer les consignes de sécurité.
Avant de conduire une action en ressources humaines, peut être faut-il, à l'instar de Fra Angelico, prendre le temps de se pencher sur les lois de la perspective.

24/12/2009

Chouette !

La Maison Rouge, à la Bastille, expose la collection de Jean-Jacques Lebel. Plutôt que d'honorer l'auteur de l'Homme révolté, je veux parler de Camus qui n'y peut mais, avec force  numéros spéciaux, éditoriaux et  panthéonisation annoncée, il est possible d'aller à la rencontre de celui pour qui la part de révolte qui est en nous constitue le fond de liberté qui est l'essence de l'humain. Le visiteur découvrira à cette occasion une oeuvre étrange datant du XVIIème et dont l'auteur n'est pas identifié  : "La chasse à la chouette". Chacun pourra interpréter à sa guise cette improbable scène dans laquelle la figure féminine est le centre des préoccupations des beaux parleurs et voltigeurs, mais aussi de figures plus terriennes. Au centre de toutes les convoitises, la nymphe allégorique pourrait figurer la vérité, le pouvoir, la beauté, la femme ou tout autre objet d'une masculine convoitise dont la ribambelle d'oiseaux souligne le côté collectionneur. Mais le miroir qu'elle tient et la possibilité d'inversion qui lui est attachée interdit toute interprétation trop mécanique. Il faut rêver encore devant le tableau pour en apprécier la dimension polyphonique et ne pas craindre le risque de fascination.

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Ecole Française - XVIIème - La chasse à la chouette

L'actualité sociale nous livre un exemple, mais peut être est-il sans rapport, le lecteur en jugera, de chasse à la chouette. L'ANIA, fédération des entreprises agro-alimentaires, vient de claquer la porte du MEDEF en critiquant assez durement sa présidente, et en ménageant une possibilité de retour si la politique de l'organisation patronale venait à changer. La rumeur prétend que nombre de fédérations sont, peu ou prou sur la même ligne. Laurence Parisot serait donc la chouette qu'il faut chasser. Elle avait pourtant tenté de séduire les oiseaux, notamment par son livre "Besoin d'air" dans lequel elle rappelait la précarité de toute chose, ce rappel philosophique étant censé justifier la précarité de l'emploi, et la nécessité pour la société d'ouvrir les fenêtres, entendez laissez le vent balayer les règles qui empêchent le plein déploiement de la liberté de gestion. Ses troupes auront jugé que dans cet appel d'air il y avait surtout du vent, même si le tableau nous rappelle que les discours censés séduire la chouette courent le même risque. "Que salubre est le vent !" disait Rimbaud, mais n'est pas Rimbaud qui veut. Joyeux Noël à toutes et à tous.

15/12/2009

Qu'est-ce qu'une faute grave ?

La Vénus d'Urbino est un de plus mystérieux tableaux qui soient. Au plan de la représentation géométrique, il créé une improbable séparation entre deux scènes qui ne peuvent être physiquement sur le même plan : que serait alors ce rideau noir tombant droit, cette marche dans un palais vénitien qui n'en comporte guère de ce genre et ce lit au milieu d'une pièce ? Il faut admettre que ce sont deux scènes qui nous sont présentées ici. Le rêve de Vénus ? pourquoi pas mais lequel ? la critique voit dans les deux femmes du fond deux servantes : une cherchant avec l'aide de l'autre du linge dans une malle. Il est également possible d'y voir la petite fille curieuse qui est surprise à fouiner et qui va recevoir une fessée annoncée par un énergique retroussage de manche. Faute et châtiment. Peut être Vénus rêve-t-elle à la petite fille qu'elle fut, qu'elle est ou qu'elle rêve d'être. Comme la petite fille défie les lois des adultes, Vénus défie le peintre qui traduit son rêve. Mais vous, que voyez-vous ?

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Le Titien - La Vénus d'Urbino - 1538

Si la transgression fait partie de l'éducation, la faute appelle la sanction. Reste à savoir ce qui est fautif et à quel degré. Le droit étant affaire de qualification, il lui importe de définir. Or, la faute n'est pas définie en droit du travail : on sait qu'il s'agit d'un manquement du salarié à une de ses obligations, mais il revient à l'employeur de qualifier sous le contrôle du juge. La faute grave est précisément définie : celle qui rend impossible le maintien du salairé dans l'entreprise pendant le préavis. La faute grave, on le sait, prive le salarié du préavis et de l'indemnité de licenciement. Selon sa définition, il est logique qu'elle soit privative du préavis. Mais pourquoi priver le salarié de l'indemnité de licenciement sur la base d'un comportement imposant une rupture immédiate ? est-il juste d'appliquer cette double sanction aussi bien à celui qui a deux ans d'ancienneté que vingt ans ? et l'on s'aperçoit que la qualification est pleine d'avantages pour l'entreprise : le licenciement pour faute grave ne lui coûte rien dans un premier temps, et si le contentieux établit que la faute existait mais n'était pas grave, elle paiera deux ans plus tard ce qu'elle aurait du payer immédiatement. Régler un litige à coût zéro vaut bien cette prise de risque. Par ailleurs, en cas de transaction la faute grave permet de placer les droits du salarié à zéro et de faire des concessions à moindre frais. On chercherait en vain des inconvénients. Et l'on comprend mieux du coup pourquoi il y a chaque année plusieurs dizaines de milliers de licenciement pour faute grave. Mais cela ne nous dit pas à quoi rêve Vénus.

07/12/2009

Le bon rythme

Les deux musées sont contigüs dans le parc des musées d'Amsterdam.  Dans le premier, le Rijksmuseum, seuls quelques chefs d'oeuvre sont visibles, du fait de la rénovation en cours. Parmi ceux-ci, La laitière rentrée de New-York, que l'on peut contempler  en doutant qu'il s'agisse d'une peinture, sans savoir de quoi il pourrait bien s'agir d'autre. Les couleurs, la patine, le dessin, la précision du trait, tout semble impossible à la réalisation. Et l'impossible peut être observé à loisir et à plaisir.

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Vermeer - La laitière - 1658/1661

Vermeer a peint une petite quarantaine de tableaux en vingt ans. 

De l'autre côté de la rue se trouve le musée Van Gogh qui présente le plus grand rassemblement existant des oeuvres du peintre. Pourtant, il ne s'agit que d'une petite partie des 840 tableaux, mille dessins et autres aquaralles sans compter les centaines de lettres envoyées à ses proches, pleines de subtilité, de goût et de vie. Van Gogh n'était pas pressé, ni fou : il était rapide. Bien trop rapide pour son époque, mais il l'aurait sans doute été encore trop pour la notre. Question de rythme.
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Van Gogh - Les champs labourés - Arles - 1888

Imaginons que l'on ait demandé à Vermeer de peindre au rythme de Van Gogh, ou à ce dernier d'adopter le rythme de Vermeer.  La folie et l'impuissance aurait  à coup sur frappé les deux. Pourtant, les deux étaient des travailleurs acharnés. Chacun à leur rythme. Ni la lenteur ni la rapidité ne sont souhaitables pour elles-mêmes. Il suffit de savoir laquelle convient sans les hiérarchiser.
Les marcheurs savent qu'en montagne le faux-pas, c'est-à-dire celui qui n'est pas le sien, ne pardonne pas et réduit singulièrement la performance. En ce lundi, Vermeeer et Van Gogh nous posent deux questions : comment les organisations prennent-elles en compte le rythme propre à leurs collaborateurs, sachant que sur un rythme qui n'est pas le sien il est peu probable que l'on soit performant. La seconde question est plus directe : et vous, quel est votre rythme ?

23/11/2009

Champs magnétiques

En physique, le champ magnétique est  une force caractérisée par une intensité et une direction. Cette force magnétique peut être observée à l'occasion de l'exposition "Titien, Tintoret, Véronèse : rivalités à Venise", présentée au Louvre jusqu'au 4 janvier 2010. Elle est à l'oeuvre dans les regards de quatre personnages qui traduisent avec une intensité stupéfiante leur destinée. Les tableaux sont de Véronèse. Le premier représente La Comtesse Livia da Porto Thiene et sa fille Porzia.

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Véronèse - La comtesse Livia da Porto - 1551
Le regard de la mère est tourné vers l'extérieur. Elle même est extérieure à la scène. Elle n'habite pas les vêtements qu'elle porte. Elle s'évade et s'échappe du théâtre social de la représentation. Sa vraie vie est ailleurs, son rôle est d'être Comtesse. La petite fille n'a pas encore atteint ce point de dissociation. Elle aime la vie et le jeu. Poser demeure un amusement. Elle regarde le peintre. Elle n'exprime pas totalement sa joie car elle perçoit le trouble de sa mère. Pour autant, l'attrait de la nouveauté et de l'expérience l'emporte.

Face à ce tableau, se trouve celui du Comte Da  Porto et de son fils.
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Véronèse - Iseppo Da Porto et son fils adriano - 1551
Ici, les regards sont inversés. Les champs magnétiques s'exercent en sens contraire. Le père est sûr et fier de son statut. Il l'affirme par son regard direct vers le peintre. Il  est établi et parfaitement installé dans sa situation qu'il domine et maîtrise. Le fils lui et encore à l'âge où le statut ne pèse guère. Il regarde ailleurs, et aspire au jeu en dehors des conventions. Le temps viendra où il prendra la place de son père, mais pour l'instant, la liberté l'occupe et elle se passe en dehors du théâtre social qui l'attend.
Pour les hommes et les femmes, les champs magnétiques sont ici les champs maléfiques de la destinée à laquelle on ne saurait échapper. Mais heureusement, tout ceci se passe en 1551 et n'a plus de rapport avec notre époque qui laisse à chacun le soin de créer son propre chant magnifique, de construire son alléchante destinée. Pas vrai ?

28/10/2009

Une étrange sensation

Le tableau se trouve dans un coin d'une salle du Musée international d'art naïf de Nice. Au milieu de peintures naïves représentant des scènes du quotidien il attire pourtant l'attention. Tout paraît en ordre, mais une sensation étrange nous indique qu'il n'en est rien. Que regardent le boucher et ses clients ? quel est ce mystérieux personnage qui rentre, sac à dos, dans une maison occupée au premier étage par un personnage en feu et au second par le soleil et les étoiles ? que guette l'enfant au coins de la rue ? son cerceau improbablement arrêté de l'autre côté du mur ? quel signe nous adresse le tournesol à la lucarne de la maison du boucher et pourquoi un visage immobile à la fenêtre du premier étage ? la clé en forme d'enseigne ne nous dit guère quelle est la clé de tout ceci.

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René Imbert - Allégorique allusion à la diversité des demeures - 1945

Le titre ajoute à l'étrangeté mais ne la créé pas. Tout au plus peut-il orienter notre rêverie poétique devant la toile. Combien de fois avez-vous ressenti ce sentiment d'étrangeté ? cette impression que dans une situation apparemment banale "quelque chose ne colle pas". Ce sentiment non raisonné "qu'il se passe quelque chose", comme dans cette nouvelle de Buzzatti, figurant dans le "K" où une femme ne peut dormir, angoissée et scrute la forêt dans laquelle il ne se passe rien...hormis les mille et uns drames de la vie animale nocturne.
Pour agir il faut comprendre, pas d'action sans diagnostic. Pour comprendre il faut observer, évidemment, analyser également, mais il faut aussi ressentir et s'abandonner à ce sentiment d'étrangeté qui nous submerge parfois. Le quotidien comme une énigme fantastique qui s'offre à nous, pour notre plus grand plaisir.

10/06/2008

L'interculturel près de chez vous

Lorsque l'on parle d'interculturel, on traduit souvent par international. Comment faire travailler ensemble des personnes de cultures nationales différentes, comment appréhender les relations interculturelles sans les stéréotypes habituels (des fiers espagnols et japonais en passant par les italiens truqueurs et les français malins...vus de France) et comment assurer une communication efficiente entre des personnes qui n'ont pas les mêmes repères culturels ? Comment éviter que l'entreprise ne devienne une Tour de Babel ?

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Gilles Chambon - Babel - 2006
 
 
Il n'est sans doute pas nécessaire que plusieurs nationalités cohabitent pour que les problématiques interculturelles  surgissent : entre le commercial et l'ingénieur, l'entrepreneur et le salarié, le fonctionnel et l'opérationnel, l'ancien et le nouveau, le préretraité et le premier job le partage de la langue est souvent un faux ami qui laisse penser que la communication n'est pas problématique et les références culturelles identiques. Rien n'est moins sur et l'on pourrait rechercher dans toute organisation les symptomes de Babel. S'ils apparaissent, les projets transverses, les formations hétérogènes, les projets collaboratifs...permettront à la collectivité des salariés d'apprendre à se connaître et surtout à parler le même langage au-delà de la même langue. 

 

21/05/2008

La RH par petites touches

Le peintre pose ses touches une à une. Sont-elles déjà toutes présentes dans son esprit ? le mouvement a-t-il ses lois ? la vision initiale est-elle complète ? le tableau est-il peint avant d'exister, simple traduction ? difficile de se placer dans l'esprit du peintre. Mais on peut observer le tableau et constater que la vision n'est pas la même selon la distance. Si je m'approche, les touches de Monet me paraissent imparfaites, désordonnées, non maîtrisées, hasardeuses, sans technique, bref je n'y retrouve pas Monet et pas plus une oeuvre.

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Monet - Jardin aux iris (détail) - 1900
 
 

 Si je prends de la distance, le tableau retrouve son sens, la lumière prend sa cohérence, le flou devient net, l'ensemble est autre chose que chacune de ses parties. La somme de touches imparfaites conduit au tableau parfait. 

Procéder par petites touches nécessité patience, technique, rigueur, minutie et surtout vision d'ensemble qui seule permettra de donner du sens à ce qui ne paraît guère en avoir lors de la réalisation.

L'action en ressources humaines gagne souvent en efficacité quand elle procède ainsi par touches successives, dépourvues d'effet par elles-mêmes, peu spectaculaires mais qui finiront par faire sens toutes ensembles...dès lors que la vision initiale ne faisait pas défaut et que l'agencement est maîtrisé. Une autre ilustration du penser global, agir local.

19/05/2008

L'art de penser

 Maurice Cohen est docteur en physique et en mathématiques, spécialiste de l'intelligence artificielle. Il est l’auteur de plus de 250 publications scientifiques et a résolu plusieurs problèmes mathématiques considérés comme « impossibles », telle l’équation de Poincaré. Il est également peintre.

Il procède de la même démarche créatrice pour résoudre une équation mathématique et réaliser une toile :

"Si l’on n’est pas philosophe, un peu poète, on ne peut pas aller très loin dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le monde est non linéaire et les plus grands problèmes ne peuvent être résolus par un système cartésien. L’art nous force presque à penser hors de cette logique cartésienne. C’est après trois semaines de peinture intensive que j’ai résolu le problème de Poincaré qui date du XIXe siècle."

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Maurice Cohen - Parade nocturne
 
Le travail de Maurice Cohen nous invite à deux questions. L'une spécifique à son activité : qu'est-ce qu'un chercheur et comment s'effectue un travail de recherche ? avec de la technique, de la méthode, de la discipline et de la créativité. Si l'on veut décrire les compétences du chercheur, les trois premiers points ne poseront pas, trop, de problème. Le quatrième est moins évident. Il nous fournit pourtant une des clés : la créativité c'est la capacité à faire des liens qui n'ont jamais été faits et à disposer d'un état d'esprit suffisamment libre. La deuxième question est plus générale : que nous apporte l'art ? Christian de Portzamparc, l'architecte de la cité de la Musique de Paris et de l'immeuble Vuitton de New-York disait : "Lorsque je lisais de la poésie, de la littérature, lorsque je m’intéressais à la psychanalyse, à la peinture, à la sculpture, je n’ai jamais considéré que je m’éloignais de mon métier". Considérons donc, et c'est l'objet de ce blog, que l'art ce n'est pas seulement de l'émotion mais un moyen de penser un peu au-delà de notre pensée habituelle.

 

15/05/2008

Valoriser l'action et non agir pour se valoriser

Le dos s'allonge infiniment, la réalité de le beauté est renforcée par son irréalité. L'Odalisque ne nous tourne pas le dos, elle nous le montre sans ostentation, sans provocation, avec un naturel qui n'a d'égal que le surnaturel de la chute de reins. Montrer sans faire voir. Tout le génie d'Ingres. Laissons lui la parole :"La touche, si habile qu'elle soit, ne doit pas être apparente : sinon elle empêche l'illusion et immobilise tout. Au lieu de l'objet représenté elle fait voir le procédé, au lieu de la pensée elle dénonce la main ».

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Ingres - La Grande Odalisque - 1804

 

L'action en ressources humaines doit avoir le souci de ne pas mettre en avant le procédé, ou le processus, mais le résultat, pas le moyen, mais la fin, pas le chemin, mais le port. Les outils doivent s'effacer au profit de la finalité et le responsable ressources humaines au profit des autres acteurs. En formation, par exemple, l'action de formation s'effacera derrière l'objectif recherché, comme pour l'évaluation de la performance, le support d'entretien s'effacera devant le contenu du dialogue. Agir sans laisser de trace et en ayant la volonté de ne pas en laisser : voilà l'exigence d'Ingres pour parvenir à la réalisation de l'oeuvre. Dernier des classiques et premier des modernes, Ingres mérite que l'on porte attention à ses leçons. 

12/05/2008

Vanités et responsabilité

Le 16ème siècle aimait les vanités, ces tableaux dans lesquels quelques symboles du temps qui passe, sablier, crâne, fleurs se fânant, etc, rappellent à l’homme, souvent d’ailleurs aux puissants, l’inexorable de leur condition. Sic transit gloria mundi. Voir dans les vanités une culpabilisation judéo-chrétienne serait un contresens absolu. Plutôt un rappel à l’humilité ou la revanche de la science sur la foi. Coleridge : « Je m’étais à peu près fait à l’idée de n’être qu’une apparition ». On notera que les vanités ont surtout trouvé leur source dans la peinture flamande, davantage empreinte d’austérité protestante que du dolorisme chrétien.

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Jan Sanders Van Hemessen - Vanité - vers 1535-1540
 

Serait également un contresens la traduction de la vanité comme un relativisme absolu : l’homme n’étant qu’un instant entre deux néants, qu’importent ses actes quotidiens.

Nous pouvons plutôt voir dans la vanité une liberté et une responsabilité, les deux allant toujours de pair : liberté car la fin n’est pas en jeu, elle est connue. Responsabilité, par respect pour la condition humaine. Certains ont développé la thèse que ce sont ces valeurs qui ont fondé le capitalisme rhénan (Max Weber notamment).

La vanité ne peut être notre accompagnatrice quotidienne mais elle  ne doit pas pour autant disparaître de notre horizon. Dans le domaine des ressources humaines, elle nous rappelle que la prise de décision ne peut être simplement ramenée à sa nature contractuelle, à l’échange économique lié au contrat de travail. Elle peut engager l’individu au-delà, comme nous le démontrent les suicides au travail. Comme les vanités, ces actes ne peuvent guider notre action quotidienne, ils demeurent des actes d’exception,  et ne doivent générer ni culpabilité inutile ni  être renvoyés trop rapidement au domaine de l’intime. lls doivent nous rappeler notre liberté et notre responsabilité au sein des organisations.

 

 

23/04/2008

Vitruvius et les fondamentaux

Il ne s'agit pas d'une publicité subliminale pour Manpower, mais juste d'un rappel : même lorsque l'on est un génie, comme Léonard, on ne peut s'abstraire des fondamentaux. Les proportions ont leurs exigences auxquelles le génie ne peut rien. Le talent ne doit pas faire oublier les régles de base qui régissent la matière dans laquelle on intervient. Les joueurs de rugby, difficile d'y échapper, savent également qu'avant de songer à faire des chisteras ou des courses croisées, il faut d'abord gagner la conquête du ballon.

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Léonard de Vinci - Vitruvius - Vers 1492 

 

Les responsables ressources humaines doivent régulièrement s'interroger sur ce qui constitue les fondamentaux de leur activité. 

De la même manière, les négociateurs de la réforme de la formation professionnelle ne pourront s'affranchir de quelques principes, notamment ceux dégagés par la jurisprudence en matière de droit de la formation et qui seront publiés sur ce blog vendredi 25 avril.

 

 

16/04/2008

Le jour du corbeau blanc

La bergère rêve d'un autre monde, et s'en trouve transfigurée. Les moutons ne s'étonnent de rien et mènent leur vie de mouton, heureux de mettre un peu de couleurs vives dans le paysage aride. Les arbres apprivoisent difficilement des parasites qui s'épanouissent sous le soleil sec. Dans cette atmosphère de terre argileuse, à moins qu'il ne s'agisse de la planète mars, l'horizon est à la fois court et lointain, le soleil une fontaine d'eau pour le train de la vie. Au milieu, le corbeau blanc.

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Vergno - Le corbeau blanc - 1998
 
Le corbeau blanc est seul. Pas de bande de corbeaux, pas d'autres oiseaux. Le corbeau blanc n'a pas son alter ego, le mouton noir. Sa solitude est totale. A-t-il été rejeté par le groupe, a-t-il muté récemment sans bien comprendre la mutation, son vol est sans but, lesté par les fils à la patte.
 
On connaît le sort des individus singuliers qui ne portent pas les caractères distinctifs du groupe : le rejet ou l'adoration, la mythification ou l'exclusion. En ce sens, le corbeau blanc qui focalise les haines ou les passions joue le rôle de ciment, positif ou négatif, du groupe.
 
Mais un détail vient perturber cette lecture : le corbeau blanc n'est pas tout blanc. Son corps noir trahit sa véritable nature que ses ailes voudraient dissimuler. Comme les nègres blancs de Boris Vian ou de Philip Roth (voir La tache) qui sont rattrapés par leur origine, le corbeau blanc est un hybride.
 
Manière de rappeler que les lectures binaires du monde sont souvent sommaires. Dans une organisation, il est rare qu'il y ait de manière établie les héros et les félons, les bons et les mauvais ou encore les compétents et les incompétents. Il est plus probable que chaque corbeau noir ait ses journées, plus ou moins fréquentes, où il est corbeau blanc. 

04/04/2008

Le travail manuel n'existe pas

Le tableau date de 1950. Il ne manque pas d'exprimer son époque : l'élan bâtisseur de l'après-guerre, la dimension collective du travail, le souffle de la  liberté retrouvée, l'enthousiasme des grands projets et l'euphorie du début des trente glorieuses.  Sans doute la vision du travail et des relations humaines emprunte-t-elle à un âge d'or mythifié. Il n'empêche, tout cela a existé et peut se rencontrer encore.

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Fernand Léger - Les constructeurs - 1950
 
En regardant le tableau, me reviennent les mots d'un ancien responsable de la FFB (Fédération Française du Bâtiment) : "Cest avec de nombreux ouvriers non qualifiés que l'on a construit l'Arche de la Défense, entre autres".
Notre représentation du travail et de la qualification est encore trop largement modelée par le système éducatif et par cette opposition insensée entre le général et le professionnel, l'intellectuel et le manuel. Qu'est-ce d'ailleurs qu'un métier manuel ? celui dans lequel on utilise ses mains ? alors c'est le mien lorsque je pianote cette note sur mon micro ordinateur, ou c'est celui de l'écrivain qui ne peut plus exercer son activité lorsque la crampe de l'écrivain le saisit (sur ce sujet, voir le superbe livre de Patrick Grainville : La main blessée - Seuil) ou encore celui de l'homme politique qui ne peut plus dire bonjour sur les marchés ?
On peut objecter que certains travaux nécessitent un engagement physique plus direct et immédiat que d'autres, mais toutes les études récentes démontrent que  le stress par exemple touche davantage les ouvriers que les cadres. L'étude réalisée chez PSA dont les résultats ont été publiés le 18 mars dernier le  confirme (22 % des ouvriers touchés par l'hyper-stress contre 15 % des cadres). Comment dès lors identifier le travail manuel ? certainement pas en l'assimilant au travail artisanal. L'artisan qui fait des métrés, qui développe son activité par son relationnel client, qui gère son entreprise ne se repose pas principalement sur ses habiletés manuelles. Est-ce d'ailleurs le cas du peintre ? Fernand Léger travailleur manuel. 
 
Admettons que le vocable n'a pas de sens et que tous ceux qui tiennent de grands discours sur le travail manuel qu'il faudrait revaloriser contribuent à maintenir des représentations qui vont à l'encontre de l'objectif recherché.