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25/03/2008

Il n'y a pas d'évidence

A première à vue, le tableau est porteur d'une contradiction : le texte surprend. L'objet représenté semble bien correspondre à ce que le texte voudrait qu'il ne soit pas.

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Un temps de réflexion toutefois suffit. A défaut, Matisse peut nous aider qui disait : " je ne peins pas une femme, je peins un tableau". Magritte nous indique en effet les trois niveaux d'appréhension de la réalité : l'objet, sa représentation et le commentaire.
 
Tout audit peut travailler sur ces trois niveaux : les faits, leur représentation pour chacun et les commentaires qui en résultent.  A distinguer sans confondre, le diagnostic gagnera en qualité.
 

20/03/2008

Management jardinier

Le jardinier est satisfait de son travail. Les fleurs s’épanouissent au soleil printanier, leurs couleurs se mêlent harmonieusement pour démontrer une fois de plus que la nature imite l’art et que le hasard des pousses vaut bien le talent du peintre. Sous les premiers rayons de soleil qui écartent les nuages clairs, la belle promeneuse n’y résiste pas. Est-ce donc pour ce résultat que le jardinier déploya tant d’efforts et de patience ?

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En  ce jour de printemps,  Renoir illustre l’expression emprunté à Guy Le Boterf de « Management jardinier » ou d’écologie du développement des compétences. En ces temps où la psychologisation des rapports de travail tient le haut du pavé, il peut être bon de rappeler que l’on ne fait pousser des fleurs et que l’on ne créé de beaux jardins  ni en leur intimant tous les matins de pousser, ni en leur faisant de quotidiennes déclarations amoureuses. Le plus sur moyen de s’offrir le plaisir de la floraison est de préparer le terrain, de travailler le milieu, de connaître les variétés plantées, de corriger si nécessaire l’apport des éléments naturels, rajouter de l’eau ou protéger des pluies surabondantes, de mettre à l’abri du gel ou du vent, de savoir tailler quand il le faut et biner au moment propice, toutes choses qui réclament attention véritable, connaissance de l’écosystème et cohérence des décisions. Et admettre que même si toutes ces conditions sont remplies, le succès n’est pas toujours assuré. S’il survient, il n’en sera que plus beau, et la promeneuse plus émerveillée.

 

17/03/2008

La compétence, c'est choisir

 Bien sur, le serpent dans l'arbre pourrait être un indice. Mais pourquoi Adam s'en méfierait-il ? la nature autour de lui n'est pas hostile et les animaux sont tous bienveillants. Le lion cohabite avec l'agneau, les humains sont de manière évidente au milieu des animaux, la nature est luxuriante, nulle crainte, nulle menace, nul danger n'habite ce tableau. Il faut connaître la fin de l'histoire pour voir dans le serpent le messager du désastre.

 Pourtant, Adam semble pris d'un doute : l'interdit  est présent dans son esprit, le seul interdit du paradis. 

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Mais dans un contexte de bonheur, de paix, de tranquillité, l'interdit paraît bien anodin. S'agit-il vraiment de transgresser et de défier Dieu ? pas vraiment. Bercé par le contexte paradisiaque, Adam n'est plus en capacité de mesurer, d'imaginer, la conséquence de l'acte. Eve en sait-elle plus ? son regard pourrait le suggérer mais sans qu'il ne soit possible de trancher clairement : excès de confiance ? volonté de défier le pouvoir divin ? volonté de sortir de l'ennui du quotidien du paradis au risque de basculer dans l'inconnu ? goût du jeu ? difficile de prêter une véritable intention à Eve, par contre sa détermination est évidente au regard des hésitations d'Adam.
 
On connaît la suite : Adam croquera la pomme, déclenchant la colère divine. L'acte sera jugé comme une rébellion insupportable contre la soumpission requise à Dieu, sur un seul point certes, mais tout de même. Un acte, une seconde, et l'humanité toute entière se retrouve à jamais chassée du paradis.
 

Si l'on veut bien considérer que la compétence est une capacité à agir en situation ou, pour le dire autrement, qu'il n'y a de compétence que dans l'action, alors on admet qu'à un moment donné se pose la question fondamentale du choix. Que faire ?  l'expérience, les connaissances, la compétence in fine ramenées à une question binaire : faire ou ne pas faire. Ce choix constitue une mise sous tension de l'individu qui, lorsqu'il est confronté à une situation qu'il n'a jamais rencontrée et qu'il doit résoudre sans mode d'emploi préétabli, est, comme Adam, mis en demeure de choisir sans être certain de maîtriser tous les paramètres de la situation tant au niveau du diagnostic que des conséquences. Et pourtant il faut bien choisir, renoncer à le faire serait déjà un choix.

L'évolution des contenus des emplois, l'importance de la dimension relationnelle et comportementale, la rapidité des évolutions techniques et organisationnelles ont sans doute multiplié les confrontations de l'individu avec des situations inconnues. Sans doute faut-il chercher là une des causes de la montée du stress au travail. Cette évolution appelle deux remarques. La première est que l'organisation doit prendre sa part dans le traitement de ces situations en n'abordant pas la question de la compétence uniquement du point de vue individuel mais également du point de vue collectif et de l'agir ensemble. Une fois cette condition remplie, la deuxième remarque est qu'il serait paradoxal de s'offusquer d'avoir un prix à payer pour la liberté.

10/03/2008

La théorie c'est pratique

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Le paradoxe pourrait tenir lieu de fil conducteur au tableau du Caravage : voici un dieu au corps viril rendu de manière très réaliste dont le visage a des contours peu affinés et des traits féminins, l'abondance de mets et de vin, le nectar des dieux, ne suscite que lassitude ou ennui, la matéralité des draps et fruits s'oppose à la lumière oblique, toute spirituelle, qui traverse le tableau. L'ambigüité résultant de ce tableau n'est qu'une traduction de la tradition occidentale de raisonnement par oppositions binaires. Issue de la pensée platonicienne (le faux monde matériel opposé au vrai monde des idées) cette tradition a prospéré avec la pensée chrétienne (vie terrestre et vie céleste, corps pêcheur et esprit salvateur, etc.) et trouve donc à la renaissance une traduction picturale qui se déploiera ensuite chez les épigones du Caravage et au-delà.

Cette méthodique division duale du monde n'est pourtant pas un mode de pensée universel, comme en témoigne le tableau de Chen Hongshou, contemporain du Caravage, qui s'intitule "Parlant musique".

 

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 Ici le corps n'est que suggéré. Le drapé, contrairement à celui du Caravage, n'a rien de réaliste. Constitué de volutes improbables il rend compte de l'état intérieur du personnage abandonné à sa concentration. On l'aura compris, ici pas de division ou distinction : la représentation extérieure rend compte de la réalité intérieure. Le monde n'est pas deux, il est un.

La conception duale conduit à des raisonnements par opposition qui structurent nos modes de pensée de manière très profonde. Ainsi, l'inné et l'acquis, la raison et l'émotion, le fond et la forme, le corps et l'esprit, qui donneront les chirurgiens d'un côté et les psys de l'autre garantissant ainsi que la médecine ne s'intéresse que rarement à la totalité de l'individu,  etc.

Dans le champ du travail et de la formation, cette opposition produit la conception et l'exécution, les fonctions supports et les fonctions opérationnelles, la formation et le travail, la théorie et la pratique.

Ce mode de raisonnement est bien évidemment très réducteur : on peut se former en travaillant, l'exécutant conçoit des manières de faire, les fonctions supports sont opérationnelles (heureusement pour elles), le travail est formateur et la théorie se nourrit de pratiques, ne serait-ce que par l'expérimentation, alors que la pratique s'appuie le plus souvent sur une conceptualisation préalable. En d'autres termes, le savoir conceptuel est indispensable à l'action, laquelle sert de base à la production de savoir conceptuel. 

Voyons des continuités et des cycles là où d'ordinaire on ne perçoit que de la distinction et de la séparation. Comment prévoir la météo sans la théorie du chaos ? par le savoir empirique ? mais il constitue lui-même une conceptualisation de multiples, voire ancestrales, observations dont on a tiré des lois générales.

Entre théorie et pratique, surtout si l'on veut travailler sur la compétence, il s'agit d'avantage d'articuler et d'associer que de diviser et d'opposer.

(Note : la comparaison entre le tableau du Caravage et celui de Chen Hongshou est empruntée à Jean-François Billeter et tirée de son ouvrage "L'art chinois de l'écriture", Seuil - Skira). 

02/03/2008

Ingres et les seniors

Quintessence de son art, condensé d'années de recherche, de milliers de calques et de dizaines de tableaux, chargé d'émotions et d'innovations auxquelles emprunteront maints épigones, dont Picasso n'est pas le moindre, le Bain Turc aura donc inspiré jusqu'aux Demoiselles d'Avignon.

 Ce chef d'oeuvre est également le dernier grand tableau peint par Ingres, à 82 ans, deux ans avant de s'éteindre. Les baigneuses étant là, la mort pouvait bien passer.

 

ME0000028982_3.jpg Quelques dirigeants d'entreprise et DRH pourraient utilement méditer devant ce tableau d'Ingres : si à 82 ans l'homme est capable d'un tel élan de créativité, de puissance picturale, de synthèse de toute une vie et d'une énergie remarquablement maîtrisée, aurait-il été raisonnable de le mettre en préretraite à 55 ans ?

15:24 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ingres

Matisse et la simplicité

Appollinaire parlant de Matisse : "Son art s' est dépouillé et malgré sa  simplicité toujours plus grande , il n' a pas manqué de devenir plus somptueux".
 
Ce que Matisse lui-même exprimait de la manière suivante :  " J'ai atteint une forme décantée jusqu' à l'essentiel et j'ai conservé de l'objet , que je présentais autrefois dans la complexité de son espace , le signe qui suffit et qui est nécessaire à le faire exister dans sa forme propre et pour l'ensemble dans lequel je l'ai conçu".
 
 Que l'on en juge par ce visage de femme et cette feuille de figuier peintes au soir de sa vie : 
 
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Voici résumé le graal pour les responsables ressources humaines : optimiser le couple simplicité/efficacité. Valoriser l'action et son résultat et non agir pour se valoriser. Point n'est besoin de montrer la boîte noire, il suffira que l'action paraisse naturelle et évidente, simple, accessible à tous.  Qu'il ait fallu à Matisse plus de soixante années de travail pour en arriver là, qui s'en soucie ?
 

15:10 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : matisse

27/02/2008

Judith et Holopherne

Le regard est lucide, le bras ne tremble pas. La légère attitude de recul marque le dégoût, sans que ne soit entamée la détermination. Le méchant visage de la servante contraste avec la paisible beauté de Judith, passagèrement troublée par le meurtre qu'elle accomplit. Assassinat serait mieux approprié car la préméditation ne fait pas de doute.

 

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On connaît l'histoire : Holopherne assiège avec ses troupes la ville de Béthulie. Judith sort de la ville avec sa servante pour rejoindre le camp d'Holopherne. Elle lui laisse entendre qu'elle lui ouvrira l'accès de la ville. Holopherne se voit victorieux au combat et en amour. Le vin lui est léger. Mais la nuit d'ivresse sera sa dernière. Le lendemain, Judith exhibera fièrement la tête du général orgueilleux, provoquant la débâcle et la déroute de ses troupes.

 Il ne faut sans doute pas voir trop rapidement dans l'histoire de Judith la justification de tout moyen pour atteindre de nobles fins. Mieux vaut observer la scène : qui ne connaît pas l'histoire voit un meurtre commis sans hésitation aucune. Resitué dans son contexte, l'assassinat d'Holopherne devient un acte héroîque que Judith commet à contre-coeur mais sans hésiter. Le Caravage, outre le dramatique de la scène, rend particulièrement  l'attitude paradoxale de Judith qui ne souhaite pas tuer mais n'hésite pas à le faire.

 Nous pouvons en conclure que les actes ne font pas sens par eux-même, que les images ne parlent pas seules, que les procédures ne dévoilent pas la finalité. Si nous voulons que nos actes aient un véritable sens, il est indispensable de les expliciter et de les référer à un système de valeurs plutôt que de les abandonner à d'hasardeuses interprétations.