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02/02/2012

Pêcheuses de lune

La vague de froid coule sur les campagnes comme un Tsunami silencieux qui enferme les hommes dans les maisons et libère les espaces. Le gel s'abat sur la nature et la fige. L'immobilité gagne les humains, même les animaux se font discrets. Le ciel est clair, le froid n'en est que plus vif. Comment dans ces conditions suivre l'actualité ? l'engagement nécessite ces moments de distanciation. Lorsque le flot des agitations multiples s'est retiré, poussé par un froid toujours plus présent, c'est le moment. Il est possible d'aller à la rencontre des pêcheuses de lune.

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Paul Chabas - Blonde au crépuscule

Les pêcheuses de lune apparaissent peu. Par nuit claire elles sont dans les lacs, sous les reflets. Elles effraient les hommes, illuminent les enfants, peu de femmes les voient. Ephémères lucioles, elles vous offrent ce qu'elles ont de plus précieux : le temps. A chacun de le préserver lors de son retour, demain, dans l'actualité.

24/01/2012

Prendre le temps de la performance

Séminaire interne consacré à la performance de l'entreprise, soit les résultats et leurs conditions. Le sens de l'action et ses modalités. Questionnement autour de "Qu'est-ce qu'une entreprise performante ?" comment l'on peut travailler autour de "Qu'est-ce qu'un bon professionnel ?". Et puis dans le fil des travaux vient la question complémentaire "Qu'est-ce qu'une bonne organisation ?". Et la réponse d'une participante fuse aussi rapidement que la question a été posée : "C'est une organisation qui laisse le temps de réfléchir à ce que l'on fait". Diable, voilà une affirmation en forme de provocation. Alors que l'on débat de productivité et de temps de travail, il faudrait laisser du temps. Et pour réfléchir en plus. Mais que penserait le penseur d'une telle demande ?

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Munch - Le penseur de Rodin - 1907

Peut-être qu'il estimerait la proposition bienvenue pour tous ceux qui remplissent compulsivement les agendas, s'enorgueillissent des 320 mails reçus chaque jour (et paranoisent lorsqu'il y en a moins de 200), font la chasse au temps mort, ne peuvent supporter l'observation contemplative et sont occupés en permanence à  saturer leur temps et leur espace, tout en se demandant pourquoi ils saturent. Prendre le temps de la réfléxion, se déconnecter de la commande ou de l'injonction immédiate, réfléchir au sens de l'action et à ses modalités, bref prendre le temps de l'efficacité. Mais pour cela, il faut commencer par prendre le temps.

08/01/2012

Temps morts

C'est la fin de l'année. Les résultats sont corrects, mais le syndrôme des périodes heureuses aidant, ils génèrent tout de même de la frustration, surtout chez les dirigeants car les managers eux, estiment qu'ils ont plutôt tenu la barre par vents contraires. Le séminaire de fin d'année est important pour le COMEX car 2012 s'annonce délicate, au moins au premier semestre. Alors on a pas lésiné : cadre superbe, réception parfaite, nourriture et vins fins, attention constante du personnel de réception. Sur le programme non plus on a pas lésiné. Deux journées saturées d'interventions, des animateurs qui se relaient avec enthousiasme, des powerpoints flamboyants qui défilent à un rythme déconseillé aux épileptiques, des temps forts à tous les instants, des messages clés dans tous les messages et au final du très dense et peu de danse. Dans la salle, les participants se transforment peu à peu en présents puis en absents. Les iPhones et Blackberrys sont de moins en moins discrets, les appartés se multiplient, les comportements potaches saisissent une bonne partie des Top managers sans que l'ordonnancement méticuleusement prévu ne dévie d'un iota car tout a été planifié de 8h à 23h sans temps mort.

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Manule Alvarez Bravo - Conversation à côté d'une statue - 1933

Curieuse appellation d'ailleurs que ces "temps morts". Car dès que s'ouvre une fenêtre de liberté, une pause, un repas, une fin de soirée, ceux qui traitaient leurs mails persos, qui luttaient contre la somnolence, qui vagabondaient sur le net, tous ceux-là s'animent et entrent en conversation. Pour parler de quoi ? quasi-exclusivement de travail. De leurs activités, de leurs difficultés, de leurs réussites, ils se lancent à la recherche d'informations, d'avis, de conseils, d'approbations, de partages d'expérience, bref ils profitent du cadre de liberté pour traiter véritablement les questions qui les intéressent. C'est dans ces moments, plus que dans les injonctions communicantes, que se font, ou pas, les communautés de travail, d'intérêts et de fonctionnement. Et lorsque l'animateur fait le tour des couloirs et jardins dans lesquels se sont constitués les groupes de discussion en lançant : "Allez on reprend, au travail !", il ne semble pas percevoir que le vrai travail il vient d'y mettre fin.

07/01/2012

Envie d'été

C'est là, maintenant. Lorsque la grande descente dans le tunnel de la nuit s'est achevée et que les jours commencent à rallonger. Quand est retombée l'excitation/agitation des fêtes de fin d'année qui s'entremêlent à d'autres souvenirs. Lorsqu'elles ne sont plus d'actualités. On sait que le froid est encore à venir, on le souhaite même, pour être certain que l'hiver est bien en train de passer. Mais ce dont on a envie c'est l'été.

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Portée par le début d'année, par ce commencement qui impulse le mouvement qui aboutira à ce temps immobile et enfin déployé qu'est l'été, l'envie d'été est comme une germination précoce. Comme le goût du vin que l'on approche de ses lèvres, comme le plaisir de faire le marché avant de cuisiner. L'envie d'été est la cristallisation de toutes les envies. Elle a des couleurs de Garonne, des odeurs de table, des plaisirs alanguis. C'est l'envie d'été qui nous fait encore plus apprécier le froid de l'hiver et ses week-ends pluvieux. L'envie d'été ne se suscite pas, elle ne se quémande ni ne se demande, il suffit de la laisser venir.

05/12/2011

Le temps de la décision

Le temps est une notion relative, vous venez d'en faire l'expérience avec le week-end passé et la semaine à venir. Si l'on peut toujours conférer une réalité objective à l'alternance des jours et des nuits, le rapport de chacun au temps demeure singulier. Le droit du travail n'ignore pas cette singularité et à ce titre il distingue le temps de l'employeur et celui du salarié. A l'employeur, investi du pouvoir de direction, il n'est guère consenti de temps de réflexion. Toute décision l'engage et comme il est dans sa nature de décider, il fallait réfléchir avant. Quasiment pas de possibilité de rétractation donc : inutile si vous avez expédié une lettre de licenciement le matin d'en expédier une seconde le soir pour annuler la précédente. Votre second courrier serait dépourvu d'effet. Tel n'est pas le cas du salarié pour lequel le temps de décision inclut celui de l'indécision.

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Jean Chanoir - Indécision - 2005

Après une discussion un peu vive avec son employeur, une salariée démissionne et quitte l'entreprise. Avant de se raviser et d'envoyer dans l'après-midi un courrier qui informe tout à la fois son employeur qu'elle est enceinte et qu'elle ne démissionne plus. L'employeur ne veut rien entendre et s'en tient au premier courrier rédigé sur le lieu de travail avant de partir. A tort : la démission sera requalifiée par les juges de licenciement nul du fait de l'état de grossesse.

La rétractation est un droit reconnu au salarié lorsque des circonstances particulières entourent sa première décision. Si l'entreprise refuse cette rétraction donnée très rapidement après la démission, elle sera considérée comme ayant elle la volonté de rompre le contrat. Rien ne sert donc, en cas de démission d'un salarié, de s'empresser d'en  prendre acte  pour éviter toute rétractation. Au contraire, l'empressement de l'entreprise pourrait paraître suspect. Il n'y a, de plus, aucune urgence à accuser réception d'une démission et l'on peut bien prendre une semaine avant de préciser au salarié la date de fin de son préavis, sauf à l'en dispenser. Qui veut sécuriser ses pratiques prendra donc soin de prendre son temps. Conseil de lundi matin.

Cass. soc. 26 Octobre 2011 - Démission rétractée.pdf

08/11/2011

Du temps au travail (3)

Nous sommes l'instant d'après. Ce qu'il vient de se passer, la nature réelle de l'évènement, importe peu. Ce que Jonathan Wateridge saisit dans ses toiles qui paraissent peintes à même la pellicule d'un film hollywoodien, c'est l'instant entre ce qui est advenu et cet ensuite qui ne sera plus jamais comme avant. Il peint une faille du temps, un basculement incrédule, ces quelques secondes qui arrivent rarement mais que l'on reconnaît immédiatement : celles où la vie se joue, celles de l'intrusion soudaine de l'irrémédiable, un éclair dans un ciel d'azur. Le temps devient vertical : le vide étend son vertige sous nos pieds figés tandis que l'ivresse de l'inattendu euphorise le froid manteau de l'angoisse qui s'est enroulé sur nos corps pétrifiés. Le temps suspendu marque le mouvement définitif de la vie.

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Jonathan Wateridge - Pool Party

Il y a quelques années, dans une de ces réunions de discours lénifiants auxquelles chacun ne va que pour croiser ceux qui y sont, et pouvoir dire à ce qui n'y sont pas qu'ils y étaient, un directeur de FONGECIF me glissa à l'oreille tandis que l'ennui glissait sur nos fauteuils : "Ce serait intéressant si peu à peu la lumière changeait, les perspectives se modifiaient, une musique un peu lancinante se faisait entendre faiblement puis de plus en plus fort et que l'ambiance basculait dans l'inconnu. On pourrait apprécier les réactions et s'amuser de voir les masques tomber". Chez Wateridge, les masques sont en train de tomber. Parfois il suffit d'écouter, là il s'agit juste de regarder le décorum voler en éclat et de se réjouir du détail qui nous confirme que c'est la liberté qui vient de s'inviter à grand fracas dans les conventions sociales. Et c'est ainsi que le pied de la jeune fille commença à s'évader de la ballerine.

07/11/2011

Du temps au travail (2)

La vidéo est installée dans une petite pièce du  Palazzo Grassi. Si vous prenez le film en route, vous voyez des mouettes, des jeunes gens, des maisons blanches, le ciel gris très lumineux, le soleil blanc, du grillage, des sourires, des mouettes encore, une cour dans laquelle des jeunes hommes jouent au ballon, et puis des mouettes. La vidéo présente des images successives du lieu, de la scène. Passé le temps de la découverte des images,  on s'aperçoit que toutes les photos assemblées dans la vidéo ont été prises à la même seconde. Plusieurs milliers d'images d'une même scène, une partie de football interrompue par un des joueurs qui donne à manger à une mouette, vue sous des angles différents composent la vidéo de 37 minutes.

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On ne peut qu'être fasciné par ces vues qui adoptent le point de vue des enfants, des adultes, des mouettes, du ciel, du terrain, des maisons ou même des murs, chacun ayant à cette seconde une existence totalement réelle, incarnée, éclatante, qui démontre l'intensité de ce qui peut advenir en une seconde. Là est le vertige de l'oeuvre : s'il y a tant de choses à voir, à découvrir, à apprécier dans une seconde, comment vivre sans être en permanence aux aguets, tels des chercheurs d'or du temps en ayant pleine conscience qu'il faudrait photographier des milliers de fois chaque seconde pour en avoir la quintessence.

Et il nous faut plus de trente minutes pour découvrir la beauté de cette scène capturée en un instant.

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La vidéo de David Claerbout nous emporte au coeur du temps qu'il étire à l'infini en le disséquant. Si nous prenions le temps, peut être pourrions nous identifier dans tout situation, à chaque moment, des moments qui ne passent pas et qui nous marquent profondément.

Est-il possible de vivre en permanence avec autant d'intensité ? à vous de voir, ou plutôt de faire, faute de passer  à côté des belles secondes, comme celles que l'on peut partager avec Rimbaud :

Elle est retrouvée ! - Quoi ? - L'Eternité. C'est la mer Allée avec le soleil

Ou encore

Des humains suffrages, des communs élans, là tu te dégages et voles selon.

06/11/2011

Du temps au travail (1)

En cette période où les jours fériés viennent briser le rythme du temps reproductible que le passage à l’heure d’hiver avait déjà malmené, les repères temporels s’estompent dans les brumes d’un automne attentif à demeurer une saison de transition. Les chroniques de la semaine seront donc consacrées au temps, qui est tellement lové au cœur du travail que toute réponse sur votre rapport au temps vous apprendra autant sur votre rapport au travail.

 Prenons comme point de départ le Lion d’Or de la biennale de Venise attribué à Christian Marclay pour son film « The Clock ». Composé de plus de 3000 extraits de films, The Clock dure 24 heures égrénées minute par minute. Vous pouvez régler votre montre sur toutes celles qui défilent dans le film ainsi que les horloges, réveils, minuteurs, pendules qui tous marquent une minute différente…d’un jour fait de 1440 minutes.


Ce film ne raconte pas d’histoire, il enchaîne des séquences où les regards se portent sur l’heure, dans l’attente le plus souvent d’un évènement qui serait sur le point d’advenir et dont le surgissement a été programmé par le calcul, le hasard, la manipulation ou le destin. Le spectateur est tenu dans la main du réalisateur et ne peut s’arracher à cette fuite en avant dans laquelle chaque minute est une histoire à l’intérieur de l’histoire faite de toutes les minutes de la journée.

Qui s’installe devant le film devient la victime volontaire du piège de l’attente de la minute d’après. Savoir qu’elle aboutira à  la minute suivante avant que son énigme ne soit résolue ne décourage personne. Nul ne veut descendre de la grande roue du temps qui jamais n’aura tourné de manière aussi visible.

Il n’est pas exclu que le temps restitué par Marclay soit celui de l’enfance, celui où chaque seconde est vécue comme un temps autonome et long. Ceux qui ont su préserver ce temps, même sous couvert de sérieux comme Joyce dans Ulysse par exemple, auront un rapport au temps mêlant le jeu, l’exigence, la curiosité, le désir et l’envie. On leur souhaite d'avoir le même rapport au travail.

NB : Il est conseillé de visionner la vidéo à 12h04

19/09/2011

Le juriste et le météorologue

Quel rapport entre le droit et la météo ? entre le juriste et le météorologue ? beaucoup de points communs qui permettent de mieux comprendre ces deux métiers. Les points communs : la masse d'information à traiter, la finesse du raisonnement masquée par la brutalité de la décision et l'exercice d'une activité qui n'est pas une science exacte, du moins sous nos climats. Et peut être un dernier : le fait d'être pris à  tort pour des Oracles.

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John Collier- L'Oracle de Delphes

La masse d'information : Codes, conventions, accords, contrats, usages matinés de droit européen et international d'un côté, milliers de relevés de toute sorte (vent, hydrométrie, relief, température, pression,...) de l'autre. Si le profane se noie irrémédiablement dans le flot d'informations, l'expert ne doit pas oublier de travailler son crawl.

La finesse du raisonnement : interpréter les textes, interpréter les chiffres. Savoir lire au-delà des signes, assembler, dépasser les contradictions, le juriste et le météorologue aspirent à devenir des logiciens avisés sans sombrer dans la casuistique ni la rigidité, qui guettent à tout instant. Souplesse du raisonnement et méfiance des effets mécaniques.

La brutalité de la décision : au-delà du raisonnement, la décision est souvent binaire. Au plan pénal, coupable ou relaxé, chaque solution est à 100 %. On est pas coupable à 35 % et innocent pour le reste. Pour le ciel, les nuages, la pluie et le soleil, difficile de faire état de doutes devant qui veut savoir s'il pleuvra ou non. La probabilité de pluie à 60 % laissera sceptique plus d'un qui vous demandera : "En clair, il pleut ou pas ?".

Se dépêtrer d'une masse d'informations pour arriver par un raisonnement que l'on espère subtil voire artistique, à une solution binaire, voilà tout le dilemme du juriste. Qu'il soit partagé par le météorologue ne le consolera pas mais l'invitera peut être à lever la tête pour vérifier la couleur du ciel. Si vous découvrez qu'il est à la fois bleu et noir, vous dites qu'il est aussi impossible de l'annoncer que d'expliquer que DSK est à la fois coupable et innocent.

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08/09/2011

Oublier le temps

Invariablement, tous les matins, tous les soirs, ils somnolent sous les arbres, assis devant les tables de béton. Si vous passez le matin, vous les trouverez déjà installés quelle que soit l'heure de votre passage. Ont-ils dormi là ? tombent-ils des arbres ? poussent-ils sur les bancs de pierre ? les joueurs d'échecs du Washington Square ne peuvent  être vus autrement qu'assis, comme s'ils n'arrivaient et ne partaient jamais. Leur immuabilité s'associe à la tranquillité du parc que le bruit de la ville ne pénètre guère.

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Mais à New-York, le rythme n'est jamais absent. Si vous prenez place, la torpeur du regard s'efface, les corps se tendent, l'air en un instant est saturé de concentration intense et jouissive. C'est alors que sortent les pendules. Trente minutes la partie, quinze minutes par joueur pour une cinquantaine de coups en moyenne. Le petit gros apathique et mal fagoté ? il vient de jouer 40 coups en 4 minutes, soit un toute les six secondes. Après ce victorieux effort, il s'abandonne à la léthargie. Sa rêverie ne va pas jusqu'à lui laisser imaginer qu'il est des endroits de la planète où la performance se mesure à la durée de temps passée.

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Aussi stupide que si l'on saluait la performance d'être resté dix heures sur le banc. Aussi stupide que si l'on imaginait que la partie en quatre minutes peut être répétée 15 fois par heure, sept heures par jour. Le temps est une obsession qui gagnerait à perdre de son omniprésence au profit d'une véritable gestion du travail, c'est à dire du résultat et des conditions de sa production. Mais pour penser à cela, il faudrait avoir le temps, comme celui que prenne les joueurs d'échec du Washington Square entre deux parties.

27/07/2011

Chapitre 5 Dans lequel la compétence prend son temps

Le premier dispositif de coinvestissement  (l’entreprise finance la formation, le salarié prend sur son temps personnel) a été introduit dans le code du travail en 1991. Il n’a guère fonctionné, tant est forte la culture de la formation pendant le temps de travail.

Mais le DIF a bousculé les limites du temps : depuis 2004 il est possible de convenir d’une formation se déroulant en dehors du temps de travail. La compétence se trouve découplée du rapport de travail et du contrat lui-même. Le temps personnel peut être mobilisé pour un objectif, l’acquisition de compétences, qui profite tant au salarié qu’à l’entreprise.

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Charles Dauphin - Le temps dévoilant la vérité - 1655

Le champ ainsi ouvert sera étendu par la loi du 24 novembre 2009 au CIF : il est désormais possible d’effectuer un congé individuel de formation sans prendre de congé. Les organismes qui financent le CIF peuvent prendre en charge des formations réalisées intégralement en dehors du temps de travail.

Perturbant tous les repères traditionnels, le développement de la formation sur le temps personnel, qui ne peut s’effectuer que sur décision du salarié ou avec son accord, permet d’ouvrir un espace de négociation en dehors du temps de travail. Et dans ce domaine également, on voit la compétence remettre en cause la ligne de partage entre le personnel et le professionnel.

06/11/2010

Passage

Intermède dans ce week-end pluvieux pour retrouver l'été indien un temps disparu.

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L'ardeur de l'été fut confiée à des oiseaux muets

 

29/10/2010

Réappropriation du temps

Le pouvoir rétractile du froid s'est encore vérifié, la chute des températures correspondant à la fonte des cortèges de manifestants. La mobilisation collective touche à sa fin. Tout rentre donc dans l'ordre. Nous travaillerons plus longtemps et nous serons bientôt livrés en essence pour pouvoir le faire.

Que faire pour se prérarer à prendre sa retraite plus vieux ?  passer à l'action individuelle. Faire de la réappropriation du temps, du rythme, de son travail, de sa vie, de sa manière de corporer, un objectif en soi. Ne pas subir. Pour ne pas être contraint par les temps sociaux imposés, il faut créer, ou recréer, un temps personnel habitable. Cela commence tout de suite.

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C'est à la portée de tous, nous sommes en  ce domaine nos pires ennemis. Votre corps et votre esprit vous appartiennent. Il ne tient qu'à vous. Et pour vous entraîner, quelle meilleure période qu'un week-end de trois jours avec une heure de plus volée à la grande horloge du temps. Profitez, vivez l'instant. Par définition, nous avons toute la vie devant nous. Et le meilleur est toujours à venir.

26/07/2010

Du temps réel

Au bord du Tage, l'ancienne usine ne produit plus d'électricité. Elle abrite un lieu d'expositions, celle consacrée à la fée électricité étant permanente. Elle s'accompagnait cet été d'une exposition consacrée au peuple (Povo, Povo) sur laquelle nous reviendrons très prochainement.

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Musée de l'électricité - Lisbonne
A l'intérieur, les machines sont huilées, graissées, patinées, prêtes à lancer leur grand cri d'acier, de feu, de vapeur, d'huile et de chair également car ces machines là  consomment aussi de la matière humaine. Elles viennent de Londres et témoignent de la révolution industrielle issue des machines à vapeur. Pour la première fois, la machine n'était pas un outil travaillant au rythme de l'homme et augmentant sa puissance mais au contraire une impératrice dictant son rythme à l'homme. De ce temps, le temps du travail n'a jamais plus été le même.
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Machine à vapeur Londonienne
Avant la Grande roue de la révolution russe, selon la formule de Cendrars, il y aura la grande roue des machines à vapeur. Toutes deux broieront le temps et les hommes en imposant des rythmes qui leurs sont propres et dans lesquels l'homme n'a plus tout à fait sa place. La science fiction défend l'idée que la vitesse finit par abolir le temps, les machines l'ont au contraire rendu plus présent à l'homme, l'y assujetissant comme le joug maintient la tête de l'animal inclinée vers le sol.
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Turbine - Musée de l'électricité - Lisbonne
Et la machine fit que le temps devint une abstraction. L'industrie se mit à raisonner en millièmes d'heures et des ingénieurs passent des heures devant leur écran, nouvelle version de la planche à dessin, pour gagner quelques un de ces millièmes. Que cela se traduise par la suppression au final de postes de travail est également devenu une abstraction. Et comme toujours lorsqu'une chose disparaît, on fait surgir le mot censé la remplacer. Est ainsi apparu, avec la folle vitesse de circulation de l'information, le concept de "temps réel". Il s'agit bien évidemment d'immédiateté et non de réalité, mais la notion de temps est devenu si abstraite, et si insupportablement abstraite, qu'il fallait la faire ressurgir. Allons y donc pour le temps réel. Mais si l'on veut redonner du sens à ce terme, que serait donc un temps réel ?
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Place du commerce - Lisbonne
Peut être celui où l'on prend le temps, sur une place, de guetter l'improbable qui ne manque pas de survenir sous la forme d'une jeune inconnue qui éprouve le temps en figeant quelques instants de grâce.
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Belle démonstration que le temps horizontal et le temps vertical n'ont ni la même épaisseur ni la même intensité. Mais qu'il est bon de goûter aux deux. Comme il est bon de se souvenir que l'information peut aussi circuler par le papier, que la lecture du journal le matin devrait être la prière quotidienne selon Hegel et que le poisson peut toujours attendre. Et tout à coup, le temps devient vraiment réel.
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04/07/2009

Le temps du regard

L'exposition "Une image peut en cacher une autre" se tenait au Grand Palais jusqu'au 6 juillet 2009. On pouvait y observer un manège étrange : les visiteurs scrutaient chaque tableau avec une attention particulière, prenaient le temps de l'observation, traquaient les détails, s'approchaient du tableau pour mieux voir, ou au contraire s'en éloignaient pour déterminer la bonne distance qui allait révéler le mystère de la peinture, de la photographie ou de la sculpture proposées à leur regard. Mais où donc se niche la chouette ? quel rocher figure une tête humaine ? quel paysage est un corps nu de belle endormie ? quel est le double de cet homme au chapeau ? ah oui, un lapin ! Que représentent ces 80 animaux taxidermisés ? le couple de leurs assembleurs.

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Tim Noble / Sue Webster - British Wildlife - 2000

Spectacle inhabituel dans les expositions où la foule est souvent un flot continu qui défile devant les tableaux regardés avec plus ou moins d'attention, voire carrément oubliés comme la belle ferronière qui ne voit que le profil des visiteurs du Louvre qui cherchent la Joconde. Mais ici, le visiteur était prévenu : il faut regarder, le spectacle est invisible au premier abord, il faut en percer le mystère pour en jouir, le regard quotidien ne saisit que la surface des choses. Reste à ne pas oublier la leçon en sortant de l'exposition.

06/04/2009

Le temps du congé

L'ANI du 7 janvier 2009 laissait entendre au détour d'une formule ("le congé individuel de formation peut donner lieu à autorisation d'absence") que le CIF pourrait bien se réaliser en totalité en dehors du temps de travail et ne plus avoir de congé que le nom. Le projet de loi qui sera présenté au Parlement à la fin du mois nous livre confirmation : le congé individuel de formation peut être effectué intégralement en dehors du temps de travail, le salarié demandant au FONGECIF, ou à l'OPCA, qui finance le CIF une prise en charge des coûts pédagogiques et frais annexes. Pourquoi donc ce déplacement du temps ? pour parvenir à l'objectif fixé par les partenaires sociaux : financer plus de CIF sans augmenter les cotisations (40 000 salariés sur 16 millions bénéficient d'un CIF chaque année). La seule solution est donc de faire des économies et avant tout sur les salaires et charges qui représentent 80 % des coûts du CIF. Au salarié, il sera donc demandé de trouver du temps.

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Chirico - L'énigme du temps - 1911

Mission impossible que de trouver du temps ? tout le monde n'a pas de RTT ou des semaines de congés payés supplémentaires à consacrer à la formation. Peut être. Mais souvenons nous que les français consacrent en moyenne plus de trois heures par jours à regarder la télévision. Soit plus de vingt heures par semaine : un DIF TV toutes les semaines ! L'énigme du temps est affaire de choix personnels, et pour vous aider à faire le votre, une ritournelle de Prévert :
Le Temps nous égare
Le Temps nous étreint
Le Temps nous est gare
Le Temps nous est train

30/07/2008

Chronique d'une réforme annoncée (IX)

Quand Heidegger travaillait-t-il ? Une des plus importantes oeuvre philosophique a été conçue en marchant dans les montagnes, en regardant "le moment où naissent les nuages". Nietzsche et Rousseau connaissaient aussi les vertus de la marche en montagne pour le travail. Plus près de nous, on peut se souvenir que Jean-Claude Quentin, Secrétaire Confédéral FO, préparait les négociations en allant à la pêche au coup.

 

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Le temps, c'est de l'art, Jean - Jean-Louis Bouzou - Collage 

Si l’on transfère la question vers la formation, elle ne se simplifie pas pour autant : quand nous formons nous ? en travaillant, c’est ce que nous dit la VAE, en formation, pour le temps observable de face-à-face pédagogique ou de mise en situation d’apprentissage, mais au-delà ? toute formation ne suppose-t-elle pas un temps de réappropriation, d’assimilation, de réflexion qui constitue la condition de l’apprentissage effectif ? comment tracer les limites du temps de formation et définir le régime applicable à ce temps ? la neuvième chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle,  fait l’hypothèse que la définition d’un régime propre du temps de formation peut résulter des dispositions actuelles relatives à la formation en dehors du temps de travail et que ce temps peut préfigurer une nouvelle approche du temps de formation, envisagé comme un temps personnel à finalité professionnelle. La négociation sur la formation devra, aussi, aborder cette question du temps.

chronique_temps_de_formation.pdf

01/07/2008

Quand travaillons-nous ?

En ce premier juillet, sous les premières chaleurs d'été, la question s'impose : quand travaillons-nous, où passe la frontière entre le travail et....et quoi au juste ? le temps libre ? le loisir ? l'activité personnelle ? le temps amical ? le temps amoureux ? décidément, la question des frontières n'est jamais aisée.

Bien sur la question pourrait paraître provocante, tel n'est pas son objet, pour qui s'échine pendant plusieurs heures devant un laminoir, un écran, un volant, une machine-outil, une caisse, des clients qui ne voient qu'eux-mêmes ou encore des tapis roulants chargés d'ordures ménagères. Et pourtant ! qui peut dire qu'il ne s'évade pas de la contrainte physique par la divagation de l'esprit et qui peut dire que le bruit, les odeurs, la tension physique et mentale cessent dès la sortie de l'atelier ou du bureau. Si l'on approche le regard, la frontière entre le travail et l'autre chose nous fuit comme la ligne d'horizon. Quand Heidegger travaillait-t-il ?

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Une des plus importantes oeuvre philosophique a été conçue en marchant dans les montagnes, en regardant "le moment où naissent les nuages". Nietzsche et Rousseau connaissaient aussi les vertus de la marche en montagne pour le travail. Je me souviens de Jean-Claude Quentin, Secrétaire Confédéral FO, qui préparait ses négociations en allant à la pêche au coup.  
 
A l'heure où le Gouvernement a fait le choix de remettre sur le tapis parlementaire les textes relatifs au temps de travail, et notamment aux forfaits en heures et en jours, peut être pourrait-on tenir compte du fait que le temps n'est pas toujours l'unité la plus pertinente pour mesurer le travail et qu'il serait peut être temps, en ce domaine comme en d'autres, de faire preuve d'un peu de créativité. Les députés, une ballade en montagne, ça vous dirait ?