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01/02/2016

I comme....INNOVATION

Je ne cherche pas, je trouve (Picasso)

  Les souvenirs des rues chaudes de Barcelone, la découverte des sculptures africaines et de ce que l’on appelait alors « l’art nègre », l’émulation des collectifs d’artistes réunis à Paris au début du siècle (le précédent), l’excitation de l’inconnu, la transe de la maîtrise technique qui permet de tout expérimenter, la jeunesse, la liberté, un peu de folie, une énergie sans égale, un fort vent du Sud et sans doute quelques autres ingrédients, permettent à Picasso de peindre en 1907, à l’âge de 26 ans un tableau qui révolutionne la peinture moderne. L’alchimie toute personnelle d’un individu accordé aux influences et à la dynamique de l’époque.

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Toute l’histoire de la peinture démontre que la création n’a jamais été aussi innovante que lorsque les foyers de créations étaient multiples et leurs relations intenses. L’histoire de l’innovation technologique n’est pas différente.

Grace à des écosystèmes dynamisant, on s’affranchit de l’existant  et l’on ouvre des voies nouvelles. Une recette à base d’horizontalité, de diversité, de fécondités croisées, de liberté et de prise de risque. Soit l’exact inverse du jacobinisme centralisateur, pyramidal, hiérarchique et prescripteur qui prévaut depuis les rois de France, le principal échec de la République étant  de ne pas avoir su construire une alternative à la Royauté faite de cent mille fleurs fleuries issues du small is beautiful.  A votre avis, c’est pour demain ?

31/01/2016

I comme...INDIVIDU

Je suis un homme, je suis un homme…(Michel Polnareff – 1970)

C'est la route du week-end : la rue de Rivoli, les Champs-Elysées, la Défense, la Normandie. Le petit bonhomme connaît bien et commente toujours. La Tour Eiffel qui scintille le vendredi soir, l'Obélisque de la Concorde, les statues équestres qui ouvrent les Champs, la grande avenue, l'Arc de Triomphe. Et puis ce grand pavois balayé par les courants d'air de l'arche, que l'on ressort  pour les cérémonies.

Alors je lui parle du soldat inconnu et de plus inconnu encore, sa femme. Le petit écoute. Et puis on passe à autre chose. Et lors d'un trajet suivant, tout d'un coup la question : "On va le voir  aujourd’hui le soldat inventé ?". 

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De l'autre côté du miroir

Moi qui aime les formules courtes, précises et singulières, me voilà servi. Ce soldat inventé débusque la supercherie du soldat inconnu, réduit à un symbole, désincarné, sans corps, sans histoire, sans boue, sans crasse, sans peur, sans courage, démuni de tout puisque ramené à une fonction symbolique plus facile à manipuler que les êtres de chair.

Ce soldat inventé, il surgit chaque fois que l'on convoque des mots pour remplacer des êtres, chaque fois que l'on réduit les histoires singulières à une histoire officielle, chaque fois que l'on généralise en niant les individus, chaque fois que la sensibilité particulière doit laisser la place à l'émotion collective. Chaque fois que l’on parle, insupportables expression, du « salarié lambda », de « Mme Michu », du « stagiaire de base », ou que l’on généralise à tout va « les jeunes », « la génération Y », « les seniors », « les français », etc. on déclenche une pluie de poncifs, on embrume la pensée.

Chaque fois donc que la vérité de l’individu recule derrière la fiction catégorielle, surgit le soldat inventé qui occupe toute la place du soldat inconnu. Vieille histoire en fait, puisque Diogène déjà promenait sa lanterne en criant : « Je cherche L’homme ! », qu’il ne trouva jamais ne voyant que des hommes. 

29/01/2016

H comme...HORS TEMPS DE TRAVAIL

Le temps n’attend pas (Lénine)

 La loi Macron sur le travail du dimanche, ce pourrait être la revanche des marchands du temple, expulsant les fidèles de l’Eglise pour les conduire dans les galeries marchandes.

A moins qu’il ne s’agisse plus simplement d’une dilution des frontières qui structuraient la vie sociale : jeunesse, éducation, travail, loisirs, retraite, ces temps autrefois étanches se superposent à profusion et jouent aux quilles avec nos repères.

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Egilse moderne

La porosité de la vie personnelle et professionnelle, du temps travaillé et de celui qui ne l’est pas, trouve un écho dans les temps de formation : quand se forme-t-on ? Dans une salle de formation ? Devant son écran ? En discutant avec des amis ? En lisant ? En travaillant ? Au cours d’une ballade en campagne ou en bord de mer, ou en grimpant sur les cimes, comme Nietzsche ? Et pourquoi pas sur la ligne 14, entre Saint-Lazare et Olympiades (15 mn) avec son Iphone ?

Ces questions nous livrent le début de la réponse : pour qu’il y ait de la formation en dehors du temps de travail, il faut vraiment que la formation prenne d’autres formes que le travail.

28/01/2016

G comme...GOUVERNANCE

Il y a trois métiers impossibles : éduquer, soigner, gouverner (Freud)

 Et pourtant Freud n’a pas connu la gouvernance du système de formation professionnelle au début des années 2000 !  Il se basait plus simplement sur le fait que certains métiers ne peuvent s’exercer contre ceux auxquels il s’adresse et sans leur adhésion. S’il revenait faire un tour au début du 21ème siècle, Freud pourrait constater que le système de formation professionnelle  est un canard sans tête ou un avion aux multiples pilotes dont l'énergie est tout entière accaparée par la tenue du manche.

Avançons une explication. La formation continue est  le produit de Mai 68 et de la nouvelle société de Chaban-Delmas. Soit le fruit de l'union entre une pensée socio-culturelle marxisante tendant à l'autogestion dans la mouvance des structuralistes et de la French Théory (que des gros mots aujourd’hui, signe des temps), et un courant catho-social fortement marqué par le personnalisme d'Emmanuel Mounier diffusé notamment par la revue Esprit et Témoignage Chrétien. C'est ce couple, moins improbable qu’il n’y paraît car partageant le souci de l’émancipation de l’individu, qui a contribué à créer un système aux acteurs nécessairement multiples car le modèle de référence est celui de l’autonomie et de l’horizontalité et non celui de l’autorité et de la verticalité.

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Le problème est que ce couple est le fruit d'une conjonction historique qui ne s'est plus représentée depuis et qu'il s'est rarement retrouvé en situation de pouvoir faire vivre et dynamiser ce qu'il avait créé.

La majorité de la classe politique française est fortement jacobine et étatique. De la droite bonapartiste à la droite monarcho-républicaine en passant par les communistes et le centralisme démocratique, ou encore la gauche républicaine qui ne jure que par Valmy et l'Etat, il reste bien peu de place pour les tenants d'une pensée plus girondine. Ne cherchons pas ailleurs que dans ce défaut de cohérence entre les fondements du système et la manière dont il fonctionne les raisons de ses limites.

Si l'on veut bien partager ce diagnostic, on en conclura que ce n'est pas en réformant la tuyauterie, les instances de gouvernance ou les procédures de fonctionnement du système que l'on établira une gouvernance efficace. C’est en transférant le pouvoir de décision vers les bénéficiaires, en faisant confiance à leur autonomie et en encourageant les initiatives. Moyennant quoi, un retour en arrière pourrait constituer un formidable bond en avant.

27/01/2016

F comme....FORMATEUR

Feu central

 

« Vive les vacances ! Fini les pénitences ! Les cahiers au feu, la maîtresse au milieu ! ». On connait la comptine aux paroles cruelles, qui délecte d'autant plus les enfants. Elle marque le début des vacances et pourrait bien constituer le seul moment où l'enseignant se retrouve au centre. Les récurrents débats sur l'autorité du maître, le respect du à son savoir disciplinaire et sa fonction d'enseignant ramenée à celle de raconteur, avec plus ou moins de talent, à une assemblée muette qui doit faire son miel de l'interminable discours et avoir le plaisir de poser des questions qui font valoir le maître dans les quelques interstices d’expression qu’il ne tolère que pour mieux s’affirmer, ces débats donc devraient être dépassés.

Je ne vois pas la...

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...cachée dans la forêt

La place de l'enseignant ou du formateur n'est pas au centre, au milieu, mais à la périphérie. Tournant autour du groupe, il peut l'observer et voir chacun. Passant des commandes, engageant à produire, apportant des informations, livrant des connaissances, invitant à en découvrir d'autres, imaginant des apprentissages, réagissant aux initiatives, découvertes et productions, le formateur, le maître, le professeur ou l'enseignant, selon la terminologie qui vous convient, n'oublie pas qu'il est au service de chacun et de tous et qu'il est là pour développer l'autonomie et non apprendre à exécuter. Il sait qu'à chaque instant son savoir est relativement plus pauvre compte tenu de la production incessante des connaissances. Il sait qu'il ne peut  lutter avec la technologie et les bibliothèques pour les apports d'information. Il sait que son travail est pédagogie.

Jacques Courtejoie est un enseignant belge dans une école des Beaux-Arts. Il enseigne la photo. Ou plutôt enseignait. Car il consacre aujourd'hui l'essentiel de son temps à rephotographier en polaroïd des tirages multiples entreposés qu'il retravaille ensuite à l'encre et à la peinture, puis qu'il épingle au fond d’une boîte noire tendue de velours. Tous ses fantasmes, tout son imaginaire et son visage également sont présents dans ses oeuvres à forte connotation autobiographique. Jacques Courtejoie s'est placé au centre de son oeuvre. Et même si ses travaux constituent des balises précieuses pour ses anciens étudiants, en se plaçant au milieu de ses productions et en oubliant de s’oublier, il a cessé d'être enseignant.

26/01/2016

E comme....EVALUATION

Le suicide du Minotaure et le tri sélectif

 Enfant de Pasiphaé et d’un magnifique Taureau offert par Poséidon à Minos, le Minotaure fût rapidement relégué dans le labyrinthe de Dédale. Assigné à un rôle de monstre, désocialisé, il se comporte comme tel en dévorant les jeunes gens qui lui sont offerts en sacrifice. Si l’on s’en tient au mythe, Thésée a vaincu ses peurs et ses pulsions en triomphant du Minotaure, image de l’homme surmontant son animalité pour ensuite filer le parfait amour avec Ariane. On notera toute de même que l’affranchissement est ici fondé sur le meurtre.

Mais si l’on veut bien s’écarter un peu de l’histoire officielle, il apparaît assez vite que si le Minotaure ne l’avait pas voulu, jamais Thésée ne serait parvenu à l’abattre. Le Minotaure, ne supportant plus d’être ce que l’on a voulu qu’il soit, s’est libéré de l’assignation au statut de monstre en s’offrant aux coups de Thésée, qu’il aurait pu écraser d’un simple coup de corne. La véritable humanité est dans le suicide du Minotaure, pas chez Thésée.

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Humain, trop humain

Avançons un peu dans le temps. C’est au XIXème siècle que s’exprime sans limite le besoin de classification, de hiérarchisation, d’ordonnancement des espèces, des choses et des hommes. C’est au XIXème siècle également que naît l’école républicaine et son système de notation à 20 degrés, que certains raffinent par l’usage de demi-points voire de quart de points pour établir une échelle à 80 barreaux. A ce niveau, il apparaît clairement qu’un tel système d’évaluation n’a pas pour objectif de permettre à l'élève connaître son niveau et ses compétences, mais uniquement d’être différencié de ses semblables. Autrement dit, il s'agit d'une grande machine à trier les individus et les sélectionner. Et de délivrer des assignations hiérarchisées. Ainsi s’ordonne la troupe des petits Minotaures enfournés dans des cases.

 Dans la plupart des pays européens, l'évaluation s’effectue sur une échelle de quatre à six niveaux. Largement suffisante pour savoir si l'on maîtrise totalement la compétence (ou la connaissance), si on la maîtrise imparfaitement, si on en connaît que les rudiments ou si on ne la maîtrise pas du tout. Ce faisant on compose des groupes d'élèves ce qui ne permet pas des les différencier entre eux. Et alors ? Alors il faudrait sortir du débat hystérisé sur la suppression ou le maintien des notes à l’école pour se poser la question d’une véritable évaluation qui permette à chacun d’identifier ce qu’il maîtrise et ce qu’il doit encore acquérir. C’est à dire faire véritablement de l’évaluation et en finir avec le tri sélectif. Le Minotaure s’en trouvera apaisé.

25/01/2016

E comme....EMPLOI

La société du salariat

 A l’occasion de rencontres nouvelles, il arrive que l’on me demande mon parcours. Classique. Qui êtes vous, que faites vous, où allez- vous ? Je fais un effort pour ne pas me laisser distraire par la vision de Gauguin aux Marquises.

Et je réponds souvent, en résumant, que j’ai créé le Cabinet en sortant de la fac et que j’exerce donc cette activité depuis près de 30 ans. J’ai alors droit assez souvent, pour ne pas dire très souvent, à ce commentaire :

« Ah vous n’avez donc jamais travaillé en entreprise ».

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Ma petite entreprise, connaît pas la crise (Bashung)

J’ai beau être habitué, la surprise demeure. Si je suis dans une journée peu bienveillante, cela arrive que croyez-vous, je réponds : « Vous voulez dire dans une autre entreprise que la mienne ? » ou bien « Vous voulez connaître mes jobs d’étudiants ? », si je m’en fous je m’en tiens à « Je n’ai jamais été salarié non » au risque de provoquer l’incompréhension.

Le modèle du salariat a tant formaté nos sociétés et modes de pensée que la représentation de l’entreprise s’est totalement confondue avec celle du salariat et que trouver un emploi c’est moins exercer une activité que devenir salarié. Il faudra que j’en parle à mon voisin qui est à la fois retraité, jardinier, boucher, chauffeur, fermier, éleveur ou encore parachutiste. Mais il ne m’a jamais dit s’il était passé par l’entreprise.

24/01/2016

E comme...EMPATHIE

Ça ne fait jamais plaisir d'apprendre que les gens qui sont d'accord

avec vous sont complètement siphonnés (Philip K. Dick)

 Dans les romans de Philip K. Dick, le blade runner distingue les humains des androïdes par leur capacité d'empathie. La capacité à comprendre les émotions ou états mentaux d'autrui, sans pour autant les partager, serait donc un des propres de l'homme. Rien d'étonnant, si l'on se souvient que le terme d'empathie a initialement été utilisé en esthétique pour définir la relation que l'on entretient avec une oeuvre d'art, pour accéder à son sens.

Pour ma part, j'ai toujours considéré, qu'en peinture comme en littérature, il était impossible d'accéder à la volonté de l'auteur, à supposer d'ailleurs que lui-même ait conscience d'une telle volonté. Achim d’Arnim posait la question de manière directe : « Ce que nous créons est-ce à nous ? ». Qui peut traduire sans trahir l’œuvre en son dernier état ? Jugez pourtant des efforts d'empathie pour apprécier cette peinture de Gerhardt Richter, lors de son exposition à Beaubourg.

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Pas besoin d'audioguide

L'empathie a quitté le monde de l'art pour intégrer celui du commerce et du management. Pas un référentiel de compétences de vendeur ou de manager dans lequel ne figure le fameux "Etre empathique", juste après l’encore plus récurrent « Avoir du charisme ». Mais ici, comprendre les émotions ou comportements d'autrui ne vise qu'à mieux identifier les leviers de manipulation management. Si j’en crois mes éminents collègues qui agissent dans le champ du management, la différence entre celui-ci et la manipulation ne tiendrait d’ailleurs pas aux techniques, souvent comparables, mais au système de valeurs de celui qui les utilise.

Ce qui nous permet de vérifier une fois de plus que ce n’est guère la compétence qui donne du sens à l’action, mais l'usage que l'on en fait.

22/01/2016

D comme....DYNAMIQUE DE GROUPE

 Du plaisir d’être formateur

 Près de 30 ans de pratique de la formation et cette question assez récurrente que l’on me pose : « Tu n’en as pas marre de répéter toujours la même chose ? ». Question aussi inepte à propos de la formation que si elle s’appliquait à l’amour, à la pratique sportive, à la lecture ou toute autre activité relationnelle.

Car indépendamment de toute considération sur le fait qu’un formateur, comme un acteur, ne livre jamais deux fois la même prestation, ou encore qu’il se doit de renouveler toujours son contenu, lequel peut d’ailleurs prendre en charge lui-même ces évolutions (et particulièrement sur le champ de la formation), indépendamment donc du professionnalisme qui, à lui seul, conduit à ne point se répéter, il y a les autres.

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Au soleil de Saul Leiter

Ceux avec qui l’on travaille. Ceux qui créent cette excitation matinale résumée en une question : « Qui vais-je découvrir aujourd’hui ? Quels visages, quels corps, quelles personnalités, quelles histoires, quelles situations, quelles préoccupations, quelles trajectoires, quelles singularités ? ».

La question de savoir si l’on peut être formateur longtemps ou non est assez simple : si toutes ces questions, un jour, perdent leur sens, si elles ne suscitent plus aucun désir au moment d’entrer dans la salle, c’est qu’il est plus que temps de passer à autre chose.

21/01/2016

D comme.....DUALISME

Armstrong un jour, tôt ou tard,

On est que des os…

Est-ce que les tiens seront noirs ?

Ce serait rigolo (Nougaro)

 

Greco-latine, judéo-chrétienne, la culture occidentale est moins monothéiste que dualiste et platonicienne. Profondément dualiste en ce qu’elle fonctionne par oppositions binaires : nature vs culture, corps vs esprit, raison vs émotion, conception vs exécution, intellectuel vs manuel, cols bleus vs cols blancs, inné vs acquis, théorie vs pratique, blanc vs noir, etc.

Comme souvent lorsque l’argument est faible, on convoque le bon sens. Tout ceci relèverait de l’évidence. Ah bon ? Il faudra alors m’expliquer ce qu’est un métier manuel si l’on veut bien ne pas oublier que le cerveau commande la main, ou m’indiquer la différence entre théorie et pratique si l’on ne s’affranchit pas trop facilement du constat que la théorie est une pratique pour certaines activités (des actuaires aux chercheurs en passant par les ingénieurs) et que toute pratique repose sur une représentation (théorique) des situations. Comme le disait plus directement Kurt Lewin : « Rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie ».

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Homme deux couleurs

A vouloir toujours distinguer par paires, les chirurgiens médecins du corps par exemple et les psychologues médecins de l’âme, on en oublie que la réalité est constituée de totalités qui ne se dissocient guère, à commencer par l’homme lui-même qui mériterait d’être soigné dans une approche globale.

Contrairement aux restrictifs raisonnements d’opposition, la compétence associe et ne divise pas. Elle nous fait donc passer du dualisme à la dialectique, à rebours de l’ordre alphabétique de ce dictionnaire, qui n’est jamais que la mise par écrit de trente ans de pratiques.

20/01/2016

D comme....DROIT

Maintenant qu’on est licenciés, on peut s’inscrire à Pole Emploi (étudiants en droit fêtant l’obtention de la Licence)

 

Dans "L'Esprit de Philadelphie" (2013), Alain Supiot analyse le passage d'un monde régi par les lettres ("Au commencement était le Verbe") à celui des nombres. Autrement dit, la substitution du calcul à la loi. La différence essentielle est que la loi, qui est littérature, suppose un travail de qualification, d'analyse, d'interprétation et laisse ouverte la question du sens. A l'inverse, le nombre construit un monde calculable, rationnellement établi et figé dans la vérité de l'équation. Avant lui, sous une autre forme, Rimbaud disait déjà la même chose (la poésie est un raccourci vers la vérité) : 

 Oh ! la science ! On a tout repris. Pour le corps et pour l'âme, — le viatique, — on a la médecine et la philosophie, — les remèdes de bonnes femmes et les chansons populaires arrangées. Et les divertissements des princes et les jeux qu'ils interdisaient ! Géographie, cosmographie, mécanique, chimie !...
     La science, la nouvelle noblesse ! Le progrès. Le monde marche ! Pourquoi ne tournerait-il pas ?
     C'est la vision des nombres. Nous allons à l'Esprit. C'est très certain, c'est oracle, ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m'expliquer sans paroles païennes, je voudrais me taire.

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Marc Janson - Aux ordres de la nuit

Ce qui est frappant aujourd'hui c'est que la demande faite au juriste n'est pas une demande du monde des lettres, le droit est pourtant de la littérature, mais de celui du calcul. On voudrait une règle certaine, débarrassée du doute, qui produise un résultat aussi mécaniquement que toute opération comptable a sa solution. Ne peut-on supprimer les juges et leurs erreurs humaines, leur arbitraire insupportable et leurs jugements autojustifiés pour leur substituer un programme informatique qui mettrait en relation les faits et le droit, les situations et les solutions ? Google devrait bien pouvoir nous fournir un algorithme du jugement, non ?

L'usage littéraire de la règle, qui ouvre des espaces de décision, qui propose des analyses sociologiques de la réalité, qui crée de la responsabilité, de la liberté de choix, s'efface devant la rationalité du computer qui doit produire un compte exact. Ne cherchons pas ailleurs le désir frelaté de sécurité juridique qui n'est jamais qu'une tentative à peine masquée d'annihilation du droit. Et pour vérifier que l'économie mathématique, et son outil le chiffre, ont pris le pas sur la loi humaniste, et son outil les lettres, il suffit de constater la prétention des économistes à établir qu'il existe des "lois économiques" (ce qui faisait bien rigoler Bernard Maris) que l'on nous révèle comme autant de lois naturelles. Car la religion du chiffre a de nombreux apôtres à l’heure où nous avons déjà basculé dans la société de l’algorithme. Raison de plus pour ne pas oublier le droit et ses principes.

19/01/2016

D comme...DIGITAL

Un ange ne fait pas l’amour, il est l’amour (Barbarella)

 

Avec la légèreté de style qui le caractérise, Nicolas Bedos déclara lors d’un entretien qu'étant un grand affectif, les seuls enseignements dont il avait tiré profit étaient ceux délivrés par des enseignantes à gros seins ou à grand coeur.

Souvenirs, souvenirs…, je me souviens que si je fus captivé un temps par les accords de Bretton Woods ou les effets de la vitesse de circulation de la monnaie, c'était par la grâce de l'eurasienne qui m'initiait à l’économie à défaut de mieux.

Et que si je ne rédige pas laborieusement ces chroniques avec deux doigts hésitants et l'oeil fixé sur le clavier c'est parce que l'option de dactylographie, que j'avais choisie au lycée pour partager quelques heures de cours supplémentaires avec la lycéenne de mes pensées, était assurée par une sémillante Arlette vêtue comme dans les films des années 70, c'est à dire très court.

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Le distanciel ou la mise à distance

Si Barbarella était prof, peut être n’aurions nous pas 100 000 jeunes qui sortent du système éducatif chaque année sans qualification.

C’est ce qu’avait oublié un responsable formation, pionnier du digital learning, et surpris lors des premiers déploiements de formation distancielle, par la violence et l’agressivité des retours des collaborateurs.

Est-ce surprenant ? si l'on place les individus dans un processus déshumanisé, froid, en face à face avec la technologie, dans l'apprentissage pavlovien de comportements ou de connaissances dont la technologie vérifiera in fine avec l'inévitable quizz la capacité de reproduction docile, comment ne pas susciter une réaction de révolte ? est-il si étonnant que la situation de désocialisation organisée génère des comportements désocialisés ?

Parce qu’au fond, lorsqu’on vit dans un pays latin, que cherche-t-on ? comme le chanterait Johnny : « De l’amour, de l’amour, de l’amour, de l’amour… ».

NDLA : Pour du digital incarné et de qualité, des liens non sponsorisés sauf par l’amitié 

http://il-di.com

http://www.myconnecting.fr

18/01/2016

D comme....DIALECTIQUE

Plutôt l’esprit de contraction que de contradiction

 Développer ses compétences exige d’exercer des activités nouvelles. Qui s’en tient à ce qu’il maîtrise déjà ne progresse pas et qui ne progresse pas recule car le monde n’attend pas.

Allons un peu plus loin : développer ses compétences c’est accepter à un moment donné la confrontation. Confrontation avec de nouvelles situations de travail donc mais également confrontation avec des pensées opposées à la sienne (penser contre soi-même disait Sartre), avec des pratiques différentes, avec des méthodes qui ne sont pas les nôtres. Bref, pour progresser il faut se mettre en situation d’inconfort, sortir des situations endogamiques, du cercle de ceux qui nous confortent et aller au-devant de ceux qui nous dérangent.

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L'art de brouiller les pistes

Pour progresser il faudrait donc que je lise les bouquins d’Eric Zemmour, que je passe une journée de travail avec des managers persuadés que le droit du travail est le premier frein à l’économie, que j’accompagne une négociation avec l’objectif qu’elle n’aboutisse pas, que je participe à une table ronde avec Marc Ferracci, que je préconise de s’affranchir de règles structurantes, que je lise en détail les jurisprudences qui vont à rebours  de constructions cohérentes, que je présente des lois absurdes en essayant de leur donner du sens, que j’encourage l’expression des opinions les plus farfelues dans les formations…et bien j’ai essayé tout cela et manifestement ça marche  (sauf lire les bouquins de Zemmour, faut pas déconner quand même, je m’en suis tenu à la lecture de Causeur, ce qui n’est déjà pas mal vous l’avouerez –et je n’ai pas lu que les chroniques de Jérome Leroy, ce serait trop facile).

 A ceux qui s’inquiéteraient, livrons une conclusion rassurante : la dialectique on est pas obligé du matin au soir, on peut aussi faire ce que l’on aime, comme on aime, avec ceux que l’on aime. Il faut juste ne pas oublier de sortir, régulièrement, du confort. Mais où ais-je mis le Journal de Philippe Murray ?

17/01/2016

Un léger sentiment d'irréalité (le retour du CPF Leaks)

Vous regardez la photo illustrant ce blog et vous pensez que j'ai un peu forcé sur le photoshop. Qu'un ciel bleu indigo, une mer turquoise et un nuage rose, il faut soit avoir méchamment arrosé le succès du CPF, soit avoir passé son week-end sur le retoucheur d'images. Mais qu'en réalité, cela n'existe pas. Détrompez vous, les couleurs étaient bien celles affichées, un soir de soleil irisant sur la belle mer normande aux tons imprévisibles. On y croit pas, mais cela existe. 

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Après avoir lu (mais si, il le faut !), les 146 pages du document expliquant les procédures de fonctionnement du CPF, vous risquez également d'avoir un léger (voire plus) sentiment d'irréalité. Et pourtant, le document est tout à fait officiel. Certes, il est réservé aux professionnels, mais jetez un coup d'oeil tout de même sur les parcours des bénéficiaires, aux pages soixante et suivantes. Bien évidemment, le document, comme les huitres, n'est pas exempt de quelques perles sur lesquelles je reviendrai parmi lesquelles la publicité fait à un organisme de langue (bravo Nathanaël !) qui n'est pas la plus gênante comme peuvent l'être les règles inventées ou les habilitations illégitimes. Pour ceux qui doivent expliquer tout cela aux utilisateurs : Bon courage !

CPF - guide de procedures - janvier 2016 .pdf

16/01/2016

D comme...DETOUR PEDAGOGIQUE

Je suis anarchiste au point de traverser dans les clous

pour ne point avoir à discuter avec la maréchaussée (Brassens)

 

Le détour pédagogique est une méthode selon laquelle le plus court chemin pour aller de A à B est de passer par C. Elle permet de déconstruire les représentations, de fréquenter de nouveaux territoires et d'aborder sous un angle nouveau de vieilles questions. La méthode n'est pas sans risque. A faire des détours on peut se perdre en route ou faire un voyage pour rien, si à l'arrivée le regard n'a pas évolué. Existe aussi le danger que le détour ne soit qu'un tour, un artifice sans profondeur et sans valeur.

Tentons l’expérience. Vous goûtez un Sauternes : l'été indien fait de tournesols fanés, de vignes empourprées, de douces lumières et de platanes ambrés vous enveloppe. Vous souhaitez décrire le nectar, les mots qui vous viennent sont miel, abricot, ananas, citron pour quelques crus jeunes, mirabelles, mangue pour les plus mûrs, fruits de la passion ou poire pourront également se présenter. Des fruits jaunes, qui ont capturé le Dieu soleil pour vous en livrer les sucs.

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Anarchiste japonaise

Comme il existe plus de cents mots pour décrire la robe du taureau à son entrée dans l’arène, les fruits s'offrent par dizaines pour dire l'ineffable goût du vin. Le détour par le fruit vous livre l'âme du breuvage, comme le détour par la moisissure permet de sublimer les vins sapriens.

Poursuivons. Vous goûtez un Margaux : les sous bois vous accueillent et livrent leurs framboises, fraises des bois, myrtilles, cassis et vous mènent par les vergers à  la cerise, la griotte ou au  pruneau qui se marient à l'envi. Le feu du soleil a marqué au rouge le tanin qui s'épanouit en votre palais. L'or noir n'est pas cette eau de roche grasse et pollueuse, c'est le grain du raisin qui offre sa chair tendue avant de s’abandonner à la maturation pour mieux exhausser les sucs du nectar des Dieux.

Vous cherchez la nature des choses, vous souhaitez atteindre l'essence de ce qui vous préoccupe ? Oubliez que la ligne droite est le plus court chemin pour aller d'un point à l'autre. Le détour vous mène au coeur de la question. Et si vous étiez un vin, lequel aimeriez-vous être ? Et un fruit ? Et une saison ? Vous en apprendrez plus sur vous même en répondant au questionnaire de Proust qu'en vous coltinant directement avec l’effrayant Qui suis-je ? Si d'ailleurs il vient à vous assaillir, un détour par la vigne s'impose.

15/01/2016

D comme....DESIR

Le Marquis de Sade démasqua le désir

Lorsque des responsables formation annoncent que par la formation ils vont faire adhérer les salariés au projet de l’entreprise, il m’arrive de leur rappeler que les salariés ne sont pas des velcro. Et parfois je leur montre des photos de Spencer Tunick.

 Le 17 août 2007, 600 personnes marchent pendant plus de quatre heures pour monter jusqu'au glacier d'Aletsch. Là elles se dévêtent et posent en toute nudité pour Spencer Tunick, photographe spécialisé dans les installations mettant en scène des personnes nues en milieu urbain ou naturel.

La photo était, à l’époque, réalisée pour Greenpeace, commanditaire qui souhaitait attirer l'attention sur le réchauffement climatique et la diminution rapide du glacier. Etait-ce cette motivation écologique qui habitait les 600 participants, tous volontaires et non rémunérés. Comment d'ailleurs connaître les motivations de chacun, rendu invisible par le nombre sur la photo ? Credo naturiste, démarche artistique, plaisir exhibitionniste, simple curiosité, amour de la montagne, militantisme écologique, besoin d'évasion, pari d’ivrogne, recherche de contacts, ballade entre amis, blague potache, envie d’expériences, occasion faisant le larron....????

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Esthétique, corporel, fantasmatique

Et comment identifier les motivations des 18 000 mexicains qui ont posé nus sur la place centrale de Mexico ? Et celles des milliers d’allemands qui sont restés sous la pluie et dans le froid des grandes avenues balayées par le vent de Dresde ? Et des lyonnais regroupés dans les Traboules ? Et des catalans dénudés sur le port de Barcelone ? Et de tous ceux qui traversent le monde pour venir se joindre pendant quelques heures à une foule nue, placide, qui répond docilement aux ordres des assistants du photographe, perché sur une échelle ?

 Pour réunir tous ces participants, Spencer Tunick n’a pas identifié les ressorts de la motivation personnelle, il n’a pas réfléchi à partir de l’artificielle pyramide de Maslow (quelqu’un aurait pu expliquer à Maslow que les carences alimentaires causent moins de dégâts chez les enfants que les carences affectives), il n’a pas exigé que chacun partage ses propres motivations. Il a su inventer un événement permettant à chacun d’investir son désir personnel, sans avoir à rendre de comptes. Parler au désir d’autrui, voilà qui suscite toutes les vocations, les engagements, les volontés. Mais comment s’y prend-on pour parler au désir des autres ? Demandez à Spencer Tunick.

14/01/2016

C comme....CONSULTANT

Un travail de cochon

L’homme était porcher dans un abattoir. Son activité consistait pour l’essentiel à guider les camions transportant les futurs jambons et saucisses, à les faire descendre des camions et à les conduire jusqu’au lieu d’abattage.

Comme beaucoup d'abattoirs, celui dans lequel travaillait le porcher connaissait un équilibre économique précaire. Au point de solliciter un consultant, en l’occurrence un chasseur non pas de sangliers mais de coûts. Après un audit en règle le verdict tombe : parmi les mesures d'économie figure la suppression de l'emploi du porcher. Le temps du social et de la gestion familiale est terminé. La rentabilité a ses exigences que les sentiments ignorent. Exit le porcher, les livreurs de cochons pourront bien faire descendre eux-mêmes la troupe porcine des camions.

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Bellota ! Bellota !

Las, non seulement le redressement ne fut point au rendez-vous, mais la rentabilité de l'abattoir déclina. Le consultant déclara qu'il était trop tard et qu'il eut fallu le contacter bien plus tôt. Et puis un salarié fit remarquer que la dégradation de la rentabilité était accentuée par les pertes importantes en cochons : c'est que l'animal est aussi cardiaque qu’il est intelligent, mais impropre à la consommation s’il meurt avant l’abattage. Or le taux de décès accidentel avait fortement progressé depuis quelques mois. Précisément depuis le départ du porcher.

Et l'on se rendit compte que le porcher avait appris à reconnaître les cochons stressés, ceux qui devaient être mis de côté, ou ne devaient pas être descendus du camion tout de suite, où devaient être guidés lentement, etc. Ces attentions diverses permettaient d'épargner de la mort prématurée environ 5 % du cheptel, soit bien plus que la totalité du résultat de l’abattoir (question à l’ami Philippe Denimal, l’expert national ès systèmes de classification : sur la base de critères de responsabilités et d’impact sur le résultat, on le positionne à quel niveau de rémunération le porcher ?).

Mais ces compétences là avaient échappé au consultant. Faute de temps dira-t-on, faute d’argent répondra-t-il puisque son temps se mesure en euros. Faute de regard plus sûrement, qui conduit à ne plus voir que ce que l’on connaît déjà et à ignorer la découverte. Et c’est à ce moment là que commence le travail de cochon.

13/01/2016

C comme...CONNAISSANCE

La connaissance est une vieille erreur qui pense à sa jeunesse

(Francis Picabia)

 Michel Serres, à 80 ans passés, est-il retombé en enfance ? Gageons plutôt qu'il n'en soit jamais totalement sorti et que cette survivance de l'enfant en lui le fait aimer les contes et garder le goût de l’enseignement.

En une période où fleurissent les déclinistes de tout poil, ceux qui confondent leur lente disparition annoncée avec celle du monde dans lequel ils vivent, ceux qui n'ont de cesse de peindre à leur image décrépite leur environnement, Michel Serres offre un petit opuscule rédigé sous forme de lettre à Petite Poucette. Pourquoi ce nom ? Pour la dextérité avec laquelle la jeune fille se sert de ses pouces sur son smartphone, mais également parce qu'il appartient à cette jeune génération d'inventer elle-même les moyens de trouver son chemin dans ce monde nouveau que la technologie bouleverse à chaque instant. Pas question de crier "Pouce" pour Petite Poucette qui tracera sa route.

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In Memoriam

A disposition de Petite Poucette, une accessibilité au savoir inégalée dans l’histoire, des bibliothèques, des œuvres d’art, des expériences, des images, mais aussi des villes, des rues des campagnes que l’on peut parcourir à distance, bref le monde à une portée de clic. Petite Poucette tient désormais sa mémoire entre ses mains.

 Mais petite Poucette a également à sa disposition des enseignants, des experts, des praticiens, qui lui apporteront méthodes de travail, usages possibles du savoir, expériences et retours d’expériences. Et aussi tous ceux qui voudront bien échanger, discuter, contredire, questionner ce que petite Poucette acceptera de partager.

Reste la question clé : « pour quoi faire ? ». Car tout le savoir du monde n’a jamais fourni de réponse au mystère de la condition humaine, devant laquelle petite Poucette n’est pas plus avancée que ses devanciers. Et ça donne quoi « mystère de la condition humaine » sur Google ?

12/01/2016

C comme...COMPETENCE COLLECTIVE

On n’agit jamais seul

 L’individualisation des pratiques manageriales et de gestion des ressources humaines fait souvent de la compétence une question strictement individuelle. Or, la performance d’une organisation, comme celle d’une équipe sportive, tient en grande partie à la qualité des collaborations qui s’établissent entre chacun de ses membres. Les talents individuels, mais en cohérence et avec la force de l’action collective.

Et puisqu’il est toujours question de compétence, restons avec Pierre Villepreux et la manière dont il conçoit le développement de compétences collectives :

Première étape, la compétence individuelle est une capacité à mobiliser des ressources en situation.

 « Le but, c’est de s’adapter aux contraintes et exigences de la situation en recherchant le résultat le plus efficace possible puisque la réussite dépend, pour le joueur, de ses ressources disponibles et de leurs qualités mais aussi de sa capacité à les mobiliser au moment voulu."

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Scat Cat's Band (Les Aristochats)

Deuxième étape, la compétence collective c’est avoir des référentiels communs pour la résolution de problèmes et pour l’action efficace.

"L’adaptation pour être efficace doit être active. La lecture du jeu n’est pas une banale prise d’information passive mais bien un moyen pour donner du sens à son action grâce à l’acquisition de repères et indices toujours plus nombreux et précis, conduisant à un référentiel commun à tous. Il s’agit bien donc de former les joueurs à lire le jeu en les plaçant dans des situations problèmes qui soient à la mesure de leur niveau de jeu."

Troisième étape, la prise de risque individuelle et collective est une condition du développement des compétences.

"Le joueur doit être mis en situation d’incertitude, on peut dire d’instabilité qui doit l’amener à fonctionner par prédiction et anticipation donc, à connaître et comprendre de plus en plus finement les mécanismes de jeu dans les situations successives et évolutives. »

 Voilà, vous avez le schéma pédagogique, il ne vous reste plus qu’à imaginer les formations correspondant à vos objectifs. On dit merci qui ?

11/01/2016

C comme....COMPETENCE

La compétence, ou la fée électricité

 La définition la plus synthétique (quoi que fée électricité n’est pas très long) et la plus juste de la compétence a été donnée par un toulousain, Pierre Villepreux (pour ceux qui feraient remarquer que Pierre Villepreux n’est pas né à Toulouse, répétons qu’être toulousain est un état d’esprit). Il définit la compétence en deux mots : l’intelligence situationnelle.

Deux mots, deux dimensions. La première, l'intelligence de la situation. Etre compétent c'est d'abord poser le bon diagnostic sur la situation pour en déduire l'action à conduire. Rapidité et fiabilité du jugement sont les piliers de la compétence qui permettront l'acte juste, dont il sera nécessaire de maîtriser la technicité, sans laquelle il n'y a guère de liberté d'agir. Et quant à l'action, Pierre Villepreux a toujours été persuadé que le beau jeu était également le plus efficace (ceux qui ne goûtent pas le rugby pourront vérifier dans à peu près n’importe quel sport que le geste le plus efficace est souvent le plus beau : l’esthétique du geste est aussi une esthétique de l’efficacité).

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De cette première dimension concluons, comme aurait pu le faire Sartre, que l’on n’est jamais compétent, et libre d’exercer sa compétence, qu’en situation et que la compétence n’existe pas en dehors des situations dans lesquelles elle trouve à s’exprimer.

La deuxième dimension de l'intelligence situationnelle, c'est de se savoir en situation. De ne pas être dominé par le rôle que l'on joue, de ne pas en être dupe, mais de le jouer professionnellement. Et donc d'avoir le recul nécessaire à la réalisation impliquée et distanciée de l'action, car l'engagement ce n'est pas nécessairement de mettre ses tripes sur la table (ah les coups de tête contre les murs dans les vestiaires pour se motiver…), mais au contraire de savoir en toute lucidité ce que l'on fait et pourquoi on le fait.

L'engagement est une volonté qui se sait volonté. C'est en cela que Villepreux est profondément Sartrien : les joueurs sont libres et exercent cette liberté par leurs choix qui sont nécessaires, ils agissent et font les choix en situation, ils sont ce que sont leurs actes car le faire est révélateur de l'être. Et comme Sartre, Villepreux pense que l'homme est à inventer chaque jour.