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31/12/2016

QUEL QUE SOIT LE VENT...

Comme les marins du Vendée Globe en font la splendide démonstration, quel que soit le vent on avance, même quand il est contraire. Et à propos de contraire : 

"Sans contraires, il n'y a pas de progression" 

William Blake

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Le Cabinet Willems Consultant

vous souhaite pour 2017

d'avoir le plaisir de prendre de vitesse les contradictions !

Que l'année nouvelle s'accorde à vos désirs

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19/11/2015

Aux portes de la lecture

Comme un enfant qui a commencé à dérouler le tapis du 21ème siècle, tu as appris l’alphabet sur un Ipad. Tu l’as retrouvé dans les livres, puis dans les chansons, comme dirait Jérôme Leroy qui a déjà pris l’habitude de te dédicacer ses livres. Tu as découvert qu’en espagnol le « v » se prononce « b » et que cela rend les livres plus libres. Tu as découvert le jeu des synonymes, trouver des mots différents pour nommer une même chose. Avec le début de l’écriture, tu as découvert le temps : le temps qu’il faut pour réécrire un mot dont on a le modèle, le temps qu’il faut pour le déchiffrer, le temps qu’il faut pour l’apprendre et tu as compris que viendrait le temps où tu saurais lire. Tu es impatient, pas vraiment comme un enfant, mais plutôt comme un impatient qui sait que son temps viendra. Cela t’a appris à te réjouir de ce qui adviendra.

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Cette chronique anniversaire est la dernière que je te lirai avant que tu ne puisses la lire toi-même et viendra le jour où, peut-être, tu l’écriras avant moi. Mais de cela, je ne suis pas impatient. Pour tes 5 ans, bon anniversaire Ioannes.

02/02/2015

Malaise(s) sur la ligne

En 1979 une adolescente de San Diego, Californie, tire sur l'école qui est en face de chez elle, tue deux adultes et blesse plusieurs enfants. Pour expliquer son geste, qu'elle assumait parfaitement, elle déclara juste : "Je n'aime pas les lundis". Les Boomtowns Rats en firent un titre inclus dans leur troisième album (The fine art of surfacing) quelques semaines plus tard. 

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Divers rendez-vous aux quatre coins de Paris ce jour, et quatre lignes de métro à emprunter. La première tardait, retardée par un malaise voyageur, je pris donc une ligne annexe mais dans la rame que j'avais choisie une femme enceinte s'écroula soudain bloquant toute circulation. Je pris un troisième train, qui ne roulait que sur une partie de la ligne en raison d'un accident voyageur. Cela pour le matin. Et l'après-midi un suicide me conduisit à changer de moyen de transports. Une journée ordinaire ? non, juste un lundi. 

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27/01/2015

Donner le goût du risque

C’est une annonce pour une émission de Pascale Clark, sur France Inter, avec Vincent Lindon. Nuits blanches. Il y a eu une première, et manifestement, s’annonce la seconde. Pour le teasing, a été enregistré un petit dialogue qui fait sourire :

« C’était bien la première nuit, non ?

-      -  très bien, mieux que je ne pensai…

-      -  mais tu sais que c’est plus difficile la seconde fois…

-       - quand il n’y a plus la surprise de la première ?

-       - et qu’il ne faut pas perdre le charme… »

On se dit qu’on pourrait peut être écouter, que cette complice canaillerie semble bien partie et fait envie. Et puis soudain ceci :

« - Qu’est-ce qu’on risquait la première fois ?

-       - rien !

-       - Et cette fois-ci ?

-       - Rien !

-       - Alors on y va ? ».

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Et bien non, on y va pas. On a plus envie d’aller voir l’absence de risque, la sécurité ronronnante et le confort du pas d’enjeu. Je ne sais pas qui l’on espérait tenter avec cette occultation du risque ni le message qui était caché dedans, si bien caché d’ailleurs qu’il m’a échappé, mais le résultat est l’inverse de celui recherché.  Car franchement, sous couvert d’invitation, avec le slogan Allons y puisqu’on risque rien, on met en branle une machine à inhiber, à avoir peur de l’échec et à ne plus  jamais oser. Tant pis pour Pascale et Vincent, cette nuit-là ce sera sans nous.

14/10/2014

Verni (pas) sage

L'actualité étant ce qu'elle est, les temps passés au bureau sont rares, pour ne pas dire inexistants. Et les soirées relativement studieuses. Et le retard dans les productions quasi-permanent. Bref, la vie normale du consultant qui s'obstine à travailler seul. Mais malgré les urgences, les affaires en cours, les engagements à tenir, il était impossible ce soir de résister. Impossible de ne pas accompagner l'ami qui me fit le cadeau de partager l'invitation au vernissage de l'exposition Sade, Attaquer le Soleil, présenté à Orsay. Impossible de ne pas aller voir le stupéfiant travail d'Annie Le Brun, commissaire générale de l'exposition, qui a sélectionné les 350 oeuvres présentées. Impossible de ne pas, dès la première salle, être saisi par les toiles de Franz von Stuck, qui fournit l'affiche de l'exposition. 

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Voilà une Judith inhabituelle. En principe vêtue pour laisser entendre que l'honneur est sauf  et qu'elle va tuer sans avoir cédé à Holopherne qu'elle va décapiter (ce qui importe moins que le fait d'avoir succombé), elle est ici nue et Holopherne semble moins ivre que repu. Trois salles plus loin, une gravure ira encore plus loin, Judith profitant de l'extase d'Holopherne pour l'occire en pleins ébats. C'est qu'ici, les versions officielles le cèdent à la liberté qui surgit avec toute la force dont sont capables Masson, Picasso, Moreau, Molinier, Bellmer, Jean Benoît, Jean-Jacques Lequeue, Fragonard, Ingres, Delacroix, Cézanne, Degas, Bacon et quelques autres dans une présentation qui ne connaît aucune faiblesse. La cruauté, la violence, les passions, le désir, la luxure se mêlent et vous transportent. On sort lessivé, mais plus libre qu'avant. Avec une spéciale dédicace pour Michel Onfray, qui ne goûte guère Sade : sur le livre d'Or, une jeune femme a laissé ce mot "La main droite me brûle, je suis pourtant gauchère, merci". Messieurs, laissez vos femmes ou compagnes aller voir seules l'exposition Sade : elles le méritent. 

27/03/2014

Vivre encore

Il y a trois ans, Lavilliers en concert donnait envie de boxer la vie. Hier soir, il faisait partager son envie de vie dans un registre plus personnel, plus touchant, moins puissant, plus retenu, plus intense avec toujours autant d'engagement, de musiques tropicales et de causes que l'actualité pourraient effectivement conduire à considérer comme perdues. Est-ce pour cela que le chanteur était un peu moins boxeur, un peu plus nostalgique, toujours combatif évidemment mais avec un regard qui se portait tout autant sur le passé que sur l'aujourd'hui ou l'avenir. Une manière plus intimiste qui émeut plus que d'habitude. 

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Devant un public qui a partagé sa jeunesse avec le stéphanois, traversé l'Atlantique avec ses musiques, exploré le Brésil et appris le portugais à travers ses textes, Lavilliers prend plaisir, à plusieurs reprises, à venir sur scène guitare en bandoulière pour ces belles versions de salle à la tonalité unique. A l'entendre ainsi chanter une nouvelle fois Betty ou On the road again on replonge dans des scènes de bien des années plus tôt et l'on se retrouve un peu plus tard sur le trottoir avec ses années de jeunesse un peu plus vivantes et plus présentes. Et c'est bigrement bon. 

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09/03/2014

Fragments

J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.

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Le haut étang fume continuellement. Quelle sorcière va se dresser sur le couchant blanc? Quelles violettes frondaisons vont descendre ?

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Pendant que les fonds publics s'écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages.

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05/01/2014

Sous le signe du printemps

A quoi peut-on vérifier que l'on est bien revenu à Paris ? une averse de fin d'après-midi ? l'odeur des galettes de rois qui déborde jusque sur les trottoirs ? les rafales de vent qui viennent fraîchir l'air doux de ce début d'année ? peut-être ce dialogue entre une petite fille et sa mère :

"- Maman, c'est quoi le printemps ?"

Belle question et mon oreille se dresse pour savoir comment, en début d'année, définir le printemps qui n'est encore qu'une promesse lointaine. Réponse de la maman :

" - C'est un grand magasin".

Homo economicus quand tu nous tiens, l'horizon ne prend plus la couleur des saisons mais de la consommation. Les temps passent et les dieux avec.

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En Sicile, les façades des églises sont magnifiques, ce qui est rarement le cas des intérieurs, d'un baroque fade et sans émotion. Et là bas aussi, les églises sont moins remplies que les grands magasins. Mais pour qu'il en soit autrement, peut être aurait-il fallu sortir du dolorisme et mettre un peu de joie et de vie en lieu et place de la grande lamentation.

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Bien que matérialiste et mécréant, on ne peut s'empêcher toutefois d'être ému par cet homme seul, dans une chapelle abandonnée, qui prie. Souhaitons lui de faire surgir, par son recueillement, le printemps. Bonne rentrée et bon début d'année à tout le monde.

19/11/2013

Face à Face

A ta naissance, nous étions au dessus de toi. Soucieux de ton éveil à tout. Plus tard nous retrouva à tes côtés, pour te donner la main, pour accompagner tes premières découvertes. Nous voici déjà face à face.

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Avec le langage, tu as trouvé quelque chose comme la clé de toutes choses. Ce ne sont plus des mots qui viennent s'additionner comme des cubes en équilibre, mais des phrases qui s'inventent, des images qui se disent, des intuitions qui s'expriment, des sentiments qui se livrent et font vivre une singularité qui partage avec joie le regard qu'elle porte sur les alentours. Dans ce qui est désormais un face à face, ce dialogue permanent, cette dispute des temps anciens, se forge le meilleur qui est avenir. Bonne anniversaire Ioannes !

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27/08/2013

Deux fois bien

Pas la peine d'aller chercher plus loin quand cela vous est livré sur un plateau. En l'occurrence, j'emprunte au copain Garrigue, le dicton du jour :

Pour aller juste, il faut aller vite.

Mais la sureté de la vitesse demande du temps.

Si vous en voulez d'autres, c'est ici : http://caracallastation.tumblr.com/

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Comme ces préparations, sushis, sashimis, salades, poissons grillés, gambas, viandes caramélisées, riz épicé, et même somptueuses crèmes dessert qui sont réalisées à l'instant devant vous et placées sur le tapis roulant sur lequel il faudra les saisir promptement.

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Certes, le temps, la lenteur, tout ça, mais quand même, vite et bien, deux fois bien.

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24/08/2013

Le temps d'un regard

Ils rythment la rue et murmurent à l'oreille des passants. Les adultes s'arrêtent au premier qui leur fait signe, sous l'effet de surprise. Au second on accorde déjà moins de temps et au troisième on est retourné à ses préoccupations d'adultes. On ne verra donc pas les autres. 

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Les enfants les regardent tous. Un par un. Reviennent en arrière parfois, pour vérifier le nombre de doigts, la forme de la bouche, la texture de la robe légère. Ils savent que ce sont des fantômes avant qu'on le leur ait expliqué.

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A l'adulte qui les tire par le bras en disant : "Allez viens, dépêche toi !", les petits  répondent qu'ils veulent aller voir encore, suivre les fantômes, tourner le coin de rue dans le sens des flèches rouges, parce qu'il y a sans doute encore à découvrir et que de toute façon les fantômes ils disent que c'est par là qu'il faut aller.

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C'est assez simple finalement de savoir ce que l'on a fait de l'enfant qui est en nous. Il suffit juste de se demander si on a le temps. Parce que l'enfant il a toujours le temps et l'adulte jamais.

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Suivre les fantômes, c'est accepter d'être conduit n'importe où sans poser de question. Juste en regardant ce qu'il se passe, comme par exemple quand le regard d'une petite fille de l'autre bout du monde croise celui de la plus énigmatique jeune femme de l'art occidental. Pour connaître la suite, prière de s'adresser aux fantômes.

21/08/2013

J'y pense et puis j'oublie

Les deux évènements majeurs du XXème siècle se sont produits à l'occasion de la seconde guerre mondiale : la Shoah et l'utilisation de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Deux évènements totalement nouveaux dans l'histoire de l'humanité. La volonté délibérée de faire disparaître, industriellement, une partie de la population de la planète, et l'utilisation d'une puissance technique dont l'homme ne maîtrise que le déchaînement mais pas les effets. Les générations qui ont été confrontées à ces évènements étaient unanimes pour considérer qu'il y avait un avant et un après, que le monde ne pouvait plus être pensé de la même manière et qu'il avait irrémédiablement basculé.

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Electricité nucléaire pour les enseignes d'Hiroshima

Près de 70 ans plus tard, la Shoah demeure présente dans les débats, comme en témoignent, notamment, les lois dites mémorielles ou le fameux point Godwin, atteint lorsqu'il est fait référence à l'holocauste dans un sujet n'ayant aucun rapport à l'occasion d'un débat sur internet.

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Manifestation antinucléaire à Hiroshima

Mais d'Hiroshima que reste-t-il aujourd'hui ? quelles conséquences concrètes tirons nous de l'utilisation de l'arme atomique et de ses ravages ? quand évoquons nous encore Hiroshima ? pas de point Godwin en la matière, puisque le débat sur le nucléaire, en France mais aussi au Japon, semble se résumer en : "Le nucléaire ou la bougie".

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Il est vrai que pour l'instant, tout va bien. Certes il y a  Fukushima où rien n'est réglé depuis deux ans et où l'information s'écoule moins rapidement que les eaux radioactives, mais enfin, le Japon c'est loin, les tremblements de terre encore plus et les tsunamis n'en parlons pas. C'était pas de bol, voilà tout. Mais foi de polytechnicien, la probabilité d'un accident en France est nulle.

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Et puis de toute façon, tout ça est sous surveillance, dormez tranquille. Hiroshima, j'y pense et puis j'oublie, il paraît que c'est la vie.

20/08/2013

Nouveau départ

La rivière d'Héraclite, celle qui coule tous les jours mais n'est jamais la même, est une belle impermanence. Avoir choisi le terme de rentrée pour cette ouverture qu'est un nouveau départ, est une belle tentative d'union des contraires. Joignons les deux : chaque rentrée est une ouverture différente ; sur quoi ? les rivières anciennes qui ne sont jamais les mêmes et les rivières à venir.

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Départ

Assez vu. La vision s’est rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. - Ô Rumeurs et Visions !
Départ dans l’affection et le bruit neufs !

Arthur Rimbaud, Illuminations

19/08/2013

La rosée

En 1931, Sartre a 26 ans. Jeune professeur, il demande à être nommé au Japon. Il obtiendra un poste au Havre et n'aura l'occasion que bien plus tard de faire un court séjour au Japon. Pourtant, il exercera une influence considérable dans l'archipel, peut être parce que si le Japon l'intéressait, d'où sa demande, ce n'était pas par hasard. Sartre a théorisé la contingence, loin de l'idée du philosophe qui professe des idées abstraites, la contingence c'est la vie dans l'ici et maintenant. C'est d'ailleurs un plaisir de lire les "Situations" chroniques d'actualité qui pensent le réel et font la synthèse entre l'histoire, la vie sociale, la pensée et la politique. Et  proclamer, dans un pays qui adore la rationalité et abhorre  la contradiction, qu'il faut "penser contre soi même", c'est déjà être un peu japonais.

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Si l'on avait le goût de l'uchronie, ces romans qui réécrivent le présent en modifiant un évènement du passé, on pourrait imaginer que, dans un moment d'égarement, l'administration ait accédé à la demande de Sartre et l'ait envoyé au Japon. Confronté à une société qui n'est pas celle d'aujourd'hui (nationalisme et militarisme sont les deux mamelles du Japon d'avant-guerre, bien loin du pays tourné vers l'Occident, la démocratie et le pacifisme de l'après-guerre), que serait devenue la pensée Sartrienne ? aurait-elle épousé la forme des rochers, des forêts, des jardins, aurait-elle plus rapidement éprouvé la dialectique pour rechercher dans la synthèse une forme d'harmonie, aurait-elle fait plus rapidement place au collectif et au "je" social japonais qui tranche avec le "je" très individuel occidental ? le garçon de café qui joue au garçon de café n'aurait-il pas été mieux à sa place au Japon où l'on a l'impression que personne ne construit un mur mais que tout le monde bâtit une cathédrale ? Et qu'aurait été  Roquentin après un séjour japonais ? peut être pas le personnage de la Nausée, mais celui d'un roman qui aurait expliqué comment l'individu peut s'intégrer à la nature pour mieux exister individuellement ; autrement dit le héros d'un roman panthéiste qui se serait appelé non pas La nausée mais La rosée.

16/08/2013

Impermanences

Impressions fugaces à effet durable :

 

Marcher la nuit dans Harajuku ;

Le port de Nagasaki et ses parfums de comptoir colonial ;

Les Gozaimaaaaaassss lancés à toute occasion et chantés par les voix haut perchés des japonaises ;

Les toris vermillons des temples shintoistes et de la colline des toris à Kyoto ;

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L’envie de prendre tous les trains et d’attendre dans toutes les gares ;

La facilité avec laquelle, comme partout, on peut se retrouver seuls ;

Les regards vifs, rapides, qui vous détaillent façon puzzle en prenant soin de ne pas vous regarder ;

Le moine qui nous fit sonner cinq fois  la cloche du temple pour tout le quartier, un soir à Nagasaki ;

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L’attention permanente et souriante portée à l’autre ;

L’art de la synthèse ;

La beauté des enfants dans un pays où la natalité décline dramatiquement ;

La présence de la montagne et la culture terrienne dans cet archipel qui donna si peu de marins ;

La cloche d’Hiroshima le 6 août à 8h15 ;

L’action-pensée et la pensée-action ;

Les wagons du métro réservés aux femmes à Osaka, pour éviter les tripotages compulsifs ;

Le vieux monsieur qui tient restaurant dans sa cuisine à côté du  temple Daitoku-ji à Kyoto ;

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L’eau qui coule ;

La présence animale, en tout lieu, à toute heure ;

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Les rues de Shinsekai, un dimanche de canicule ;

Les mille et un kilomètres de galeries marchandes couvertes (bazar, luxe, restaurants, étalages, viande, poisson, dégustations, magasins à 100 yens, boutiques à touristes, karaokés, fripes, solderies et tout le reste, et tout le reste) ;

Le romanesque des love-hôtels, qui ont souvent des noms français, dont le très bel hôtel La cachette à Tokyo ;

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La commodité de régler sa montre sur le passage des trains ;

La curiosité et l’attention des visiteurs de l’exposition Francis Bacon au Musée municipal de Toyota et particulièrement le regard du paraplégique devant les corps tordus ;

La capacité de la végétation à imaginer de nouvelles nuances de vert ;

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La lecture magnétique de Pickpocket de Funimori Nakamura ;

Les corps courbés sur les téléphones portables ;

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Les trois générations de japonais engrangeant de petites billes argentées dans le vacarme des pachinkos ;

Les invraisemblables enchevêtrements de fils électriques qui, paraît-il, ne peuvent être enterrés à cause des séismes. En réalité, orgueil de montrer que tout ce bordel fonctionne parfaitement ;

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Les démarches chaotiques, en forme de vol de papillon, les pieds en dedans des jeunes filles kawais, le peu de sourires sur les visages des salary men ;

La vieille dame qui riait en nous donnant des poignées de bonbons sur la Yamanote Line ;

Les hôtels Rose Lips et Rose Garden ;

La similitude des corps, la diversité des visages ;

Le shinkansen qui raccourcit les distances, mais aussi le temps. Puisse-t-il raccourcir celui du retour au Japon.

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15/08/2013

Noir, blanc...couleurs !

Dernier jour à Tokyo avant le retour en France. Envie de noir et blanc, de yin et de yang, de cette fabuleuse capacité à associer plutôt que d'exclure. Ce qui donne parfois d'invraisemblables bordels.

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Mais aussi cette poétique des trains et voies ferrées, à laquelle aurait été sensible André Hardellet, qui fit aussi partie des lectures de voyage.

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Ivresse de passer des rues désertes au carrefour de Shibuya, comme aurait dit André Breton, le Japon, le lieu où le haut et le bas, l'envers et l'endroit, le blanc et le noir cessent d'être perçus contradictoirement.

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Mais impossible d'échapper à la couleur que le soleil exacerbe.

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Ni à la couleur des comportements, comme celui de cet homme qui soudainement se poste jambes écartées et yeux fermées au milieu de la rue, reste immobile de très longues minutes, puis repart comme après une sieste réparatrice.

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Le Japon, pays des paysages et de la nature, même au coeur des villes, même sur les camions.

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Le Japon est aussi le pays des joyeux délires.

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Mais le plus troublant, ce sont ces scènes de roman ou de cinéma auxquelles on peut être confronté à chaque coin de rue. Voici une histoire de départ, de clandestinité, d'indépendance et de défi qui vous est livrée en un regard.

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Et ici, il est question d'attente, et peut être d'une ardente patience.

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En noir et blanc et en couleurs, plein les yeux du kaléidoscope japonais !

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14/08/2013

Beauté du contresens

La formule est empruntée au titre d’un livre de Philippe Forest, lui-même inspiré par Marcel Proust qui écrivait : «Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère. Sous chaque mot chacun de nous met son sens ou du moins son image qui est souvent un contresens. Mais dans les beaux livres, tous les contresens qu'on fait sont beaux.».

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Ce qui est vrai pour la littérature ne l’est pas moins pour les pays étrangers. Le plus souvent, nous ne voyons que l’écume, et lorsque nous avons le sentiment d’aller au-delà, notre regard est tellement d’ailleurs qu’il ne peut que voir différemment de celui qui vit dans ce pays et en maîtrise la culture, les codes, l’histoire, les références, la symbolique.

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A ce titre, rien de plus agaçant que les phrases qui commencent par : « Les japonais sont… ». Les japonais n’existent pas plus que les français, les grecs, les polynésiens ou les moldaves. Il y a des japonais, 127 millions exactement et une diversité infinie d’individus qui pourraient tous constituer un contre-exemple de certains de leurs concitoyens.

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La généralisation est, comme toujours, une réduction paresseuse, loin de la synthèse subtile que l’on peut souvent observer de ce côté ci de la terre.

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Voilà pourquoi, il n’y a pas de voyage, il n’y a que des voyageurs.

13/08/2013

A pied

Marcher sans itinéraire, sans plan, sans autre volonté que de découvrir des lieux nouveaux, laisser advenir la poésie, par exemple cette petite fille qui vole sur la piste et continue de courir entre les courses, ni les filles ni les garçons ne la rattrapent, ou ces immeubles depuis lesquels on vous observe, ou ces jeunes filles qui vous invitent à conjuguer des langues inconnues, ou même ce stalinien palais du gouvernement inspiré par Notre-Dame (pour mieux souligner que la politique tient du religieux ?) qui se teinte la nuit de beaux éclats de gris ou encore cette gargotte ou vous pouvez partager la fin de journée avec les habitués. Mais puisqu'il est question de poésie, laissons la parole à Rimbaud, dont les phrases sont des haikus.

Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, - loin des gens qui meurent sur les saisons.

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J'ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames.

 

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J'ai essayé d'inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues.

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Il faut être absolument moderne.

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Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et à l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.

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et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps.

 

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12/08/2013

A l'écart

Lorsque l'on aime la pédagogie du détour, les chemins de traverse, la sérenpidité, la perte de repères, la découverte et l'inconnu, impossible de ne pas se rappeler, ce que les lumières de la ville s'acharnent à faire oublier, qu'Osaka est un port. Et qu'il fait toujours bon rôder dans les docks et les quartiers portuaires. Il faut tout d'abord éviter le trois mats de pacotille qui virevolte tel un zodiac au milieu des grues.

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Et puis il faut marcher, traverser des no man's lands, longer des entrepôts, passer sous des Express ways, sans jamais perdre la mer de vue.

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Entre les friches, des immeubles, quelques commerces, du linge au fenêtre, l'environnement a ses familiers qui vivent là et y sont chez eux.

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Avec leurs habitudes, leurs rendez-vous, leurs copains et toute une vie à proximité du port. Ceux-là sont-ils partis un jour ?

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Quels marins et quelles mers ont vu ces bateaux ? dans les ateliers, on profite du bruit des machines pour se raconter des histoires de mer que nous ne connaîtrons jamais.

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Ici comme ailleurs, antennes de télévision et paraboles tentent de ramener par les ondes un surplus de vie en ces lieux immobiles.

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Quelques immeubles récents sont venus modifier la géométrie du quartier. Mais celui-ci n'a pas eu raison de la boutique du rez-de-chaussée, qui résiste encore et toujours et semble trouver sans importance qu'on lui ait greffé un tube de verre et d'acier au dessus de ses oreilles.

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Dans ces espaces vides, les architectes trouvent leur bonheur et peuvent s'autoriser ce qu'on leur refuserait ailleurs.

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Les canaux finissent par vous ramener au coeur de la ville. Mais après tout, qui nous dit que ce n'est pas simplement le centre et que le coeur on vient de le laisser derrière nous, là-bas dans les quartiers du port. Oh, Osaka !

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11/08/2013

Des villes dans la ville

C'est une des caractéristiques de New-York, que l'on retrouve à Osaka : en changeant de rue, au détour d'un immeuble, on change de quartier et l'on change de ville. Les journalistes sans imagination diraient "sans transition". On préfèrera l'idée d'identités rapprochées multiples (IRM), autrement dit l'art d'avoir plusieurs personnalités sans avoir jamais été diagnostiqué schizophrène (attention toutefois de ne pas tomber sur un toubib plein de certitudes et de zèle).

Cela commence de manière bucolique dans Kita et ses larges avenues désertes du dimanche matin.

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Puis surgit Amerikamura, ses boutiques, ses musiques et ses symboles américains.

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Dans ce quartier considéré comme original, il y a pourtant des garçons...

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...et des filles. Quoi de plus normal ?

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Au Sud d'Amerikamura, sur les bords du canal Dotombori, quelques Love Hotels, dont le Rose Lips, qui attend ses clients et son romancier.

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Plus ou moins discrets, les clubs s'affichent.

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A quelques pas de là, à Den Den town, on peut acheter de l'électronique, de l'informatique, des jeux, vidéo,...c'est le paradis des Geeks. Mais on y trouve également de petites démones et des enfants abandonnés pendant que leurs irresponsables parents courent les rayons des bazars numériques de Den Den Town.

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Une rue à traverser et l'on découvre Shinsekai. Un quartier qui en recèle lui-même plusieurs. Tout d'abord celui du Kitch absolu avec couleurs criardes, Tour ringarde, figurines à taille humaine et décor de carton pâte.

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Mais ici encore, il suffit de traverser une rue et l'on découvre un univers plus populaire, plus pauvre, où la lumière et l'artifice ne dissimulent guère l'effort que peut constituer parfois une vie.

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Il y a des commerçants qui attendent, face à leur magasin...

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...des habitués qui se saluent, et saluent le chien aussi...

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...et aussi des bars tenus par des femmes où des hommes viennent chanter du karaoké, et chantent aussi lorsqu'ils sont seuls, et encore des salles que seuls les hommes fréquentent.

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Derrière un bar, une de ces photos, placardées partout, d'Oscar...pardon de Shinzo ABE, le premier ministre.

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Quelle surprise, dans ces rues pauvres d'un autre temps de découvrir tapie au fond d'un garage une Rolls Royce Silver Dawn de 1949 !

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Et quand on entend soudain : "...et ils pissent comme je pleure sur les femmes infidèles" on se demande si les 36° à l'ombre n'ont pas fait leur oeuvre, avant de découvrir le chanteur de rue, français, qui enchaîne Brel et Brassens devant des japonais interloqués.

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Logés entre  les ExpressWays qui parcourent la ville, les quartiers d'Osaka écrivent sans hâte une poétique et troublante vision du monde. Oh, Osaka !

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