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10/08/2013

Oh Osaka !

Si vous avez parcouru quelques chroniques japonaises, vous connaissez désormais la nouvelle trinité : un shinkansen, un livre, un bento.

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Et lorsque vous arrivez à Osaka, c'est le choc. Plus dingue que Tokyo, plus extravertie, plus naturelle, Osaka vous offre d'emblée un séduisant visage, fait d'excès et d'exhibition.

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Après le volcan hier, c'est un puit de lumière qui vous engloutit et ne demande qu'à abolir la nuit. 

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A Osaka, les garçons mettent un point d'honneur à n'être point trop virils. Pour la plupart, pari réussi.

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Mais la maladie du cheveu en forme de touffe ne touche pas que la jeunesse japonaise.

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Et il y a aussi les rabateuses, comme cette jolie jeune fille qui tente de convaincre le chaland de venir dans son karaoké ou bar à entraîneuses.

 

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Pendant ce temps, ses copines font la pause avec ces attitudes qui se veulent si "kawaî".

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Osaka et ses kilomètres de galeries marchandes, aux lumières aggressives et musiques hurlantes. Le paradis du Dieu de la consommation dont les temples sont les magasins.

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Mais c'est en dehors des galeries que l'on trouve les "Pachenkos" ou salles de jeu ouvertes à l'attetio des jeunes .........et de tous les autres tant il paraît ne pas y avoir d'âge pour devenir addict.

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De grands enfants les japonais ? pourquoi pas, mais alors comment expliquer que le Japon soit la 3ème puissace mondiale si les hommes se résument à des accros aux figurines, des geeks et des joueurs de console. Oh et puis pourquoi toujours tout expliquer, à l'occidentale ? ok, laissons tomber, contentons nous d'apprécier : Oh Osaka !

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09/08/2013

Asosan

Il faut prendre le joli train rouge qui part de la ville de Kumamoto, ou plutôt de la ville de l'ours Kumamon, l'omniprésente mascotte qui rend les gens heureux. En même temps, ça marche (le train et la mascotte).

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Après avoir serpenté à flanc de montagne, on pénètre dans une des plus grandes caldeira du monde avec ses 120 kilomètres de circonférence. Au centre de ces effondrements éruptifs, de vertes cultures dessinent une douce chevelure à la terre de lave.

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Le Mont Aso, c'est un ensemble de cratères, dont la plupart n'ont plus d'activité mais dessinent une géologie fascinante : petite plongée dans les âges de la terre.

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Mais celui qui attire tous les regards, c'est le cratère fumant du Naka-Date, actif depuis le début du siècle et qui compte quelques morts à son actif. Pas du fait d'éruptions massives et spectaculaires avec projections de magma, de pierres, de lave et coulées de feu, non de manière plus subtile, plus inattendue, avec des émissions de gaz, de cendres, quelques "bombes", la mort sous-jacente qui ne vous regarde pas en face mais surgit à l'heure du destin.

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Au fond du chaudron de sorcière, la cuisine est faite au souffre et bouillonne sans relâche.

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A quelques pas de là, comme sur tous les sites volcaniques actifs, des champs de laves anciennes et de cendres offrent des paysages zens. Etrange sensation que de marcher sur la poudre noire en entendant ses pas raisonner sur les cavités creusées par la lave.

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Le Mont-Aso est un des rares volcans actifs dont le cratère est aisément accessible. Il est donc très visité par les japonais qui, contrairement aux touristes, savent adapter leur tenue à la nature des lieux : honneur à Asosan !

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08/08/2013

Dans la valise

Une valise n'est jamais prête si on ne l'a pas saturée de quelques livres, qui contribuent à la couleur du voyage. On est ce que l'on mange, ce que l'on voit, ce que l'on aime ou déteste, ce que l'on lit. Cette affirmation est plus vraie ici, de l'autre côté de l'hémisphère, qu'en France. Dans la littérature japonaise, l'état d'esprit des protagonistes n'est pas dépeint par de longues explications psychologiques voire psychanalytiques dans lesquelles on ressasse comme un vieux chewing-gum le roman social et familial, il en est plus sobrement rendu compte par l'apparence que prend le monde, la perception de l'environnement. Et l'on ne sait plus très bien qui, de la perception et de l'environnement, fait l'oeuf ou fait la poule. C'est ainsi que les personnages d'Edogawa Ranpo créent des mondes fabuleux, abolissant toute barrière entre le fantasme et la réalité.

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Cette symbiose entre l'homme et l'environnement qui le façonne irrémédiablement, loin de l'essentialisme et de l'abstsraction occidentale, est encore plus marquée dans le chef d'oeuvre de Fuminori Nakamura "Pickpocket". La légèreté de l'écriture, comme une écume glissant sur la ligne d'horizon, est l'indispensable délicatesse de l'auteur pour nous rendre supportable la mélancolie de ce superbe récit dans lequel il est question d'un voleur de portefeuille, de tours du destin, de yakuzas, du hasard, de la nécessité, des fils que l'on a eu et de ceux que l'on aura pas, et de bien d'autres choses encore parmi lesquelles la manière d'aller au-devant de la mort comme une issue vers tous les possibles. 

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Car il n'est pas nécessaire de faire lourd pour être profond. L'écriture de Banana Yoshimoto est comme une brise dans les saules et les peupliers, un frétillement de vie au  coeur d'un été qui prolonge les journées jusqu'à l'infini. Ou comment raconter une affaire de famille sans se croire obligé de rendre grâce à papa Freud à toutes les pages. Mais quel est donc le secret de cette 98ème nouvelle qui pousse au suicide tous les traducteurs ?

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Il aurait également pu y avoir dans la valise les bouquins de Michael Ferrier (Tokyo, petits portraits de l'aube ; Sympathie pour le fantôme), mais ils ont déjà été lus et relus. On ne saurait trop conseiller ces ouvrages d'un auteur né en Alsace aux origines indiennes et mauriciennes et qui enseigne à Tokyo. Encore un qui trouve curieux que l'homme et ses deux jambes se revendique "de souche", tel un arbre mort.  Mais par contre, il y a bien sous les T-shirts et les bermudas, l'inévitable Cendrars, parce qu'on voyage toujours en bonne compagnie avec quelqu'un qui est partout chez lui.

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Sinon, depuis le train, on peut aussi jeter un coup d'oeil sur le paysage, pour vérifier que les montagnes jouent aux notes de musique sur les lignes électriques. On souhaiterait que la musique, comme le voyage, ne s'arrête jamais.

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07/08/2013

En train

Le pays du train. Incontestablement, c'est au Japon que les amoureux du rail doivent s'établir. D'ailleurs, ils ne les quitteraient plus les trains : on peut y manger, dormir, s'émerveiller de la diversité des paysages, lire ou encore regarder passer les charmantes vendeuses de boissons dont le sourire vaut la contemplation du Mont-Fuji et qui saluent et remercient en entrant et sortant du wagon, y compris lorsque tout le monde dort et que leur voix comme un chant d'oiseau traverse vos rêves. Car le train au Japon c'est d'abord une poétique. Comme celle de ces improbables passages à niveau en plein coeur de Tokyo.

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Ou celle de ces gares où l'herbe pousse et qui sont les uniques lieux de croisement des trains sur ces voies uniques qui desservent les alentours de Kyoto.

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Les quais de gare sont comme les terrasses de café, des lieux d'observation inépuisables.

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Et si vous tournez la tête, vous découvrez au loin cette étrange procession d'un autre temps, celui où tout se faisait à pied.

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Mais bien vite le maître des lieux reprend possession de la voie, avec le renfort de la pluie pour chasser les importuns qui se mettent au travers de son passage.

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Lui-même devra s'écarter devant le roi absolu du rail : le Shinkanzen ou "Bullet train", dont l'esthétique est à l'unisson des performances, parmi lesquelles celle d'avoir un retard moyen toutes lignes confondues, de 20 secondes. Ce n'est ni une coquille, ni le saké, ni le décalage horaire, les centaines de Shinkanzen qui traversent le Japon chaque jour ont une précision moyenne inférieure à la minute. Comme quoi, c'est possible.

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Ce qui est possible également, c'est le confort absolu dans le train et une nourriture hors-pair : les ikaben ou bento, autrement dit des boîtes, vendus dans les gares, sont des assortiments de mets raffinés, différents selon les régions, que l'on déguste pendant le trajet avant de dormir et de regarder le paysage. Car le train est un rituel, et ce rituel est un plaisir. Allez, en train !

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06/08/2013

6 Août, 8h15

Hiroshima est une ville joyeuse. Provinciale mais affranchie, moderne mais avec des langueurs du temps d'avant, emplie d'écolières et de jeunes gens manifestement heureux de vivre, et de vivre ici. Curieux mélange des temps que celui que l'on peut rencontrer à Hiroshima. La douceur d'une soirée, le calme de l'eau, la musique, les lumières, la chaleur des soirs d'été, et ce curieux dôme sur la droite.

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Qui est l'un des rares immeubles a avoir résisté au blast de la bombe qui explosa 600 m au dessus du centre-ville. Car c'est sur une ville, pour mieux mesurer les effets destructeurs de l'engin et propager la terreur chez les soviets, que l'on choisit de faire exploser la première arme nucléaire de l'histoire. Faut-il rappeler qu'à peine descendu de l'Enola Gay, l'équipage fût décoré pour cela.

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Comme chaque année, la cérémonie anniversaire se tenait dans le parc de la Paix, délimitée au nord par la flamme qui ne s'éteindra que lorsqu'auront disparu les armes nucléaires, et au sud par le musée du mémorial.

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Et cette année encore on privilégia la parole officielle à celle des encore survivants.

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Le 1er Ministre Shinzo Abe, prononça un discours dans lequel il était question de paix puis retourna augmenter le très faible budget japonais consacré à la défense (moins de 1 % contre 1,6 % en France).

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Mais au-delà des discours, comment ne pas être pétrifié par le gong de la cloche qui retentit à 8h15. Le son vibre une minute, il fallût moins de temps pour semer la mort sur plus de 200 000 personnes.

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Aujourd'hui, la ville est emplie de lumières, son quartier chaud accueille les salary men en fin de journée, sa vie nocturne est intense, sa douceur sans pareille.

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Les écolières oublient sous le soleil qu'elles devront se soumettre à d'innombrables QCM au cours de leur scolarité. Elles rient si on leur parle de normalisation.

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Face au dôme, les baigneurs célèbrent à leur manière le 6 août.

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Des manifestants exigent des engagements fermes en matière de dénucléarisation.

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Et se font conspuer par quelques abrutis nationalistes, on en rencontre sous toutes les latitudes, qui tentent de masquer leurs frustrations derrière leurs drapeaux.

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Ombres et lumières de ce japon aux multiples reflets, comme le ciel d'Hiroshima qui restera à jamais un ciel de feu.

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04/08/2013

Soudain, Bacon

Soudain, car ce n'était pas prévu. Aucun indice préalable de cette première rétrospective de Francis Bacon en Asie depuis sa mort. Et soudain un prospectus, au musée de la photographie de Nara, indiquant qu'après avoir été présentées à Tokyo au printemps, les 33 toiles, dont 6 triptyques, étaient installées au Musée municipal d'art moderne de Toyota. Un coup de Shinkansen et de train suburbain, et nous y sommes. Bonheur des trains japonais qui vous téléportent en tout lieu avec le sourire. Et plaisir immense de pouvoir se pencher pendant des heures sur ces toiles disséminées aux quatre coins du monde et qui ne seront peut être plus jamais rassemblées.

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L'exposition a été un succès à Tokyo, où Bacon est une référence pour nombre d'étudiants des Beaux-Arts. A Toyota, le public est nombreux, exclusivement japonais...à deux exceptions près.

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Figure Study II

A l'émotion de découvrir les toiles et le mystère de la peinture de Bacon, y compris au plan technique, s'ajoute une interrogation particulière : de quoi Bacon parle-t-il aux japonais ? par exemple dans cette toile qui pourrait être japonisante avec le parapluie ombrelle, le vêtement couvrant aux motifs colorés, la rarissime présence de plantes, les touches de couleur de la partie basse à droite, que peut y voir un japonais qui découvre l'oeuvre pour la première fois ?

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Study for the human body

Voit-il dans cet homme seul qui semble quitter la scène une allégorie de l'isolement du Japon, qui tint longtemps lieu de politique, de sa singularité, plus fantasmée que réelle (mais un rêve partagé devient réalité), ou de sa pudeur ?

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Three figures and portrait

Car dans ce pays où le rapport au corps est si problématique, que peuvent susciter ces corps exposés, à la fois surexposés d'ailleurs et effacés par l'éponge ou le chiffon qui sont venus fondre traits et couleurs dans d'improbables mouvements que les commissaires de l'exposition ont rapproché, sans convaincre totalement, du Butho ? Et que pouvait penser cet homme en fauteuil, aux jambes atrophiées qui regardait ces figures aux membres martyrisés ?

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Sphinx III

Voici donc une nouvelle énigme pour le Sphinx. Comment l'oeuvre d'un occidental britannique, homosexuel, aimant la corrida, autodidacte, innovateur scandaleux, peintre de la chair incarnée, de la violence et de la solitude fondamentale peut-elle dialoguer avec la culture japonaise ? mon ignorance de la culture nippone ne me permet pas de répondre à la question mais le simple fait d'avoir pu me la poser m'a permis d'avoir, soudain, un autre regard sur les toiles de Bacon.

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03/08/2013

Bestiaire

De Tokyo la mégapole, à Kyoto la provinciale en passant par Nara la campagnarde, dans toutes les villes les animaux font partie non pas du décor mais de la vie même. Impossible, par exemple, d'échapper aux chants des grillons, que les japonais savent, paraît-il, différencier.

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Impossible également de ne pas subir les ricanements ironiques des corbeaux et corneilles qui traînent en tous lieux, plus efficaces surveillants de vos gestes que Big Brother.

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Les bassins des jardins accueillent les carpes en kimono, pour elles c'est tous les jours tenue de gala.

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A proximité, il n'est pas rare de surprendre le regard d'une tortue, qui vous scrute tel un vieux samourai suspicieux et belliqueux.

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Plus pacifiques, les hérons cendrés feignent l'indifférence mais leur regard en coin n'en perd pas une miette. Sachez-le, il y a toujours un animal qui vous regarde.

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Les biches de Nara guettent le chaland et lui feront sans vergogne, et même avec insistance, les poches (de gâteaux).

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Dans les temples, le boeuf offre sa bienveillance comme le japonais sa courtoisie. Au point que vous le laissez décider lui-même du voeu qui sera le vôtre.

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Il y aurait encore les chats de rue, les hirondelles de fil et surtout le mythique lapin japonais qui tient plus du lapin blanc d'Alice au pays des merveilles que du Bugs Bunny macheur de chewing-gum.

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Et puis il y a, évidemment, les papillons.

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02/08/2013

Un chemin sans fin

A l'ouest de Kyoto, au pied des collines, bordant un ruisseau d'eau claire, serpente le chemin des philosophes. La voie fût ainsi nommée en hommage à Nishida Tikaro qui s'y promenait, et donc y travaillait, rejoignant la cohorte des philosophes marcheurs (Aristote qui se promenait avec ses élèves, Kant et ses marches quotidiennes, Rousseau au bord des lacs d'Annecy et de Genève, Heidegger dans les Monts de Bavière, Nietzsche, dans l'Engadine, ...). Mais les poètes les plus inspirés étaient également de grands marcheurs, Rimbaud ou Holderlin par exemple. Et tout marcheur qui se respecte se surprend à être à la fois philosophe et poète. Ce qui accroît son champ de vision.

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Tous ceux qui marchent reviennent à la nature première de l'homme : le nomadisme. Car l'homme sédentaire est une création moderne qui trouve son aboutissement dans l'homme assis à son bureau. Heureusement pour les toqués de la technologie, et ils ne sont pas rares au Japon, la technologie est redevenue mobile ce qui permet au moins de prendre l'air. Conseillons Montaigne à ces salary men : "Mes pensées dorment si je les assis".

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Suivons donc Montaigne et revenons au chemin des philosophes : "Philosopher c'est être en route" disait Karl Jaspers. Une fois la route prise, le rêve vient plus facilement au marcheur qu'au dormeur.

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Le rêve est-il prémonitoire, explicatif, illustratif, dépourvu de sens, fantasme, inconséquence, refoulement, défoulement, exutoire, envie, plaisir...? Mais nous sommes au Japon, ne l'oublions pas, pays non pas des contraires mais de la dialectique, de la synthèse et de ses belles créations. On voudrait qu'il ne finisse jamais le chemin des philosophes.

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01/08/2013

Ne pas oublier d'oublier

Au détour d'un corridor, d'un tatami, d'une porte coulissante, d'un bosquet, d'un chemin que les arbres, mousses et rochers accueillent, la surprise vous guette. Car si les temples japonais sont lieux de méditation, ils sont également conçus pour dérégler vos repères, perturber vos habitudes et au sens premier de l'expression, vous faire perdre la raison. Car il faut se perdre, mais se perdre vraiment pour se retrouver.

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Comme partout ici, c'est le dialogue entre les éléments qui importe, plus que les parties ou le tout. Ainsi, devant le Pavillon d'or on repense à Mishima pour qui le temple puise sa force dans la sensualité de l'étang. Comment dire plus simplement que l'individu est indétachable de l'environnement dans lequel il vit ?

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Ce matin je lisais Christian Garcin à propos du jardin zen de Ryôan-ji : dans ce jardin 15 rocs, mais où que l'on soit assis, on ne peut jamais en voir que 14. Garcin racontait le sentiment de honte qu'il éprouvât à se mettre sur la pointe des pieds, en bout de jardin, pour apercevoir les 15 : "...honte de m'être conduit comme un Occidental sceptique et raisonneur, un petit malin qui veut à toute force démontrer qu'il peut avoir raison face à une règle ancienne, traditionnelle, établie". Il est vrai que pour prendre plaisir à la règle, il faut mettre son ego dans sa poche, et pour apprécier les jardins zen aussi.

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Plus que l'ego d'ailleurs, ce sont les trois humiliations de Freud qu'il nous faut oublier avant de plonger dans les jardins zen : l'homme n'est pas le centre de l'univers, l'homme est un animal et sa volonté est incapable de gouverner chacun de ses actes. Une fois dépassé tout ça, cela va tout de suite mieux.

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17/06/2013

Pas classique

Vous êtes une star, et même deux. Vous avez travaillé beaucoup pour développer votre talent. Avec beaucoup de plaisir, mais aussi de volonté, d'abnégation, d'humilité. Vous êtes reconnu par vos pairs, par votre environnement, par les connaisseurs, par des inconnus. Chacune de vos sorties est un nouveau triomphe. Le temps  est venu des récompenses, de l'admiration, du sommet de votre art. Que faire ? surfer sur le succès, jouir enfin des efforts accomplis, s'épanouir dans la maturité qui ne fera que confirmer votre exceptionnelle maîtrise du sujet ? mais non, ce serait trop classique.

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Alors vous repartez dans les bibliothèques, dans les partitions, dans les textes oubliés, à la recherche de musiques presque disparues. Et plutôt que de vous demander quel compositeur mettra le mieux en valeur vos atouts, vous mettez votre art au service de sonorités nouvelles dont vous ne savez comment elles seront accueillies. Quand on s'appelle Cécilia Bartoli et Diego Fasolis, la meilleure manière de faire du classique, c'est de ne pas l'être. Et vous vous mettez à deux, en écho, la voix de la cantatrice qui guide l'orchestre et le corps du chef qui chante avec elle,  pour démontrer une nouvelle fois que l'on ne se sécurise qu'en se mettant en danger.

11/06/2013

De la motivation

Il paraît que la première campagne a été un succès. Alors c'est reparti. Et sur les murs du métro refleurissent  ces affiches judéo-chrétiennes qui érigent la pédagogie de la culpabilisation en parangon de la motivation inconsciente. Et reprennent au final cette antienne que partagent nos gouvernants et pas mal de managers : la motivation négative, il n'y a que cela de vrai. Ainsi, on promet à cette grenouille sautant les portillons la sanction qui menace au bout du quai.

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C'est oublier un peu vite que dans la France d'Astérix et des petits malins "on a le droit de ne pas respecter les règles, mais pas de se faire prendre". Mais l'imagination ne paraît pas être le fort des concepteurs de la campagne, qui rassurera sans doute les opposants au mariage pour tous. Représenter les hommes en cochons et les femmes en poules  témoigne en effet que ceux qui craignent la théorie du genre peuvent dormir tranquilles, alors que le sommeil des tenants de l'égalité professionnelle s'en trouvera perturbé.

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Mais le pire, c'est sans doute l'image des perruches roucouleuse qui, par la faute d'un instant d'amour dans ce monde de brutes, empêchent les quidams de courir vainement après le temps perdu. Mais cessez donc de vous aimer, que diable, vous encombrez le passage.

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Qu'on se le dise, le passager du métro doit pouvoir courir sans entrave et refouler dans la foulée tout regard sur la foule, où il ne verrait que poules. On voudrait nous expliquer que dans le métro il vaut mieux ne pas traîner et qu'en ces lieux il ne fait pas bon vivre,  on ne s'y prendrait pas autrement. Il faudra peut être, soyons fous, attendre la troisième campagne pour que l'on nous explique qu'il est doux de prendre le métro, ce lieu de rencontres improbables où l'amour vous guette au coin des voies. Pour une entreprise de transports en commun, ce serait bien le moins.

29/05/2013

Plus vite, plus haut, plus fort

Vous faisiez quoi vous le 5 juin 1983 ? vous ne vous souvenez pas ? (si vous étiez né...). Moi j'avais planté tous mes bouquins de droit, mes polycopiés, mes notes, mes résumés, mes plans en deux parties, mes angoisses devant le nombre de cours séchés, mes exaspérations de ne devoir solliciter que ma mémoire pour répondre aux sempiternelles questions de cours, bref, j'avais fait un break pour regarder Noah en faire trois et remporter Rolland Garros. Quel pied ! Mais en revoyant la finale, rediffusée ces jours derniers pour le trentième anniversaire, grosse surprise : j'ai cru visionner un ralenti. Des balles molles, des coups qui passent trois mètres au dessus du filet, des joueurs statiques (pourtant quels athlètes Noah et Wilander) qui attendent que la balle arrive à eux, des frappes qui partent trois secondes après le rebond de la balle, bref un jeu qui ne permettrait pas de passer le premier tour aujourd'hui. Et pourtant, que c'était beau.

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Aujourd'hui, le centième mondial tape trois fois plus fort, la balle va deux fois plus vite et elle décoiffe le filet à chaque échange. Bien sur, c'est vrai dans tous les sports et la comparaison d'époque, en matière sportive, n'a pas grand sens. Coppi, Merckx et Hinault ne batailleront jamais côte à côte dans un col des pyrénées et comparer leur vitesse d'ascension est absurde. Sauf à démontrer que vient le moment où la performance va un peu au-delà de l'humain, un peu au-delà des limites, et que pour aller encore plus vite, plus haut, plus fort, il faut un peu plus de potion magique, de pillule mystère, de muscle artificiel, de sang oxygéné et de corps trafiqué.

Et du coup, on peut se demander si les mêmes potions, ou leurs variantes, n'accompagnent pas ceux qui voient proliférer les informations à traiter, s'accroître sans fin la circulation de l'information, se raccourcir à l'infini les délais, monter toujours plus haut les objectifs, taper encore plus fort les managers, eux-mêmes aux abois et qui ne rêvent que d'être aux abris. Alors, tout augmente ma pov'dame ? oui, sauf les impôts bien sur !

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23/05/2013

Salud Giuseppe

On ne fait pas l'amour, c'est lui qui nous fait

(André Hardellet)

 


23/02/2013

Les otages et le bourreau

Seuls ceux qui ne l'ont jamais été utilisent à tort et à travers le mot "otage". Pas un mouvement social sans qu'un journaliste ne considère que les usagers, les clients ou les autres salariés sont pris en otage par les grévistes, qui s'en tiennent le plus souvent,  à retenir un ou deux dirigeants dans leur bureau, lorsqu'ils vont jusque-là. L'affaire Spanghero nous a fait franchir une étape de plus dans l'allégorie. Selon le communiqué du personnel, le Gouvernement a condamné à mort 300 salariés en retirant l'agrément sanitaire à l'entreprise. Et voici maintenant les assureurs qui demandent au Parlement de ne pas permettre aux accords collectifs, dans le cadre de la généralisation de la couverture santé complémentaire, de désigner des organismes de prévoyance obligatoires mais de laisser la libre concurrence faute de détruire des emplois. Si l'on s'inscrit dans ces logiques, il faudrait rétablir la peine de mort pour ne pas laisser le bourreau au chômage.

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Instrument pour la question - Collection personnelle du bourreau F. Meyssonnier

Cette manière de poser les questions n'est jamais que la traduction de la vie ramenée à sa dimension économique. Dans cette optique, tout ce qui créé de l'activité est positif et ce qui en détruit négatif. A cet égard, une catastrophe naturelle est souvent une opportunité économique : si le Japon a connu un recul de son PIB l'année de Fukushima, les gains à moyen terme sont bien supérieurs au recul constaté. On peut avoir cette vision là, il s'agit juste d'être conscient de la hiérarchie des valeurs qu'elle sous-tend.

29/01/2013

PERSONNEL ET CONFIDENTIEL

Ceci est un message personnel et confidentiel. Toute personne autre que sa destinataire qui en prendrait connaissance ne pourrait en faire aucun usage, d'aucune sorte et en aucune manière. Toute transgression fera l'objet d'une information immédiate de la CNIL qui, dans son approximative et arbitraire conception du droit, ne manquera pas de déclencher toutes sortes de menaces imprécises et éventuelles, espérant ainsi créer chez le fautif un sentiment de terreur que l'on désignait autrefois sous le nom de culpabilité. Si la crainte de ces sanctions n'était pas suffisante, et si vous persistez malgré tout à vouloir prendre connaissance de ce message PERSONNEL ET CONFIDENTIEL, alors vous vous exposeriez au pire : découvrir qu'il ne vous est pas destiné.

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En souvenir de Cervantes

d'Alfonse XIII et de tous les autres

les nombreux autres

En souvenir de l'avenir

 A la Gitane, à la Flamande

Feliz Cumpleano

Libertad, comida y s--o


podcast

02/01/2013

Petites histoires

"Il n'y a pas si longtemps, on allait au confessionnal pour raconter ses petites histoires...

- Je sais, j'y ai eu droit aussi...

- C'est fou ce que les gens aiment bien raconter leurs petites histoires...

- On ne peut pas dire que sur ce plan là, les choses changent beaucoup...

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Clovis Trouille - Le confessionnal - 1939

- Et puis les églises se sont vidées, moins de monde à confesse...

- Les divans par contre se sont chargés. Le psychanalyste a souvent remplacé le curé...

- La chanson pour autant ne variait pas beaucoup...

- Hé non, il s'agissait toujours de raconter ses petites histoires...

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Picasso - Femme allongée sur un divan - 1935

- Mais le divan a lui aussi perdu sa clientèle...

- Hé oui, aujourd'hui pour les petites histoires, il y a le mur...

- Le mur ? de Berlin ?

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- Non, celui-là il s'agissait de le faire tomber, le mur moderne, c'est celui de Facebook et il faut le monter pour le montrer...

- Facebook, c'est anglais non ?

- Américain plus exactement...

- C'est pareil, dans les deux cas on dit The Wall...

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- Et ça te gêne pas dans The Wall la phrase : "We don't need no education..." ?

- Cela concerne juste une forme d'éducation, pas toute éducation...

- Mais toi, avec ton blog, tu fais pas ton mur aussi ?

- Non, moi c'est pas un mur, c'est un blog...

- Ah oui, évidemment, c'est pas pareil...

- Ben non, c'est pas pareil".

01/01/2013

2013 en dansant

Pour passer en 2013, le Théâtre Royal de Madrid a invité Mark Morris et sa compagnie, et la musique de Mozart. 

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Dans la musique et la chorégraphie, tout ce que l'on se souhaite pour 2013 : virevolte, humour, technique, liberté, joie, plaisir, envie d'être ensemble, beauté et au final l'émotion de voir tout ceci rassemblé avec une grande simplicité. 

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Le premier tableau est celui des filles, le second celui des garçons. C'est, de loin, le second qui est le plus bouleversant. Les hommes dansent en souriant, pleins de grâce, de force, de douceur, de puissance, de délicatesse, de rouerie et de subtilité. Le dernier tableau, qui associe les deux groupes, poursuit le charme qui restera longtemps présent.

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Pour Mozart, le plus nécessaire et le plus difficile en musique c'est le tempo. Souhaitons nous de trouver et de garder le bon tempo en 2013. BONNE ANNEE A TOUTES ET A TOUS.

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30/12/2012

C'était mieux avant

Pour tous les nostalgiques du XXème siècle, voici des jouets de Noël qui les raviront. Tous les petits plaisantins qui ont contribué à faire du siècle précédent l'un des plus meurtriers qui soit sont là réunis : Staline, Pinochet, Mussolini, Franco, Hitler ont l'air plutôt satisfaits. On ne peut s'empêcher de considérer que Fidel est un intrus au milieu d'une telle brochette, mais l'éditeur ne semble encombré ni par les scrupules ni par l'histoire.

Sans doute qu'il ne sera pas possible, au début du XXIIème siècle, de trouver dans une vitrine des figurines de Rajoy, Merkel, Hollande, Cameron, Monti ni  même d'Obama. Et c'est sans doute une très bonne nouvelle.

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26/12/2012

Mejores no hay !

Le 26 décembre 1891, il y a 121 ans, naissait Henry Miller qui comme Picasso savait que le plus difficile est de retrouver l'instantanéité de l'enfant lorsque l'on peint.

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Henry Miller - Sans titre - 1944

En 1953, Miller traverse l'Espagne Franquiste avec un couple d'amis et la photographe Denise Bellon. Un livre récemment paru témoigne de ce voyage. Il porte le titre "Mejores, no hay !", autrement dit : "Y a pas mieux !". L'incroyable avec Miller, c'est qu'il n'y a jamais mieux que ce qu'il est en train de faire. Qu'il soit en Grèce, à Big Sur, à Paris, en Espagne ou dans les rues de New-York, qu'il soit à l'aise ou sans un sou, qu'il soit en train d'écrire, de peindre, de manger ou de lire dans les lieux d'aisance : "Y a pas mieux !". Miller aimait la vie, et la rue : "Les journaux peuvent bien mentir, les magazines affabuler et les politiciens truquer la réalité, la rue, elle, est hurlante de vérité.". Il est toujours temps d'aller vérifier.

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22/12/2012

Cette année là

 

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Voilà,  cette année là, cela devait à peu près ressembler à ça. La neige, la Garonne, l'hiver, un peu de brume. J'ai rien vu mais on m'a raconté. Il y a quand même des trucs dont je me souviens, mais c'était un peu plus tard. Bref, j'ai cinquante ans.

JE ME SOUVIENS.pdf

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