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30/01/2009

Gérer la famille du salarié

Les entreprises se trouvent placées depuis quelques mois devant une injonction paradoxale : le code du travail leur demande de ne pas prendre de décision concernant les salariés en considération de leur situation familiale, faute de quoi la discrimination serait avérée (C. trav., art. L. 1132-1). Mais la cour de cassation n’a de cesse de nous rappeler que l’employeur ne doit pas porter atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale. Au mois d’octobre dernier, il a été jugé qu’une clause de mobilité était inapplicable à une salarié en congé parental (Cass. Soc., 14 octobre 2008). Le 19 janvier dernier, la même cour considérait qu’une veuve ayant deux enfants à charge ne pouvait se voir imposer une mutation en application d’une clause de mobilité. Dans les deux cas, il est demandé à l’entreprise de justifier si la contrainte est légitime et proportionnée au but recherché. On comprend la volonté de la Cour de cassation de protéger les salariés de toute mesure arbitraire et de limiter les abus de droits des employeurs. Par contre, on peut sur le plan juridique avoir quelques interrogations sur ce que recouvre le droit à une vie personnelle et familiale.

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Le Greco - Sainte Famille

Le droit étant fait de qualifications et de définitions, il faut se demander ce qu’est une vie personnelle et familiale « normale », c’est-à-dire qui peut faire référence pour le juge. Lorsque l’on constate que la famille de référence, la sainte famille, comprend une mère vierge, un fils qui est le père de sa mère, et un père qui ne l’est pas (pauvre joseph comme dirait Moustaki) on découvre qu’il ne fallait pas attendre les familles recomposées pour s’interroger sur ce qui peut constituer la norme en ce domaine !

Le plus gênant dans ce affaires est peut être que, sous couvert de protéger le salarié, on invite l’employeur à s’intéresser à sa situation de famille…ce qui lui est par ailleurs interdit. Mais si je dois tenir compte dans mes décisions de gestion de la situation familiale du salarié, il est difficile d’imaginer que je vais m’en désintéresser au moment de l’embauche. L’enfer, on le sait, est pavé de bonnes intentions, en voici une nouvelle illustration. La logique voudrait que si l’employeur ne peut s’intéresser à la vie privée et familiale du salarié, ce dernier ne puisse à son tour l’invoquer dans le cadre de son contrat de travail. Dans ce domaine plus que dans d’autres peut être, toute exception au principe fait disparaître le principe lui-même.

29/01/2009

Que faire un jour de grève ?

En ce jour de grève, nombreux sont ceux qui ont fait le choix de ne pas aller travailler. Que faire dès lors ? lui rendre visite. Elle se trouve dans une grande allée de l’aile Vivant Denon au Louvre. Un peu écrasée par la hauteur de la galerie et les grandes peintures qui l’encadrent. Elle n’est pas, comme La Joconde, indiquée dès l’entrée et aucun jeu de piste fléché ne mène jusqu’à elle. Pas de barrière empêchant de s’approcher, pas de verre protecteur : on peut lui parler à l’oreille que masque une improbable chevelure épousant la pommette volontaire. La colère dans le regard n’est pas due à la solitude ou à l’abandon, au milieu de la foule. Pas même aux pas perdus des promeneurs du Louvre. Cette colère a 512 ans et elle ne s’est jamais démentie. Le troisième œil, que forme le camée de la ferronnière, détient à l’évidence le secret du tableau que le peintre perçut sans le connaître vraiment. Léonard De Vinci aurait pu dire, comme Jean-Luc Godard : « Je parle de ce que je ne connais pas ». N’attendez pas de trouver en moi des certitudes nous dit-elle, mais profitez des fenêtres qu’ouvrent ma contemplation. On ne saurait trop recommander de contempler la Belle Ferronnière.

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Léonard de Vinci - La Belle Ferronnière - 1497

Le contraste entre la foule invariablement massée devant la Joconde et le passage sans arrêt devant la Belle Ferronnière interroge : la désignation sociale plus que l’observation particulière fait le chef d’œuvre. L’émotion doit surgir là où elle a été indiquée. La singularité de la découverte le cède à la reconnaissance collective. Le Belle Ferronnière n’enlève rien à la Joconde, et l’on peut admirer les deux. Mais pour découvrir la première, il faut prendre le temps de l’errance attentive, du regard circulaire au-delà du point focal et des chemins fléchés. Il faut également s’affranchir un peu, en toute légèreté et sans acrimonie, de la recommandation sociale. Bref, éprouver un temps de liberté qui permet au regard de voir vraiment. C’est à cette condition que l’on peut apporter à la banalité du quotidien un éclat sans cesse renouvelé.

23/01/2009

Catégories de formation : nouvelle frontière

Le droit, on le sait, est une affaire de frontières : savoir où commence et s'arrête une qualification juridique, c'est savoir déterminer quels sont les faits et les situations que cette qualification permettra de traiter. L'opération de qualification est l'opération de base de tout raisonnement juridique.

Les partenaires sociaux, dans l'ANI du 7 janvier 2009, ont souhaité regrouper les catégories de formation créées par l'ANI du 5 décembre 2003. Ces trois catégories correspondaient à une logique de finalité de la formation : dans une formation d'adaptation je me forme à ce que je fais, dans une formation d'évolution ou de maintien dans l'emploi je me prépare à une évolution de ma fonction, dans une formation de développement de compétences je me prépare à une nouvelle fonction. Ce triptyque permettait de donner du sens en fonction du périmètre visé par la formation : le poste, l'emploi ou la carrière (ou le parcours).

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Mireille Forget - Frontières du réel

L'ANI du 7 janvier 2009 décide de regrouper, pour la présentation au comité d'entreprise mais également pour le régime de la formation réalisée en dehors du temps de travail dans le cadre du plan de formation, les catégories 1 et 2. La frontière devient plus juridique : toutes les formations relevant du contrat de travail et de la qualification contractuelle, qui correspondent à l'adaptation et au maintien dans l'emploi, relèveront de cette catégorie unifiée. Ce périmètre est également celui des formations que l'employeur peut imposer au salarié dont le refus serait fautif comme vient de le rappeler la Cour de cassation en jugeant que le refus d'une formation d'adaptation constitue une faute pouvant légitimer un licenciement (Cass. soc., 3 décembre 2008, n° 07-42-796). Par contre, toute formation de développement des compétences, en ce qu'elle va au-delà du contrat de travail, nécessite l'accord du salarié qu'elle soit réalisée pendant ou en dehors du temps de travail. La différenciation des catégories devrait s'en trouver facilitée et surtout ce retour à la frontière du contrat de travail devrait conduire les entreprises à s'interroger sur le périmètre exact de la fonction de chacun de ses salariés, ce qui au plan collectif revient à s'interroger sur le système de qualifications utilisé par l'entreprise.

La redéfinition des frontières des catégories est donc l'occasion de conduire un travail plus fondamental pour répondre à la question : quelles sont les activités qui correspondent aux qualifications utilisées contractuellement. Et pour donner un peu d'air à cette chronique juridique on peut en conclure que la formation est, aussi, un passeport qui permet de franchir les frontières.

21/01/2009

Diversité ? non, pluralité !

En 1907, Picasso a 26 ans. Il peint les Demoiselles d’Avignon, dont André Breton dira : « C’est l’évènement capital du XXème siècle ». Ce tableau marque le surgissement de l’art nègre dans la peinture moderne, l’éclatement des représentations, la multiplicité des points de vue. Jusque-là plutôt orientaliste, l’art pictural découvre l’afrique sur un mode non colonial. Picasso balaie les frontières et les cloisonnements dans lequel s'est enfermé le 19ème siècle.
Le juriste a toujours été méfiant devant les pratiques de discriminations positives, qui commencent par de la discrimination. Comment, par exemple, ne pas penser que le recours massif aux préretraites dans les années 70 et 80 pour traiter les problèmes d’emploi du charbonnage, de la sidérurgie, du textile ou encore de l’automobile, s'il a apporté des réponses satisfaisantes à des situations individuelles a largement contribué à discréditer l’emploi des seniors ?

 

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Picasso - Les demoiselles d'Avignon - 1907


De même, les politiques et accords sur la diversité, et notamment les actions en faveur des minorités dites visibles font du critère qu’elles veulent effacer, l’origine en l’occurrence, le point focal des politiques et actions mises en place.
Comme Picasso éclate les corps en de multiples facettes d’origines diverses, Bernard Lahire dans son ouvrage de référence « La culture des individus » démontre que les trajectoires individuelles au début du XXIème siècle sont multiples, hétérogènes, contradictoires et que moins que jamais il est possible de caractériser les individus à partir d’un critère dominant. Le paradoxe de la diversité est qu’elle continue à nous renvoyer à l’origine comme un élément déterminant de la relation à l’autre. Plutôt que la diversité donc, comme Picasso, sachons voir l’homme, et en l’occurrence ici surtout la femme, pluriel et polyphonique et non socialement prédéterminé et monovalent.

20/01/2009

I have a dream....yes we can !

En août 1963, Martin Luther King prononce le fameux discours dont l’histoire a retenu qu’il était un rêve, alors qu’il s’agissait avant tout de liberté concrète, celle d’échapper à l’assignation sociale que constitue la couleur de la peau. Ne retenir que « I have a dream… » permettait de ranger ce discours au rang des utopies, du songe qui s’estompe aussitôt le réveil survenu.

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Dominique Remond - I have a dream

Quarante six ans plus tard, en ce mardi 20 janvier 2009, l’intronisation de Barack Obama en tant qu’officiel Président des Etats-Unis d’Amérique nous rappelle que le rêve est partie intégrante de la réalité et que, comme l’ont toujours proclamé les surréalistes, il existe un moment où rêve et réalité cessent d’être perçus contradictoirement.

Notre société du XXIème siècle manque d’utopie, d’idéologie et de rêve dans sa réalité. On pourrait souhaiter, comme le disait Jaurès « partir du réel pour aller vers l’idéal », mais ce serait encore opposer l’un et l’autre. Remarquons le passage du « Je » de Martin Luther King, au « Nous » de Barack Obama et en cette journée particulière tenons pour acquis qu’il nous est possible de vivre le réel idéalement….sans idéalisation.

19/01/2009

Auto-entrepreneur

On peut, bien sur, y voir une déclinaison du lancinant "travailler plus pour gagner plus". Il serait restrictif de s'en tenir à cette antienne. Le régime de l'auto-entrepreneur est aussi un espace nouveau de liberté. De quoi s'agit-il ? depuis le 1er janvier 2009, il est possible à toute personne physique d'exercer une activité indépendante de nature artisanale ou commerciale par une simple déclaration au Centre de Formalité des Entreprises en bénéficiant d'un régime micro-social, c'est-à-dire du paiement simplifié des prélèvements sociaux et fiscaux, par ailleurs peu élevés (23 % du CA par exemple pour un prestataire de services en cumulant charges sociales et impôt). Cette possibilité est ouverte à toute personne à titre d'activité accessoire ou principale dès lors que le chiffre d'affaires annuel n'excéde pas 32000 euros pour les prestations de services et 80000 euros pour les activités de vente de marchandises, objets, fournitures ou denrées. Tout salarié peut donc, par exemple, vendre des prestations de conseil à condition de ne pas facturer plus de 2666,66 euros par mois. Qui veut être indépendant peut donc l'être avec peu de formalités et à moindre frais.

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L'indépendant (journal Catalan) - Une du 1er mars 2006


L'indépendance ne suppose pas forcément de traverser le désert en solex, quoi que...Elle suppose que l'autonomie ne soit pas vécue comme une menace mais davantage comme une opportunité, que la liberté soit préférable à la sécurité et que la responsabilité ne soit pas une charge mais une libération. Si elle pouvait contribuer à de tels effets, la nouvelle règlementation, bien plus qu'un moyen de produire du pouvoir d'achat, constituerait un formidable outil d'émancipation.

15/01/2009

Commentaire sur la rupture

Le mail se terminait par « Prenez soin de vous ». Il s’agissait d’un mail de rupture auquel Sophie Calle ne sut répondre. Elle demanda à 107 femmes de le faire pour elle en commentant, ajoutant, discutant, ce mail de séparation. Ces réactions furent regroupées pour donner naissance à l’exposition « Prenez soin de vous » accompagnée d’un livre éponyme paru en juin 2007.

Les partenaires sociaux ont eux même éprouvé le besoin de commenter les modalités de la rupture conventionnelle créée par l’accord du 11 janvier 2008 et généralisée par la loi du 25 juin 2008. Selon la loi, le salarié a droit lors de la rupture conventionnelle à une indemnité au moins égale à l’indemnité légale de licenciement. Les négociateurs de l’ANI du 11 janvier 2008 rappellent que cet accord précise « sauf dispositions conventionnelles plus favorables » ce qui signifie que c’est l’indemnité conventionnelle de licenciement qui est due lorsqu’elle est, ce qui est toujours le cas, plus favorable que l’indemnité légale.

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Photo : Jean-Baptiste Mondino - Prenez soin de vous

Cette disposition n’ayant pas été reprise par la loi, l’obligation de verser l’indemnité conventionnelle ne s’applique que dans le champ des accords nationaux interprofessionnels, c’est-à-dire l’industrie, le commerce, les services et la construction, mais pas aux salariés des secteurs agricoles, de l’économie sociale (secteur mutualiste, associatif à but non lucratif, coopératif) ou des professions libérales. Peut être que si les négociateurs avaient été plus précis, notamment en affirmant que la rupture conventionnelle ouvrait droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement, le législateur aurait repris à son compte la formulation et ainsi garanti l’égalité des salariés. Si le commentaire n’est pas sans effet, il apparaît tout de même un peu tardif. Tout rédacteur d'un accord doit lire Boileau avant et non après avoir écrit le texte : ""Ce qui se concoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément".

14/01/2009

Un pas de plus

L'ANI du 7 janvier 2009 n'a pas suscité, c'est le moins que l'on puisse dire, d'enthousiasme. Ni parmi les négociateurs qui ont souvent expliqué qu'ils avaient posé l'acte II de la réforme, ni parmi les autres acteurs de la formation professionnelle (Etat, Régions, entreprises, ...). La technicité de son contenu y est sans doute pour beaucoup, qui ne se laisse pas appréhender facilement malgré les efforts de  pédagogie dans la rédaction et le propos liminaire. Quoi de plus normal : si l'ANI du 5 décembre 2003 était créateur de droits pour les salariés (DIF, entretien professionnel, passeport formation, contrat de professionnalisation, périodes de professionnalisation...), l'ANI du 7 janvier 2009 s'intéresse moins à ces droits, qu'il aménage et complète à la marge, qu'à la gouvernance du système de gestion paritaire et à l'orientation des financements. Rien de spectaculaire donc pour celui qui est extérieur au dispositif. Et pourtant il s'agit d'un pas de plus, capital, sur le chemin de l'autonomie des partenaires sociaux.

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Renoir - Chemin montant dans les hautes herbes

Toutes les bases sont posées pour que le système de gestion de la formation professionnelle devienne un régime à la régulation essentiellement conventionnelle, la loi ne faisant que généraliser les règles adoptées par la voie de la négociation collective. S'il subsiste une frustration après la signature de l'accord c'est sans doute qu'un seul pas ait été fait, alors que le chemin est encore long. Mais nous ne sommes qu'en janvier, et c'est au printemps qu'apparaissent les beaux et fragiles coquelicots. A suivre donc.

Ci-dessous, l'analyse de l'ANI du 7 janvier 2009 réalisée avec Jean-Marie Luttringer et publiée par l'AEF.

 

13/01/2009

La nature du silex

Comparaison n’est pas raison. Certes. Ecoutons toutefois ce que nous dit Robert Weinberg, Professeur de biologie au MIT, mondialement connu pour ses recherches sur le cancer : « Il y avait un dogme qui voulait que, pour comprendre une cellule cancéreuse, il fallait regarder ses gènes. Nous savons à présent qu’il faut élargir la vision aux signaux qu’elle reçoit de son environnement ». En deux phrases, est ainsi résumé l’éternel débat entre nature et culture. Est-il dans la nature de la cellule d’être cancéreuse, ou bien cette caractéristique résulte-t-elle d’informations reçues de l’environnement, donc de la culture externe ? Les scientifiques répondent aujourd’hui sans beaucoup d’hésitation : les deux doivent entrer en ligne de compte. Les prédispositions et les conditions d’exposition à un environnement particulier. Ainsi ne sommes nous véritablement nous même que dans la relation avec autrui mais plus largement avec le monde dans lequel nous vivons.

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Susan Jones - Silex 1

Tout responsable ressources humaines, tout manager en conclura inévitablement qu’il n’est pas possible d’évaluer un salarié sans évaluer l’organisation dans laquelle il travaille, que les questions de santé au travail doivent être essentiellement posées dans l’interaction entre le salarié et son activité, que l’emploi n’existe pas indépendamment de la personne qui l’occupe ce qui met en cause les méthodes d’appréciation des compétences requises pour occuper un emploi comparées aux compétences possédées par le salarié, etc. Ne pas s’interroger uniquement sur la nature des choses mais également sur la manière dont elles réagissent entre elles. Plus complexe peut être, plus juste sans doute. Aucun silex seul n’a jamais produit de feu, mais deux silex ensemble si, avec le concours de celle, ou de celui, qui pensa à les entrechoquer.

12/01/2009

Ondine à l'auberge

Dans l’Amour fou, André Breton rapporte qu’il entendit « Ici l’Ondine » dans une auberge où un plongeur disait à la serveuse : « Ici l’on dîne ». Cette poésie du quotidien doit être vivement conseillée au Secrétaire d’Etat à l’emploi qui nous assurait jeudi 8 janvier que l’offre de formation ne peut être une auberge espagnole sans traçabilité, sans évaluation et sans un minimum de clarté. Selon Laurent Wauquiez, en effet : "Aujourd'hui, quand vous vous engagez dans une formation, il n'y a rien de prévu pour dire quels sont les objectifs à atteindre."

Ayant du mal à distinguer le repas dans une telle auberge, la probabilité qu’il y voit l’ondine est quasi nulle.

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P. Dupuis - Ondine jouant dans les flots

La suspicion illégitime (voir chronique du 9 octobre 2008) à l’encontre des organismes de formation persiste. Mais la solution va manifestement être trouvée : elle réside dans un portail internet sur lequel tous les organismes de formation seraient référencés avec leur fiche d’identité selon la proposition du groupe de travail sur  l'offre de formation présidé par Charlotte Duda, par ailleurs également présidente de l'ANDRH. Big brother ? non, transparence ! et attendons nous à ce que ces drôles d’auberges que sont les organismes de formation fassent l’objet d’avis des clients, pardon des stagiaires : « Organisme à éviter, ils m’ont mal évalué », « organisme nul, ils ont remis en cause tout ce que je savais », « organisme épatant, ce sont les premiers à reconnaître ma vraie valeur », etc. Et la suspicion du Secrétaire d’Etat devrait persister : les renseignements fournis par l’organisme sont-ils sincères ? les stagiaires élogieux ne sont-ils pas des formateurs masqués ? les moyens annoncés sont-ils bien réels ? et pour faire simple : la fiche de renseignements garantit-elle que l’organisme existe bien ? il faudra sans doute qu'un nouveau groupe de travail lui suggère de créer une police du portail pour contrôler tout cela.

A ne voir que fraude a priori non seulement on ne pose pas la seule question qui vaille, c’est-à-dire qui sont les acheteurs et pourquoi ne sont-ils pas vigilants si la qualité de l’offre est si discutable, mais en plus on exclut tout système de confiance et surtout….on se prive de l’ondine !

07/01/2009

Accord parfait

Les partenaires sociaux devaient finaliser dans la nuit, car on sait que les négociations les plus prospères se déroulent et se concluent la nuit, une nouvel accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle. Au vu du projet élaboré le 22 décembre dernier et des discussions qui se sont tenues au cours de la journée du mardi 6 janvier 2009, l'accord devrait avoir une portée politique, financière et pédagogique.

Politique car il marque, après une année 2008 riche en négociations interprofessionnelles, une volonté d'autonomie forte de la part des partenaires sociaux qui affirment tous leur vigilance quant à la reprise de l'accord de manière fidèle par la loi.

Financière car est acté le principe de création d'un fonds d'intervention en faveur des salariés et demandeurs d'emploi les moins qualifiés par réaffectation d'une partie (10 à 20 %) de l'obligation légale de financement de la formation professionnelle.

Pédagogique car l'accord sera rédigé avec la volonté de créer un véritable régime paritaire de gestion de la formation dont il importe que chacun (entreprises, individus, Etat, Conseils régionaux, OPCAs, etc.) puisse comprendre les finalités, les modalités de fonctionnement et de gouvernance.

A ce titre, et dans son économie plus que dans ses dispositions, il s'agit d'un accord parfait.

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Watteau - L'accord parfait

La rupture en matière de formation professionnelle était déjà actée par l'accord du 5 décembre 2003. Il s'agissait donc moins de continuer à rompre, que d'organiser l'avenir du système dont les fondements ont déjà été posés. Ce qui sera peut être l'accord national interprofessionnel du 6 -ou du 7 selon l'heure de conclusion- janvier 2009 constitue donc l'acte II de la réforme de la formation professionnelle, son approfondissement et son prolongement. Toutes les conditions sont désormais réunies pour que l'on prête longue vie au nouvel accord.

06/01/2009

Risques

Depuis 2002, la santé au travail, physique et mentale, a remplacé la désuète Hygiène et Sécurité héritée du modèle industriel. Depuis 2002 également toutes les entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d'activité, doivent réaliser un diagnostic des risques auxquels sont exposés les salariés du fait de leurs activités. Ce diagnostic doit ensuite permettre d'élaborer des mesures de prévention.

Un décret daté du 17 décembre 2008 (JO du 19 - document téléchargeable ci-dessous) vient renforcer et préciser cette obligation à la charge des entreprises qui doivent dorénavant :

- tenir le document unique d'évaluation des risques à la disposition de tous les salariés et des représentants du personnel ;

- afficher les modalités d'accès au document unique pour les salariés ;

- organiser, aussi souvent que nécessaire, une information et/ou formation des salariés pendant le temps de travail sur les risques résultant de leurs activités ;

- informer les salariés des mesures de prévention résultant du diagnostic en matière d'évaluation des risques.

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Bruno Catalano - Van Gogh

Van Gogh disait : "Mon travail à moi j'y risque ma vie". Il n'est manifestement pas le seul au vu des  600 accidents mortels du travail par an qui s'ajoutent aux plus de 50 000 maladies professionnelles reconnues chaque année. L'activité c'est la vie, et la vie c'est le risque. Il ne s'agit pas de mettre dans la ouate  tous les salariés (serait-ce d'ailleurs bien raisonnable pour leur santé ?) et de traduire les obligations en matière de prévention uniquement comme un avatar d'une demande plus générale de sécurité, de protection ou plus péjorativement encore d'assistance. Si le risque est inhérent à l'activité humaine, prendre en compte autrui dans l'organisation de ces activités est tout simplement humain et dorénavant également une obligation juridique renforcée.

 

05/01/2009

Raisonnable, dit-elle…

C’est ainsi que la Cour de cassation qualifie sa jurisprudence sociale en 2008. Comme le savent les juristes, et les lectrices-lecteurs de ce blog, la qualification est l’opération juridique fondamentale et elle est affaire de définition. Que signifie donc raisonnable ? le dictionnaire de la langue française nous fournit 22 synonymes. La gamme essentielle comprend mesuré, sage, pondéré, posé, prudent, sensé, convenable, …On aura compris qu’il s’agit avant tout d’équilibre. Mais le dictionnaire nous propose également intelligent, judicieux ou juste, qualificatifs qui ne nécessitent pas par nature de la modération ou de la pondération.

On préfèrera donc qualifier d’intelligentes et justes les jurisprudences qui affirment :

- Qu’une organisation du travail préjudiciable à la santé des salariés peut être suspendue par un juge, le devoir de protection de la santé des salariés étant une limite explicite au pouvoir de direction qui ne saurait être arbitraire (Cass. Soc., 5 mars 2008, arrêt SNECMA) ;

- Que la subordination du salarié ne signifie pas irresponsabilité et que ne pas prendre soin de sa santé ou de celle d’autrui est une faute grave (Cass. Soc., 28 mai 2008) ;

- Que le CNE est illicite car incompatible avec la convention 158 de l’OIT qui exige que tout licenciement soit fondé sur un motif et que le salarié ait la possibilité de se défendre (Cass. Soc, 1er juillet 2008).

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Bruno Salaun - Bien raisonnable

 

Bien sur d’autres décisions sont sans doute moins radicales, voire plus contestables comme le licenciement pour faute du professeur de danse amoureux d’une de ses élèves (voir chronique du 30 décembre 2008). Peu romantique la Cour de cassation, même si pas sage pour autant. Mais comme le titre une revue de philosophie ce mois-ci : en 2009, est-il sage d’être sage ?

01/01/2009

Grève, rêve, ève

L’année 2009 sera riche, nous dit-on….en conflits sociaux. La grève menace, et le mois de janvier sera musclé en ce domaine avec comme point d'orgue le jeudi 29 janvier déclaré première journée de grande grève interprofessionnelle. Que ne vivons-nous d’ailleurs comme une menace dans une France dépressive avant que d’être récessive ? la mondialisation n’est pas une ouverture vers le monde mais un danger, l’Europe n’est pas un espace agrandi mais une dissolution de l’identité, l’Etat n’est pas celui qui favorise l’autonomie mais celui qui doit agir pour nous et ne le fait pas, l’économie est folle, les valeurs et les institutions aux abonnés absents, la morosité partout, la peur rode…bref dans un tel contexte le désir peut être grand de déclarer, comme Philippe Sollers : « Vive la vie privée et bonne nuit ». Seuls refuges, le rêve et l’amour ?

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Max Ernst - Eve, la seule qui nous reste -  1925

Le repli n'est jamais une bonne réponse, et en même temps les bonnes résolutions ne suffiront pas. Pour les dépasser, revenons à Max Ernst. Tandis qu’il peignait, une nuit, il posa sa feuille sur le plancher et frotta son envers. Ce premier frottage il l’intitula « Eve, la seule qui nous reste ». Retenons que ce qui nous reste n’est pas un point d’arrivée mais un point de départ, que ce premier frottage fut le début d’une longue période d’invention et de créativité et que pour qui sait regarder, il n’est pas contestable qu’Eve porte un oiseau dans ses cheveux. Pour 2009, que souhaiter d’autre que son envol ? Alors au lieu de bonnes résolutions, plutôt un mot d'ordre : VAMOS !