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18/02/2010

La vraie vie

"Vous êtes juriste ?" la question  est souvent posée avec une pointe de méfiance ou de défiance. Méfiance car le juriste est souvent perçu comme enfermé dans ses livres, textes, bibliothèques. Défiance car le juriste énerve en ayant à la fois réponse à tout, car les mots peuvent tout et que le droit c'est de la littérature, sans pour autant avoir de certitudes car si le raisonnement juridique peut être rigoureux, il n'est jamais une science exacte. Le questionneur tient souvent le juriste pour un théoricien et le droit pour une abstraction. Ailleurs est la vraie vie. Bien souvent pour dirigeants, managers ou salariés, le droit n'a qu'un lointain rapport avec la réalité. Mais reconnaissons que pour le juriste, la réalité n'est parfois qu'une projection de présupposés. Par exemple, en droit du travail, celui qu'il ne saurait y avoir de véritable négociation entre l'employeur et le salarié et que les volontés par définition ne sont pas égales. Un coup d'oeil sur les 170 000 ruptures conventionnelles peut être ?

Si l'on voulait répondre sur les livres et bibliothèques on pourrait convoquer Cendrars, qui avait calculé que toute une vie ne suffirait pas pour lire tous les livres des grandes bibliothèques dans lesquelles il passait ses journées entre deux voyages, ou encore Gérard de Nerval, arrivant à Alexandrie, s'enfermant dans sa chambre d'hôtel, se plongeant dans la lecture et écrivant : "Le vrai Orient est là, dans les livres". Qu'est-ce que la vraie vie ? peut être cette phrase de Victor Hugo : "Ruth songeait et Booz dormait".

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Frédéric Bazille - Ruth et Booz - 1870

Si l'on veut la clé de la réponse, on peut lire le poème de Victor Hugo ci-dessous. Ou bien cette phrase d'André Breton "la vie humaine, conçue hors des limites strictes que sont la naissance et la mort, n'est à la vie réelle que ce que le rêve d'une nuit est au jour qui vient d'être vécu". La théorie n'existe pas en tant qu'elle fait partie de cette vie. Et aucun présupposé ne résiste aux rêves individuels.

18/11/2009

Nemo auditur

Nemo auditur propriam turpitudinem allegans. L'adage est un des rares que les étudiants en droit retiennent aisément : rythme de la formule, mystère du nemo, trouble du turpitudinem, appropriation du propriam...on chercherait en vain les raisons de la résonnance particulière du latin. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Ainsi en a jugé la Cour de cassation  le 10 novembre dernier à propos d'une affaire très banale : une entreprise a transformé en licenciements pour motif personnel des licenciements économiques et signé des transactions avec les salariés pour régler l'affaire. Pris de remords, ou plus exactement s'apercevant après coup qu'il y avait plus à gagner qu'à perdre, les salariés intentent une action en nullité de la transaction. Gagné. Mais mauvaise surprise, les tribunaux exigent la restitution des sommes perçues au titre de la transaction annulée. Les avocats des salariés s'indignent : l'employeur, au nom de l'immoralité des transactions conclues et de l'adage Nemo auditur...ne peut demander restitution des sommes. Si confirme la Cour de cassation.

 

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Nemo in Roppongi
Si les juges ne le mentionnent pas, il est fort possible qu'ils aient retourné l'adage et l'aient appliqué aux salariés : qui a signé une transaction nulle ne peut prétendre conserver les sommes reçues. On perçoit l'agacement des juges devant d'une part la prolifération de transactions qui constituent de manifestes détournement de la loi, quand il ne s'agit pas purement et simplement d'escroquerie (au fisc, à l'URSSAF, etc.), et d'autre part ces repentis tardifs des salariés qui remisent la mise et pensent que le prochain jackpot sera supérieur au premier. Dans l'affaire, nul n'est tout blanc. A l'occasion, rappelons que contrairement à certaines rumeurs, la rupture conventionnelle est une solution bien plus sécurisée que la transaction, qui présente également le petit mérite de la légalité sans turpitude.

14/10/2009

Le cadre : notion artistique

Paul Duchein est Montalbanais, accessoirement pharmacien et à titre principal peintre et auteur de somptueuses boîtes qui démontrent, s'il en était  besoin, que l'encadrement n'est pas un enfermement mais une ouverture vers le rêve et l'infini. La délimitation de l'espace clos n'est qu'une  manière d'ouvrir les portes de l'imaginaire dans un de ces apparents paradoxes qui charment les surréalistes dont Duchein a toujours été proche. L'art de l'encadrement ou comment l'onirisme peut se déployer sans fin dans un espace contraint.

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Paul Duchein - La chambre d'André Breton - 1991

Les juges sont sans doute admiratifs de l'oeuvre de Paul Duchein et soucieux de réserver à l'artiste la notion de cadre. La Cour de cassation vient en effet, par plusieurs décisions datant de l'été dernier, de poser en principe que des avantages salariaux (jours de RTT, tickets-restaurants, primes...) ne sauraient être réservés aux cadres dès lors que d'autres salariés sont placés dans la même situation au regard de l'avantage en question. En d'autres termes, une différenciation basée seulement sur le statut de cadre est illicite en tant que contraire au principe d'égalité de traitement. Pour justifier la différence, des raisons objectives, basées donc sur la réalité du travail ou des conditions de travail, doivent être identifiées. Par cette jurisprudence, la Cour de cassation met à mal nombre d'accords et de conventions collectives qui réservent certains avantages spécifiquement aux cadres. Pour les juges, l'affaire est claire : laissez les cadres aux artistes, et à Paul Duchein, et basez les différences de rémunération et/ou de statut sur de réelles différences dans le travail. Que salubre est parfois le vent de l'égalité !

12/10/2009

Petits malins

En application de l'accord sur le dialogue social conclu par l'UPA et les organisations syndicales de salariés en 2001, mais étendu seulement en 2008 notamment du fait de l'opposition de la CGPME et du MEDEF, une commission paritaire régionale interprofessionnelle de l'artisanat (ouf ! en fait la CPRI, prononcer évidement cépri...) a été créée en Rhônes-Alpes. D'autres devraient suivre dans des départements ou régions. Certains se souviendront que le département du Tarn, en Midi-Pyrénées, avait été pionnier en ce domaine avec la création par l'USAT (union des syndicats artisanaux du Tarn) d'une instance de dialogue social départementale. Objectif de ces instances ? négocier des accords collectifs de travail applicables aux entreprises artisanales et à leurs salariés, dans lesquelles n'existe pas de négociation collective du fait de leur taille. Et mettre à leur disposition des outils conventionnels qui leurs sont inaccessibles individuellement (prévoyance, activités culturelles et sociales, instances d'arbitrage des conflits, etc.). Dans un pays toujours jacobin, où la branche et le national structurent la négociation, voici une approche locale et interprofessionnelle susceptible d'explorer de nouvelles solidarités et de développer de nouvelles problématiques d'emploi. L'innovation sociale n'est donc pas l'apanage des grandes entreprises (quelles innovations ?) mais peut prendre appui sur un réseau de dirigeants de TPE (l'artisanat en Rhônes-Alpes : 100 000 dirigeants, 260 000 salariés). Souvenons nous du Petit Poucet.

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Viviane Riberaigua - Le petit poucet - Installation 2008

Le Petit Poucet n'a rien d'un conte mièvre. Au contraire : le Petit Poucet ne fait pas confiance à ses parents, il ne compte que sur lui-même, il embobine la femme de l'ogre, conduit celui-ci à tuer ses sept filles, lui vole ses bottes de sept lieues (de là à penser que le Petit Poucet commet les sept pêchés capitaux...il n'y a qu'une lieue), obtient par chantage et mensonge le trésor de l'ogre, et se trouve remplit de fortune après tout ceci. Menteur, voleur et assassin, voici le Petit Poucet récompensé par la gloire et l'admiration de toutes et tous. L'imagination et le rêve auront donc toujours raison de la force et de la vie purement matérielle (le seul souci des parents et de l'ogre : manger !). Pour cette raison,  on suivra avec intérêt le déploiement de l'accord UPA sur le dialogue social en se disant que s'il n'est pas écrit que tous les petits soient malins, on se plait à constater que c'est à ce niveau que surgissent prise de risques, créativité et défrichage de nouveaux chemins.

NB : pour ceux qui se demanderaient où se trouve le trésor de l'ogre, il sera rappelé que l'accord de 2001 instaure une cotisation spécifique de 0,15 % de la masse salariale payée par les entreprises artisanales pour financer les commissions locales de dialogue social. C'est contre cette cotisation nouvelle que se sont battus en vain le MEDEF et la CGPME. Comme les actes délictueux du Petit Poucet, le prix de la liberté.

23/09/2009

Liberté

La Cour de cassation, dans une décision du 16 septembre 2009, censure une clause figurant dans un contrat de travail à temps partiel, qui imposait à une salariée de demander à son employeur l'autorisation de prendre un autre emploi. Une telle restriction à la liberté du travail ne peut être justifiée que par un intérêt légitime de l'entreprise et doit être limitée dans ses modalités à la protection de cet intérêt.

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Joan Miro - Liberté des libertés 3

Cette décision rappelle la stricte limitation par les juges des clauses d'exclusivité. Non un salarié ne doit pas consacrer tous ses efforts et toutes ses ressources à l'entreprise. Il peut librement travailler ailleurs dès lors qu'il n'y a pas de conflit d'intérêt entre l'activité seconde et l'activité principale. La seule chose que l'employeur peut imposer est une obligation d'information pour qu'il soit en mesure de juger de cet éventuel conflit d'intérêt. Mais une clause qui exigerait une autorisation préalable pour exercer une activité serait dépourvue de validité. Et si conflit d'intérêt il y a, l'employeur doit sommer le salarié d'y mettre fin avant de prendre une sanction. Et c'est ainsi que les juges protègent les libertés du salarié d'exercer une activité professionnelle autre que celle qui le lie à l'employeur.
En une période où fleurissent les activités complémentaires, soit sous statut de salarié soit dans le cadre du statut d'auto-entrepreneur (plus de 100 000 mille déclarations depuis le début de l'année), il était important qu'une telle liberté soit réaffirmée.

09/09/2009

PUB !

Nadège Meyer est toulousaine, mais elle enseigne à l'Université de Nouvelle-Calédonie. Grace à l'amitié de Lise Casaux, Professeure à l'Université de Toulouse qui favorisa notre rencontre, j'ai eu le bonheur de recevoir ses mails pendant que je dormais et de lui envoyer les miens pendant qu'elle dormait. De ces échanges nocturnes est né....un ouvrage de droit du travail qui vient de paraître chez Dunod. La preuve par l'image.

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L'ouvrage est conçu de manière pédagogique : l'essentiel du thème, des outils, des questions, des jurisprudences commentées, de la méthode, des références, des synthèses....Au final, il doit permettre non seulement d'acquérir des connaissances mais surtout de pouvoir utiliser le droit du travail.
Pour donner un aperçu, le "tapuscrit" (pour la version imprimée, il faut se procurer l'ouvrage, ainsi que pour les réponses aux questions....) de l'étude consacrée aux sources du droit et à la méthode pour faire du droit du travail.

09/06/2009

Le droit fragmenté

Le 19 mai 2009 a été signé un avenant à l’ANI du 11 janvier 2008 qui créé la rupture conventionnelle. Cet avenant précise un point qui fait débat et vient compléter le PV d’interprétation établi en janvier : lors de la rupture conventionnelle, l’indemnité qui est due au salarié est l’indemnité légale de licenciement ou l’indemnité conventionnelle de licenciement si elle est plus favorable ce qui n’est pas très compliqué avec une indemnité légale fixée à 1/5ème de mois par année d’ancienneté, soit 1 mois de salaire par tranche de cinq ans.

Ce texte qui clarifie un point litigieux de la rupture conventionnelle, est toutefois la source d’un droit fragmenté. Or, si la fragmentation peut trouver sa place dans l’art, comme le pensait Novalis et comme le montre Anna Toscana dont les photos recadrent et recréent villes et statues, elle est peu opportune en droit.

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Anna Toscano - Statue F

En effet, les signataires de l’ANI du 19 mai 2009 ont prévu que cette disposition ne s’appliquerait qu’aux ruptures conventionnelles postérieures à la signature de cet accord, ce qui peut se comprendre en terme de sécurité juridique mais beaucoup moins si l’on affirme qu’il ne s’agit que de clarifier une intention qui existait déjà en janvier 2008 et figurait dans le texte initial. Et par ailleurs, l’ANI du 19 mai 2009 ne sera applicable qu’après son extension, qui pourrait d’ailleurs être la véritable date de l’obligation pour les entreprises, et ne concernera que les salariés des entreprises du commerce, de l’industrie et des services, à l’exclusion des secteurs de l’économie sociale, des professions libérales et de l’agriculture, et plus largement de toutes les professions non représentées par le MEDEF, la CGPME et l’UPA. L’exclusion concernera donc environ 30 % de salariés, qui relèvent de la seule loi et non des ANI, sachant que la loi ne prévoit que le versement de l’indemnité légale. Cette fragmentation du droit, qui contribue à son illisibilité et au final à son ineffectivité, conduit à constater une fois de plus que si un principe peut souffrir exception, à multiplier les exceptions on détruit le principe.

10/03/2009

Le temps retrouvé

La Cour de cassation, à la suite de la Cour de Justice des Communautés Européennes, vient de porter un nouveau coup au principe "Pas pris perdus" appliqué par nombre d'entreprises en matière de congés. La Cour avait déjà posé en principe qu'un salarié ne peut perdre ses congés du fait d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (Cass. soc., 27 sept. 2007). La même solution s'applique en cas de congé maternité ou d'adoption. Dorénavant le report de congés payés au-delà de la période légale de prise doit également s'appliquer en cas de maladie non professionnelle (Cass. soc., 24 février 2009). Plus de coup d'éponge sur les compteurs de congés payés au 30 avril, mais un report dès lors que la maladie n'a pas permis la prise des congés. Si la solution est évidente pour une maladie couvrant la fin de période de prise (salarié malade de mars à mai par exemple bénéficiant du report des jours restant sur la période suivante), on voit les difficultés pratiques pour un salarié qui aurait été absent en février et mars pour maladie et qui ne prend pas ses congés restant du fait d'un retard de travail et qui demande ensuite un report du fait de la maladie. Ce nouveau coup d'arrêt pourrait bien être un coup fatal pour le principe "pas pris perdu", ouvrant la porte au temps retrouvé, c'est-à-dire à l'obligation pour l'entreprise de procéder à la programmation effective des congés payés en l'absence d'initiative en ce sens du salarié. C'est d'ailleurs la position de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui considère que l'employeur doit veiller à ce que les travailleurs jouissent effectivement de leur droit au repos (CJCE, 7 sept. 2006).

 

 

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Marcel Proust - Le temps retrouvé

Que faire de ce temps retrouvé, de ces congés qui ne disparaissent plus ? osons une suggestion : vous pouvez demander à une jeune fille, en fleurs évidemment, de vous lire le passage suivant "Quelquefois, comme Eve naquit d'une côte d'Adam, une femme naissait pendant mon sommeil d'une fausse position de ma cuisse. Formée du plaisir que j'étais sur le point de goûter, je m'imaginais que c'était elle qui me l'offrait. Mon corps qui sentait dans le sien ma propre chaleur voulait s'y rejoindre, je m'éveillais. Le reste des humains m'apparaissait comme bien lointain auprès de cette femme que j'avais quittée, il y a avait quelques moments à peine; ma joue était chaude encore de son baiser, mon corps courbaturé par le poids de sa taille. Si, comme il arrivait quelque fois, elle avait les traits d'une femme que j'avais connu dans la vie, j'allai me donner tout entier à ce but : la retrouver, comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une cité désirée et s'imaginent  qu'on peut goûter dans une réalité le charme du songe. Peu à peu son souvenir s'évanouissait, j'avais oublié la fille de mon rêve". Bons congés pas perdus et bonne lecture.

28/11/2008

La technique et les valeurs

Le droit du travail est historiquement un droit de protection du salarié. Est-ce toujours le cas ? non pas que le droit du travail serait devenu un droit de l’employeur et non du salarié, mais il constitue, selon l’expression de Jacques Barthélémy, une « Technique d’organisation de l’entreprise » davantage qu’une règle visant expressément à protéger le salarié. Protection du salarié le forfait jour ? la modulation ? les règles relatives au CDD ? au temps partiel ?....difficile de se prononcer de manière binaire. Le droit devient de plus en plus une technique, qui n’est plus par elle-même porteuse de valeurs. Il convient de ne plus confondre droit et morale. Voilà peut être une bonne nouvelle : c’est aux utilisateurs de prendre leurs responsabilités par rapport à l’éthique et à la morale, elle n’est plus incluse dans la règle de droit.

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Cette réversibilité du droit du travail peut se constater en d’autres domaines. A l’heure où l’occident voit se multiplier les salariés nomades, les peuples nomades se sédentarisent tels les mongols qui viennent se regrouper autour d’Oulan-Bator. On ne saurait trop conseiller au lecteur de cette chronique de consulter le magnifique ouvrage de Sophie Zenon sur la Mongolie. Peut être y trouvera-t-il l’inspiration qui lui permettra de mettre quelques valeurs dans ses pratiques juridiques.

06/10/2008

Stagiaires à l'essai

La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 fait produire des effets à la période de stage réalisée en entreprise en cas d'embauche ultérieure : "En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables "(art L1221-24 du C. trav).

Cette disposition pose deux questions : doit-on appliquer cette disposition indépendamment de l'emploi sur lequel est embauché le stagiaire et pendant quel délai cette règle s'applique-t-elle ?

Pour la première question, le texte ne prévoit pas, comme pour l'embauche après un CDD ou un contrat d'intérim, une prise en compte uniquement en fonction de l'emploi occupé. Ce qui est logique car un stagiaire n'occupe pas un emploi, il ne peut donc pas y avoir analogie avec les CDD ou l'intérim. On considère ici que la connaissance de la personnalité du stagiaire permet de raccourcir la période d'essai de moitié. Après un stage de six mois, la période d'essai ne peut être que de deux mois en cas d'embauche sur statut cadre et de quatre mois en cas de renouvellement (au lieu de 4 ou 8 mois).

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Oeuvre collective réalisée en stage de peinture

La deuxième question concerne le délai entre la fin du stage et l'embauche. Il est évident qu'un délai très court constituerait une fraude à la loi. En tout état de cause, un délai inférieur à la durée de la diminution de la période d'essai ferait courir à l'entreprise un risque de requalification (par exemple : différer l'embauche d'un mois pour récupérer deux mois d'essai peut être considéré comme une fraude). Il convient donc d'admettre que le délai d'application de la règle est, au minimum, la durée pendant laquelle la période d'essai aurait été réduite.

02/10/2008

Rupture conventionnelle….il ne faut pas transiger

La nouvelle rupture conventionnelle se met en place, plus d’un millier de rupture auraient déjà été homologuées par les DDTEFP au cours du mois de septembre. Mais l’appropriation de l’outil n’est pas encore totale. Notamment, la distinction entre rupture conventionnelle et transaction. Deux points méritent d’être précisés. Le premier est qu’il ne peut y avoir de transaction portant sur la rupture du contrat de travail lorsque celle-ci a été conventionnelle. La transaction ayant pour objet de régler un litige, elle serait nécessairement nulle si elle portait sur un accord, tout en permettant au salarié de contester ensuite la validité du consentement puisqu’une transaction a été nécessaire postérieurement à la rupture conventionnelle. Une transaction faisant suite à une rupture conventionnelle ne pourrait donc porter que sur l’exécution du contrat de travail, et non sa rupture, ce qui conduirait inévitablement à qualifier les sommes versées à titre d’indemnité transactionnelle de salaire.

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Rupture - copyright : Brisedemer

Le deuxième point concerne les effets de la rupture conventionnelle. Elle n’a pas les effets d’une transaction valide et n’interdit pas un contentieux ultérieur qui peut porter soit sur la rupture elle-même, et il faudra alors que le salarié démontre un vice du consentement pour remettre en cause la rupture, soit l’exécution du contrat de travail, une demande de paiement d’heures supplémentaires par exemple, puisque la rupture conventionnelle n’est pas un accord global qui clôt la relation de travail mais uniquement une manière d’y mettre fin par accord mutuel. Même s’il est possible de régler le sort de certains droits (clause de non-concurrence, crédit DIF, …) dans le cadre de la rupture, elle ne peut être assortie d’une clause générale indiquant que dans le cadre de la rupture le salarié considère qu’il est rempli de ses droits et qu’il renonce par avance à toute action. Une telle formule conduirait directement à la nullité de l’accord de rupture requalifié en transaction…non valide. Conclusion : soit la rupture conventionnelle, soit la transaction, mais pas les deux.

01/10/2008

Il n'y a pas de vide juridique

On entend régulièrement l’expression : « vide juridique ». Malgré l’inflation de textes, nos codes toujours plus volumineux et les milliers de pages du journal officiel publiées chaque année, il subsisterait donc des terrae incognitae dans lesquelles ni le droit ni les juristes ne se sont aventurés.

Il est pourtant aisé de démontrer que si la nature a horreur du vide, le droit également : près de 200 000 actions nouvelles sont introduites chaque année devant les Conseils de prud’hommes. On attend encore qu’un juge explique aux parties que « Désolé mais le droit ne prévoit rien dans votre cas, le jugement ne peut être rendu ». Quelle que soit la question posée, si elle a trait au contrat de travail ou à son exécution, le juge se doit de rendre une décision. S’il ne dispose pas d’une règle spéciale qui lui permet de traiter spécifiquement le cas (ce qui est l’exception puisque la réalité a plus d’imagination que le législateur qui ne peut envisager toutes les situations qui se présenteront devant le juge), alors le juge choisira d’appliquer une règle plus générale, voire un principe qui, par sa généralité, sera plus englobant et permettra de traiter davantage de situations. De manière apparemment paradoxale, plus la question posée est précise et plus la règle qui permet de la résoudre est générale. Ainsi, comme l’indiquait la chronique d’hier, faute d’Internet dans le code du travail, on applique les règles relatives à l’outil professionnel et à la correspondance. Mais de vide juridique point.

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Roland Cat - La maison vide

S’il fallait un argument supplémentaire à la démonstration, on pourrait se référer à l’article 5 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel « Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas ». Voilà comment toute conduite trouve sa place au sein d’un ordre juridique. Pour terminer et illustrer le tableau de Roland Cat, une citation de Lao-Tseu : « Ma maison ce n'est pas les murs, ce n'est pas le toit c'est le vide entre les éléments parce que c'est là que j'habite. »

08/07/2008

Qu'est-ce qu'un contrat ?

Un peu de latin trouvé dans un recoin de souvenirs permet de répondre à la question: le droit romain distingue le negotium, le contenu du contrat, et l'instrumentum, le support du contrat. Autrement dit, ne confond pas le fond du contrat, ce sur quoi porte l'accord, et sa forme, par exemple l'écrit qui lui sert de support.  Combien de salariés après des années passées dans l'entreprise me disent : "Vous vous rendez compte, je n'ai même pas de contrat !". Mais si. Mais pas écrit.

Le nouveau code du travail est sur ce point plus clair que l'ancien. Il précise : "Le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter" (art. L. 1221-1). Il en résulte que le contrat n'est pas nécessairement écrit, sauf lorsque la loi l'impose, ce qui est le cas pour les contrats à durée déterminée ou à temps partiel.

Demeure la question : puisque le droit nous laisse libre, que mettre dans un contrat de travail ? pour répondre, il faut considérer que le contrat est un triptyque.

 

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Francis Bacon - Triptyque - 1976
 
La première partie du triptyque est ce sur quoi porte l'accord des parties : la qualification (définition de l'emploi ou de la fonction) et la rémunération. On peut compléter par tous les éléments sur lesquels les parties souhaitent s'engager : durée du travail lorsqu'il y a convention de forfait, lieu de travail le cas échéant, clause de non-concurrence, de fidélité, de mobilité, etc. En aucun cas ces clauses ne peuvent être des clauses types incluses dans tous les contrats de travail. Leur validité est liée à leur intérêt au regard de la situation des salariés et aux contreparties, notamment en terme de rémunération, lorsqu'elles constituent des engagements particuliers pour le salarié.
 
La deuxième partie du triptyque concerne le statut collectif. Cette partie est informative, c'est-à-dire qu'au contraire de la partie contractuelle qui ne pourra être modifiée qu'avec l'accord du salarié, elle ne comporte pas d'engagements. Il s'agit de rappeler le statut collectif applicable : convention collective, caisse de retraite, régime de prévoyance, etc.
 
La troisième partie est également informative. Elle rappelle les éléments de la relation qui ne sont pas contractuels et que l'employeur peut modifier unilatéralement : horaires de travail (sous réserve de ne pas déséquilibrer le contrat), contenu des fonctions (sous réserve de la qualification), remboursement de frais, moyens professionnels mis à disposition du salarié, etc.
 
Cette rédaction en trois parties permet de faire de la pédagogie et de régler par avance un certain nombre de questions. Attention toutefois, le juge n'est jamais tenu par la qualification donnée par les parties à leurs relations et il peut, au regard de la réalité des faits, requalifier une situation. Par exemple, il pourra considérer que la particularité de l'horaire le rendait nécessairement contractuel. On constate une fois de plus, et ce sera l'objet d'une prochaine chronique, que le droit du travail est fait par l'employeur....sous le contrôle du juge. 
 

 

13/06/2008

La rupture conventionnelle : un faux-ami ?

La loi sur la modernisation du marché du travail rénove le régime de la rupture conventionnelle. Jusque-là, ce mode de rupture dont le code du travail ne prévoyait pas précisément le régime, était assimilé à une démission quant à ses conséquences : le salarié donnant son accord pour quitter l'entreprise, il n'avait pas droit à percevoir une indemnité et n'était pas pris en charge par l'assurance-chômage. De ce fait, mais aussi souvent pour éviter des licenciements économiques ou pour contourner les régles restrictives en matière de mise à la retraite, on a vu proliférer ces dernières années les "faux" licenciements avec transaction à la clé pour permettre au salarié de percevoir une indemnité exonérée de charges et d'impôts et de percevoir l'assurance chômage.

Conscients de ces dérives, les partenaires sociaux ont négocié un nouveau régime de rupture destiné à donner un cadre juridique adapté à ces pratiques illicites. Comme pour la période d'essai (voir chronique précédente) il s'agit d'éviter l'illégalité en tenant compte des pratiques et en faisant évoluer le droit pour redonner un cadre légal. L'intention est louable et les employeurs ont d'autant plus consenti à la négociation qu'ils considèrent que la rupture conventionnelle clôt de meilleure manière le litige que la transaction, ce qui est vrai : alors que les juges remettent en cause la transaction de plus en plus souvent, notamment si le salarié démontre que des négociations ont précédé le licenciement, il sera très difficile de remettre en cause une rupture conventionnelle établie selon un process qui offre des garanties pour le salarié et l'imprimatur de l'administration. 

Toutefois, à l'usage, cette nouvelle rupture conventionnelle pourrait se révéler pour les entreprises et les salariés un faux-ami.

 

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Au rendez-vous des amis - Max Ernst - 1922
 
Faux-ami pour les entreprises d'abord : avec le nouveau régime très favorable de la rupture conventionnelle, quel salarié va continuer à démissionner, sauf s'il est en partance pour une opportunité plus favorable (et encore). L'intérêt sera d'amener l'entreprise à la négociation. Combien de salariés, par ailleurs, vont saisir l'occasion de cette nouvelle rupture pour proposer à l'entreprise de négocier sur leurs départs. D'autant que si la loi fixe un plancher d'indemnité de départ, l'indemnité légale de licenciement, il n'y a pas de plafond et les limites d'exonération sont fixées très haut (2 ans de salaire). Le risque pour l'entreprise est de se retrouver à gérer ....des files d'attente de salariés qui souhaitent partir et qui vont voir-là une opportunité d'autant plus intéressante que le chantage à la productivité (baisse maîtrisée des activités...) devrait faire son apparition.

Faux-ami pour les salariés ensuite car la tentation risque d'être forte, notamment en cas de besoin de capital, d'essayer de négocier un départ avec l'entreprise dans de bonnes conditions....sans prendre en considération le fait que l'accès à l'emploi se fait plus facilement depuis un autre emploi que depuis le chômage et que la prime immédiate est parfois un chèque sur l'avenir.
 

Avant de se précipiter sur la mesure, il est donc important de prendre le temps de la réflexion et de déterminer quels objectifs l'entreprise va poursuivre sur ce dispositif nouveau  qui va nécessiter un temps d'appropriation. Dans cette réflexion, il faudra prendre en compte le taux de turn-over souhaité, le message que tout départ peut s'acheter, l'effet de prolifération, etc. Décidément, il n'est vraiment pas évident que la vie des DRH s'en trouve simplifiée.

En pièce jointe, les nouvelles dispositions du Code du travail avec les commentaires :
 
La Rupture Conventionnelle.doc
 

 

 

11/06/2008

Le CHSCT, nouvel épouvantail des DRH ?

Le CHSCT deviendrait-il le cauchemar des employeurs ? plusieurs décisions de la Cour de cassation prises ces derniers mois témoignent de la montée en puissance de cette instance, trop souvent déconsidérée dans l'esprit des représentants du personnel eux-mêmes et des employeurs.

Dans la première affaire, la Cour de cassation indique : "Ayant relevé que les modalités et les enjeux de l'entretien étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail, la cour d'appel a exactement décidé que le projet de l'employeur devait être soumis à la consultation du CHSCT" (Cass. soc., 28 novembre 2007, n° 06-21.964). Doit donc être soumis pour consultation au CHSCT, avant la consultation du comité d'entreprise qui est  également obligatoire, un projet d'entretien d'appréciation qui  débouche sur des décisions en matière de rémunération ou d'appréciation de la compétence professionnelle pouvant donner lieu à prise de décisions individuelles. 

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Epouvantail en Andalousie. Photo Rosa Dausset
(revue Supérieur inconnu N°1, 1995)
 

Dans la deuxième affaire, la Cour de cassation considère que "L’obligation de sécurité de résultat à laquelle est soumise l’entreprise, lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Elle lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés (Cass. soc., 5 mars 2008, n° 06-45.888). Un CHSCT peut ainsi demander au juge de bloquer un projet de réorganisation pouvant avoir des impacts négatifs sur la santé des salariés.

Dans le droit fil de l'extension du champ de la santé au travail, les pouvoirs du CHSCT s'étendent donc à de multiples secteurs : lieux de travail, matériels et produits utilisés par les salariés, durée et organisation du travail, process et ergonomie des postes de travail, organisation du travail,  management et climat social, relations clients, etc.  Nous sommes loin de l'ancienne approche étroite de l'hygiène et de la sécurité envisagée quasi-exclusivement du point de vue des risques corporels immédiats.

Les DRH découvrent ainsi que le CHSCT dispose souvent de leviers d'action plus efficaces et plus nombreux que le comité d'entreprise lui-même. Le CHSCT sera un véritable épouvantail lorsque les membres du CHSCT eux-mêmes l'auront eux aussi découvert. 

03/06/2008

Modifier la qualification ou modifier les fonctions

Une salariée initialement embauchée en qualité d'assistante de direction a pris en charge la création du centre de documentation interne. A la suite de l'informatisation de son poste et de l'embauche d'un informaticien pour exercer les fonctions qu'elle occupait l'employeur lui a proposé de retrouver son ancien poste d'assistante. Devant le refus de la salariée, l'employeur la licencie pour faute grave.

Les juges du fond ont considéré que le licenciement était fondé sur une cause réelle, le changement de service ne constituant pas une rétrogradation, le contrat de travail de la salariée n'étant pas modifié aussi bien du point de vue statutaire que du lieu d'exercice de son activité ou de sa rémunération. Décision que censure la Cour de cassation qui retient qu'il appartenait aux juges de rechercher si le changement de fonction imposé à la salariée n'entrainait pas une diminution de ses responsabilités et l'accomplissement de tâches inférieures à sa qualification (Cass. soc., 18 avril 2008, n° 07-41.222).

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Yun - Refus (photographie retravaillée)
 
 L'analyse des juges est en fait la suivante : toute modification de la qualification d'un salarié est une modification du contrat de travail. Le passage du poste d'assistante de direction à celui de responsable du centre de documentation est une modification du contrat. Cette modification n'a pas été formalisée mais peu importe, une modification tacite est valable si elle est favorable au salarié. Lorsque l'entreprise demande à la salariée de reprendre ses anciennes fonctions, il s'agit de nouveau d'une modification de la qualification professionnelle. Peu importe que le salaire et le lieu de travail ne soient pas, eux, modifiés. Dès lors la salarié peut refuser ce retour arrière en estimant qu'il est moins favorable. Dans un tel cas, le licenciement ne peut avoir lieu pour faute, tout au plus pour la raison qui a conduit à proposer la modification mais jamais pour cause de refus de cette modification.
 

14/05/2008

Ne pas former tue

 La protection de la santé des salariés fait l'objet d'une sévérité accrue de la part des tribunaux, notamment depuis 2002 et la réforme de la législation relative à la santé au travail. 

La responsabilité de l'entreprise  peut être engagée, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle,  soit au plan civil soit au plan pénal notamment lorsque l'accident est grave a fortiori lorsqu'il est mortel.

 

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 La cour de cassation, dans un arrêt en date du 15 janvier 2008 rappelle la responsabilité de l'employeur en ces termes : 

"La cour d'appel qui relève notamment, au titre des manquements à l'origine de l'accident, que la notice d'utilisation que la prévenue reconnaissait avoir eu en sa possession soulignait la nécessité impérieuse, pour le conducteur de la nacelle, d'une formation à la sécurité spécifique à ce type de matériel, et que la victime de l'accident n'avait pas bénéficié de la formation qui lui aurait permis de se rendre compte du péril qu'il y avait à déplacer la nacelle en tournant le dos au sens de marche de l'engin, comme elle l'avait fait, et à remplacer « au pied levé », avec l'autorisation de son employeur, le salarié devant lui apporter, aide et assistance par un parent, intérimaire électricien, dont le concours avait été inadapté, a justifié sa décision (condamnation pour homicide involontaire)." (Cass. crim., 15 janvier 2008, n° 07-80.500).

Si la formation n'est pas le seul moyen de prévention des risques, elle en constitue un des moyens privilégiés. Rappelons qu'une partie des activités de formation de l'entreprise doit constituer une réponse au diagnostic en matière de santé qu'est le document unique d'évaluation des risques professionnels. A défaut, la responsabilité de l'entreprise en cas d'accident sera quasi-systématiquement retenue. 

02/05/2008

Comment faire du droit ?

 Pour illustrer la chronique du jour, un cavalier bleu, qui traverse la campagne au galop. La lumière semble matinale : a-t-il aperçu de nouveaux horizons, de nouveaux chemins qui justifient la cavalcade ?

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Kandinsky - Le cavalier bleu - 1903  
 

Laissons un instant le cavalier à sa course et poursuivons la chronique du jour. Le nouveau Code du travail est donc arrivé. Mais pour pouvoir l'utiliser il faut faire du droit. Comme toute discipline le droit a ses méthodes, ou plutôt sa méthode puisqu'il n'y a qu'une seule manière de faire du droit. Cette méthode tient en quatre étapes :

- l'analyse des faits ;

Et non, faire du droit ce n'est pas se précipiter dans les textes pour chercher où peut bien se trouver la réponse à la question que l'on se pose. C'est d'abord répondre à la question : de quoi s'agit-il ? quels sont les faits caractéristiques de la situation que l'on souhaite traiter. A quoi peut se réduire la situation ? on l'aura compris, il s'agit d'analyser, de synthétiser et de caractériser. S'agissant de droit ou privilégiera les faits matériellement incontestables.

- la qualification ;

Opération de base du travail juridique. Le droit ne connaît pas la réalité et il ne l'appréhende qu'à travers des catégories ou qualifications dans lesquelles il est nécessaire de faire entrer les situations. Par exemple : pour rompre un contrat de travail pourra utiliser le licenciement, la démission, la rupture négociée, la mise à la retraite, etc. Pour faire évoluer la situation du salarié, deux qualifications possibles seulement : la modification du contrat ou la modification des conditions de travail. Etc. Toute situation entre nécessairement dans une qualification : il faut s'y faire le droit à réponse à tout. La preuve en est qu'aucun juge prud'homal ne refusera de juger en expliquant qu'aucun texte ne correspond à la situation. Si c'est le cas, il trouvera la qualification adéquate. Par exemple : pas d'internet dans les règles sociales ? on applique le droit de la correspondance privée. Le vide juridique, contrairement aux idées reçus, n'existe pas.

Pour cette deuxième étape de la méthode juridique, trois questions : quelles sont les qualifications possibles (ici il s'agit d'identifier leur liste exhaustive), à quoi correspond chaque qualification (qu'est-ce que c'est ?), quels en sont les indicateurs opérationnels (à quoi on la reconnaît ?). Par exemple : qu'est-ce que la modification du contrat de travail, à quoi la reconnaît-on ? ce qui permet ensuite de savoir si la situation de départ peut ou non entrer dans la qualification.

- le choix de la qualification ;

Ce choix peut avoir une double nature : il peut s'agir de choisir entre deux qualification qui pourraient toutes deux s'appliquer. Par exemple un salarié qui quitte l'entreprise pour prendre un emploi ailleurs sans prévenir l'employeur est à la fois démissionnaire et auteur d'une faute qui justifie un licenciement. Que vaut-il mieux ? prendre acte de la démission ou licencier pour faute grave ? le choix n'est pas qu'une affaire juridique. Il s'agit de peser, à tous points de vue, les avantages et inconvénients que l'on tirera de la situation. La seconde nature du choix est que la balance avantage/inconvénient peut parfois faire préférer la solution la moins assurée juridiquement, voire la solution qui n'est pas conforme au plan juridique mais qui va offrir plus d'intérêts que de désagréments pour des risques que l'on estime non rédhibitoires. Le droit n'est pas une science exacte qui conduit vers la bonne réponse : c'est une champ de liberté, et donc de responsabilité, qui exige de faire des choix.

- l'application de la règle correspondant à la situation ;

Cette dernière étape pourrait sembler la plus aisée. Il n'en est rien. Le droit étant de la littérature, la lecture de la règle, son interprétation et sa mise en oeuvre peuvent laisser place à des incertitudes que seul le juge est à même de lever. Faisons un raccourci : en droit du travail l'employeur a toujours raison dans sa manière d'appliquer la règle...jusqu'à ce qu'un juge lui dise qu'il a tort. Et si l'on prend la précaution de s'inquiéter de la position du juge par une analyse minutieuse de la jurisprudence, la faculté de celle-ci à opérer des revirements inattendus ne nous permettra pas de nous sécuriser à 100 %. Acceptons le, le droit ne nous offre que rarement des garanties totales en cas ce contentieux. Et le juge ne jugeant que des cas particuliers, le revirement ne lui posera guère de problème de conscience.

En conclusion nous constatons : que le droit a réponse à tout mais que l'on n'est sur de rien en choisissant une manière d'interpréter et d'appliquer les textes. Mais qu'il n'y aura que le juge pour dire, au final, si l'on avait tort ou raison.

Tout juriste doit respecter les quatre étapes ci-dessus pour garantir son raisonnement. Tout non juriste prendra soin de questionner l'expert sur cette base. Ne jamais demander : que dois-je faire ? mais toujours aller jusqu'aux 4 questions : comment caractériser la situation ? quelles qualifications envisageables ? quelle qualification conseillée et pourquoi ? quelle règle à appliquer avec quels risques d'interprétation différente en cas de contentieux ?

 Une fois la méthode acquise revenons au cavalier bleu de kandinsky : ce dernier était juriste. Il a donc du appliquer la méthode juridique  à de nombreuses reprises. En conclueriez-vous que, tel le cavalier bleu apercevant des horizons nouveaux, Kandinsky s'est détourné de sa carrière juridique pour emprunter les chemins de l'abstraction en peinture ? ou plutôt qu'il est possible de retrouver des éléments de la méthode dans le tableau ci-desous et que Kandinsky n'a pas totalement oublié sa culture de base  ?

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Kandinsky - Jaune rouge bleu - 1925 
 
Si l'on peut penser que dans ce tableau le soleil à rendez-vous avec la lune, il est aussi permis d'y voir avec la même rigueur que la méthode juridique, la démonstration que la peinture a réponse à tout, qu'elle peut être interprété de multiples manières et que le peintre a toujours raison...jusqu'à ce qu'un exégète lui démontre ce que lui même n'avait pas vu. Comme pour le droit, le risque est toujours présent. 

 

01/05/2008

Nul n'est censé ignorer le nouveau code du travail

Etait-ce du second degré ? décider de l'entrée  en vigueur du nouveau code du travail en ce 1er mai de défilés unitaires et d'anniversaire de mai 68 manifeste peut être la volonté du législateur de démontrer ce qui n'est pas une évidence, à savoir qu'il peut avoir de l'humour.

Ne cherchons pas trop loin, la date initiale était plus précoce, et la date du 1er mai tient surtout au retard pris. Toujours est-il qu'en ce premier mai les 16 Millions de salariés du secteur privé sont dotés d'un code tout neuf, entièrement réécrit mais, nous dit-on, à droit constant.

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L'édition 2008, la 70ème pour Dalloz, est, comme le printemps et la végétation, en retard.
 
Dissipons immédiatement un malentendu : le droit étant de la littérature, il ne peut y avoir de réécriture à droit constant. La forme impacte nécessairement le fond. Le nouveau code aura donc des incidences sur l'application du droit et les magistrats ne pourront pas longtemps aller chercher dans le code ancien les dispositions y figurant pour être certains que la nouvelle version est bien du droit constant. Un tel mode de raisonnement reviendrait à appliquer deux codes. Or il n'en existe plus qu'un, réécrit.
 
Le travail de réécriture, s'il présente sans doute des défauts ou des choix discutables, s'il a fait passer sans autre forme de procès plusieurs dizaines de dispositions de la loi au règlement, ce qui permet au Gouvernement de modifier des règles sans passer par le Parlement, s'il peut susciter le doute sur certaines simplifications n'a manifestement pas été conduit avec une intention maligne dissimulée derrière un prétendu travail de simplification. La bonne foi a largement présidé aux travaux auxquels les syndicats ont été associés même s'ils n'ont pas joué dans la réécriture le premier rôle.
 
Par contre, la réécriture intégrale, le nouveau découpage du code, le passage à des articles à 4 chiffres, etc. perturbent l'expertise du juriste qui doit remettre l'ouvrage sur le métier, mais on doute que cela lui soit nocif. Et puis, le nouveau code étant plus facile à appréhender pour le néophyte, même s'il ne faut rien exagérer quant à sa lisibilité, il peut contribuer à un meilleur dialogue entre spécialiste et béotien.
 
De l'avis général toutefois, il faudra de longues années pour que l'on prenne toute la mesure de ces nouvelles tables de la loi, au fur et à mesure que leurs dispositions seront invoquées devant les tribunaux. Faut-il moins de temps pour appréhender totalement les tables de la loi que nous fournit René Magritte ?
 
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Magritte - Les tables de la loi - 1966 
 

 

24/04/2008

Vos questions : les réponses

Je vous avais invité à poser vos questions par mail, avec réponse particulière par mail et réponse générale sur ce blog. Voici le récapitulatif des questions posées cette semaine qui concernent toute, ce n’est sans doute pas un hasard, le DIF.

Un salarié suit une formation en CIF. Il souhaite ajouter son DIF au CIF pour allonger la période de stage pratique en entreprise qui n’a pas été prise en charge par le FONGECIF. Est-ce possible ?

Oui. Le DIF permet de suivre une formation…ou une partie de formation. Rien ne s’oppose à ce qu’une partie des heures de formation soit effectuée dans le cadre du DIF. Il n’y  a pas de problème de principe à articuler des dispositifs différents pour une même formation.

Par contre, le DIF ne peut être utilisé pour effectuer uniquement un stage en entreprise s’il n’est pas inclus à l’intérieur d’une formation : un stage pratique isolé n’est pas une action de formation professionnelle.

Une entreprise emploie un intérimaire pendant six mois puis l’embauche en CDI. Dans ce cas son ancienneté est reprise et part du début du contrat intérimaire. A partir de quand doit-on calculer les droits au DIF ?

Les intérimaires ont un droit au DIF dans l’entreprise de travail temporaire sur la base de 40 h de DIF par tranche de 2700 heures de mission. Tout contrat de travail temporaire est pris en compte pour le calcul de ce droit. De ce fait, malgré la reprise d’ancienneté il n’y a pas de cumul entre les droits acquis au titre du DIF intérimaire et du DIF en qualité de salarié en CDI. D’autre part, la reprise d’ancienneté ne signifie pas la requalification du contrat de travail. Or, seul les salariés en CDI bénéficient du DIF. La période de calcul du DIF commence donc à la date d’embauche et non au début de la mission de travail temporaire.

Est-ce que le DIF peut être réalisé intégralement sur le temps de travail même en l’absence d’accord d’entreprise ?

Oui. Le Ministère du travail a étendu sans réserve les accords prévoyant que le DIF pouvait être effectués  à 100 % sur le temps de travail (ce que la loi ne prévoit pas) considérant que cette situation était plus favorable pour le salarié. Dès lors qu’il s’agit d’un dispositif plus favorable et non d’un dispositif dérogatoire, l’accord d’entreprise n’est pas requis.

Le Code du travail prévoit que les congés de maternité, d’éducation parentale et d’adoption sont pris en compte intégralement pour le calcul du DIF. Cela signifie-t-il que les autres congés donnent lieu à proratisation ?

Non. Il faut rappeler qu’initialement la loi ne prévoyait rien et que l’on considérait sur la base de la loi que le DIF était lié à l’ancienneté et non au travail effectif. La loi sur l’égalité salariale du 23 mars 2006 est venu compléter l’article L. 933-1 du code du travail en précisant que : Pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation, la période d'absence du salarié pour un congé de maternité, d'adoption, de présence parentale ou pour un congé parental d'éducation est intégralement prise en compte. Cela ne signifie pas que les autres congés doivent conduire à proratiser le droit au DIF, et notamment le congé maladie. Le principe reste celui d’un DIF acquis du fait du contrat, et non de la présence effective au travail. On peut d’ailleurs noter que dans le nouveau code du travail, le rajout de la loi du 23 mars 2006 a été déclassé en partie réglementaire, ce qui permet de n’avoir en partie légale que le principe d’un DIF de 20 heures par an pour tout salarié en CDI sans autre condition. Il n’y a en fait que les interruptions de contrat, et non les suspensions, qui donnent lieu à proratisation. Il y a interruption lorsque le contrat ne produit plus d’effet et n’est pas pris en compte.

L’employeur peut-il refuser un DIF plus de deux fois ?

Oui. Il peut refuser le DIF autant de fois qu’il le veut. Quel que soit le nombre de refus, lorsque ces refus interviennent sur deux exercices consécutifs, le salarié peut ensuite présenter sa demande de DIF au FONGECIF dans le cadre du CIF. Ses chances de réussite sont réduites si l’on s’en tient aux pratiques des FONGECIF à ce jour. Dans un tel cas, avant d’en être à la quinzième demande infructueuse du salarié, conseillez-lui de faire directement une demande classique de CIF.

Peut-on suivre des cours de sophrologie dans le cadre du DIF ?

S'il s'agit d'aller faire de la sophrologie pour  son bien être, non. Ce n'est pas de la formation. Par contre, s'il s'agit d'acquérir des techniques de sophrologie pour être en capacité de conduire des séances de sophrologie, il y a bien formation professionnelle. L'objectif doit être identifié comme tel dans la formation suivie.