25/03/2008
Il n'y a pas d'évidence
A première à vue, le tableau est porteur d'une contradiction : le texte surprend. L'objet représenté semble bien correspondre à ce que le texte voudrait qu'il ne soit pas.
23:43 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (1)
20/03/2008
Management jardinier
Le jardinier est satisfait de son travail. Les fleurs s’épanouissent au soleil printanier, leurs couleurs se mêlent harmonieusement pour démontrer une fois de plus que la nature imite l’art et que le hasard des pousses vaut bien le talent du peintre. Sous les premiers rayons de soleil qui écartent les nuages clairs, la belle promeneuse n’y résiste pas. Est-ce donc pour ce résultat que le jardinier déploya tant d’efforts et de patience ?
En ce jour de printemps, Renoir illustre l’expression emprunté à Guy Le Boterf de « Management jardinier » ou d’écologie du développement des compétences. En ces temps où la psychologisation des rapports de travail tient le haut du pavé, il peut être bon de rappeler que l’on ne fait pousser des fleurs et que l’on ne créé de beaux jardins ni en leur intimant tous les matins de pousser, ni en leur faisant de quotidiennes déclarations amoureuses. Le plus sur moyen de s’offrir le plaisir de la floraison est de préparer le terrain, de travailler le milieu, de connaître les variétés plantées, de corriger si nécessaire l’apport des éléments naturels, rajouter de l’eau ou protéger des pluies surabondantes, de mettre à l’abri du gel ou du vent, de savoir tailler quand il le faut et biner au moment propice, toutes choses qui réclament attention véritable, connaissance de l’écosystème et cohérence des décisions. Et admettre que même si toutes ces conditions sont remplies, le succès n’est pas toujours assuré. S’il survient, il n’en sera que plus beau, et la promeneuse plus émerveillée.
00:04 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : formation, management, compétence
17/03/2008
La compétence, c'est choisir
Bien sur, le serpent dans l'arbre pourrait être un indice. Mais pourquoi Adam s'en méfierait-il ? la nature autour de lui n'est pas hostile et les animaux sont tous bienveillants. Le lion cohabite avec l'agneau, les humains sont de manière évidente au milieu des animaux, la nature est luxuriante, nulle crainte, nulle menace, nul danger n'habite ce tableau. Il faut connaître la fin de l'histoire pour voir dans le serpent le messager du désastre.
Pourtant, Adam semble pris d'un doute : l'interdit est présent dans son esprit, le seul interdit du paradis.
Si l'on veut bien considérer que la compétence est une capacité à agir en situation ou, pour le dire autrement, qu'il n'y a de compétence que dans l'action, alors on admet qu'à un moment donné se pose la question fondamentale du choix. Que faire ? l'expérience, les connaissances, la compétence in fine ramenées à une question binaire : faire ou ne pas faire. Ce choix constitue une mise sous tension de l'individu qui, lorsqu'il est confronté à une situation qu'il n'a jamais rencontrée et qu'il doit résoudre sans mode d'emploi préétabli, est, comme Adam, mis en demeure de choisir sans être certain de maîtriser tous les paramètres de la situation tant au niveau du diagnostic que des conséquences. Et pourtant il faut bien choisir, renoncer à le faire serait déjà un choix.
L'évolution des contenus des emplois, l'importance de la dimension relationnelle et comportementale, la rapidité des évolutions techniques et organisationnelles ont sans doute multiplié les confrontations de l'individu avec des situations inconnues. Sans doute faut-il chercher là une des causes de la montée du stress au travail. Cette évolution appelle deux remarques. La première est que l'organisation doit prendre sa part dans le traitement de ces situations en n'abordant pas la question de la compétence uniquement du point de vue individuel mais également du point de vue collectif et de l'agir ensemble. Une fois cette condition remplie, la deuxième remarque est qu'il serait paradoxal de s'offusquer d'avoir un prix à payer pour la liberté.
09:53 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cranach, compétence, formation
10/03/2008
La théorie c'est pratique
Le paradoxe pourrait tenir lieu de fil conducteur au tableau du Caravage : voici un dieu au corps viril rendu de manière très réaliste dont le visage a des contours peu affinés et des traits féminins, l'abondance de mets et de vin, le nectar des dieux, ne suscite que lassitude ou ennui, la matéralité des draps et fruits s'oppose à la lumière oblique, toute spirituelle, qui traverse le tableau. L'ambigüité résultant de ce tableau n'est qu'une traduction de la tradition occidentale de raisonnement par oppositions binaires. Issue de la pensée platonicienne (le faux monde matériel opposé au vrai monde des idées) cette tradition a prospéré avec la pensée chrétienne (vie terrestre et vie céleste, corps pêcheur et esprit salvateur, etc.) et trouve donc à la renaissance une traduction picturale qui se déploiera ensuite chez les épigones du Caravage et au-delà.
Cette méthodique division duale du monde n'est pourtant pas un mode de pensée universel, comme en témoigne le tableau de Chen Hongshou, contemporain du Caravage, qui s'intitule "Parlant musique".
Ici le corps n'est que suggéré. Le drapé, contrairement à celui du Caravage, n'a rien de réaliste. Constitué de volutes improbables il rend compte de l'état intérieur du personnage abandonné à sa concentration. On l'aura compris, ici pas de division ou distinction : la représentation extérieure rend compte de la réalité intérieure. Le monde n'est pas deux, il est un.
La conception duale conduit à des raisonnements par opposition qui structurent nos modes de pensée de manière très profonde. Ainsi, l'inné et l'acquis, la raison et l'émotion, le fond et la forme, le corps et l'esprit, qui donneront les chirurgiens d'un côté et les psys de l'autre garantissant ainsi que la médecine ne s'intéresse que rarement à la totalité de l'individu, etc.
Dans le champ du travail et de la formation, cette opposition produit la conception et l'exécution, les fonctions supports et les fonctions opérationnelles, la formation et le travail, la théorie et la pratique.
Ce mode de raisonnement est bien évidemment très réducteur : on peut se former en travaillant, l'exécutant conçoit des manières de faire, les fonctions supports sont opérationnelles (heureusement pour elles), le travail est formateur et la théorie se nourrit de pratiques, ne serait-ce que par l'expérimentation, alors que la pratique s'appuie le plus souvent sur une conceptualisation préalable. En d'autres termes, le savoir conceptuel est indispensable à l'action, laquelle sert de base à la production de savoir conceptuel.
Voyons des continuités et des cycles là où d'ordinaire on ne perçoit que de la distinction et de la séparation. Comment prévoir la météo sans la théorie du chaos ? par le savoir empirique ? mais il constitue lui-même une conceptualisation de multiples, voire ancestrales, observations dont on a tiré des lois générales.
Entre théorie et pratique, surtout si l'on veut travailler sur la compétence, il s'agit d'avantage d'articuler et d'associer que de diviser et d'opposer.
(Note : la comparaison entre le tableau du Caravage et celui de Chen Hongshou est empruntée à Jean-François Billeter et tirée de son ouvrage "L'art chinois de l'écriture", Seuil - Skira).
16:40 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : caravage formation
02/03/2008
Ingres et les seniors
Quintessence de son art, condensé d'années de recherche, de milliers de calques et de dizaines de tableaux, chargé d'émotions et d'innovations auxquelles emprunteront maints épigones, dont Picasso n'est pas le moindre, le Bain Turc aura donc inspiré jusqu'aux Demoiselles d'Avignon.
Ce chef d'oeuvre est également le dernier grand tableau peint par Ingres, à 82 ans, deux ans avant de s'éteindre. Les baigneuses étant là, la mort pouvait bien passer.
Quelques dirigeants d'entreprise et DRH pourraient utilement méditer devant ce tableau d'Ingres : si à 82 ans l'homme est capable d'un tel élan de créativité, de puissance picturale, de synthèse de toute une vie et d'une énergie remarquablement maîtrisée, aurait-il été raisonnable de le mettre en préretraite à 55 ans ?
15:24 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ingres
Matisse et la simplicité
15:10 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : matisse
27/02/2008
Judith et Holopherne
Le regard est lucide, le bras ne tremble pas. La légère attitude de recul marque le dégoût, sans que ne soit entamée la détermination. Le méchant visage de la servante contraste avec la paisible beauté de Judith, passagèrement troublée par le meurtre qu'elle accomplit. Assassinat serait mieux approprié car la préméditation ne fait pas de doute.
On connaît l'histoire : Holopherne assiège avec ses troupes la ville de Béthulie. Judith sort de la ville avec sa servante pour rejoindre le camp d'Holopherne. Elle lui laisse entendre qu'elle lui ouvrira l'accès de la ville. Holopherne se voit victorieux au combat et en amour. Le vin lui est léger. Mais la nuit d'ivresse sera sa dernière. Le lendemain, Judith exhibera fièrement la tête du général orgueilleux, provoquant la débâcle et la déroute de ses troupes.
Il ne faut sans doute pas voir trop rapidement dans l'histoire de Judith la justification de tout moyen pour atteindre de nobles fins. Mieux vaut observer la scène : qui ne connaît pas l'histoire voit un meurtre commis sans hésitation aucune. Resitué dans son contexte, l'assassinat d'Holopherne devient un acte héroîque que Judith commet à contre-coeur mais sans hésiter. Le Caravage, outre le dramatique de la scène, rend particulièrement l'attitude paradoxale de Judith qui ne souhaite pas tuer mais n'hésite pas à le faire.
Nous pouvons en conclure que les actes ne font pas sens par eux-même, que les images ne parlent pas seules, que les procédures ne dévoilent pas la finalité. Si nous voulons que nos actes aient un véritable sens, il est indispensable de les expliciter et de les référer à un système de valeurs plutôt que de les abandonner à d'hasardeuses interprétations.
16:47 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0)