25/01/2011
De l'inégalité des diplômes
La Cour de cassation poursuit, en ce début d'année, la saga du diplôme comme élément licite, ou non, de différenciation des salaires. En clair, peut-on payer différemment deux salariés qui font le même travail uniquement parce qu'ils n'ont pas le même diplôme ? La Cour de cassation a déjà répondu positivement à cette question si les diplômes détenus par les salariés sont de niveaux différents. Elle fait aujourd'hui évoluer cette position : une différence de diplôme ne justifie une différence de traitement que s'il est démontré l'utilité particulière des connaissances acquises au regard des fonctions exercées (Cass. soc., 11 janvier 2011). Diplômé en droit, Kandinsky ne peut donc valoriser ses diplômes dans son activité de peintre.
Vassily Kandinsky - Composition IV
Cette décision a le mérite de revenir à une interprétation plus stricte du principe "Travail égal, salaire égal". S'il est possible de valoriser un niveau de diplôme, c'est à condition que celui-ci ait un lien avec l'activité. A défaut, disposer d'un diplôme ne vaut pas brevet général de compétences.
La portée de cette décision n'est pas mineure puisque, si elle est confirmée, elle mettra à mal les politiques de rémunération mais également les conventions collectives, qui font une différence entre les diplômes uniquement en fonction de leur niveau ou de l'école dans laquelle ils ont été préparé alors que les juges nous demandent de vérifier son utilité par rapport au travail exercé.
Si le juge voulait s'auto-alimenter en contentieux, il ne s'y prendrait pas d'une autre manière. Voilà une profession que le chômage ne guette guère.
02:32 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : travail égal, salaire égal, discrimination, diplôme, jurisprudence, droit, droit du travail, ressources humaines, kandinsky, peinture
30/11/2009
Message personnel...mais pas que
En 1988, le FONGECIF Midi-Pyrénées organisait un colloque destiné à célébrer les 5 ans des FONGECIF, issus de l'ANI de 1982 et de la Loi Auroux de 1984. Je venais de créer le cabinet depuis quelques mois, et j'étais dans la salle, osant une question à Michèle Boumendil qui intervenait en tant que responsable du département juridique du Centre INFFO. Après le Colloque, je retournai à mon bureau mais, sur le chemin, me dit qu'il faisait partie de mon activité de prendre aussi quelques contacts. Je retournai donc sur le lieu du repas, auquel je n'étais pas convié, et pris prétexte de saluer le directeur du CARIF que je connaissais. Il me présenta à Michèle Boumendil qui déjeunait à ses côtés. Elle me posa quelques questions et très rapidement me dit :"Si vous pouvez vous déplacer sur Paris, je cherche quelqu'un qui pourrait rédiger des ouvrages juridiques". L'affaire fut conclue, et je rédigeai ainsi un guide de la formation pour les premiers Entretiens Condorcet puis une monographie de la formation professionnelle en France pour le CEDEFOP. Et c'est Michèle qui me présenta à mes premiers clients parisiens, créant comme à son habitude des intersections dans les cercles de ses relations.
Pourquoi rappeler ceci aujourd'hui, plus de vingt ans après ? parce qu'en ce lundi 30 novembre 2009 l'association RETRAVAILLER fête ses 35 ans et que Michèle Boumendil vient d'en prendre la présidence. Fondée par Evelyne Sullerot, qui créa également le Planning Familial, RETRAVAILLER a permis à des milliers de femmes de reprendre une activité ou tout simplement de pouvoir en exercer une. L'organisme a également été pionnier en matière d'auto-orientation, de bilan d'aptitudes, de remotivation et d'orientation professionnelle. Son action s'est aujourd'hui banalisée, dans un sens non péjoratif. Un nouvel élan passe peut être par un retour aux sources dès lors qu'il ne s'agit pas d'un retour vers le passé. Petit message personnel à cette fin :
00:05 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kandinsky, fongecif, centre inffo, cedefop, carif, condorcet
02/05/2008
Comment faire du droit ?
Pour illustrer la chronique du jour, un cavalier bleu, qui traverse la campagne au galop. La lumière semble matinale : a-t-il aperçu de nouveaux horizons, de nouveaux chemins qui justifient la cavalcade ?
Laissons un instant le cavalier à sa course et poursuivons la chronique du jour. Le nouveau Code du travail est donc arrivé. Mais pour pouvoir l'utiliser il faut faire du droit. Comme toute discipline le droit a ses méthodes, ou plutôt sa méthode puisqu'il n'y a qu'une seule manière de faire du droit. Cette méthode tient en quatre étapes :
- l'analyse des faits ;
Et non, faire du droit ce n'est pas se précipiter dans les textes pour chercher où peut bien se trouver la réponse à la question que l'on se pose. C'est d'abord répondre à la question : de quoi s'agit-il ? quels sont les faits caractéristiques de la situation que l'on souhaite traiter. A quoi peut se réduire la situation ? on l'aura compris, il s'agit d'analyser, de synthétiser et de caractériser. S'agissant de droit ou privilégiera les faits matériellement incontestables.
- la qualification ;
Opération de base du travail juridique. Le droit ne connaît pas la réalité et il ne l'appréhende qu'à travers des catégories ou qualifications dans lesquelles il est nécessaire de faire entrer les situations. Par exemple : pour rompre un contrat de travail pourra utiliser le licenciement, la démission, la rupture négociée, la mise à la retraite, etc. Pour faire évoluer la situation du salarié, deux qualifications possibles seulement : la modification du contrat ou la modification des conditions de travail. Etc. Toute situation entre nécessairement dans une qualification : il faut s'y faire le droit à réponse à tout. La preuve en est qu'aucun juge prud'homal ne refusera de juger en expliquant qu'aucun texte ne correspond à la situation. Si c'est le cas, il trouvera la qualification adéquate. Par exemple : pas d'internet dans les règles sociales ? on applique le droit de la correspondance privée. Le vide juridique, contrairement aux idées reçus, n'existe pas.
Pour cette deuxième étape de la méthode juridique, trois questions : quelles sont les qualifications possibles (ici il s'agit d'identifier leur liste exhaustive), à quoi correspond chaque qualification (qu'est-ce que c'est ?), quels en sont les indicateurs opérationnels (à quoi on la reconnaît ?). Par exemple : qu'est-ce que la modification du contrat de travail, à quoi la reconnaît-on ? ce qui permet ensuite de savoir si la situation de départ peut ou non entrer dans la qualification.
- le choix de la qualification ;
Ce choix peut avoir une double nature : il peut s'agir de choisir entre deux qualification qui pourraient toutes deux s'appliquer. Par exemple un salarié qui quitte l'entreprise pour prendre un emploi ailleurs sans prévenir l'employeur est à la fois démissionnaire et auteur d'une faute qui justifie un licenciement. Que vaut-il mieux ? prendre acte de la démission ou licencier pour faute grave ? le choix n'est pas qu'une affaire juridique. Il s'agit de peser, à tous points de vue, les avantages et inconvénients que l'on tirera de la situation. La seconde nature du choix est que la balance avantage/inconvénient peut parfois faire préférer la solution la moins assurée juridiquement, voire la solution qui n'est pas conforme au plan juridique mais qui va offrir plus d'intérêts que de désagréments pour des risques que l'on estime non rédhibitoires. Le droit n'est pas une science exacte qui conduit vers la bonne réponse : c'est une champ de liberté, et donc de responsabilité, qui exige de faire des choix.
- l'application de la règle correspondant à la situation ;
Cette dernière étape pourrait sembler la plus aisée. Il n'en est rien. Le droit étant de la littérature, la lecture de la règle, son interprétation et sa mise en oeuvre peuvent laisser place à des incertitudes que seul le juge est à même de lever. Faisons un raccourci : en droit du travail l'employeur a toujours raison dans sa manière d'appliquer la règle...jusqu'à ce qu'un juge lui dise qu'il a tort. Et si l'on prend la précaution de s'inquiéter de la position du juge par une analyse minutieuse de la jurisprudence, la faculté de celle-ci à opérer des revirements inattendus ne nous permettra pas de nous sécuriser à 100 %. Acceptons le, le droit ne nous offre que rarement des garanties totales en cas ce contentieux. Et le juge ne jugeant que des cas particuliers, le revirement ne lui posera guère de problème de conscience.
En conclusion nous constatons : que le droit a réponse à tout mais que l'on n'est sur de rien en choisissant une manière d'interpréter et d'appliquer les textes. Mais qu'il n'y aura que le juge pour dire, au final, si l'on avait tort ou raison.
Tout juriste doit respecter les quatre étapes ci-dessus pour garantir son raisonnement. Tout non juriste prendra soin de questionner l'expert sur cette base. Ne jamais demander : que dois-je faire ? mais toujours aller jusqu'aux 4 questions : comment caractériser la situation ? quelles qualifications envisageables ? quelle qualification conseillée et pourquoi ? quelle règle à appliquer avec quels risques d'interprétation différente en cas de contentieux ?
Une fois la méthode acquise revenons au cavalier bleu de kandinsky : ce dernier était juriste. Il a donc du appliquer la méthode juridique à de nombreuses reprises. En conclueriez-vous que, tel le cavalier bleu apercevant des horizons nouveaux, Kandinsky s'est détourné de sa carrière juridique pour emprunter les chemins de l'abstraction en peinture ? ou plutôt qu'il est possible de retrouver des éléments de la méthode dans le tableau ci-desous et que Kandinsky n'a pas totalement oublié sa culture de base ?
23:47 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit du travail, kandinsky, méthodologie